L’audace du baroudeur paya car rapidement, la frêle Ayah s’arrêta de grelotter et il ne fallut pas plus de quelques minutes pour qu’Askr ne s’endorme.

Un sommeil de bien piètre qualité : le vent venait cingler sur son dos de manière irrégulière. Mais qu’était-il face à cette puissance de la nature ? Il ne pouvait qu’endurer au mieux et espérer que sa partenaire de quête soit suffisamment protégée pour ne pas en souffrir.

L’aventurier ne remarqua qu’après coup qu’Ayah avait saisi sa main et entrelacé ses doigts avant de l’approcher de son cœur. Un délicat contact qu’elle avait sans doute fait inconsciemment lorsqu’elle se trouvait à la limite du monde des rêves. Toujours étant, il ne savait pas vraiment quoi faire. Devait-il s’en séparer au risque de la réveiller et de la mettre mal à l’aise ?

Il balaya rapidement cette idée et s’accommoda de la situation sans bouger d’un pouce… Enfin, si lui ne bougeait pas, on ne pouvait pas en dire autant d’Ayah ! Plus elle s’enfonçait dans ses rêves, plus elle s’agitait.

L’aventurier restait hésitant et ne savait pas trop quoi faire de plus pour apaiser la guérisseuse. Cette dernière lâcha sa main avant de se mettre à marmonner quelques mots sans aucun sens :

« Je ne l’ai pas mangé… Je le jure… » Baragouina-t-elle avant de se retourner vers Askr.

Elle se blottit comme une enfant sur son torse, gardant les mains fermées sur sa propre poitrine elle glissa l’une de ses jambes entre celles de l’aventurier.

Naturellement, Askr referma ses bras autour d’elle et se mit à lui caresser doucement le dos de manière rassurante. Les oiseaux chantaient dans la forêt, le jour n’allait pas tarder à se lever. Il s’était efforcé de garantir une bonne qualité de sommeil pour sa partenaire afin de lui-même pouvoir se reposer mais il n’en fut rien de son côté. Sa nuit fut principalement mouvementée par le souci du bien-être de la guérisseuse. Mais pourquoi lui portait-il autant d’importance ?

Ayah se réveilla doucement puis s’exclama dans un sursaut avant de se dégager maladroitement des bras d’Askr :

« Ah ! Désolée, je ne voulais pas empiéter autant sur ton espace vital. Merci de m’avoir tenu chaud cette nuit… Je ne suis pas sûre que j’aurais pu dormir aussi bien sans… Heu… ça… »

« Humm… Heuu… Derien. » Répondit-il maladroitement avant de poursuivre comme pour se justifier :

« Je l’ai surtout fait pour m’éviter une nuit blanche et essayer de trouver le sommeil… »

* Mais quel abrutis * Songea-t-il en se mordant la joue intérieure.

La jeune garde ne savait plus où se mettre. Ses joues étaient teintées de rose et elle prenait grand soin à éviter tout contact visuel avec Askr. Lui-même ne savait pas vraiment quoi faire ou dire pour rompre ce pseudo malaise qui c’était bien rapidement installé dès le réveil.

« Enfin, il faut dire que tu as eu le sommeil bien agité. D’ailleurs, je suis bien curieux de savoir ce qu’on t’accusait d’avoir mangé… » Demanda-t-il rhétoriquement.

« Oublie ça, tu veux ? Il nous reste un peu de route avant d’arriver à Grand-Port. La matinée s’annonce plutôt belle ! Le vent c’est complètement calmé dans la nuit et le ciel semble bien dégagé, mais ça reste difficile à affirmer sous ces arbres. »

L’aventurier se dirigea vers les chevaux et caressa affectueusement l’encolure d’Ablette.

« Profitons du beau temps. En selle ! » Dit-il énergiquement.




Le binôme hétéroclite s’engagea dans les rues de la ville qui fourmillait de monde. Il devait tout juste être midi et le soleil de plomb habituel du sud était à son zénith. Askr ouvrait la marche au pas, toujours perché sur le dos de sa jument, prenant la direction du bastion de la garde du sud.

Ils arrivèrent finalement devant l’imposante bâtisse, commandé par l’illustre Yuduar… Racleur de bidet dans sa folle jeunesse. Une expression d’amusement se dessina sur le visage jusqu’alors dur d’Askr.

« Nous y voilà. L’aventure se termine ici pour toi… Moi il ne me reste qu’à retourner au siège de la guilde puis aller à… »

Il ne termina pas sa phrase. D’ordinaire après chaque quête ou aventure, l’aventurier avait pour habitude de se rendre en taverne afin de s’y détendre et jouer aux cartes si l’ambiance s’y prêtait. Mais pourquoi y aller seul alors qu’il n’avait pas terminé seul cette aventure ?

« Je… L’aventure n’est pas encore terminée. Elle le sera une fois qu’on se sera installé dans la taverne juste à côté du siège de la guilde. Enfin… J’y serai ce soir, et si l’envie de plais de m’y retrouver, libre à toi. » Déclara-t-il avant d’effectuer un demi-tour en tirant la bride sur le côté.

« Mais surtout, prends soin de toi Ayah ! » Termina-t-il en s’éloignant, lui adressant un geste de la main en lui tournant le dos.

Quelle aventure, Askr ne se serait pas douté un seul instant faire la rencontre d’une femme comme Ayah. Elle avait ravivé en lui une flamme éteinte depuis bien des années. Alors qu’hier il se demandait encore si cette flamme devrait s’éteindre de nouveau, aujourd’hui il n’en était plus question : il voulait prendre soin de cette étincelle et la protéger au mieux pour qu’elle se transforme en brasier si l’avenir le permet.