- Une, deux, une, deux ! ALLEZ ! Du nerf, gamin ! On finit ce chargement !

Leonard manqua de trébucher alors qu’il soulevait une grosse caisse en bois pleine de marchandise et de victuailles. Il suait à grosse goutte et son visage était rouge comme une tomate bien trop mûre. Ce n’était pas exactement comme ça qu’il imaginait le début de sa première croisière dans l’Archipel, mais il tenait le coup malgré tout. Avec ses dernières forces, il grimpa une énième fois sur le bateau et descendit l’escalier menant à la cale pour y déposer le chargement. Une odeur rance et moisie s'engouffra dans ses narines.

BONK !

La caisse s’écrasa sur le sol et Léo tomba sur les fesses, exténué. Le rire d’un marin retentit à ses côtés. C’était un des hommes qu’il avait vu devant la taverne.

- Pas mal, pour un bleu de ton gabarit.

Léo se tourna vers le marin qui lui offrit un sourire, révélant une dentition jaunâtre et irrégulière. Arborant une longue chevelure noire attachée hasardeusement et une épaisse barbe, son visage révélait malgré tout un certain côté amical. Il tendit la main vers Léo, lui proposant de l’aide pour se relever. Leonard accepta volontiers.

- Je crois que je ne me suis pas encore présenté. Je m'appelle Edgar, et ce gros loubard chauve qui t'a menacé toute à l'heure, c'est Romuald. Dit-il en pointant du doigt son compagnon un peu plus loin. Il se contenta d'un geste de la tête pour saluer Léo qui fit de même.
- Ah ! C'était pas une menace, juste un petit avertissement. Et il faut croire que comparé à ton pote pirate qui faisait le dur à cuire toute à l'heure, c'est finalement toi le plus gaillard. Je l'ai vu s'enfuir en courant dès qu'on avait le dos tourné, donc il ne reste plus que toi et ta copine avec la fleur dans l'œil pour nous aider.

Léo resta bouche bée. Yanxlin s'était enfui ? Il faut croire que cette quête se continuera à deux pour notre petite équipe d'aventuriers.

- C'était les dernières caisses. J'crois qu'on va pas tarder à prendre la mer. On remonte sur le pont. Lança Edgar.

Leonard reprit son souffle et acquiesça, suivant les deux hommes dans les escaliers menant au niveau supérieur. Le soleil éclata sur le visage du jeune homme et l'air marin lui fouetta le visage. Léo fut immédiatement immergé dans l'excitation de l'équipage au complet, qui s'agitait dans tous les sens pour préparer le départ imminent du navire.

Une voix grave se démarqua dans la cacophonie. C'était le capitaine Norbert, qui se tenait haut et droit derrière sa barre de commande sur le pont supérieur.

- Levez l’ancre ! Hissez les voiles ! La Mère des Tempêtes reprend du service !

Immédiatement, plusieurs hommes s'attelèrent à la tâche, empoignant des cordes pour soulever l'imposante voile. Edgar et Romuald s'élancèrent pour aider leurs compagnons.

- Allez le bleu, les voiles vont pas se lever toutes seules ! Beugla Romuald.

Avec ses dernières forces, Leonard rejoignit la compagnie et tira sur une corde de toutes ses forces jusqu’à s’en blesser les doigts. Les voiles se soulevèrent le long des deux mâts principaux dans un bruit de toile frappée par le vent jusqu'à ce qu'elles soit complètement tendues. Il fallut peu de temps avant que de forts courants d'air s’engouffrent dans les tissus. Emporté par la force du vent, le navire fendit l'océan et démarra sa course vers l'horizon.


Enfin libéré de ses activités de préparation du voyage, Léo retrouva Sia.

- Et bien, je crois qu'on s’est embarqués dans une aventure qui nous dépasse un peu. Comment annoncer au capitaine qu'on recherche un trésor perdu sur une épave oubliée, hein ?

Ouvrant sa veste, Léo surveilla l'état de Boris, qui semblait se rétablir en se reposant calmement.

- Si seulement Boris était réveillé, il saurait quoi faire…

Sans son duo, Léo se sentait terriblement impuissant. Le soleil couchant était dangereusement proche de la ligne de l'horizon et la nuit n'allait pas tarder à tomber. C'était l'heure pour Sia et ses talents de manipulatrice de rentrer en jeu.

Résumé des actions:

Après de nombreuses péripéties et plusieurs bêtises, nous voilà embarqués à charger un navire. J'observe « La mère des tempêtes » qui a plutôt fière allure. Leonard et Yanxlin sont rapidement pris à part pour transporter les caisses plutôt lourdes. De mon côté, on ne veut éviter de « casser un ongle » à une demoiselle. Je regarde les marins tenter de me faire plus ou moins la cour de façon plus ou moins détournée. Je pousse un soupir en regardant mes camarades être mis au travail. Leonard et celui à qui on arrive à placer des choses dans les mains sans qu'il arrive trop à refuser. Malgré le poids des caisses, il ne se démonte pas et semble se mettre au travail. De son côté Yanxlin... a disparu ? Pourtant, là quelques instants plus tôt, je ne vois plus sa tignasse noire et son stupide cache-œil. Un marin vient m'accoster.

« Dites mademoiselle, y'a votre faux-pirate qui vient de se faire la malle. Vous devriez pas aller le poursuivre ? C'est pas votre conjoint ? »

Je regarde l'homme de façon encore plus stupéfaite. L'homme qui faisait le malin tout à l'heure devant des marins vient tout simplement de prendre ses jambes à son cou ? C'est quoi cet aventurier de pacotille ? Je pousse un gros soupir, ajuste ma robe et range mon arme dans mon sac. Je confie mon sac à un des marins qui semble plus malin que ses copains.

« Tiens-moi ça. Je vais vous aider à charger et vous montrer qu'une aventurière ça peut se "casser les ongles". Tu me le rendras quand on aura fini de tout charger. »

Je reçois un petit sifflement ou encore des hochements de tête enthousiaste à l'idée de me voir fermer le clapet des plus machistes. Je me tourne vers celui qui est venu me prévenir pour Yanxlin.

« Laissez-le. Nous n'avons pas besoin d'un tel couard. Et jamais je ne sortirais avec pareil imbécile. »

Suite à ces mots, je me dirige vers le groupe de marins qui charge plusieurs caisses dans le navire. Je viens prendre une caisse qui me semble transportable seule. Je place mes mains de façon à ne pas lâcher ma cargaison et fait travailler mes cuisses pour me redresser sans risquer de blesser mon dos. Ce n'est vraiment pas léger, cela me rappelle le travail à la forge et les livraisons de charbon ou métaux que l'on doit ranger. Je pourrais faire cela pendant plusieurs heures sans me plaindre, je finirais épuiser, mais cela me fait un bon entrainement.

Nous chargeons ainsi le navire pendant plus d'une heure. Autant Léo qui moi mettons la main à la pâte. Quand il ne reste que des choses trop lourdes que les marins ne veulent pas laisser entre les mains d'une « femme », je viens offrir mon aide pour préparer le pont. Je me retrouve donc à ranger différents cordages, à apprendre certains nœuds utiles sur un navire, ou encore à astiquer les planches du pont. Quand enfin je pense avoir fini mes tâches, je prends un moment pour regarder le port où nous sommes encore accostés. Plusieurs navires se préparent aussi à partir, il semblerait que tous décident de profiter de la marée pour partir ce soir. Il me semble apercevoir un groupe de personnes à l'apparence familière embarquer sur un petit navire se trouvant à côté du nôtre. Mais on finit par demander mon aide et je n'ai pas le temps de prendre le temps de reconnaitre ces personnes.

Quand le navire semble enfin prêt à prendre la mer, la journée touche déjà à sa fin. Le soleil descend lentement vers l'horizon alors que les voiles se gonflent sous le vent. Leonard me rejoint alors et commence à me dire qu'il ne sait pas trop dans quoi il vient de s'embarquer. Je me masse un peu les tempes, il va falloir que je sois très patiente avec ce jeune homme. Je ne sais pas quel âge il a, mais j'ai l'impression d'avoir affaire avec un gamin... Un gamin et un couard... Vraiment, pourquoi j'ai accepté cette quête ?

« Parce que tu crois qu'ils vont être suffisamment gentils pour nous emmener directement à notre destination ? Ils ont bien d'autres préoccupations que deux aventuriers sans le sou. On va simplement profiter de leur gentillesse pour récupérer des renseignements sur notre navire et se débrouiller pour trouver un moyen d'atteindre notre destination. Pour l'instant, il faut trouver des informations. Rien de plus. Compris ? »

Je repense à ma mission avec Sofia. Avec un peu de chance on trouvera des pêcheurs pouvant nous mener au navire que l'on cherche, au pire comme avec elle, il allait falloir nager. D'ailleurs, est-ce que Léo sait seulement nager ?

Léo se gratta le crâne, perplexe. Des informations ? A vrai dire, le jeune homme n’avait même pas pensé à la base du problème avant que Sia lui remette les idées en place.

Alors que le soleil s’était totalement couché, le bateau voguait désormais paisiblement en mer, s’éloignant de l'Étoile du Sud. Les marins s’étaient naturellement rassemblés autour d’une grande table, au milieu du pont principal. Rapidement, les alcools en tous genres commencèrent à couler et le chef cuistot de l’équipage déposa une énorme marmite de ragoût au sur la table, déclenchant un grondement d’excitation dans l’équipage.

Il fallut peu de temps pour que Léo se joigne au reste de la troupe, pour “récolter des renseignements", évidemment. Non, fidèle à lui-même, Léo se contenta de profiter du festin, entraîné dans l'allégresse générale du groupe.

Et alors que la soirée battait son plein, la voix de Norbert s’imposa dans la cacophonie générale. Il paraissait étrangement sobre et sérieux par rapport au reste de l’équipage.

- Profitez ! Profitez bien de ce moment de répit. Cette mer est impitoyable, alors prenez des forces pour la combattre, vous en aurez besoin.

Les marins exaltèrent en réponse, poussant des cris d’approbation.

- Vous le savez sûrement déjà, mais nous transportons une cargaison d’acier rôdé qui nous a été commandée par le Conservatoire National de la Magie. C’est un matériel rare et cher, qui risque d’attirer l’attention des brigands et pirates qui voguent sur ces eaux.

Un grognement général se fit entendre, comme si la simple mention de ces individus rappelait des mauvais souvenirs à l’équipage qui semblait pourtant si robuste.

- De plus. Surenchérit Norbert, regagnant l’attention de ses camarades. Dès demain, nous allons entrer dans les zones marines périlleuses de l’Archipel. Nous n’avons aucun temps à perdre, et vous connaissez tous le chemin le plus rapide pour atteindre le Conservatoire : nous allons devoir traverser le détroit des Fantômes.

Cette fois-ci, ce fut le silence. Leonard ne put s’empêcher de frissonner en cœur avec le reste de l’équipage rien qu’à la mention de ce nom, alors qu’il ne l’avait jamais entendu auparavant.

Une voix rauque brisa finalement ce moment pesant. C’était Edgar, qui se leva pour faire face à son capitaine.

- Norbert, je t’ai suivi sur la Mère des Tempêtes pendant tant d’années, et je te suivrai jusqu’au fond de l’océan si il le faut. Alors, permets-moi de questionner ce choix. Est-ce bien nécessaire de prendre de tels risques ? Nous pouvons toujours contourner l’île Brune, même si notre voyage s’en trouve rallongé. Ou alors, faire le détour via le cap de la Restan-

- EDGAR ! Coupa strictement Norbert. Tu penses que je n’ai pas réfléchi à tout ça ? La mer du Nord grouille de pirates à cette époque de l’année, et tu sais qu’ils sont au courant lorsque des chargements de notre envergure sont prévus. Le cap de la Restanque serait une option viable si nous avions plus de vivres, mais nos cales sont remplies de notre cargaison. Nous n’avons pas d’autres choix. Que Lucy soit clémente et protège notre voyage.


Et c’est ainsi que cette première soirée à bord de la Mère des Tempêtes s’acheva pour Léo. Exténué, il se retrouva rapidement affalé sur un hamac à peine confortable dans la cale du navire, au milieu d’autres marins ronflants, puants l’alcool à plein nez. Cela ne l’empêcha cependant pas de s’endormir immédiatement. Un repos bien mérité dont il aura besoin pour les péripéties à venir.

Résumé des actions:

Je ne suis pas sûre que Leonard comprenne le but de notre mission. Après un déserteur, me voilà coincé avec un simplet... Cette quête s'annonce difficile. J'espère seulement que Boris ira mieux demain pour essayer de relever le niveau de son partenaire humain. Il ne fallut pas longtemps pour que mon coéquipier soit attiré par le festin que les marins mettent en place. Une scène étrangement calme à bord d'un navire marchand. Habituellement en pleine soirée ainsi, chacun fait un repas léger avant de se coucher et d'alterner les gardes pour s'occuper du navire. Ici, tous semble profiter des derniers moments de repris alors que nous sommes encore proches de l'étoile du sud.

Rapidement le festin se transforme en véritable petite fête. La nourriture et l'alcool abondent. Je m'installe à côté de l'aventurier et d'un marin à l'air particulièrement joyeux. La bière doit aider à rehausser le moral des troupes et mettre une bonne humeur générale. Je me concentre sur ma nourriture en silence, écoutant les différentes conversations qui fusent autour de moi. Viens alors le discours de Norbert. Il calme l'effervescence de ses marins d'une main de maître et capte l'attention de tout le monde, même celle de Leo. Je continue de manger, profitant que tous sont concentrés sur le capitaine pour me resservir dans plusieurs plats. J’écoute le discours d'une oreille distraite. Je ne connais aucun des noms mentionnés, certainement des surnoms de lieux donnés par les marins ou des sortes de noms de code que tous connaissent. Le navire cherche donc à éviter les pirates et souhaite emprunter un lieu plus dangereux à la place.

Le discours se termine, et avec lui le festin. Peu à peu les marins débarrassent et retrouvent lentement leurs places respectives. Les tours de garde se mettent en place en nous ignorant. De son côté Leo va se coucher de façon bien insouciante. On dirait qu'il va falloir que je fasse tout le travail. Je pousse un soupir et récupère mon sac avec mes affaires. Je viens m'asseoir contre un des mats du bateau et sors mes deux épées jumelles. Je sors également mon matériel pour aiguiser mes épées et commence un entretien minutieux de mes armes. Je reste ainsi un long moment avant d'attirer l'attention d'un des marins.

« Tu ne vas pas dormir ? »

Je lève le regard vers l'homme qui observe mon travail. Le fameux Edgar qui s'est fait reprendre plus tôt. Je hausse les épaules.

« Du mal à trouver le sommeil ? Il faut faire comme ton ami et profiter que la mer est calme pour se reposer. »

Je pose mes outils et range mes lames dans leur fourreau sans un mot. Je remballe mes affaires alors que le matin chercher à continuer à faire la conversation.

« Tu n’es pas une bavarde toi. Mais est-ce que tu veux m'accompagner avec un verre d'alcool ? Pas sûr que ton camarade puisse avaler une goutte de ce liquide, mais toi peut être ? T'as l'air un peu plus costaud. »

Je hausse un sourcil en fixant le marin. Je hausse les épaules à nouveau, je ne suis pas contre discuter avec un marin s'il y a un peu d'alcool. Je me relève et prend l'espèce de tasse qu’Edgar me tend. Une forte odeur s'échappe du liquide qu'il m'a servi. Je trempe mes lèvres pour gouter, mais rapidement cela me brûle la bouche et la gorge. Je vais devoir boire lentement si je veux savourer ce breuvage sans finir complètement saoule avec un seul verre. Le marin rigole face à ma réaction.

« J'étais sûre que tu étais une brave toi ! »

Je reçois une petite tape dans le dos, ce qui me fait renverser une partie de mon verre d'alcool. j'ai beau être habituée aux tapes de forgeron comme mon père, les marins ont aussi une sacrée poigne.

« Bon alors, toi et ton copain qu'est-ce que vous faites ici ? Qu'est-ce qui vous a poussé à embarquer sur un navire comme le nôtre. »

Pour première réponse, je sors ma plaque d'identification d'aventurière. Le marin siffle un peu en voyant le badge.

« On est aventurier. On cherche un bateau pestiféré pour une mission. »

Je prends une nouvelle gorgée de cette gnôle à l'odeur désagréable. Vais-je seulement pouvoir finir mon verre ?

« Un bateau pestiféré ? Et bien, ouvrez bien les yeux demain. Peut-être que vous le verrez parmi les navires abandonnés que l'on croisera dans la brume ! »

Je regarde le marin avec un air interrogateur. Qu'est-ce qui nous attend demain ? Mais déjà Edgar repart à ses affaires. Je n'aurais pas le temps d'en savoir plus ce soir. Si demain nous traversons déjà une zone difficile, alors il faut que je profite de cette nuit pour me reposer. Je jette la fin de mon breuvage par-dessus bord. Je ne tiens pas à finir malade et je dois être en forme pour demain. Sans plus attendre, je récupère mes affaires et rejoins la cale pour m'installer pour dormir.


« Debout fainéant ! »

Je ne ménage pas Léo et bouscule son hamac pour qu'il en tombe. Son lit suspendu se retourne alors brusquement et il finit rapidement étendu par terre. Hier il m'a bien prouvé qu'il n'a pas une seule once de jugeote. Il va donc falloir que je me débrouille pour que cet enfant serve à quelque chose tout en rentrant en un seul morceau à la Guilde. Je ne tiens pas à avoir la mort d'une jeune recrue sur la conscience. J'espère simplement que son oiseau de malheur nous aidera cette fois.

« Tu n'es pas ici pour te reposer. Lève toi plus vite que ça. Le soleil est déjà haut dans le ciel. On est dans une zone remplie de bateaux abandonnés. J'espère que tu n'as pas oublié notre mission. »

Sans un mot de plus, je sors de la cale. Dehors, la brume et un silence pesant m'accueillent. Les marins sont tous à leur poste depuis des heures. Tous sont aux aguets et prêts à intervenir.

Résumé des actions:

VLADADAM !!!

- Ouchhh…

Tu parles d’un réveil en douceur. Voilà que Léo se retrouva la face contre le parquet après s’être fait déloger de son petit hamac douillet par Sia, qui n’avait apparemment pas le temps pour une grasse matinée. Il faut dire que lorsque Léo se redressa, frottant son nez endolori par la chute, il remarqua qu’il était le seul encore endormi dans la cale pourtant remplie à craquer de marins roupillants la veille.

- La mission… Oui, la mission, évidemment… Grommela Léo, qui commençait à peine à retrouver ses esprits.

Péniblement, il suivit les pas de Sia et se retrouva à l’air libre, sur le pont du navire.

Le calme qui régnait était à la fois étrange et oppressant. Une épaisse brume enveloppait l’entièreté du vaisseau, masquant la visibilité à plus d’une dizaine de mètres à tout bord. Léo pouvait entendre quelques murmures de marins et le bruit de l’eau tranchée par la coque du navire, mais aucun bruit ne semblait provenir de l’extérieur de l’inquiétante masse brumeuse.

Soudain, une voix claire comme la roche se fit entendre. C’était le vigie, qui se tenait au point culminant du mât, une longue vue à la main. Il semblait être le seul à pouvoir discerner quelque chose à travers la brume.

- On approche de l’entrée du Détroit, capitaine. Maintenez le cap pour l’instant.

Leonard, courbaturé de la veille, engagea quelques étirements matinaux pour se remettre en forme, devant les yeux dubitatifs de Sia. C’est à ce moment-là qu’il se rendit compte que la poche intérieure de sa veste était vide. Boris avait disparu ? Non, impossible… Léo scruta les alentours à la recherche du volatile, mais sans succès. Il faut dire qu’avec ces conditions climatiques, il serait difficile de le retrouver si le piaf avait décidé de partir faire un tour.

- Hoy ! Les deux aventuriers de pacotille ! Par ici, et que ça saute !

Léo et Sia furent interpellés par Norbert, seul derrière sa barre sur le pont supérieur. Avec une légère appréhension, Leonard obéit et rejoignit le colosse pour écouter ce qu’il avait à leur dire.

- Peut-être que vous allez enfin pouvoir vous rendre utile. Le Détroit des Fantômes a la réputation d’être hanté, mais je l’ai déjà traversé plusieurs fois, et ce qui tue les marins, ce ne sont pas des esprits, mais les rochers qui percent la coque des navires. A part notre guetteur qui possède un pouvoir de vision accrue, on manque terriblement de personnes pouvant recueillir des informations pour pas qu’on se fasse couler. Est-ce que l’un de vous possède un pouvoir qui pourrait nous servir ?

Léo leva les yeux au ciel, tentant de réfléchir à sa réponse. Alors qu’il s’apprêtait à ouvrir la bouche, il fut coupé dans son élan par un bruit inattendu.


Surgissant de la brume, Boris fit un plongeon et se posa sur une des extrémités de la barre de gouvernail du navire. Léo afficha un grand sourire, heureux de retrouver son compagnon. La réaction de Norbert et de l’équipage fut tout autre. Des grognements et murmures injurieux résonnèrent aux alentours, évoquant les ailes noires et les mauvais présages à nouveau.

- Encore toi ? Maudit corbeau, je vais te plumer cette fois !

Alors que Norbert leva la main, s’apprêtant à saisir le corbeau dans sa forte poigne, Leonard prit son courage à deux mains s’interposa entre le colosse et le volatile.

- Doucement ! Tout le monde se calme ! Capitaine, tu voulais en savoir plus sur nos pouvoirs, et bien voilà le mien. Ce corbeau est la manifestation de mon pouvoir, il est capable de parler et de réfléchir par lui-même.

Boris profita de la diversion de Léo pour bondir sur son crâne. Il déploya l’envergure de ses ailes et prit la parole à son tour.

- Écoutez ce jeune homme, moussaillons ! Il est trop bête pour vous mentir ! Je vous guiderai à travers le détroit sans accrocs. Seulement, il y a une condition pour que je vous aide. Je connais l’emplacement d’une épave qui se trouve justement dans la secteur que nous allons traverser. Nous devons nous y rendre avec mes deux compagnons. Une escale rapide pour fouiller les décombres, puis nous repartirons sans encombres. Alors, qu'en dites-vous ?

Norbert fronça les sourcils et s'approcha de Léo. Il l'attrapa par le col, le forçant à lever la tête et croiser son regard.

- Satané gamin, ce corbeau t’appartient donc… Vous avez du culot tous les deux. Je pourrai vous jeter par-dessus bord pour moins que ça… Mais vous avez aussi de la chance. Je n’aime pas l’idée de nous attarder dans la zone, mais l’aide que vous proposez n’a pas de prix. J’accepte votre offre, mais attention… Un seul faux pas et je m’occuperai de vous personnellement.

Sans plus attendre, Boris récolta les informations dont il avait besoin autour d'une carte avec l'équipage et s'envola en avance du navire. Le guetteur, qui était le seul à pouvoir apercevoir le corbeau à travers la brume, commença à annoncer les directives de mouvement à l'équipage en suivant la trajectoire du corbeau. Selon ses indications, le vaisseau venait de pénétrer dans le détroit, mais depuis le pont, rien n'avait vraiment changé. Le silence et de la brume à perte de vue, pour l'instant...

Résumé des actions:

Le petit marché de Boris accepté et les indications données pour trouver notre épave, Leonard et moi nous retrouvons sans rien avoir à faire. Toutefois, le capitaine semble vouloir tout de même nous mettre au travail.

« Vous deux. Vous n'allez pas voyager gratuitement, surtout si vous nous faites rester dans la zone plus longtemps que prévu. Votre oiseau, il sert à quelque chose, alors rendez-vous utiles au reste de l'équipage. Genre le gamin tu peux aller voir dans la cale si tu ne peux pas filer un coup de main en cas d'accro. Et toi la jolie fleur, tu n’as qu'à aller voir si un de mes hommes a pas besoin d'aide, sinon, tu n’as qu'à astiquer le pont. »

Je fronce les sourcils face à cette remarque machiste, mais ne dit rien. J'ai été habituée à pire. Sans un mot, je me dirige vers le pont et laisse Léo se débrouiller. Je me rends vers un groupe de marins qui s'activent sur le pont.

« Besoin d'aide ? »

Un des marins me reluque de haut en bas puis de bas en haut avant de siffler un coup. Ignorant cette remarque encore machiste que la précédente, je lui adresse un regard aussi froid que la glace.

« Ouais, on aurait besoin d'un coup de main. Mais jolie fleur, t'as qu'un oeil non ?
- Oui. Et c'est Sia. Pas jolie fleur.
- Si tu veux... Alors on ne peut pas te confier la coque... Il faut avoir deux yeux et les bons pour ça. Hmm... Vas plutôt voir Michel et Jean-Clode, ils auront sûrement besoin d'aide avec les cordages.
- Très bien. »

Je repars rejoindre les fameux Michel et Jean-Clode. Je les trouve en train de surveiller le gonflement des voiles et tirer sur les cordes pour les ajuster.

« Besoin d'aide ?
- Une jolie fleur pour nous aider.
- Sia. Pas jolie fleur.
- Mouais, Sia donc. Tu veux nous aider ?
- Oui. Me rendre utile.
- Hmm... T'es une femme... Pas sûr que tu sois utile pour tirer sur les cordages... On voudrait pas que tu t'abimes les mains, tu vois ? »

Ils ont quoi ces marins à être tous plus machistes les uns que les autres ? Je viens remplacer l'un des deux hommes et me met à tirer sur les cordes à sa place.

« Ah ! Elle en a dans les bras la petite ! Très bien. Tu vas nous aider alors. Mais dis-moi, tu fais quoi pour avoir une telle force malgré ta carrure ?
- Je suis forgeronne.
- Une forgeronne ? Sérieusement ? T'entends ça JC ? Une forgeronne ! On peut dire qu'on ne s'y attend pas vraiment avec ta carrure ma petite !
- On me le dit souvent.
- T'es pas une bavarde toi, hein ?
- Non.
- C'est pas grave ! On va faire la conversation pour toi, pas vrai JC ? »

Le fameux JC hausse simplement des épaules. Il me fait des signes sur ce que j'ai à faire alors que Michel commence un long monologue de son côté.

« Bon du coup Sia, j'étais en train de raconter une de mes meilleures histoires à JC. Ou plutôt celle de ma dernière conquête ! »

Il me fait un clin d'œil entendu tout en continuant de travailler.

« Elle s'appelle Djustyne. Une véritable bombe cette petite ! Je te raconte pas l'effet qu'elle m'a fait dans le pantalon quand je l'ai vu. Mais bon, un type comme moi jamais je pourrais espérer la toucher. C'est vrai quoi, un vieux marin grisonnant avec de la bedaine... Certes j'ai de sacrés biceps, mais entre la bouffe et l'alcool, j'ai gagné de sacrées poignées d'amour. Mais revenons à ma petite déesse ! V'là pas que je la croise dans une auberge où on était avec JC et les autres. J'avais clairement trop bu ce soir-là, je racontais n'importe quoi. Et puis quand je bois, je me sens pousser des ailes. Alors je te raconte pas quand je vois ce petit ange entrer ! Mon cœur a arrêté de battre et je ne sentais plus mon cerveau. Le temps, c’est comme arrêté ! J'ai pris mon courage à deux mains, deux verres d'alcool et je suis allée la voir. Je lui ai offert mon verre qu'elle a accepté avec joie et on a commencé à discuter. Mais quel ange, je te raconte pas ! Sa voix est tout simplement divine, autant que son corps ! Une poitrine généreuse qui ressort d'un petit corset, des hanches que même grandes mains ne peuvent pas envelopper complètement... Et ce derrière... Par Lucy, ce derrière qu'elle a ! Avec sa chevelure couleur blé, elle me rappelle un magnifique champ en plein été ! Et ses yeux ! Pardi ces yeux qu'elle a ! Je pourrais me noyer dedans, autant que sa poitrine ! Mais bref, on a commencé à bien discuter, elle a commencé à rire à mes blagues et on a enchainé les verres. Par Lucy, ce qu’elle était adorable, j'aurais aimé que ça ne s'arrête jamais. Mais tu devineras jamais après ! Voilà qu'elle me demande de sortir et de l'accompagner ! Là je me dis "Michel, c'est ton moment !" J'allais pas refuser une offre pareille d'une telle déesse. Alors évidemment que j'accepte de la suivre. Elle m'a emmené chez elle et là je te raconte pas ce qu'elle m'a fait ! C'est qu'elle était entreprenante la petite ! Elle a commencé à me ... »

La voix de Michel devient étouffée d'un coup et je sens que deux mains se sont posées sur mes oreilles. Je les retire et lève le regard vers Jean-Clode alors que la voix de Michel se fait plus claire. Je n'écoute pas vraiment ce qu'il raconte jusqu'à ce qu'un bruit de cloche vient interrompre tout ceci.

« Cible en vue ! Cible en vue ! »

C'est alors que la voix de Norbert m'interpelle.

« Eh ! Jolie fleur !
- Sia.
- Vas chercher ton pote ! Votre oiseau de malheur a trouvé votre bateau. Vous avez intérêt à faire vite parce qu'on va pas se laisser moisir ici bien longtemps. Compris ?
- Compris. »

Sans un mot de plus, je pars à la recherche de Leonard.

Résumé des actions:

La bateau continua son chemin, et pendant que l’équipage travaillait dur pour diriger le navire à travers la zone périlleuse, Léo se retrouva dans la cale, assigné à passer le balais, nettoyant les vomis et autres saletés laissées par les marins la veille. Il faut croire que l’équipage avait cerné que ce n’était pas lui qui allait être l’élément clé stratégique de cette traversée.

Pendant qu’il réalisait sa tâche dans la douleur, le jeune homme finit par se retrouver seul dans la sombre cale.

Zwwwiiiiit… Zooot… Schwiiit…

Des bruits étranges résonnèrent à l’intérieur, sûrement issus des courants d’airs qui s’infiltraient dans la coque, mais Léo n’avait pas l’esprit assez éclairé pour s’en rendre compte. Tantôt derrière, tantôt sur le côté, c’était comme des petits sifflements inquiétants qui lui susurraient à l’oreille. Comme des esprits maléfiques qui voulaient communiquer avec lui…

Le jeune homme commençait sérieusement à psychoter, et il décida qu’il était temps pour lui de retourner à l’air libre pour se changer les idées.

Il remonta sur le pont et fila ranger son matériel de nettoyage. Des bribes de conversations parvinrent à son oreille, notamment entre Sia et un certain Michel, qui racontait une histoire on ne peut plus palpitante. Alors qu’il décrivait les atouts physiques de sa conquête d’un soir, Léo dirigea son regard vers le brouillard opaque qui encerclait le vaisseau. Difficile à dire si il hallucinait ou si la nature lui jouait un tour, mais là, dans la brume, il aurait juré que des silhouettes humanoïdes apparaissaient… Des silhouettes en mouvement, qui ressemblaient étrangement aux différentes descriptions physiques de Michel.

- Des fantômes… Oh, Lucy, protège-moi…

Léo fila se cacher dans le placard à balais et termina de nettoyer ses seaux plein de crasse. Soudain, il entendit toquer à la porte derrière lui. Il sursauta de surprise et se retourna lentement, prêt à affronter un démon sordide ou un esprit des ténèbres… Mais rien de tel ne se produisit. Il se trouva juste nez-à-nez avec Sia, qui lui annonça que l’épave était proche. Il déposa son balais, et nos deux aventuriers réunis se dirigèrent alors vers la proue du navire.

Enfin. Enfin, ils allaient atteindre cette épave, l’objet de leurs convoitises depuis le début. Les yeux fixés dans la brume, droit devant eux, ils patientèrent dans l'appréhension. Ils eurent raison de rester attentif, car en l’espace de quelques secondes seulement, une énorme coque digne d’un paquebot apparut sous leurs yeux. La Mère des Tempêtes n’avait pas à rougir, mais l’ancien navire de la flotte royale était largement plus imposant qu’elle. Sur son flanc, en lettres rouges écarlates, on pouvait lire une inscription, toujours éclatante malgré le passage du temps :

- « Le Dragon des Mers »…

Curieusement, aux premiers abords, l’épave paraissait en assez bon état. Mis à part les algues grimpantes et la légère rouille apparente ci et là, il n’y avait aucun signe d’accident grave sur le bateau. Il était simplement jonché sur le littoral, échoué dans une zone inhabitée. Le mystère de comment il était arrivé là restait absolu.

Après son travail de longue haleine, Boris rejoignit nos deux protagonistes, qui se préparaient à débarquer sur l’épave. Ni une ni deux, il s’envola vers Norbert. De loin, on pouvait le voir discuter avec le capitaine, qui grimaça, puis hocha la tête d’un air résigné.

- EDGAR ! MICHEL ! Vous allez accompagner nos deux aventuriers du dimanche sur l’épave et les assister dans leurs recherches ! Vous avez trois heures pour faire vos affaires. Si vous n’êtes pas de retour d’ici là, la Mère des Tempêtes s’en ira sans vous.

- Aye, Capitaine. Répondirent les deux hommes en cœur.

Et c’est ainsi que notre bande de quatre humains et un corbeau se dirigea vers le titan échoué. Leur quête allait enfin pouvoir commencer !

Résumé des Actions:

« Le Dragon des Mers » est enfin en vue. Un navire plus qu'impressionnant grâce à sa taille et le prestige qu'il devait avoir autrefois. Aujourd'hui il n'est plus qu'une énorme épave perdue au milieu de cette brume, la coque percée et maintenue à flot par une énorme rocher. Accompagnés d'Edgar et Michel, nous approchons de l'épave. Évidemment, le marin Michel n'a pas arrêté de parler depuis que nous sommes partis, venant briser le silence pesant qui nous entoure. À vrai dire, j'ai presque envie de le remercier, avec ses anecdotes saugrenues il empêche une certaine tension de s'installer. Je ne l'écoute que d'une oreille, trop concentrée à inspecter notre cible qui s'approche à chaque coup de rame.

Nous finissons par nous arrêter à la base du navire et commençons à inspecter la coque de ce dernier. Edgar tente de lancer un grappin pour nous faire monter sur le pont du navire. Bien que son lancer atteigne sa cible, la rambarde à laquelle s'accroche l'outil se brise dès qu'il tire dessus et fini à l'eau. Pas vraiment une bonne nouvelle pour notre exploration de l'épave. Je prends le temps de réfléchir à une solution alors que Leonard semble plus inquiet par ce qui se passe sous notre chaloupe. De justesse, Michel vient récupérer un aventurier qui manque de passer par-dessus bord.

Je pousse un soupir, ne sachant pas trop quoi penser de la situation. Nous devons clairement monter à bord si on veut pouvoir avoir une chance de trouver l'objet de notre quête. Avec un peu de chance, le talisman ne s'est pas abimé en mer et se trouve encore dans l'une des cabines. On revient alors au problème de comment monter à bord sans risquer de finir dans l'eau. Pas le choix, il va falloir faire le tour du bateau pour essayer de trouver une façon de monter.

« Vous pensez que vous pouvez faire le tour du bateau ? »

Je demande cela aux deux marins qui se sont occupés de ramer pour être sûrs que l'un de nous deux ne fasse pas tomber tout le monde à l'eau. Et puis ils doivent aussi avoir envie de revenir avant l'heure donnée par Norbert. Ils acceptent tous les deux et se mettent au travail. Je viens tenir mon compagnon aventurier par le col alors qu'il semble s'inquiéter de masses informes dans l'eau, commençant à parler de fantômes et autres créatures.

« Calme-toi Leo, on a d'autres choses à faire là. »

Ce jeune homme m'exaspère au plus haut point. J'ai l'impression d'être une mère devant surveillée son gamin, et pas une aventurière en pleine mission avec un compagnon de voyage. Je dois avouer que je suis presque contente que Boris ait un cerveau pour compenser la bêtise de son maître. Nous approchons alors du rocher qui traverse notre épave. Les deux marins profitent d'ailleurs de l'occasion pour accrocher le cordage de la chaloupe à l'un des rochers proches pour nous immobiliser. J'inspecte la coque à travers la brume à la recherche d'un point où s'accrocher ou quelque chose du genre. J'aperçois alors le cordage du navire qui est encore présent. Il ne semble pas dans le meilleur des états, mais il est peut-être encore assez résistant pour nous faire monter à bord.

« Vous pensez pouvoir vous approcher pour qu'on essaye de grimper au cordage ?
- On peut essayer. »

D'un coup de rame habile, Edgar fait bouger la chaloupe pour nous approcher du cordage du navire. Quand on est à portée, je viens m'accrocher à l'échelle faite de corde et tire dessus. Elle semble tenir à première vue. Leo derrière moi panique un peu plus, disant entendre des choses, mais je ne l'écoute pas. Je viens mettre un pied sur l'échelle et commence à grimper. Il ne me faut pas très longtemps pour que mon espoir se mue en désespoir. J'ai monté à peine un petit mètre, qu'un craquement résonne plus haut. Je lève le regard et voit la corde se déchirer alors que je suis maintenant bien accrochée dessus. Je tombe à l'eau d'un coup, juste à côté de la chaloupe. Je panique un peu et remonte rapidement à la surface et les deux marins viennent m'aider à revenir à bord de notre embarcation de fortune.

« Je... J'ai senti quelque chose me frôler dans l'eau... »

Je repense aux paroles de mon camarade plus tôt. Cela aurait pu être des algues, mais je ne suis sûre de rien. Nous devrions sûrement être prudents et éviter de finir à l'eau à tout moment.

Résumé des actions:

- Je vous l’avais dit ! Y’a quelque chose dans l’eau… Ça bouge… AAAH !!!

Léo beugla de surprise lorsqu’une éclaboussure lui frappa le visage. Il passa alors la tête par-dessus le bord du bateau et scruta la mer d’huile qui l’entourait… Mais ne trouva rien de concluant. Son cerveau paniqué lui jouait-il des tours, ou y’avait-t-il vraiment quelque chose qui se cachait dans l'océan ?

- J’ai reçu de l’eau sur le visage, je le jure ! Et Sia s’est fait toucher quand elle était dans l’eau… J’en suis certain, il y a des monstres sous-marins qui rôdent ici !
- Du calme, gamin… Y’a plein de poissons inoffensifs dans l’océan, je vois pas pourquoi il faudrait qu’on soit en dang-


La coque de la barque résonna et vibra lorsqu’elle fut percutée par une entité non identifiée. Léo, toujours sur la bord de la chaloupe, manqua de tomber dans l’eau à son tour, rattrapé de justesse par Edgar.

- Merde… Grogna le vieux marin, la mine devenue sévère. Rame, Michel, rame !

Leonard tomba sur ses fesses. Sous le choc, plus un mot ne sortit de sa bouche, pour le plus grand plaisir de Sia et des deux marins, qui redoublèrent d’effort pour faire avancer la barque dans cette mer trompeuse.

Boris, qui était perché sur l’épaule de Léo, prit son envol.

- Pas question pour moi de mouiller mon plumage ! Je vais chercher un moyen de pénétrer dans cette maudite épave. Surtout, ne vous arrêtez pas !

Le corbeau fila dans la brume à nouveau.

La barque, pilotée de main de maître par les deux marins, longea de nouveau les bords du Dragons des Mers pendant de longues minutes, et atteignit l’avant du navire. L’endroit où un énorme rocher avait percé sa coque.

- On a fait un tour complet…  Grogna Michel, à bout de souffle. On ne peut pas grimper.

Il n’y avait pas d’autres restes de cordage. Pas de moyens de monter sur ce foutu navire. Au moment opportun, Boris réapparut et se posa sur l’avant de la chaloupe.

- Si, on peut ! Déclara-t-il. Le rocher qui a brisé la coque a créé une brèche. Si vous atteignez le roc sur lequel le navire s’est échoué, vous pourrez y pénétrer en passant par là.
- S’amarrer sur ce rocher, ça me parait faisable, mais… C’est trop dangereux de s’en approcher en barque. Rebondit Edgar. Il va falloir se jeter à l’eau pour l’atteindre.
- C’est une blague ? Rétorqua Léo qui se leva, déstabilisant la chaloupe. Avec les monstres des mers qui rôdent ?
- T’as une meilleure solution ?


Un énorme choc inattendu secoua toute l’embarcation. Emporté par la puissance de la collision, Léo perdit l’équilibre et trébucha. Une chute d’anthologie qui se termina par un gros plouf. Il était tombé à l’eau.

Le jeune aventurier fut plongé sous la surface. Dans la panique, il ouvra les yeux dans la mer salée. Du noir, à perte de vue, comme si une abysse infinie s’étendait en-dessous de lui. Et pourtant, dans toute cette noirceur, il crut apercevoir des ombres. Des formes qui bougeaient autour de lui. Ni une ni deux, Léo se débattit contre la masse aqueuse et remonta à la surface.

- PFOUAAAAH !

Reprenant son souffle, Leonard s’agita sans but, effrayé à l’idée de se faire attaquer par en-dessous. La voix de Boris fut comme sa bouée à la mer.

- Par ici, idiot ! NAGE !

Suivant la voix du corbeau sans réfléchir, Léo entama une brasse endiablée. Il atteignit finalement sa destination : le rocher transperçant la coque Dragon des Mers. En s’accrochant sur les cailloux pleins vaseux et glissants, il parvint à se hisser sur ses deux jambes.

Retrouvant enfin ses esprits, il tomba nez à nez avec Michel, complètement trempé, lui aussi arrivé sur le rocher sans accrocs.

- Et bah tu vois, plus de peur que de mal, gamin ! Une histoire de plus à raconter quand je rentrerai boire un coup avec des jeunes donzelles… Comment je me suis fait attaquer par des monstres marins affamés… Divagua-t-il Bref ! EDGAR, envoie la corde d’amarrage !

Edgar et Sia, qui n’étaient visiblement pas tombés de la chaloupe, débarquèrent alors à leur tour grâce avec l’aide des deux hommes qui avaient déjà le pied à terre. La belle bande au complet se mit alors à grimper la roche escarpée, direction les entrailles de l’ancien navire de la flotte royale…

Résumé des Actions:

Rejoindre l'épave n'aura vraiment pas été de tout repos. Je suis trempée, frigorifiée et l'endroit sent incroyablement mauvais. J'ai un haut-le-cœur en approchant du Dragon des Mers, le bois en décomposition mélangé à l'odeur des algues, de la mer ainsi que d'autres odeurs organiques difficilement identifiables soulèvent mon estomac que je n'ai que légèrement rempli ce matin. Je ne suis pas du genre à être malade en mer, mais l'odeur est difficilement supportable. Même en respirant par la bouche, le goût de l'air vient se déposer sur ma langue et provoque une sensation plutôt désagréable à chaque fois que j'avale ma salive. Pour une mission aussi simple que celle-ci sur le papier, j'ai l'impression que nous allons avoir encore bien des surprises.

J'ouvre la marche et laisse mon compagnon ainsi que son ami à plumes au bon soin des marins nous accompagnant. La main sur la garde d'une de mes épées, je m'avance prudemment sur le rocher. L'humidité et la marée ont rendu sa surface glissante, les algues échouées accentuent encore la difficulté à se déplacer sur l'épée rocheuse. Je finis par réussir à mettre un pied sur le plancher de l'épave, non sans grincer dangereusement sous mon poids. Je m'approche alors d'un des murs du long couloir s'ouvrant devant moi, si le plancher doit céder, il a plus de chance de le faire là où les planches sont moins soutenues, soit en plein milieu du couloir. J'attends alors que mes compagnons me rejoignent, aidant Leonard à accéder à son tour à l'épave et lui conseillant de m'imiter en longeant les murs plutôt qu'en marchant au milieu du passage. Nous nous retrouvons ainsi chacun d'un côté du couloir et pouvons commencer à inspecter les cabines.

Les marins ne tardent pas à nous rejoindre. Alors que Leo et moi sommes plutôt du genre poids plumes, ce n'est pas le cas de ces deux gaillards pleins de muscles forgés par le travail en mer. Le plancher grince encore plus sous leur poids et je cherche alors à mettre de la distance entre nous pour éviter de me retrouver à l'étage inférieur de l'épave. Je laisse alors l'aventurier inspecter les cabines de son côté du couloir et les deux marins vaquer à leurs occupations. J'ouvre plusieurs cabines qui m'offrent de nouvelles odeurs nauséabondes. Certaines n'ont de cabines que le nom, l'humidité et la faune locale ayant déjà bien grignoté l'ameublement et parfois même le plancher des pièces. Je manque même de tomber dans un trou après avoir dû forcer l'ouverture de l'une d'entre elles, le planche de la pièce n'existant plus et m'offrant une vue imprenable sur l'étage inférieur qui semble être en grande partie inondé. Heureusement pour nous, aucun cadavre humain n'est à déplorer, confirmant le fait que le navire a bien été évacué avant d'être abandonné. Alors pourquoi a-t-il été déclaré comme pestiféré s'il s'est ainsi échoué ? Peut-être que la roche l'a transpercé après son évacuation ?

Je rejoins mon compagnon aventurier et nous faisons le point sur nos recherches. Aucun indice sur les questions que l'on peut se poser sur l'histoire de ce navire ou sur la localisation du bijou recherché. Il nous faut maintenant choisir si l'on souhaite monter sur le pont ou descendre vers les niveaux inférieurs qui semblent immergés. Alors que je réfléchis, un détail retient toutefois mon attention.

« Où sont Michel et Edgar ? »

Mon regard balaie le couloir où les deux hommes ont disparus. Je n'ai pas entendu de bruit indiquant qu'ils ont pu traverser le plancher, ni un quelconque cri. Où ont-ils pu passer ?

« Michel ? Edgar ? Où êtes-vous ? »

Je commence alors à rebrousser chemin, la main sur la garde d'une de mes épées, les sens en éveil, prête à réagir au moindre mouvement suspect. J'avance prudemment, suivie par Leo, faisant grincer les planches à chaque pas. Soudain, une masse sort de l'une des cabines et je dégaine mon arme pour menacer la créature qui nous fait face. Il s'avère qu'il ne s'agit que d'un Michel levant les mains dans un signe de reddition. Je détends alors un peu mes muscles, prête à baisser ma lame. Toutefois, mon épée vient soulever un médaillon que le marin a autour du cou. Un bijou qu'il n'avait pas précédemment et qui semble étrangement sale et couteux. Je fronce les sourcils en prenant un air grave et une voix glaciale.

« Où as-tu récupéré ça ? »

Le marin ne répond rien et s'empourpre alors que la pointe de ma lame menace sa gorge. Il semble un peu honteux de son geste cupide, mais ne semble pas non plus vouloir lâcher l'objet de ses trouvailles. Edgar fini par sortir d'une autre cabine, un tissu luxueux sous le bras et les poches débordant de bijoux en tous genres. Je pousse un soupir exaspéré en baissant mon arme pour ensuite la ranger dans son fourreau.

« Faites comme bon vous semble, je pensais toutefois que les marins avaient plus d'honneur que les pirates. Vous voulez piller un navire abandonné ? Faites donc. Nous ne sommes pas ici pour dérober des richesses, mais si vous voulez simplement vous remplir les poches pour quelques cristaux, je ne vais pas vous en empêcher. Mais si vous cherchez à mettre nos vies en danger, je n'hésiterais pas à pointer à nouveau mon arme vers vous. »

Mon avertissement maintenant prononcé, je me dirige vers les escaliers. Il me semble plus logique de descendre pour trouver le bijou que l'on recherche. Si l'on est logique par rapport à l'annonce que l'on a eu, le médaillon a dû rester dans l'une des cabines. Toutefois, ce chemin semble plus dangereux et périlleux. Je me tourne alors vers le jeune aventurier m'accompagnant. Je choisirais le chemin qu'il décidera de prendre.

« Alors, en bas ou en haut ? Tu choisis. »

Léo progressait à tâtons. Tantôt grimaçant lorsqu’une vague d’odeur nauséabonde envahissait ses narines, ou tantôt sursautant lorsqu’un bruit non identifié atteignait ses oreilles, le jeune homme ne paraissait définitivement pas forgé pour l’aventure. Arrivé au niveau de ce qui ressemblait à une cage d’escalier, voilà que notre petit groupe se retrouva face à un choix : monter ou descendre, et Sia eut l’excellente mauvaise idée de proposer à Léo de prendre cette décision.

- En haut ?! En bas ? En haut… En bas…

Fronçant les sourcils dans l’hésitation, Léo leva et baissa la tête en rythme avec ses répliques. Visiblement irrité par les hochements de tête de son compagnon, Boris prit la parole.

- Il faut vraiment que je m’occupe de tout, hein ? On doit trouver un bijoux probablement oublié dans une cabine de ce foutu navire, alors évidemment que nous devons descendre ! Par contre, les deux gros loubards devraient faire attention. J’ai l’impression que l’eau a pu pénétrer à l’intérieur et que le navire sera d’autant plus abîmé si on s’enfonce… Alors on arrête de fouiner !

Grognant en réponse, les deux marins se contentèrent d’approuver la remarque logique de Boris sans broncher, sûrement grâce aux petites menaces précédentes de Sia.

Et c’est ainsi que notre petite troupe s’enfonça dans les entrailles du navire. Descendant les escaliers, il atteignirent le niveau inférieur. Seulement éclairé par quelques reflets de lumière provenant des différents hublots encrassés du vaisseau. Léo passa en premier et posa un pied sur le plancher.

Splash !

Poussant un petit cri de surprise, il se rendit vite compte que son pied avait bien touché le sol, mais que celui-ci était couvert d’une couche d’eau stagnante. Il n’était pas enchanté de progresser dans cet environnement, mais étant déjà complètement trempé suite à son plongeon dans la mer, il se décida à avancer malgré tout.

- Encore des couloirs dans toutes les directions… Analysa Boris. Le temps presse, alors on va se séparer. On devrait pouvoir communiquer en criant si jamais on a un problème ou si on trouve ce foutu bijoux. Sinon, on se retrouve ici dans une quinzaine de minutes. Dispersion !

Léo acquiesça et fila dans une direction aléatoire. Il força la porte d’une chambre et fouilla à l'intérieur mais ne trouva rien de concluant. Puis, il répéta l’action… Encore, et encore, jusqu’à ne plus savoir combien de cabines il avait exploré. Étrangement, son attention fut attirée plusieurs fois par des bruits suspects. Comme des petits grattements, des sifflements incessants dans les murs. A mesure qu’il progressait dans les profondeurs du navire, leur intensité augmenta, mais Léo tenta de faire abstraction et de se concentrer sur la mission pour le moment, espérant que son cerveau lui jouait encore des tours.

Au bout d’un couloir, alors qu’il s’apprêtait à faire demi-tour, Léo aperçut une imposante porte en fer. Au-dessus de la porte, il put déchiffrer un écriteau sur le métal : “cuisines”. Et juste devant cette porte se tenait une silhouette humaine dans la pénombre.

-... Je suis sûr qu’il doit rester des trucs intéressants dans les cuisines d’un paquebot pareil… Ça ferait pas de mal de jeter un œil… Marmonna Michel, qui était visiblement en train de trifouiller la poignée.
- Michel, stop ! S’écria Léo, soudain envahi par un mauvais pressentiment.

La vieux marin, trop avare pour reculer, tira sur la poignée une nouvelle fois en redoublant d’efforts.

CLACK !

Un bruit strident de métal éclata, résonnant à travers la carcasse du bateau. Une odeur putride, plus proche des matières fécales que de la moisissure suivit. Léo ne put pas les apercevoir immédiatement, mais il entendit leurs sifflements et leurs petits pas dans l’eau. Des dizaines, puis des centaines, peut-être même des milliers de rats sortirent en trombe par la porte des cuisines, couvrant presque l’intégralité du sol.

- Merde, de la vermine ! Faut dégager d’ici ! Beugla Michel.

Dans la panique, Léo tourna les talons et tenta tant bien que mal de rebrousser chemin vers la cage d'escalier pour sortir de cet enfer désormais fourmillant de rongeurs, suivi de près par Michel. Notre aventurier n’était pas encore au bout de ses peines.

Résumé des actions:

Heureusement que Boris est à nouveau en forme. Heureusement. Je pense que sinon ma patience atteindrait très rapidement ses limites en me laissant seule avec ces deux marins et cet aventurier. Même si j'ai toujours envie de plumer cet oiseau de malheur, au moins il sait utiliser sa cervelle de piaf. Je ne sais pas comment fonctionne au juste ce duo humain-familier, mais il semble que l'oiseau compense réellement l'absence d'intelligence de l'aventurier. Pourquoi l'ai-je laissé choisir de notre destination ? J'ai l'impression d'observer un gloot ayant trouvé un couteau pour la première fois, ne sachant pas si l'objet de ses trouvailles est comestible ou non. À la différence, que le gloot va essayer de manger l'objet, alors que Leonard n'essaye même d'utiliser ses neurones. Une question simple qui semble lui poser tellement de problèmes... Comment a-t-il fait pour passer l'examen d'entrée à la Guilde au juste ? Laisser un tel animal devenir aventurier est un danger autant pour lui que pour les autres.

Notre petit groupe fini par descendre l'escalier, se retrouvant dans un couloir en partie inondé. Nous pouvons encore progresser avec de l'eau nous arrivant jusqu'aux genoux par endroit, mais nous allons devoir redoubler de prudence en avançant. Nous nous mettons d'accord pour nous séparer. Au premier carrefour de couloirs, Leo part avec Michel et Boris, alors que je me retrouve seule avec Edgar. Sans un mot, nous nous avançons dans le couloir où plusieurs cabines se dressent. D'un simple hochement de tête, nous nous mettons d'accord pour chacun inspecté un côté du couloir. J'entre dans les cabines, les fouillant précautionneusement. Je défonce les portes, retourne la literie moisie, ouvre des tiroirs de bois pourris, détruis le planché fragilisé, dérange la faune locale qui fuit à mon approche. Après avoir ouvert une dizaine de cabines, je finis par me rendre à l'évidence : je fais encore chou blanc.

Je retrouve le marin pour voir s'il a trouvé quelque chose d'intéressant. Visiblement, il a trouvé encore d'autres bijoux et autres objets précieux à chaparder. Il a tout de même la gentillesse de me montrer des colliers qu'il a trouvés. Rien qui ne ressemble à notre artéfact, même usé par la mer. Je pousse un soupir d'exaspération, commençant à rebrousser chemin en laissant le marin continuer à accomplir ses méfaits. Et puis j'entends un cri. Je reconnais les voix de Leo et Michel au loin. Je vois d'abord la masse à plumes noires de Boris qui arrive en trombe.

« DES RATS ! »

C'est tout ce que l'oiseau me dit avant de chercher un moyen de nous sortir de cette situation. De mon côté, je me précipite dans le sens inverse, m'assurant que mes armes sont toujours à ma ceinture alors que je m'élance dans le couloir. Je n'ai besoin de faire que quelques pas pour que Michel me rejoigne et me dépasse rapidement. Je vois Leo, un peu à la traine juste derrière. Cet imbécile manque de se casser la figure sur une planche dépassant du plancher. Je viens le relever et le tirer à ma suite. Un simple regard derrière moi me fait voir une immense masse sombre avec de nombreux yeux. Je n'ai pas peur des rats, pourtant je sens un immense frisson remonter le long de ma colonne vertébrale. Mon instinct me hurle que ces rats ne sont pas de simples animaux et que je dois réellement m'inquiéter pour ma survie.

L'aventurier est un véritable poids mort pour moi, mais j'ai encore besoin de lui et je tiens à le ramener vivant à la guilde. Je ne pense pas que me retrouver sans aucun des deux aventuriers m'accompagnant soit une bonne chose pour l'une de mes premières missions. Je tourne d'un coup à un croisement de couloirs. J'ouvre une cabine sans ménagement, jetant presque le jeune homme dedans. Je referme la porte en toute vitesse et lui indique de se taire. Je me plaque contre la porte au bois abimé, écoutant les bruits à l'extérieur. Quand j'entends les grattements et couinements des créatures, je plaque ma main sur ma bouche pour essayer d'étouffer autant que possible les bruits de ma respiration. Je balaie rapidement la pièce du regard. À part quelques meubles abimés par le temps et l'humidité, nous n'avons pas trop d'échappatoire. Nous pourrons toujours essayer de monter sur l'un d'eux pour essayer de détruire le plafond et nous échapper par là, mais nous sommes réellement en mauvaise posture.

Résumé:

Léo courait frénétiquement. Avant qu’il ne puisse réfléchir à quoi que ce soit, il se fit attraper par le col par Sia qui le balança vulgairement à l’intérieur d’une cabine.

Badoum !

- Aïe…

Décidément, ça devenait une habitude de se faire jeter par Sia. Il fut d’ailleurs tout de suite rappelé à l’ordre par l’aventurière qui lui lança un regard virulent en lui faisant signe de se taire. Léo se redressa le plus silencieusement que possible, frottant son derrière pour essayer de calmer la douleur. Il sentit alors un courant d’eau qui glissait le long de ses pieds. En tombant, il avait brisé une partie du plancher et l’eau qui le recouvrait s’écoulait lentement à travers celui-ci. Décidément, cette épave ne demandait qu’à être détruite, et la porte que Sia s’efforçait à tenir fermée ne tiendrait certainement plus très longtemps.

- Boris… Chuchota Léo. On doit trouver un moyen de sortir d’ici.

Même un idiot comme lui pouvait s’en rendre compte. Pendant que Sia maintenait la porte, l’aventurier et son binôme corbeau devraient trouver une solution à leur situation problématique.

- J’y réfléchis déjà… Répondit Boris avec une once d’irritation dans la voix.

Le corbeau s’envola et tournoya dans la petite pièce comme un oiseau en cage. Il s’arrêta devant le hublot encrassé de la chambre, mais celui-ci était bien trop petit pour qu’un humain puisse s’y glisser. Il s’approcha ensuite des murs de chaque côté de la pièce, mais on pouvait déjà entendre les crissements des rats qui semblaient être rentrés dans les chambres avoisinantes. Il ne semblait y avoir aucune issue.

- Je vais pas mourir ici, bouffé par des rats ! C’est pas possible ! S’impatienta Léo.

Dans sa frustration, l’aventurier donna un bon coup de pied sur le plancher, juste à l’endroit où il était tombé quelques secondes plus tôt. Les planches de bois déjà affaiblies cédèrent sous la force de l’impact.

CRACK !

Le bruit éclatant ne fit qu’empirer l’excitation des rats qui rôdaient autour de la pièce et l’eau stagnante sur le sol s’écoula entièrement dans le trou béant vers la pièce inférieure… C’était une autre cabine, complètement plongée dans le noir et déjà presque entièrement remplie d’eau. Ce n’était pas une option pour la fuite non plus, mais cela suffit à donner un éclair d’idée à Boris.

- On ne peut pas s’enfuir par en dessous… Mais pourquoi pas par au-dessus ?

Léo le regarda d’un air dubitatif.

- AU TRAVAIL, LEONARD ! Pète-moi ce plafond !

Comprenant enfin où le corbeau voulait en venir, Leonard se précipita dans le coin de la pièce où il souleva une petite table de nuit. Il grimpa sur le lit et y déposa son marchepied improvisé. Malgré un équilibre douteux, il parvint à se surélever assez haut pour donner un coup de poing dans le plafond qui céda presque instantanément. Il arracha promptement quelques planches pour permettre à un humain de se hisser à l’étage supérieur. Le jeune homme se mit alors en position pour faire la courte échelle.

- C’est maintenant, Sia ! Relâche la porte et viens par ici ! S’écria Boris.

Il ne fallu pas lui dire deux fois. Illico, l’aventurière s'exécuta. Au même moment, les rats parvinrent à ronger le bois assez profondément pour pénétrer dans la pièce, envahissant le sol comme une marée noire.

- AAAAAH ! Beugla Léo.

Il s’empressa de propulser Sia vers l’étage supérieur, qui lui tendit la main pour l’aider à grimper à son tour. Il fut soulevé au dernier moment possible, lorsque les crocs des rats étaient à deux doigts de lui lacérer les chevilles.

Ils s’en étaient sortis, pour le moment...

Résumé des actions:

Je m'occupe de maintenir la fine porte de bois nous séparant d'une mort certaine. J'entends la masse informe de rats se déplacer rapidement à travers le couloir. Les petits cris et autres petits couinements se faisant entendre comme si cette armée de rongeurs était juste à côté de moi. Les poils sur ma nuque se hérisse intensément en une chair de poule incontrôlable. Mon corps entier réagit par instinct, mon sixième sens me hurlant de fuir pour ma vie. J'apaise autant que possible ma respiration et les battements de mon cœur. J'ai l'impression d'avoir ce dernier dans les oreilles tellement la panique commence à s'emparer de moi. Nous avons fait tout ce chemin péniblement pour récupérer un foutu collier, et voilà que l'on se retrouve piégés par des rats. Et aucun de nous ne semble avoir de pouvoir capable de nous protéger d'une telle quantité d'ennemis. Même à deux combattants, nous ne pourrons pas vaincre autant de ces créatures avec nos épées.

Je regarde Leonard et Boris se disputer en chuchotant pour trouver une solution. J'ai envie de leur hurler dessus pour qu'ils utilisent la cervelle de moineau qu'ils semblent partager pour défoncer le plafond. Par Lucy, le corbeau a finalement cette illumination. Par désespoir mon regard se lève vers le plafond. Évidemment, le bruit ne tarde pas à exciter les rongeurs derrière moi. J'entends leurs dents et griffes s'attaquer au bois humide de la porte, de plus en plus frénétiquement et de plus en plus nombreux. Le bruit résonne aussi aux murs de la chambre où des petits museaux commencent à se faire apercevoir. Les secondes me paraissent des heures alors que je regarde l'aventurier se débarrasser du plafond aussi vite qu'il le peut.

Dépêches. Dépêches. Dépêches bordel. Je me répète ces mots en boucle. Une légère douleur se fait sentir au niveau d'un de mes mollets, je retiens autant que possible un cri de douleur, baissant le regard vers une patte venant de me griffer à travers la porte. Je serre les dents autant que possible et décale lentement mes jambes pour qu'elles ne soient pas griffées et mordues à nouveau. Je vois de plus en plus de petites pattes et museaux commencer à passer à travers le bois des murs et de la mince porte que je retiens. Un des rats commence à passer sa tête et je dégaine mon épée pour le décapiter. L'odeur du sang ne tarde pas à exciter ses congénères qui se tournent un instant vers lui plutôt que vers le bois. Un très court instant. Trop court. Certains individus commencent à péniblement passer leur corps à travers les ouvertures créées.

« Sia ! »

C'est la voix de Boris qui me donne le signal. Sans même attendre ou réfléchir plus, je range mon arme et me dirige à toute vitesse vers Leonard qui me fait la courte échelle. À peine ai-je lâché la porte qu'elle s'ouvre et cède complètement sous le poids de la masse excitée de rongeurs. Tous semblent se diriger vers nous d'un même mouvement, telle une vague d'une mer sombre et couinante, les yeux nombreux yeux rougis et fous réclamant de la chair neuve et fraiche.

Je me retrouve rapidement à l'étage supérieur, en sécurité, bien que provisoirement. Le plancher grince sous mon poids alors que je me penche pour tendre ma main à Leonard. Son compagnon plumé m'aide autant que possible, tirant sur mon vêtement pour m'éviter de tomber avec le jeune homme, le tirant de toutes mes forces, légèrement aidée par l'effet de l'adrénaline se déversant dans mon corps.

Je ne prends pas le temps de reprendre ma respiration que déjà je dégaine l'une de mes épées, me relevant et me mettant en position, prête à me battre pour sauver ma vie. Je lance un regard vers l'aventurier et lui fait signe de rapidement se relever. Nous devons fuir. Je ne sais où, mais nous devons fuir. Et rapidement. Très rapidement. Je commence alors à parcourir le couloir au pas de course, le plancher ne manquant pas de grincer très bruyamment à chacun de mes pas, certaines planches sur le point de se briser. Je m'en fiche, je fonce aussi vite en direction de l'escalier le plus proche. Je m'arrête devant au dernier moment. Déjà les cris stridents des rongeurs se font entendre et j'aperçois des paires d'yeux rougis qui montent les escaliers. Un nouveau frisson traverse mon corps.

« LEONARD ! MONTE ! »

Ma voix n'a pas manqué d'exciter les créatures qui commencent à se ruer sur moi. Je sors ma deuxième épée et abats plusieurs rongeurs essayant de me sauter dessus. Ils se ruent en direction de mes pieds et jambes, mes lames venant se ficher dans leurs corps tremblants dès qu'ils approchent un peu trop. Certains parviennent à m'atteindre, leurs dents et griffes perçant rapidement la couche de mes vêtements, du sang commençant à perler sur mes mollets. Je serre les dents et remonte l'escalier à reculons. Dès que mon coéquipier me dépasse et s'engouffre dedans, je tourne les talons et lui emboite le pas, les rats juste derrière nous et bien décidés à se nourrir.