Quoique, elle avait aucune idée de l’âge qu’il pouvait bien avoir, mais ne paraissait pas beaucoup plus vieux.
« En effet. » Répondit-elle avec un sourire bienveillant. « Mon pouvoir est en lien avec mon rôle de médecin, j’ai la capacité de refermer des blessures et de stopper des hémorragies. Mais c’est plutôt coûteux en énergie… Alors j’essaie de l’utiliser le moins possible. »
Son récit sur les rumeurs de la capitale parut faire mouche au vu de l’air amusé du coursier. C’est vrai qu’à première vu il était plutôt évident que ce ouï-dire n’était rien d’autre qu’une vaste blague. Mais il valait mieux en rire que trop de poser de question à ce niveau-là.
Et puis si ça détendait un peu l’atmosphère, tant mieux !
Il semblerait que les dernières formalités administratives à régler avec le lieutenant Rivolti n’étaient finalement que des détails simples. Très bien, elle se tiendrait à disposition pour les lui apporter dès qu’ils auraient un moment.
Tandis qu’Ayah questionnait sur la teneur des membres composant l’état-major du régiment, le sympathique blondinet eut la délicatesse de l’amener jusqu’à une large plaque informative juste à l’entrée du bâtiment. Elle n’y avait pas prêté attention et se mit à étudier ces informations en écoutant attentivement les noms qu’égrainait Calixte : suivant la hiérarchie des yeux au fil de ce qu’il lui citait.
Elle rendrait donc des comptes à un certain Guyo Sashang, et elle ferait bien de chercher à le rencontrer très vite. Mais elle comptait sur Désiré pour lui arranger une rencontre avec son supérieur direct.
Cela faisait quelques noms à retenir, mais la jeune femme se sentit plutôt à l’aise avec ce flux d’informations et hocha résolument la tête quand le coursier eut terminé ses explications.
« Merci pour ces explications Calixte, tout le semble beaucoup plus clair à présent. Je verrai avec Désiré pour rencontrer le major Guyo Sashang au plus vite. »
Il sembla plutôt surpris quand elle déclara ne pas chercher à s’installer immédiatement dans le dortoir et elle se sentit un peu bête en réalisant qu’elle avait peut-être mal compris ce qu’il avait initialement voulu dire.
L’idée de passer un peu de temps avant de s’installer n’était donc qu’une simple proposition ?
Il n’y avait vraiment aucune gêne à ce qu’elle débarque immédiatement ?
La tirant de son petit moment d’incompréhension, Calixte tapota gentiment sur le sommet de son crâne en indiquant que par ailleurs il suffisait de dire clairement les choses pour que tout s’arrange.
Et aussi… C’était assez parlant… La façon dont il évoquait les relations entre collègues et colocataires comme une « famille ». Ayah ne put s’empêcher de sourire doucement à cette évocation.
* Une famille hein ? * Se dit-elle intérieurement, en écho à ses propres pensées.
Si seulement le régiment pouvait occuper cette place vacante chez elle, elle en serait tellement ravie.
Des noms fusaient dans tous les sens sur qui allait dormir chez qui. La jeune femme comprit vaguement que Khalie devait être en couple avec le lieutenant Rivolti et que Calixte devait l’être avec une personne du nom de « Sol ». Vu comme ça, difficile de dire s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme, et de toute façon, ça n’avait pas vraiment d’importance.
« Merci. » Dit-elle simplement en affichant un air sincèrement apaisé. « Malheureusement la tentation de retrouver mes proches est la plus forte. Faisons-donc comme prévu ! »
Elle ne souhaitait pas particulièrement revenir sur ce qu’elle avait dit avant, et était plutôt confiante sur le fait qu’elle puisse parfaitement se débrouiller.
Fidèle à ses manières pour le moins tactiles, le coursier attrapa à nouveau le bras de la soldate pour l’entraîner dans une nouvelle direction : celle des chambres des membres du régiment.
Calixte lança de nouvelles « hostilités », questionnant la jeune femme sur sa famille. Elle n’eut pas le temps de répondre que Valentino renchérissait déjà ses propos, l’arrosant de nouvelles interrogations sur sa sphère privée.
De la famille ? Bon, sur ce point elle avait déjà commencé à mentir, pour le moment elle allait s’y tenir et elle demanderait pardon un peu plus tard ! Des familiers ? Question facile à un point, elle n’en avait pas pour le moment… La suite en revanche…
Ayah sentit une gêne légère monter à ses joues quand le lieutenant Rivolti évoqua le sujet de sa sphère intime.
Un copain ? Allait-elle briser des cœurs dès son arrivée ? Qu’entendait-il par-là ?
Elle n’était pas vraiment préparée à ce genre de question et maudit sa propre faiblesse.
Eh oui, c’était une personne qu’on pouvait facilement déstabiliser avec ce genre d’interrogation, surtout que sa relation amoureuse était encore toute récente.
« Pas de frère et sœur, juste mon père et ma mère ! » Dit-elle en se frottant le menton et regardant un peu ailleurs, espérant masquer un peu son trouble pour éviter de se sentir ridicule. « Mais j’envisage d’adopter bientôt un familier… Un glooby peut-être ? Je vous demanderai surement quelques conseils ! »
Elle s’interrompit quelques instants avant de reprendre, laissant échapper un léger rire forcé.
« Un copain ? Je… Eh bien… Oui il y a quelqu’un dans ma vie depuis peu. Il est à la Capitale pour le moment… Qu’est-ce que tu entends par « briser des cœurs » ? »
Bien que quelque peu gênée par ces questions, pourtant vraiment anodines et innocentes, Ayah se sentait bien ici. Elle était en confiance avec ces gens et heureuse de partager ces moments simples où ils apprenaient simplement à mieux se connaître.
Un léger sourire barrait son visage tandis que le trio se dirigeait vers les dortoirs du bastion.
Ayant quelque peu repris contenance, la jeune femme décida qu’elle pouvait leur renvoyer la balle. Elle était nouvelle ici, mais dans leurs échanges il ne semblait être ni question d’ancienneté, ni question de grade. Un peu comme s’il étaient tous sur un même pied d’égalité. Néanmoins, la jeune médecin prit le parti d’évoluer avec prudence pour ne pas risquer de brusquer ses accompagnateurs :
« Et vous ? Vous avez de la famille du coté de Grand Port ou bien est-elle basée un peu plus loin ? »
Bon, en revanche, Ayah n’était pas du genre à oser s’aventurer sur le sujet de la sphère intime de ses camarades, elle-même était plutôt réservée sur ce point, même si ce n’était clairement pas la curiosité qui manquait. De plus, ils lui avaient déjà glissé des indices à ce sujet.
Elle écouta attentivement leur réponse respective tandis qu’ils continuaient d’évoluer à travers allées et couloirs divers. Le Bastion était plutôt grand il faut dire… Mais aussi plutôt bien organisé.
L’entrée des dortoirs présentait une nouvelle plaque informative, très similaire à celle qui décrivait l’état-major. On pouvait lire sur cette plaque l’organisation des dortoirs sur quelques étages, avec une numérotation commençant toujours par « P ». Il semblerait que les chambres pouvaient être doubles ou triples, et que les chambres individuelles étaient réservées pour les gradés.
Ils s’avançaient donc d’un pas assurés dans les couloirs des dortoirs : la destination leur était vraiment familière et donc il n’y avait pas l’ombre d’une hésitation dans leur cheminement… Ils arrivèrent donc très vite devant la fameuse chambre P302.
Ayah regarda pensivement la plaque qui indiquait « P302 » avant de reporter son attention sur ses guides, attendant patiemment qu’ils ouvrent la porte. Ainsi, c’était là qu’elle établirait bientôt ses quartiers.
- Les familiers sont vraiment chouettes, acquiesça-t-il avec un sourire amusé. Certains demandent plus d’attention que d’autres. Les gloobys peuvent faire de bons compagnons, si leur aspect gluant ne te répugne pas, et d’autant plus si tu choisis de leur partager ton pouvoir. Quoi que la réserve d’énergie d’un glooby doit sans doute être si ténue qu’elle doit à peine permettre de guérir une petite coupure, réfléchit-il à voix haute.
Ils croisèrent deux escouades qui adressèrent un geste amical de la main au coursier, un salut protocolaire au lieutenant, et une salve de regards curieux à la jeune femme, et ils bifurquèrent sous un nouveau passage d’arches de pierres nacrées.
- Pour le moment ? nota distraitement Calixte sans chercher à insister davantage sur ce point.
Bien qu’il serait certainement plus poli d’attendre qu’Ayah ne leur en dît plus d’elle-même sur le sujet, il savait que sa fibre curieuse et espionne le ferait s’attarder plus attentivement sur le dossier de la soignante et chercher avec avidité les liens qu’elle entretenait. Sa fibre prudente, aussi. Depuis Ruth, une certaine candeur avait définitivement quitté le coursier qui, pour toute son affabilité, épluchait davantage les données en possession de la base des espions pour ajuster sa vision des choses. Et vérifier si la blancheur que lui renvoyait ses camarades, était aussi immaculée qu’elle y paraissait. Ayah pouvait avoir l’air d’être la soignante la plus gentille du monde, peut-être gardait-elle tout de même de terribles squelettes dans ses placards.
- Si tu veux faire l’expérience, Réno – un collègue de la logistique – se fera un plaisir d’avoir son cœur – voire d’autres parties – brisé, à nouveau, une fois qu’Agatha – de chez les Valkyries – l’aura mis en pièces.
C’était de bonne guerre ; les deux coursiers, très bons amis au demeurant, aimaient se taquiner et s’entrainer mutuellement dans des situations improbables. Et Réno, qui courait les jupons comme Agatha courait les caleçons, était le premier à se frotter par erreur aux mauvaises personnes. Lors du barbecue estival de l’an 1000, il avait joliment calculé son approche de Khalie avant de réaliser qu’elle était en couple avec le nouveau lieutenant Valentino. Il avait alors rapidement changé de cible.
- Ma famille est du Grand Port, oui, répondit simplement Calixte qui ne tenait pas particulièrement à s’attarder sur la question.
Ce n’était pas un tabou, ni un sujet de malaisance, mais l’espion savait que sa famille approuvait peu ses agissements – trop maladroits et médiocres pour lui apporter un quelconque éclat – et préférait qu’il tût son affiliation tant que possible. Son nom, s’il ne parlait pour lui-même auprès d’Ayah, ne ferait donc pas spontanément le lit de plus d’informations.
- Je suis étonné que tu ne connaisses pas les Rivolti, ajouta-t-il cependant avec un regard amusé vers le lieutenant.
Si son propre nom était familier du cercle de la noblesse du Grand Port, celui des Rivolti résonnait au sein de la Garde. Il était étonnant que la jeune femme ne connût la famille du lieutenant dont l’histoire faisait étroitement écho avec celle militaire, mais pas tout à fait inattendu non plus comme il semblait que c’était le lot d’un certain nombre d’âmes échouant à la Garde.
Ils finirent par arriver à l’entrée des dortoirs, et Calixte et Valentino laissèrent Ayah observer la plaque informative à l’entrée de ceux-ci. Plus anarchique que celle du bâtiment des gradés où les postes changeaient peu en comparaison des collocations, elle était couverte de ratures et de post-its dans l’attente de réécriture plus propre par instrument magique. Certains, aussi, s’étaient amusés à accoler quelques surnoms ou dessins à côté des noms. Présentement, un soleil brillait au-dessus de « Khalie Drak’gnir » et un fantôme – ou une pomme de terre avec des yeux – surplombait « Calixte Alkh’eir ». Le coursier leva un regard suspicieux vers Valentino avant de lâcher le bras de la jeune femme et sortir un fusain de sa ceinture pour tracer grossièrement « Ayah Stormsong » en lettres bancales sous la P302.
Ils reprirent ensuite leur chemin vers la fameuse chambre, et après avoir traversé quelques couloirs – et montré les différentes pièces de commodités communes – ils arrivèrent à celle-ci. Ouvrant la porte de son jeu de clefs avant que le lieutenant ne décidât de lui faire un sort à sa manière, Calixte dévoila à Ayah son prochain lieu de résidence.
- Et voilà ! s’exclama-t-il en s’écartant pour lui permettre d’entrer. Ton lit sera celui du milieu – entre Khalie au fond, et moi juste ici – ton armoire est celle-ci, n’hésite pas à pousser les affaires et tout fouiller du regard, ajouta-t-il en appuyant doucement sur son omoplate pour l’inciter à avancer au cœur de la chambre.
Dans un coin, son jardinaland exposait quelques jeunes pousses croissant lentement et Ashae, son shupon, se détourna de bourgeons de plants de muguet pour s’intéresser à la nouvelle venue, fixant cette dernière de son regard méfiant tandis qu’elle s’aventurait dans la pièce. Celle-ci était propre, et rangée, mais les deux soldats établis quasiment depuis un an avaient amassé suffisamment d’objets pour lui donner une impression un peu chargée.
Sur le lit de l’espion, raffermissant sa prise sur son coquillage musical diffusant le bruit hypnotique de vagues, Ayren se redressa avant de se recroqueviller à nouveau sur lui-même comme Vreneli venait l’embêter.
Doucement, Vren.
Aja plus marrant, bouda le teisheba en revenant vers le drarbuste de Valentino qu’Ayren regardait avec doute.
- Val, fit Calixte à son ami tandis qu’Ayah se familiarisait avec les lieux. A l’occasion j’aurai besoin que hum… tu me dises quelles sont les démarches à suivre, à la Garde, pour un soldat – une soldate – enceinte.
Il avait beau faire partie de la logistique, c’était là un pan administratif qui lui échappait, et auquel il faudrait bien qu’il confronte un jour sa hiérarchie. Autant que celle-ci fut incarnée, même transitoirement, par le lieutenant.
Un léger rire lorsqu'il est question de Réno, je ne suis pas aussi proche de lui que de Calixte bien-entendu, loin de là même, cependant ses fresques sont presque aussi populaires que les miennes, dans un style bien différent cependant. Je tourne ma tête vers les deux jeunes qui me suivent, toujours bras-dessus bras-dessous et je secoue la tête comme pour faire montre de ma désapprobation. "On va éviter à Ayah de devenir une nouvelle cible de Réno tu veux bien? S'il continue il va se prendre un nombre incroyable de plainte avec ses conneries... Il tombe amoureux plus vite qu'un cristal jeté en l'air retombe au sol! Avec Agatha, ça gêne pas spécialement mais on va éviter pour les autres..." Léger rire, à peine ironique, j'me dis vraiment que ce type a du bol de pas s'être prit une plainte pour harcèlement vu ses techniques de dragues qui relèvent presque de l'insistance à outrance, j'oublie pas avoir croisé son regard dirigé vers Khalie lors du barbecue, il a bien failli se prendre mon pied au cul, heureusement pour lui que j'suis pas d'un naturel jaloux...
"Concernant ma famille..." Dis-je en me tournant pour reprendre ma marche. "J'suis le second né d'une fratrie de quatre! Mon frère ainé, Enzo, est médecin dans la régulière. Mon cadet, Jacoppo, membre de la régulière présentement, la petite dernière, Lisa, devrait bientôt finir ses classes et j'ai espoir qu'elle rejoigne le grand port, aucun doute qu'elle serait un excellent ajout aux Valkyries mais je sais qu'elle lorgnais un peu du côté de la royale également... Mon père, Durante, a été gradé à l'époque, il a prit se retraite au moment du décès de ma mère il y a seize ans... Il est instructeur à l'académie militaire depuis. Bref, ceci explique probablement "l'étonnement" de Calixte, ma famille est étroitement liée à la garde..." Léger rire, pas étonnant que la justice soit pratiquement une religion dans la famille, on croit à la garde dur comme fer et cela explique sans doute aussi mon envie de trouver les enfoirés corrompus au grand port pour en débarrasser nos troupes mais ça, c'est une autre histoire...
Arrivant finalement, au dortoir que va occuper Ayah avec Calixte et Khalie, je laisse le jeune homme faire découvrir son nouveau chez elle à la demoiselle, détournant le regard l'air de rien lorsque celui suspicieux de mon ami se pose sur moi... Le soleil et le fantôme, petite plaisanterie de ma part datant de l'époque durant laquelle j'étais major et des surnoms offert affectueusement à mes deux colocataire : Sunshine pour Khalie et sa joie de vivre "évidente" et Ghost pour Calixte que l'on voyait rarement tant sa vie sociale semblait prenante... Ayah prends ses marques sous l'impulsion de Calixte et il profite de cet instant durant lequel nous sommes seul pour revenir - du moins je le suppose - sur ce qu'il avait interrompu présentement. Je l'écoute attentivement, quelles sont les démarches dans le garde d'une soldate enceinte? Je cligne de l'oeil une ou deux fois, le regardant avec attention avant d'arriver à la conclusion logique selon moi...
"Solveig est enceinte!? Bordel ça j'm'y attendais pas Calixte, t'as fais mouche rapidement putain... Bon alors, dans le cas d'une soldate enceinte, naturellement va falloir l'écarter du terrain, on ne peut pas prendre le risque qu'elle reçoive un coup pour son enfant. De plus, plus d'entraînement non plus... Elle pourra continuer les activités physique jusqu'à un certain temps après c'est repos forcé pour le bien du bébé! Naturellement, la garde s'occupe aussi des indemnité une fois le bébé venu au monde, on sait qu'elle pourra pas reprendre le service tout de suite - et on ne le voudra pas non plus - mais on parle de Sol' là... Même la faire quitter le terrain ou l'empêcher de partir en mission ça va être difficile, surtout après ses deux années de repos forcé pour son premier fils... Faut que j'aille faire des recherches, que j'épluche la législation voir si je peux la forcer à arrêter! Putain Solveig enceinte... AYAH! Ça m'a fait plaisir de te rencontrer mais j'dois y aller, Calixte, passe me voir plus tard! Oh par sainte Lucy..." Dis-je en m'éloignant au pas de course pour foncer vers mon bureau sans même laissé à Calixte le temps de réellement réagir.
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