Les mains dans l’eau pour prélever avec délicatesse un nouveau plant, Calixte attendit la réponse de Rebecca à ses questions… qui ne vint jamais. Tournant la tête pour aviser le profil de l’aventurière, lo soldat-e écarquilla les yeux aux vagues soudaines se dessinant sur l’onde. Abruptement, ses doigts glissèrent contre le rebord de leur barque pour y trouver une accroche plus stable, et iel écarta quelque peu les genoux pour assurer son équilibre. Le poids de son ventre, qu’iel ne maitrisait pas très bien car iel revêtait surtout ses formes féminines pour dormir, l’entraina en avant, et iel crut par trois fois qu’iel allait passer par-dessus bord. Néanmoins, comme l’arrondi de sa chair rebondissait doucement contre le bastingage et que son estomac réalisait de furieuses montagnes russes, les remous aquatiques finirent par s’estomper pour laisser place à une mer d’huile.

Culbutant presque par-dessus le rebord, s’agrippant désespérément à celui-ci, Calixte relâcha le contenu tourmenté de ses entrailles pour offrir un déjeuner inattendu aux petits poissons passant à proximité. Lorsque ses intestins eurent retrouvé un peu du calme environnant, iel passa un revers de main tremblotant contre sa bouche et attrapa fiévreusement la gourde fontaine qu’Abdallah lui tendait.

- Si on doit de nouveau avoir du roulis, cette crique va finir par nager dans mes rejets, grommela lo coursier-e, évitant de s’attarder sur le fait qu’iel avait de nouveau de plus en plus envie de faire une pause pipi.

Troquant sa gourde contre une pastille nausipause, iel avala la pilule magique et attendit patiemment quelques secondes que les premiers effets se fissent sentir. Doucement, ses nausées s’apaisèrent, et les mouvements de la barque sous le soleil montant à l’horizon n’imprimèrent plus de dangereuses valses contre son estomac. Dans un soupir soulagé, iel replongea les mains dans l’eau pour attraper un nouvel asclius.

- Est-ce que toi aussi tu as eu beaucoup de soucis pendant ta grossesse ? demanda-t-iel en amenant le nouveau plant vers le sac de conservation. Et l’accouchement… comment ça s’est passé ? poursuivit-iel en pâlissant légèrement à cette perspective qui, isolée, l’emplissait de doutes.

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Iel plongea à nouveau les mains dans l’eau, mais les asclius alentours esquivèrent celles-ci en glissant toujours plus hors de portée de ses doigts, jusqu’à s’enfouir centimètre par centimètre un peu plus dans les profondeurs de la crique. Probablement jusqu’à un mètre, puis deux. Dépité-e, Calixte jeta un regard à sa camarade de quête, puis aux végétaux aquatiques fuyants. N’aurait-ce été pour le Bigthumnail, iel aurait demandé à Kaname d’aller récupérer les plants restants.

- Je ne suis pas certain d’être bon pêcheur, à moins que ce soit pour des sardines, commenta-t-iel distraitement en songeant à sa fourchette magique, et au fait qu’iel n’avait pas très envie de se frotter de près comme de loin à l’immense ombre se prélassant sous l’onde.

Saisissant l’une des rames de la barque, iel entreprit de pousser celle-ci un peu plus loin au-dessus des bancs engloutis d’asclius. La vision de ses rejets n’était pas exactement ce qu’il y avait de plus agréable et, quitte à attendre, iel préférait le faire à distance du contenu de ses intestins.

De gestes doux et lents, afin d’éviter un maximum d’attirer l’attention de l’imposante créature maritime, lo soldat-e les fit se déplacer sur la mer d’huile.

- C’est Luz qui t’a accouchée ? nota-t-iel à voix haute de manière plus rhétorique qu’autre chose.

A n’en point douter, la médecin était experte dans son domaine. Néanmoins, iel devait avouer ne pas se trouver très à l’aise à l’idée d’imaginer la tête de celle-ci entre ses cuisses, autrement que pour le chaleureux souvenir de valses passées.

A une petite poignée de mètres de leur situation initiale, lo coursier-e tira sa pagaie hors de l’eau et la cala contre son ventre rebondi, songeur-se.

- C’est quoi la chose qui t’a la plus surprise au cours de la grossesse, de l’accouchement, ou du début de ta vie parentale ?

Et peut-être que par « surprise », il fallait plutôt entendre « inquiétée », mais peut-être son esprit un peu trop sur le qui vive depuis son retour du désert volant avait-il besoin de plus de bonnes, que de mauvaises, surprises.

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Ramener copain ? glissa contre sa conscience la voix de Kaname, lui faisant relever le regard de l’onde vers la plage un peu plus loin.

Lui parvenant magiquement, elle semblait tout de même atténuée, comme si la distance pouvait jouer aussi bien sur les ondes sonores qu’enchantées. Mais, peut-être, était-ce simplement une vue de l’esprit. Plissant les yeux, lo soldat-e focalisa son attention sur les petites silhouettes qui s’agitaient autour de la loutre, du griffroid et du nourrisson, ses lèvres s’entrouvrant finalement sur un « o » de surprise en reconnaissant enfin le groupe de poloms visiblement ravis de ces nouveaux compagnons de jeu.

- Heum, fit-iel donc intelligemment à l’adresse de Rebecca, en tendant un doigt médusé vers le rivage.
Copains mignons ! s’exclama à nouveau Kaname, apparemment enchantée par la présence des poloms. Mais veulent jouer avec bébé… bébé petit, non ? Comme petit loutron. Mais sait rien faire comme loutron.
Surveille bien North ! Les poloms ne sont pas dangereux mais très curieux. Voire joueurs. S’ils décident de tenter d’embarquer North… je crains plus Reb que les bigthumnails.
En ramener Bastion ?
Non.
Oh. Ka’t pas aimer polom, conclut d’un ton dépité la loutre tandis que des glapissements surpris s’envolaient depuis la plage.

Visiblement la petite griffroid était bien moins accueillante que son aînée, et avait décidé de planter ses crocs dans tout membre poilu tentant de s’approcher de la poussette magique. Depuis la barque, Calixte pouvait contempler les reflets d’un bleu glacial couronnant le jeune familier comme ses ailes se gonflaient au-dessus de sa tête pour effrayer les nouveaux venus.

Après un rapide regard aux plants d’asclius qui ne paraissaient pas pressés à refaire surface et à la nouvelle ombre, tout aussi imposante que la première, s’étant glissée dans les eaux calmes de la crique, la résolution du-de la coursier-e fut vite trouvée.

- Je vais aller vérifier que nos nouveaux amis ne s’enflamment pas trop, déclara-t-iel à l’aventurière.

Après tout la légende racontait que les poloms étaient capables d’utiliser le crâne d’humains ensommeillés comme ustensiles, alors mieux valait faire preuve de prudence en la présence d’un nourrisson.

- Si les fleurs ne remontent pas tout de suite, je propose d’attendre un peu. Notamment que je retrouve mes formes usuelles ; je serais moins un boulet pour toi, et elles me seront plus aisées pour plonger au besoin.
Et éviter de finir entre les crocs toujours plus nombreux des voraces créatures aquatiques.
Eli, fusion, accélération, direction Kana, Ka’t et North.
Attaquer ?
Dissuader.
Mpf. Pareil.

Disparaissant au creux d’une bille, Calixte se laissa transporter par le teisheba à hauteur prudente au-dessus des flots pour regagner la plage bordant le fond de la crique. En quelques accélérations, le familier d’orage contenu l’y déposa avant d’aller s’amuser à poursuivre quelques poloms.

Lo soldat-e n’était pas sûr-e du point de vue de son amie sur l’affaire, mais iel était certain-e de ne pas vouloir finir en pâtée pour bigthumnail si celle-ci devait décider que sa progéniture était en danger. Ou mal gardée. Ou simplement ennuyée. A choisir, iel préférait que la jeune femme se déchainât sur les créatures aquatiques leur compliquant la récolte plutôt que tout autre alternative déplaisante pour iel et ses familiers.

Le pas alourdi par le poids de son ventre qu’iel peinait à manipuler et le pied rendu encore plus maladroit – si c’était possible – par l’instabilité du sable, iel chassa du revers de la main un polom aventureux et appréhenda le petit North.

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- Allez, shoo ! fit Calixte d’un ton contenant autant de menace qu’un eriophai en peluche.

Le couple de polom le plus proche de la poussette magique hésita un instant, avant de venir tapoter les jambes maladroites de ce bibendum vivant ne demandant qu’à être renversé. Une rasade d’eau vint cependant le cueillir alors qu’il allait réussir à faire culbuter lo soldat-e, et son attention se tourna vers la loutre géante qui prenait à présent à cœur d’éloigner ces invités surprise. Bardée de son armure adaptée, Kaname chargea les petites créatures qui détalèrent sans demander leur reste. Dans un soupir, Calixte poursuivit son chemin et se pencha par-dessus North. Indifférent à l’agitation alentour, le nourrisson semblait même s’amuser des formes qui passaient ici et là, entrant et disparaissant aussi vite de son étroit champ de vision.

- On va attendre que tout ce bazard soit fini pour te laisser sereinement là-dedans, hein ? fit-iel d’une voix douce en attrapant délicatement l’enfant pour le loger au creux de ses bras.

Ce n’était pas la première fois qu’iel portait contre iel un être si jeune – après tout, la vie d’espion l’avait mené-e dans un large panel de situations improbables – mais ce geste au diapason de sa grossesse actuelle avivait en son cœur d’étranges sensations. De l’anticipation, un peu, de la tendresse, beaucoup. Teintées d’un voile d’inquiétude particulièrement persistant.

S’arrachant aux gazouillements ravis de North et de ses pulsions parentales l’incitant à juste câliner celui-ci et s’amuser avec ses petites mains, Calixte se retourna pour appréhender ce qu’il devenait du groupe de poloms. Apparemment, du hachis parmentier. Autour de l’aventurière se dessinait un cercle comme si elle avait propulsé quelque chose pour éloigner – et trucider – le large groupe des petites créatures, et celles que lo soldat-e avait chassées avec Kaname avaient dû se trouver écartées de la zone de choc. Concernant celles encore vivantes, elles se relevaient chancelantes, sonnées par ce que leur avait fait Rebecca, pour mieux s’enfuir sous l’assaut combiné des familiers revenant à la charge. Entre les jets d’eau de la loutre, les éclairs du teisheba et la morsure glaciale du griffroid, l’endroit avait viré d’espace de jeu – et de kidnapping – à un ring de boxe particulièrement peu attractif.

- Oh, d’accord, fit intelligemment lo coursier-e comme son amie lui indiquait de garder le nourrisson alors qu’elle s’éloignait pour chasser – ou embrocher – les poloms retardataires.

Avec l’aide d’Abdallah, iel récupéra son emport’tout qu’iel déplia sur un espace relativement plat de la plage, y installa un mobilier sommaire pour s’y assoir sans trop avoir à se contorsionner pour se relever puisque l’envergure de son ventre limitait certains mouvements, et fit un petit aller-retour pour décrocher la poussette magique et l’y amener. Ainsi, à l’entrée de l’abri de fortune, profitant des rayons du soleil pour dorer ses pieds sans risquer l’insolation ni pour iel ni pour North, Calixte attendit patiemment le retour de Rebecca et des familiers. En espérant que l’aventurière ne déciderait pas de manger ces derniers par esprit de rétribution.

Berçant d’un bras le nourrisson, iel dégaina sa longue-vue pour tenter de vérifier la présence des bigthumnail, et la remontée – ou non – des asclius. Sur l’onde, sa barque magique tanguait lentement, esseulée.

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Apparemment Rebecca ne mangerait pas tout de suite les familiers, et ceux-ci détallèrent rapidement une fois que l’attention de l’aventurière se reposa sur la chair de sa chair. Profitant de ce moment de répit pour s’approcher prudemment de l’eau, et finir de dégourdir leurs pattes – et nébuleuse – sous la fraicheur de l’écume tranchant avec la chaleur rémanente des rayons du soleil. Plus tard, lorsqu’ils se seraient lassés de cet exercice frivole, ils reviendraient auprès de l’emport’tout déployé et des humains aux émois instables.

D’un œil distrait, Calixte observait ses compagnons d’écailles et de crocs batifoler tout en avisant avec méfiance l’onde dont les ombres étirées des bigthumnail ridaient la surface autrement calme. Apparemment les deux créatures vivaient assez mal le fait d’être deux sur ce territoire, et lo coursier-e espérait que l’idée d’aller voir ailleurs si les algues étaient plus vertes les prendrait rapidement. Présentement, entre les fleurs toujours en profondeur et les deux bêtes énervées, iel n’avait pas très envie de se risquer à poursuivre la récolte. Ce qui tombait bien, car North, lové au creux de ses bras, avait un autre planning pour iels.

- Elles sont toujours sous l’eau. Avec les bigthumnails, grimaça-t-iel à l’adresse de Rebecca comme l’enfant vocalisait davantage.

Méprenant l’agitation croissante du nourrisson pour une envie de jouer, iel déposa celui-ci sur ses genoux pour le faire sautiller. Ses tympans furent cependant bien vite victimes de son incompétence, car ça n’était visiblement pas ce que demandait le petit North.

- Oh wow, fit intelligemment Calixte comme la bombe sonore se taisait temporairement pour suçoter ses doigts avant de reprendre de plus belle.

Surpris-e par cet éclat autoritaire, iel en oublia tout le contenu de ses cours de préparation à l’accouchement et ses livres sur la parentalité, et songea distraitement que si les jumeaux devaient être aussi… audibles, il lui faudrait investir dans un objet magique d’isolation. Ou de boules quies.

- Je crois que hum, c’est une requête qui n’est pas à ma portée, conclut-iel en tendant l’enfant braillant toujours plus à sa mère.

Il ne lui semblait pas percevoir d’odeur particulièrement suspecte, et en dehors de cela rien d’autre, en dehors du besoin de nourriture, ne lui venait spontanément à l’esprit.

- Je vais te laisser la tente, pour que tu sois tranquille, déclara lo coursier-e en laissant sa place juste à l’entrée de l’emport’tout à son amie. Et puis, il me refaut une pause pipi, grommela-t-iel.

S’éloignant un peu – enfin jusque derrière un sympathique bosquet non loin – pour faire ses affaires, iel laissa Rebecca se dépatouiller de son enfant, surtout si elle souhaitait se dépoiler pour l’allaiter. Protecteur – et porteur d’un sens moral à peu près inexistant – Vreneli accompagna lo coursier-e à sa pause toilette afin de tenir à distance le moindre polom survivant curieux.

Lorsqu’iel revint enfin vers l’aventurière et son fils, Kaname et Ka’tea s’étaient rapprochées du duo pour les observer avec curiosité et bienveillance. Attrapant de quoi se confectionner l’équivalent d’une chaise longue pour se poser à côté de Rebecca, Calixte positionna le bout de ses pieds hors de la tente afin de profiter de la chaleur des rayons du soleil, tout en gardant le reste bien à l’abri.

- Je propose une pause le temps que les deux grosses anguilles s’entrebouffent, et que les asclius remontent à la surface, fit-iel dans un soupir en fermant les yeux.
Kana monter la garde !
Plus efficacement que tout à l’heure, j’espère…
Kana efficace ! A vu Poloms !
… certes. Réveille-moi si on a de nouveau de la visite, ou si Reb essaie de vous manger.

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Les yeux fermés, allongé-e principalement à l’abri de la toile de l’emport’tout, Calixte se laissait bercer par le bruit hypnotique des vagues léchant le sable à quelques mètres de leur campement improvisé. Les remarques de Rebecca lui parvenaient comme une mélodie au sarcasme confortable, étirant sur ses lèvres un sourire aussi bienheureux que s’il s’était agit du plus bel air de l’un des concerts les plus prisés de la Capitale.

- Je sais que tu n’es pas friande de longs bavardages, mais j’ai depuis peu un emploi du temps moins chargé qu’auparavant : n’hésite pas à me passer un coup de cristal de communication de temps à autres, même si c’est pour une poignée de secondes, commenta-t-iel en savourant la caresse des rayons de soleil contre ses orteils.

Un peu plus loin, iel pouvait percevoir les bruits de jeu et de patrouille sommaire de ses familiers, qui ajoutaient un contrepoint non désagréable à la musique de fond maritime. Aussi sûrement qu’iel savait que l’astre rayonnant du ciel parcourait le ciel jusqu’à se noyer dans l’horizon, iel savait qu’iel ne tarderait pas à s’endormir pour une petite sieste. Grace à la pastille nausipause et sa pause sanitaire récente, son état gravidique était présentement moins pénible qu’usuellement, et sa fatigue latente se rappelait à iel. Entre la présence de l’aventurière et celle de ses familiers, iel ne craignait guère sombrer dans l’inconscience le temps d’un repos salvateur.

- J’avoue avoir déjà des plans pour le Solstice. Mais je serai régulièrement sur la Capitale la lune précédant les festivités, notamment pour décorer la maison de Luz. Je pourrai passer te voir à cette occasion, voire t’aider à mettre la tienne aux couleurs du Solstice, et on se fera un sortie gaufres.

Et comme la discussion se tarissait avec les réponses succinctes de Rebecca, imitant le nourrisson qui s’apaisait et somnolait entre les bras de celle-ci, Calixte s’endormit.

Pour se réveiller un couple d’heures plus tard, alors que le soleil dépassait tout juste le zénith et que son estomac commençait à réclamer pitance.

Se redressant pour s’étirer langoureusement, iel chassa les dernières bribes de sommeil emmaillotant son esprit, et constata avec bonheur qu’iel s’était instinctivement recroquevillé-e pendant sa sieste, évitant à ses orteils de brûler. Attrapant Abdallah, iel glissa sa main dans son grand-sac-sans-fond à la recherche d’un encas frugal et riva son regard à l’horizon. De ce qu’iel percevait, la crique avait été délaissée par les bigthumnail – mais peut-être rôdaient-ils encore non loin – et les plans d’asclius étaient remontés à la surface.

Après leur déjeuner sur la plage, Rebecca reprépara North dans sa couveuse enchantée et le laissa à nouveau en la compagnie de Kaname et Ka’tea – non sans leur promettre de les tailler en brochettes dussent-elles commettre le même impair que plus tôt – à l’abri sommaire de l’emport’tout toujours déployé. Et tandis que Calixte profitait à nouveau d’une fusion et de l’aide de Vreneli pour rejoindre la barque magique qui avait eu la bonne idée de ne pas se carapater pendant leur pause, l’aventurière fit de même avec quelques ombres.

- Et bien c’est reparti, déclara joyeusement lo soldat-e et plongeant à nouveau ses mains dans l’onde pour attraper un plant.

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Iels remplirent encore le sac de deux beaux plants – Calixte espérait un peu naïvement que le commanditaire de leur mission serait sensible à leur effort dans le choix des asclius – et lo soldat-e replongea ses mains dans l’onde avant de lever un regard surpris puis reconnaissant vers Rebecca. L’aventurière était loin d’être un parangon de sympathie mais, quelque part, cela rendait ses petites attentions encore plus touchantes.

- Entre la pastille magique, la pause pipi et la petite sieste de plus tôt, pour le moment ça va, merci, répondit-iel en soupirant de déception comme les asclius étaient actuellement trop profonds pour iel.

L’ambre se coula le long de l’eau calme de la crique pour remonter les petites dunes de sable clair et leur campement improvisé. North semblait toujours dormir tranquillement et les familiers alentours s’étaient mis à patrouiller méticuleusement.

- Peut-être une nouvelle pause une fois notre labeur terminé, mais à présent ça ne devrait plus être très long, ni trop pénible, poursuivit-iel en jetant un coup d’œil prudent à Vreneli qui s’éloignait quelque peu pour vérifier que les bigthumbnail ne revenaient pas les importuner.

Rajustant le bob en tissu anti-canicule sur sa tête – il ne faisait, certes, pas des températures extrêmes en cette fin de saison chaude, mais Calixte ne souhaitait pas tenter l’insolation sous les rayons chaleureux du soleil présent – iel riva à nouveau son regard sur son amie.

- Nous avons parlé de mes plans pour le Solstice, mais toi ? As-tu quelques surprises prévues pour North ? Des plans pour vous deux, voire plus ?

S’iel se souvenait bien, les parents de Rebecca n’étaient plus de ce monde et l’aventurière n’avait jamais mentionné un autre pan de sa famille qu’elle côtoyât. Avait-elle seulement encore quelques liens avec le Capitaine Hekmatyar ? Ou bien avec la personne ayant participé à la création de North ?

- Ou peut-être un peu de tranquillité, simplement, pour cette occasion. Oh ! Peut-être North sera-t-il assez grand pour savourer découvrir les jours de neige ! Je suis sûr que la Capitale revêtira son manteau blanc – puis quelque peu boueux – pour la dernière lune de l’année.

Assurément Samaël, même si cela ne serait guère sa première période de neige, profiterait allègrement de celle-ci. Comme sa mère, en réalité. Imaginant sans peine les yeux pleins d’étoiles des deux Prêth prêts à milles facéties dans la poudreuse qui viendrait saupoudrer même la région méridionale d’Aryon, Calixte sourit bêtement dans le vide.

Polom ! s’écria soudainement Kaname contre son esprit, lo tirant brutalement de ses douces rêveries.
- Polom ? répéta avec incrédulité lo coursier-e, pendant que son regard revenait sur la rive, en vain.
Eli, va voir et aider Kana et Ka’t si besoin, indiqua-t-iel au teisheba en dégainant sa longue-vue pour mieux observer la berge sableuse.

Filant à la propulsion de sa magie, le familier ne se fit pas davantage prier, prêt à claquer de l’éclair rétributeur si le moindre polom devait retenter le kidnapping de nourrisson.

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Armé-e de sa longue-vue, Calixte observait le manège des poloms pas effarouchés par le carnage précédent de leurs congénères, et se donnant à cœur joie dans le jeu de cache-cache engagé avec ses propres familiers. Prudemment, Kaname avait poussé la poussette de North un peu plus à l’abri de l’emport’tout, rabattant suffisamment les pans de l’entrée pour en rendre difficile l’accès aux créatures séquestratrices. Puis, comme Ka’tea restait aux côtés du poupon pour assurer sa défense, la loutre armée de son manta pist’ et le teisheba s’étaient mis en quête de leurs harceleurs. Jets d’eau et éclairs foudroyants ratissaient l’enclave sablonneuse de la crique, faisant voler des gerbes de particules dorées et entrainant ici et là quelques exclamations surprises, voire douloureuses. Les camarades du-de la coursier-e prenaient à cœur leur mission de protection, Vreneli particulièrement heureux de pouvoir déchainer ses foudres, et ne tenaient visiblement pas à finir en brochettes entre les mains courroucées de Rebecca.

- Il y a vraiment des poloms sur la plage, répondit-iel en fronçant les sourcils à l’étrange formulation de l’aventurière. Comment ça, on s’occupera de toi…

Baissant sa longue-vue magique, rivant son regard inquiet sur la jeune femme, il ne fallut pas longtemps à Calixte pour se douter du malheur de celle-ci. La main qu’elle avait recroquevillée contre sa poitrine portait la trace vermeille de petites morsures, mais surtout les plaques s’expandant implacablement depuis les points punctiformes révélaient une espèce de réaction visiblement prurigineuse, à en croire les tressautements fébriles de ses doigts sains en dépit de sa concentration tournée vers la plage. Dans un mouvement un peu brusque manquant de les faire passer par-dessus bord, lo soldat-e se pencha par-dessus le rebord de la barque pour étudier l’onde les entourant. Dans l’eau se ridant toujours paresseusement contre leurs flancs, les silhouettes d’une vie aquatique plus vive depuis le départ des bigthumnail attirèrent son regard. Iel pouvait reconnaitre là une belle tripotée de zebranops et de pichons, créatures pas véritablement menaçantes mais aux reliefs potentiellement doucement venimeux.

- Va leur régler leurs comptes une bonne fois pour toute, si tu préfères, acquiesça-t-iel en se saisissant d’une rame tout en grimaçant.

Rebecca avait raison ; certes, sa blessure était pénible, mais certainement pas vitale. Peut-être valait-il mieux qu’elle retournât auprès de North afin d’éviter un nouvel épisode de kidnapping. Ses familiers avaient beau être de bonne volonté, si toute la population de poloms du coin décidait d’adopter l’enfant, ils n’y pourraient pas grand-chose.

- Je vais me débrouiller avec ça, poursuivit-iel en tentant de chasser de sa rame les poissons alentours.

Apparemment en vain. Les asclius étaient encore à portée de main – mais pour combien de temps ? – et peut-être valait-il mieux ne pas trop s’attarder si toute la faune locale décidait de les attaquer. Après tout, il y avait bien une raison pour laquelle l’enchanteur de plus tôt envoyait des aventuriers faire ses courses au lieu de se déplacer lui-même.

Dans un soupir quelque peu contrarié par son échec, Calixte se demanda si user de son teïzer pour sonner les créatures marines était raisonnable. Mais certainement le choc, quoi que plutôt doux et bref, serait assez mal vécu pour les animaux – et les plantes – immergés dans cette mare conductrice. Aussi, peu enclin-e à aventurer ses doigts nus dans l’eau grouillant de pièges, iel actionna l’orbe de sa télékinésie minimaliste et s’aida d’ustensiles de cuisine pour s’essayer à l’extraction d’un nouveau plant d’asclius. L’affaire, mal aidée par sa maladresse de coutume, ne fut concluante qu’après un certain nombre de tentatives, et lorsqu’iel récupéra la fleur cueillie tant bien que mal – et plus mal que bien – iel soupira à nouveau d’un mélange de soulagement et de lassitude. Heureusement, il lui semblait qu’iels touchaient bientôt au quota indiqué par leur commanditaire.

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