La possibilité d'une conversation "posée" lui fait souffler un rire. Ils savent tous deux très bien que la conversation du lendemain sera animée, et qu'il y'en aura surement pas un pour rattraper l'autre. A sa demande, il garde un sourire poli en hochant la tête.
-"Bien volontiers, ça nous fera du bien. Il commence à faire frais mine de rien, et la nuit va être particulièrement longue. On risque d'être recouverts de neige au petit matin. Il ne serait pas si tard, j'aurais bien été chercher un peu de bois dans la forêt pour improviser un petit abri de surveillance."
Totalement d'accord avec ses propos d'apprendre à se connaître, il la laisse préparer le thé en se redressant pour effectuer quelques pas autour du camp et laisser son regard se perdre dans l'obscurité. Il fait une nuit noire, et les nuages empêchent la lune de réellement les éclairer. Soupirant, il revient pour récupérer quelques torches dans son paquetage et commencer à les préparer.
-"Vu les nuages, on aura aucune luminosité cette nuit. Le feu va s'occuper du camp, si tu as une lampe magique on pourra l'utiliser pour faire des rondes. Mais dans le doute, j'aimerais bien placer quelques torches aux alentours du campement, pour avoir au moins une visibilité à un peu plus de dix mètres. Je vais essayer de m'arranger pour qu'elles brulent la nuit entière, mais je promets rien."
Finissant ses préparatifs, il vient les déposer contre son paquetage pour empêcher que la tête ne prennent l'humidité. Il remercie Sia pour le thé avant de la laisser parler. Effectivement, elle a un parcours surprenant. Rejoindre la Guilde pour s'enrichir et viser une carrière de forgeronne, c'est un parcours que l'on entend pas tous les jours. Quand elle termine de parler, il se redresse pour retirer sa cape et la lui mettre autour des épaules pour de bon, la laissant s'enrouler d'elle même dedans. Il voit la distance qu'elle essaye de mettre et la respecte, retournant ensuite s'installer près du feu, profitant de ce dernier et de sa tasse pour se réchauffer.
-"C'est beau de devenir aventurière pour suivre et protéger sa sœur. Et peu commun de se servir de ce métier pour ensuite devenir forgeron. Généralement, ce sont des carrières qui sont un objectif une fois devenu trop vieux pour exercer comme aventurier, et non directement un objectif de vie. Mais si c'est ce que tu apprécies et ce que tu souhaites, je ne peux que t'espérer la réussite dans tes projets."
Après une gorgée de sa boisson, il se racle la gorge pour parler à son tour. Le froid ne le dérange pas particulièrement, ayant du mal à passer les différentes épaisseurs qui composent son armure, même si il sent bien que le métal est déjà gelé de cette température qui ne fait que chuter.
-"Pour ma part, je devais devenir Garde, selon les souhaits de mon père. Mais même si j'aime pouvoir aider les gens qui en ont le besoin et les protéger des monstruosités que l'on peut croiser, humaines comme animales, je ne souhaitais pas vivre toute ma vie au même endroit. J'avais envie de voyager et de découvrir plus du monde. Donc dès que je m'en suis senti capable, j'ai fais le mur et j'ai attaqué ma carrière comme aventurier. Et maintenant ça fait... Eh bien, presque dix ans que je le suis. Et mis à part le fait que ça m'a couté mon œil, je dois dire que je n'en regrette pas grand chose. Je n'aurais jamais pu vivre aussi librement qu'aujourd'hui si j'avais suivi le chemin familial."
Cela le rend nostalgique quelques instants, avant qu'il ne finisse par reprendre la parole, claquant la langue suite à une nouvelle gorgée du thé.
-"Une fois que tu auras les fonds nécéssaire pour accomplir ton rêve, que tu seras une forgeronne renommée, tu arrêteras de travailler pour la Guilde comme aventurière ? Et surtout, comment tu veux arriver à être forgeronne tout en voyageant ? Car si mes souvenirs sont bons, c'est tout de même massif un haut fourneau !"
Et l'idée d'imaginer une forge entière tenant sur des chariots le fait sourire, amusé à cette pensée. Définitivement, la présence et la conversation de la jeune femme lui font du bien et l'aident à relativiser un peu cette mission compliquée qu'ils partagent en cette nuit fraiche...
« Ça devrait t’être utile. Et je te fais confiance pour les torches. »
J’esquisse ensuite un petit sourire avant d’être surprise par son geste. Je serais tentée de refuser sa cape, la lui laissant, mais il s’installe à nouveau et ne semble absolument pas montrer un signe de froid. À vrai dire, il parait équipé bien plus lourdement que moi et il est aussi bien plus habitué que moi à ce genre de vie. Il fait une petite remarque sur mon histoire qui me fait sourire avant de me raconter son histoire. Je profite qu’il parle pour lentement boire mon breuvage. Une garde en devenir qui exerce comme aventurier depuis presque dix ans. Je penche légèrement la tête sur le côté, évaluant ainsi son âge. Il doit avoir un âge proche de Lyle, un peu plus de 25 ans. S’il dit exercer depuis dix ans, je peux même parier sur 26 ans.
Je souffle de manière amusée à sa question sur comment je compte faire pour voyager et forger en même temps. Je finis mon thé tout en réfléchissant à la meilleure façon d’expliquer cela. J’observe le borgne un instant avant de récupérer mon sac sans fond et de chercher mon carnet à l’intérieur. Même si le géant en armure de plaques à mes côtés ne semble pas être atteint par le froid, je me sens gênée de profiter de sa cape qui lui sert à couper le froid. Je me lève et viens donc m’installer à côté de lui, veillant à ne pas le toucher, mais en posant bien sa cape sur ses épaules et les miennes.
« C’est à toi avant tout. »
Avec un air un peu plus timide, je tourne les pages de mon carnet, cherchant la page en question. Je finis par la trouver, ouvrant le carnet en grand sur un croquis et plusieurs notes techniques que je montre au blond.
« J’ai un ami enchanteur avec qui je travaille à la Forteresse. On a eu l’idée ensemble en discutant. L’idée serait d’avoir un emport’tout qui puisse déployer une petite forge. On a des essais à faire et je dois rassembler cristaux et matériaux pour pouvoir expérimenter, mais je pourrais ainsi créer le métier de forgeron itinérant. »
Je souffle un petit rire en laissant l’aventurier regarder les croquis, mon regard se reportant vers le ciel en continuant.
« Et je ne pense pas arrêter d’être aventurière. Disons que, je comprends ce que tu veux dire sur le fait de ne pas rester à un endroit. Je suis encore jeune et j’ai pris goût au fait de voyager, les missions, les rencontres, l’esprit de famille de la Guilde... C’est un tout qui me plait et que je n’ai pas envie de perdre. »
Je vais taire aussi que j’ai un arrangement avec le conseiller Callahan pour le programme des artisans de la Guilde, ce projet n’est pas encore abouti et je préfère ne pas en parler.
« Et j’ai plusieurs projets qui vont me demander de voyager à travers tout le royaume avec le temps. Donc pouvoir exercer mon métier sans tirer un trait sur toutes ces idées, ça serait parfait... »
Je me rends compte que je suis devenue un peu rêveuse. Je me ressaisis un peu, la lune finissant par légèrement percer entre deux nuages avant de rapidement disparaitre à nouveau. La neige risque de bien nous recouvrir cette nuit.
« Raconte-moi donc une de tes aventures ! Je ne suis aventurière que depuis moins d’un an, mais toi tu as de l’expérience maintenant. Tu dois avoir pas mal d’histoires à raconter ! Ou des conseils à partager avec une jeune aventurière ? »
Je me tourne vers le borgne alors que sa taille m’oblige à lever un peu la tête, un large sourire sur les traits et un air amusé. Je suis réellement curieuse de ce qu’il peut avoir vécu, ce qui a pu forger l'homme qu'il est aujourd'hui. J’ai aussi envie de savoir comment il a perdu son œil, mais je ne veux pas risquer d’amener un sujet délicat pour lui.
-"C'est gentil de ta part. Après si tu n'es pas à l'aise, tu n'as pas à te forcer, je te l'assure. Je viens de la Forteresse, je suis habitué au froid à force. Mais j'apprécie le geste, vraiment."
Et il est sincère quand il parle, cela se voit à son regard. Essayant de justement ne pas le laisser trainer trop sur le corps de cette charmante demoiselle si proche de lui, Sileas se concentre sur le carnet et les différents plants présents dessus. Il ne peut s'empêcher de rire doucement en voyant les différentes idées, qui ne manquent pas d'un certain fantasque.
-"C'est sur que c'est un sacré projet que tu as la. Si tu arrives à le réaliser, tu seras surement la première à l'accomplir, ça t'ouvriras nombre de portes autrement fermées. Ne serait-ce que pour le coté surprenant de la chose, beaucoup de monde viendra te voir."
La suite est étrangement plus philosophique, concernant la Guilde et son apparence de grande famille. Terminant sa tasse, l'aventurier réfléchit quelques secondes à tout cela avant de reprendre, prenant un peu de neige en bordure de leur petit campement pour venir nettoyer la tasse au dessus du feu.
-"Clairement, c'est addictif cette liberté et cette possibilité de faire ce que l'on veut quand on veut. Et on ne peut pas nier que l'adrénaline des missions et de leurs dangers l'est aussi. Je sais pas lequel des deux est le plus agréable. La liberté, ou ce petit frisson qui vient te traverser quand les combats commencent."
Et finalement elle vient lui poser cette question qui vient le prendre un peu au dépourvu. Tandis qu'il arque un sourcil, il vient fouiller dans son paquetage avant d'en sortir un petit paquet, enroulé de linges comme les précédents. Dedans, de la pâte de fruits, aux fruits rouges, il semblerait. Attrapant un petit cube, il vient tendre le linge à Sia si jamais elle a envie d'en prendre pour récupérer de l'énergie. C'est rempli de sucre et ça peut redonner un petit coup de fouet. Croquant dans le morceau, il réfléchit à la réponse à fournir.
-"Je ne suis pas doué pour conter des histoires, je dois dire. J'ai eut l'occasion de croiser une bonne partie des bestiaires classiques déjà, et je suis pas sur d'en avoir que de bons souvenirs. Peut être que je t'en raconterais quelques unes, mais je préfère faire ça au coin d'une cheminée avec de la bière et de l'alcool sous la main. Mais si je peux te donner des conseils..."
Sileas ne s'attendait pas à ce rôle de mentor improvisé. Il reste ainsi, lèvres entrouvertes une seconde, avant d'y glisser un autre cube fruité. Croquant dedans, il l'avale d'un seul coup pour reprendre.
-"Lis les bestiaires, apprends comment fonctionnent les créatures que tu dois affronter, mais ne t'y fies jamais. Comme on le voit aujourd'hui avec cette créature mi sauvage mi dressée, la grande majorité de nos quêtes et missions sont composées de bêtes qui n'agissent pas selon leur modèle habituel. Tu as surement déjà dû en croiser : des créatures normalement craintives de l'homme qui soudainement se mettent à les chasser. Des animaux dont la taille dépasse largement celle recensée habituellement. Bref, des anomalies. Eh bien ces anomalies doivent bien composer la majorité des missions que j'ai pu accepter. "
Un instant de pause, nouveau cube. Il les gobe comme des saucisses, à ce stade. Laissant bien sur la forgeronne se servir à son aise, le tissu toujours dans sa main ouverte et maintenue entre eux. Et encore une fois, il perd son regard quelques instants sur elle, avant de revenir aux alentours pour surveiller que le chouettours ne tente pas de les prendre par surprise.
-"Et écoute ton instinct. Apprends à comprendre pourquoi il agit et réagit ainsi. Ça vient avec le temps et l'expérience, mais bien souvent, quand tu as l'impression que quelque chose ne tourne pas rond sans mettre le doigt dessus, c'est le cas. Plus tu vas affronter de situations différentes et inédites, plus tu vas être prise au dépourvu, et meilleur il sera. Il fera des connections que tu n'arrives pas à comprendre immédiatement, mais qui souvent seront juste. Et crois moi, ça te sauvera la vie plus d'une fois."
Puis soudainement, il se met à rire, fermant l'oeil un instant avant de grogner.
-"Regarde moi, à ainsi radoter comme un petit ancêtre. Excuse moi, j'ai l'impression d'avoir raconté des vieux poncifs qu'on entends dans toutes les tavernes. Sur une autre note, tu veux prendre le premier ou le second tour de garde ? Vu qu'il commence à faire froid, je peux te laisser celui la et prendre le second quand la nuit sera à sa plus basse température, ça ne me dérange pas."
Il me conseille donc de lire les bestiaires, d’étudier les créatures, de suivre mon instinct et ce genre de choses. Quand il parle du fait que j’ai déjà dû croiser des créatures aux réactions anormales, je hoche lentement de la tête, pensant au vaaki argenté que j’ai dû éliminer en compagnie de Liory pour l’Astre de l’Aube. Je me souviens parfaitement de tout ce qui clochait chez cette créature et à quel point il a pu impacter sur son environnement. En somme, l’aventurier ne m’apprend pas grand-chose, mais je l’écoute tout de même attentivement, légèrement songeuse à ses mots.
Quand il se met à rire, je sors de mes songes et accompagne son petit rire quand il se traite lui-même de petit ancêtre. Je regarde le blond un peu plus tendrement, mon sourire devenant plus large à ses mots. Mais je me ressaisis quand il parle des tours de garde, je repense au fait qu’il dit avoir grandi à la Forteresse. Après un instant de réflexion, je lui donne une réponse simple, ne réagissant pas plus à ses conseils.
« Je prends le premier. J’ai des choses pour m’occuper et j’ai l’habitude de veiller pour travailler. Et je n’ai clairement pas la résistance au froid d’un originaire du Nord. »
Je lui offre un large sourire, légèrement taquin. Je récupère alors ce qu’il nous reste de nourriture pour le ranger et la vaisselle pour commencer à la nettoyer avec la neige, imitant le blond. Avant qu’il ne parte s’occuper de poser des torches, je l’interpelle une dernière fois.
« Je t’en demande peut-être beaucoup... Mais apprend-on à se protéger des humains autant que des bêtes ? »
J’ai le regard légèrement perdu dans le vide en disant cela, mes pensées revenant sur le fait que l’on m’a capturé pour obtenir ma fleur. Bien que j’aie rapidement balayé cet épisode en me concentrant sur le travail, il faut reconnaitre que l’angoisse me revient par moment. Ne voulant inquiéter inutilement le blond, je le coupe avant qu’il ne puisse me répondre.
« Oublie, merci beaucoup pour tes conseils. Ils ne sont pas inutiles. Je te laisse poser les torches pendant que je m’occupe de tout ça. »
Je me tourne sans attendre pour récupérer de la neige, laissant sa cape à Sileas et commençant la vaisselle. Je vais ensuite m’occuper de faire cette fameuse épée que j’ai promise au gamin du hameau. Je vais récupérer un peu de bois et lui tailler une bonne épée à sa taille. Elle sera idéale pour qu’il puisse s’entrainer. Je laisse alors le blond partir à sa tâche avec ma lampe magique, lui prêtant même ma pierre de feu pendant que je gère le camp et le prépare pour qu’on puisse veiller toute la nuit.
Les tâches et le tour de garde ayant été décidé, Sileas termine ses préparations. Cela ne couvrira pas une grande zone, mais au moins ils pourront repérer la créature avant qu'elle soit sur eux, surtout avec quelqu'un occupé à dormir. Cela pourrait aussi l'attirer, mais le feu émettant déjà une lumière considérable au milieu de ces ténèbres nocturnes, le gain surpasse largement la perte possible. Puis, alors qu'il se relève, il entend la dernière question de la forgeronne. Ses sourcils se froncent, son regard devient plus inquisiteur, sérieux. Il a un mauvais pressentiment, et il se renforce encore quand elle l'interrompt ainsi pour lui dire d'oublier cela. Grognant légèrement, il vient récupérer la lampe et la pierre de feu qu'il tient dans une main, posant la seconde sur l'épaule de la forgeronne pour l'arrêter, se penchant pour venir la regarder droit dans les yeux. Si Sia est libre de se dégager si elle le souhaite, la main la maintient un peu plus fermement qu'elle ne l'a fait au matin.
-"Ne me dis pas d'oublier, si tu poses cette question, c'est qu'il s'est passé quelque chose qui t'as marquée. Je ne te demanderais pas quoi, tu te confieras à ce sujet si tu le souhaites. Mais si tu t'interroges sur un élément aussi important, je me dois de te répondre et de ne pas te laisser ainsi."
Son regard devient un peu plus froid, un peu plus distant. Ses traits deviennent un peu plus durs, alors qu'il se plonge dans ses souvenirs, et pas des plus agréables. Cette fois, il reprend bien plus rapidement, le ton légèrement absent. Non, ce ne sont pas des souvenirs qu'il apprécie remuer, mais il sent qu'elle en a besoin en cet instant, et que si il peut lui donner un seul conseil pertinent, utiliser au moins une fois le fruit de son expérience pour l'aider à l'avenir, c'est en ce moment très précis.
-"On apprend à se protéger des menaces, sous toutes leur formes pour pouvoir survivre. Ce n'est pas facile, et je n'oublierais surement jamais la première fois que j'ai du tuer quelqu'un. C'est totalement différent d'un animal, et ça se grave dans ta mémoire au fer rouge. Ta main tremble, hésite. Malgré la peur pour ta vie, le fait que tu saches que c'est nécéssaire, tu hésites. Tu te demandes si il n'y a pas une autre façon de faire, d'éviter de devoir mettre fin aux jours d'un autre être humain."
Sa main glisse ensuite de l'épaule de la forgeronne à ses mains, qu'il vient enserrer un instant de sa prise, appuyant ses doigts gantés et sa paume contre celles de sa comparse pour essayer de lui apporter un peu de son calme et de sa confiance.
-"Mais quand ce jour arrivera, tu dois arriver à surpasser cela. A transformer ta peur en détermination, ton indécision en action. Car parfois, les monstres que l'on doit tuer ont un masque humain, et les laisser vivre revient à se condamner soi. Ou encore la personne que tu es censée protéger. Ou même des innocents que tu ne connais même pas, mais qui payeront le prix de ton indécision. Tu en seras surement changée à jamais, et cela te fait voir le monde sous une perspective différente. Mais de ce que je vois de toi, je suis sur que tu as la force mentale de faire ce qu'il faudra quand il le faudra."
Il reste ainsi un instant, pressant un peu plus les mains de Sia dans la sienne, avant de les libérer. Il sent bien qu'elle préfère éviter le contact direct, et il ne veut pas le lui infliger plus que nécéssaire. Sur l'instant, il a eut l'intuition qu'il devait ainsi lui apporter ce contact, cette présence, alors qu'il se confiant ainsi. Ou peut être était-ce lui qui en avait besoin, après tout. Espérant simplement qu'elle ne le prenne pas trop mal, il se redresse ensuite pour venir s'éloigner d'une bonne vingtaine de mètres du campement, partant totalement hors du champ illuminé par leur feu, avant de commencer à planter les torches les unes après les autres. A chaque fois que l'un de ces flambeaux est installé, il vient l'enflammer pour augmenter la surface illuminée, leur offrant un peu plus de marge en cas d'attaque. Une fois la tâche fait, il revient au campement pour rendre ses objets à la forgeronne, tout en commençant à retirer les parties métalliques de son armure, glissant les doigts pour défaire les lanières les une après les autres.
-"Et si jamais il se passe quelque chose, n'hésite surtout pas à me réveiller. secoue moi un bon coup ou donne moi un coup de pied, ça devrait faire l'affaire. Je peux avoir le sommeil lourd, mais pas au point de ne pas me réveiller si il y'a un danger."
Il confirme que l’on apprend à se protéger de tout. Même des gens. Il parle des souvenirs de la première fois qu’il a tué et je revois aussi les visages des hommes que j’ai dû tuer. Il pense que mes mains sont encore vierges de sang, mais il se trompe. N’ayant toutefois pas la force de le lui dire, je reste muette et soutiens son regard alors qu’il continue sur ce qu’il a ressenti la première fois qu’il a donné la mort à un humain. Forcément mes souvenirs reviennent. Je ne me rappelle pas avoir tant hésité. Je devais protéger ma vie et celle de Sofia. Je n’ai pas hésité. Et elle hésitait encore moins que moi. Sous l’adrénaline, je n’y ai pas pensé, le geste est venu naturellement. C’est ce que j’ai ressenti après qui m’a marqué. L’odeur et ce goût dans ma bouche, les haut-le-cœur, les tremblements et la vision de ma mentor qui torturait cet homme pour lui soutirer des informations avant de l’achever. Est-ce qu’il y avait besoin de cette extrémité pour des pirates ? Peut-être pas, mais je ne peux refaire ces actes qui remontent à plusieurs lunes, ni les effacer.
Il vient ensuite prendre mes mains dans la sienne. Malgré mon travail, je possède de longs doigts fins, des paumes douces malgré les callosités créées par le travail et les entrainements à l’épée. Au contraire, ses mains semblent bien plus grandes que les miennes. Je ne peux pas les détailler en raison de ses gants, mais elles me paraissent encore plus grandes que celles de Lyle. Et même si je n’aime pas le contact, ne pas sentir sa peau en contact avec la mienne me permet de profiter de ce calme qu’il cherche à me transmettre.
Il me parle alors de la conséquence de ce choix. Et je me reconnais dans ses mots. J’ai choisi de me protéger. Et de protéger Sofia. Même si nous sommes rentrées dans un sale été, c’est nous qui sommes rentrées en vie. Blessées, mais en vie. Je hoche ensuite lentement la tête quand il souligne qu’il pense que j’aurais la force mentale nécessaire. Ce jour m’a clairement changé à jamais, comme la façon dont j’ai été enlevé avec Vivianne. J’ai eu la force de tuer, mais pas celle pour prévenir de la sournoiserie dont peut faire preuve les hommes. Je souffle doucement un petit soupir en hochant à nouveau doucement de la tête.
Le blond part ensuite s’occuper des torches. Je reste figée un instant, ne sachant trop si je devais lui répondre quelque chose. Après quelques secondes de réflexions, je me mets à m’occuper de la vaisselle et de ranger un peu le campement pour me préparer pour la nuit et la garde. Je récupère une fourrure dans la tente, du bois et de quoi le tailler. Je réalimente le feu et quand le blond revient, je finis de m’installer pour mon tour de garde. Je récupère mes objets avec un petit sourire, rangeant la pierre de feu et gardant la lampe non loin de moi. Je l’observe se démener avec son armure, hochant de la tête à sa remarque sur son sommeil. Je sers un peu la mâchoire avant de me lever, venant dans le dos du blond pour l’aider à défaire les lanières de son armure.
« Laisse-moi t’aider. »
Je défais les lanières les moins accessibles une à une, en profitant pour inspecter d’un coup d’œil les plaques de métal de ses protections. Quand il semble suffisamment à l’aise pour se reposer, je me recule et reviens m’asseoir à ma place. Je me mords légèrement la lippe avant de parler à voix basse, mais suffisamment fort pour qu’il puisse m’entendre.
« Merci pour tout à l’heure. Je vais retenir tes conseils. »
Mais c'est trop tard, les mots ont été prononcés. Et ils ont beau tourner dans sa tête avec les souvenirs de cette nuit ou il a pour la première fois pris la vie d'autre chose que de créatures. Huit ans, ça passe vite. Et avec un petit soufflement de nez narquois, il se dit qu'il a peut être été assez aveugle pour ne pas voir qu'elle avait déjà tué. Un borgne qui n'arrive même plus à voir, c'est ironique. D'une douce ironie brulant la peau comme du vinaigre sur une plaie. Mais la nuit n'est pas à ce genre de questionnements, d'interrogations. Les doutes de l'homme sur sa crédibilité en tant que conseiller sont rangés dans un coin de l'esprit alors qu'il retire ses gants pour s'attaquer à son armure.
Et alors qu'il peinait à retirer ce qui doit l'être, il sent les doigts de la demoiselle venir s'occuper des parties les plus complexes, avec son souffle dans la nuit. Cela lui en coute de poser les mains sur lui, il le sent. La forgeronne n'aime pas le contact avec des inconnus, et cela se comprends. Ne souhaitant lui faire supporter plus longtemps que nécéssaire cela, il agite un peu les épaules et le dos pour arriver à plus rapidement faire tomber les pièces d'armure les unes après les autres. Le métal est de bonne qualité, même si il a déjà vu nombre de réparations et de rafistolages. L'armure a un certain âge, mais toujours aussi coriace et n'ayant presque rien perdu de sa splendeur. Sia par contre, de son regard de forgeronne, verra bien que certains morceaux auraient bien besoin de repasser à la forge et à un contrôle qualité, voir même d'être changées. Il n'est possible que de réparer un certain nombre de fois une armure avant que les impacts successifs, les réparations de fortune s'acculant ne finissent par marquer définitivement les courbes. Et si le blindage n'est pas encore bon à jeter, loin de la, nombre de morceaux approchent peu à peu de leur date limite, et du besoin d'être changées par des plaques neuves pour préserver la solidité de l'ensemble.
-"Merci de ton aide et... De rien. J'espère avoir pu répondre à certaines de tes questions et t'aider un peu dans tes réflexions. Bon courage avec le premier tour, j'espère qu'il sera calme. On gagnerait tous deux à avoir un peu de repos. Et garde ma cape, tu en auras plus besoin que moi."
Rangeant son armure à coté de l'entrée de la tente pour pouvoir plus aisément s'en rééquiper, l'homme vient plier par dessus le tas de métal cette cape de fourrure et de tissu. Sileas la remettrait bien de lui même sur les épaules de la demoiselle pour qu'elle ne puisse refuser mais il a l'impression que cela serait mal pris. Et de toute façon, une fois qu'il sera endormi, l'homme se doute bien que la demoiselle ne refusera pas une source de chaleur supplémentaire à portée de main. Et sans plus de cérémonie ni de pensée parasite, le combattant s'engouffre dans la tente. La température y est bien plus supportable, grâce aux différentes couvertures et fourrures installées. Le temps de se faire un petit nid aussi douillet que possible, il pose la tête sur un tissu replié servant d'oreiller improvisé pour s'endormir instantanément, son corps profitant du répit pour essayer d'emmagasiner autant d'énergie que possible.
Un instant à peine semble avoir passé quand il sent la jeune femme le secouer pour le réveiller. Elle ne lui crie pas dessus, et mis à part le geste qui est assez brusque, nul danger ne semble planer sur leurs vies. Comprenant que c'est simplement à son tour de prendre la garde, il porte une main devant ses lèvres pour bailler un long moment en ressortant lentement et à genoux de la tente. Se frottant les yeux, il se redresse pour s'étirer avec un grognement assez long, le froid vif de la nuit l'attaquant sans aucune miséricorde finissant de le faire émerger à la vitesse de l'éclair. Récupérant son armure qu'il recommence à enfiler, il sourit à la charmante forgeronne.
-"Allez, file dormir, je m'occupe de la garde. Si il n'y a rien d'urgent à partager tu me raconteras demain ce que j'ai raté, si j'ai raté quelque chose."
Car oui, les gardes sont souvent chiantes. Et c'est pour quelques heures d'un ennui profond mais demandant tout de même une surveillance continue que Sileas se prépare...
J’alimente à nouveau le feu, retournant à ma tâche. Tout est calme, pas un brin d’air alors que les flocons tombent doucement. Le fait de travailler me permet de ne pas trop ressentir le froid, continuant jusqu’avoir grossièrement la forme d’une épée. Une fois cela fait, je pose un peu mon matériel, m’étirant en réalimentant le feu. Je secoue ma fourrure et me relève en regardant les alentours. Je récupère ma lampe et part pour un petit tour de garde, observant les alentours et profitant de cette pause pour soulager ma vessie. Quand je me rends compte que tout est incroyablement calme, je retourne près du feu que j’alimente à nouveau.
Je m’installe à nouveau, en profitant pour me préparer un nouveau thé. Tout est si calme que seuls les crépitements du bois et le souffle endormi de l’aventurier dans la tente ne viennent créer une douce berceuse au rythme de la chute des flocons. Alors que l’eau devient chaude, je me prépare ma tasse de thé, laissant sa chaleur se diffuser contre mes mains gantées. Plus la nuit avance, plus le froid semble vif. Le moindre petit courant d’air me saisissant de froid. Mon regard se porte ensuite sur la cape de l’aventurier qui parait plus épaisse que la mienne. Après un petit combat intérieur, je me décide à la lui emprunter. Après avoir chassé la neige s’étant accumulée dessus, je m’enroule dedans. Elle est un peu trop grande pour moi, mais son tissu et les fourrures la composant me maintiennent bien plus au chaud.
Du coin de l’œil, je vois l’armure de l’aventurier. Je me mords la joue, la curiosité et ma passion me prenant. Plutôt de tailler une épée dans du bois, entretenir une armure est bien plus passionnant. Je range la petite épée de bois en cours de fabrication et mes outils pour sortir mon équipement d’entretien. Je récupère aussi silencieusement que possible les plaques de métal et commence à les inspecter une à une.
Je commence par la partie qui semble la plus mal en point, prenant le temps de la nettoyer avant d’appliquer un peu de pâte pour réparer les points faibles de la plaque. Je laisse le tout sécher, je brosse, polie, nettoie à nouveau et recommence à chaque défaut. Je prends même le temps de réparer des coutures au niveau des lanières d’attaches. Et je continue ainsi de plaques en plaques, n’ayant qu’à nettoyer et polir certaines d’entre elles. Cela m’occupe un moment, le temps défilant sans que je m’en rende vraiment compte. Quand je relève le nez après avoir fini ce petit entretien, mon tour de garde parait avoir fini depuis un moment.
Je me relève et viens ranger mon matériel dans mon sac. J’observe ensuite le résultat de l’entretien que j’ai effectué. Il ne manquera pas à une vraie réparation en règle, mais au moins l’équipement tiendra jusqu’à la fin de cette mission, et sûrement la prochaine. Je lâche un petit soupir satisfait avant de venir la remettre à sa place, retirant ensuite la cape pour la replier par-dessus. J’effectue un dernier petit tour de garde, soulage une nouvelle fois ma vessie et rejoins le camp.
Avant d’entrer dans la tente, j’observe une dernière fois les alentours et pose ma lampe sur la cape du borgne. Je viens poser mon sac aux côtés de ses affaires, possédant un revêtement étanche, il ne risque rien et son contenu pourra être utile au blond. Je retire ma cape et la pose sur la sienne avant de m’engouffrer dans l’abri. La lumière du feu filtre à peine, me laissant apercevoir les traits endormis de l’aventurier. Il possède ainsi un charme qu’il n’a pas quand il est éveillé. Il semble bien plus inoffensif, doux et sa présence pourrait sûrement être réconfortante. Je me ressaisis et commence à caresser son visage en prononçant son nom.
« Sileas. »
Pas de réaction. Je viens alors doucement le pousser en l’appelant plus fort. Cette fois, j’ai droit à un petit grognement. Je soupire et le bouscule plus fort en l’appelant à plusieurs reprises. Quand il semble émerger, je lui souris et parle d’une voix plus douce.
« C’est à ton tour. »
Je me redresse pour laisser le géant se relever et se réveiller. Je commence à défaire mon armure pendant qu’il me parle, la voix encore à moitié endormie. La mienne est bien plus simple à retirer, les plaques de cuir tombant rapidement pour laisser apercevoir la légèreté des vêtements que je porte, me laissant une certaine liberté de mouvements. Je hoche de la tête et prends sa place quand il sort de la tente. La place est encore chaude et je défais à peine mes vêtements pour être plus à l’aise sans les retirer. J’adapte le petit nid à ma taille et profite que les fourrures sont encore chaudes.
Avant de m’endormir, je ne pense même pas à dire à l’aventurier que je me suis occupée de son armure ou qu’il peut se servir dans mon sac. Ce sont mes dernières pensées avant de sombrer rapidement, bercée par le crépitement du feu et le bruit de la présence non loin du blond, mais aussi la légère odeur qu’il a laissée à l’endroit où je m’endors.
-"Bonne nuit..."
Il n'est même pas sur que la demoiselle n'ait eut le temps de l'entendre alors qu'elle s'endort immédiatement ou presque dans ce cocon de chaleur au milieu de la nuit. Avec un petit sourire, le combattant s'étire en grognant. S'habillant rapidement, il fait quelques tours du camp pour laisser le sang parcourir ses muscles et éloigner le froid. Pire encore, une légère bise traitresse s'abat sur la plaine et vient attaquer chaque parcelle de peau laissée à découvert. Remontant la cape sur son cou et les pans de son visage, l'homme soupire. Les prochaines heures vont être longues, très longues. Et impossible de se protéger du froid. Ne lui reste qu'a faire les tâches habituelles. Aller changer le champ de torches en usant de la lampe de Sia, pour s'offrir la meilleure visibilité possible. Mais cela ne prends qu'une poignée de minutes, rajoutée à celle nécéssaire pour remettre du bois dans le feu. Ce dernier est leur seul vrai point de chaleur, et il a interêt à tenir.
Une fois ces petites occupations finies, Sileas se retrouve dans le rôle de la vigie sans rien à faire. Lui vient bien sur l'idée d'entretenir son armure, et alors qu'il commence à attraper les pièces, il voit bien rapidement que quelque chose ne va pas. Ou au contraire, tout va trop bien. Il ne lui faut pas longtemps pour arriver à assimiler deux et deux. La demoiselle s'est ennuyée durant sa ronde, et a préféré s'occuper de son armure pendant ce temps. Les réparations sont propres, bien plus que celles que lui même n'aurait pu faire. Avec un petit sourire, il observe la forme endormie dans les fourrures, secouant légèrement la tête en soufflant entre ses lèvres.
-"Elle a l'air bien trop douce pour son bien. Ça va lui jouer des tours, si ce n'est pas déjà arrivé."
Réfléchissant à quoi faire, l'homme vient se saisir de sa pertuisane, sortant sa pierre à aiguiser et son nécéssaire d'entretien. L'activité physique le gardera éveillé ,et il se doute bien que le bruit de la pierre glissant sur le métal pour l'aiguiser ne sera absolument pas pour la gêner ou la troubler. Elle doit bien entendre cela régulièrement, après tout. Une fois la lame entretenue, il s'occupe de nettoyer le manche, repasser un coup dessus pour s'assurer de sa prise en main et sa résistance. L'arme est ensuite déposée sur le coté tandis que les divers produits finissent de sécher sur le bois épais et traité. Suite à cela, c'est au tour de son épée courte, qui subit un traitement bien plus intensif. Ce léger frottement l'apaise durant ces heures difficiles, ponctuées d'eau qu'il fait bouillir avant de se préparer son propre thé pour se maintenir éveillé. Chaque gorgée de la chaude boisson lui redonne un coup d'énergie. Et au milieu de tout cela, il est obligé de rester sens en alerte, de souvent balayer l'horizon. Plus l'heure avance, moins une attaque est probable, mais il faut rester prudent. Et pourtant, Lucy sait qu'il aimerait bien dormir un peu plus, et que même si il peut fonctionner sans soucis avec des rotations de tours de garde, il préfère faire des nuits entières.
Vers la fin de la nuit elle même justement, la neige elle même se rajoute à ce charmant tableau bucolique. Comme quoi, il n'y a pas besoin d'être à la Forteresse pour avoir son temps. Soupirant, Sileas reprends la marche. L'avantage étant qu'avec le jour qui se lève, il peut commencer à s'aventurer plus loin, et va même chercher un peu plus de bois de chauffage pour rallumer de manière bien plus fervente le feu. S'occupant de diverses petites tâches, il finit de remettre le camp en état, préparer leurs affaires, même préparer de quoi faire un petit déjeuner des plus convenables. Bref, il fait tout pour essayer de rendre le début de journée plus simple et leur permettre d'aller le plus tôt possible voir le doyen et mettre les choses au clair. Réprimant un bâillement et observant le jour terminer de chasser la pénombre, il se décide à se rapprocher de la tente pour réveiller la rêveuse avec un petit sourire, glissant une main sur sa chevelure pour la caresser et essayer de la réveiller en douceur.
-"Sia, il faut te réveiller. Le jour est déjà levé et on a beaucoup à faire."
Puis sa main glisse à son épaule pour venir la secouer un peu plus fermement. Tout ce qu'il arrive à arracher à la jeune femme sont des grognements plus dignes d'un porc-becue que d'une aventurière. Sileas ne va rien dire, il fait les mêmes quand on tente de le faire émerger après une nuit difficile. Finalement, il semblerait qu'elle arrive à ouvrir un œil et il reprend.
-"Allez, debout. Le doyen ne va pas s'interroger tout seul, et si tu n'es pas la, je vais finir par le planter au milieu de son champ au bout de ma lance comme appât."
Ce qui se passe ensuite n'était... Pas prévu. Il se fait soudainement enlacer par la forgeronne encore endormie qui semble manquer d'une source de chaleur supplémentaire, ou d'heures de sommeil. Voir des deux. Grognant et pris par surprise, il se retrouve bien rapidement embarqué dans ce petit cocon chaud formé des fourrures. Pendant quelques instants, il essaye de se libérer de l'emprise de la jeune femme sans la brusquer, finissant même par lâcher.
-"Mais qu'est-ce que tu fais ... ?"
Et tandis qu'il allait continuer à la sermonner et lui demander quelle mouche l'a piqué, il voit son air paisible alors qu'elle s'est rendormie, semblant satisfaite de la quantité de chaleur à sa disposition. Sileas réfléchit quelques instants, sentant ses propres paupières déjà lourdes. Une couche agréable malgré la fraicheur nocturne, aucune menace à portée étant donné que le Chouettours est une créature de l'obscurité. Peu de chances que les villageois ne les dérangent, et la possibilité de finir ces heures de sommeil en retard enserré par une charmante compagnie. Le choix est vite fait pour l'homme qui baisse comme il peut la tête pour observer la jeune femme paisiblement endormie contre lui, avant de fermer les yeux à son tour et se laisser embarquer par Morphée.
Combien d'heures se sont écoulées ? L'aventurier ne saurait le dire, mais quand il rouvre l’œil, il est seul dans le lit improvisé. Il y fait bon, et la luminosité à l'extérieur est bien plus forte. Pendant un instant, il se demande pourquoi il est ici. Au second, pourquoi il est seul. Et au troisième il se rappelle de tout. Un mélange de gêne et de nostalgie viennent le prendre. C'était clairement agréable de sentir la jeune femme contre son torse et ses bras. Mais de l'autre, c'est une aventurière qu'il vient à peine de rencontrer, il n'aurait pas du être si faible. Jurant silencieusement, il se décide enfin à sortir de la tente pour voir ce qu'il en est, se préparant à s'excuser auprès de la forgeronne pour ce qu'il s'est passé...
Ce n’est que lorsque la matinée est déjà bien avancée que j’ouvre doucement l’œil. La première chose que je perçois est le bruit extérieur. Quelques rares oiseaux qui n’ont pas migré pour des régions plus chaudes piaillent et se battent pour un peu de nourriture. Ensuite la luminosité déjà forte, plus forte que celle à laquelle je suis habituée quand je me lève habituellement. Je ressens ensuite une certaine chaleur. Une chaleur douce et agréable, accompagnée d’un léger souffle proche de mon visage.
D’un seul coup, mes pensées s’éveillent et je comprends que je ne suis pas seule dans mon lit improvisé. Je relève le visage pour voir un Sileas endormi, dormant visiblement profondément. Je rougis, légèrement gênée de cette proximité. Je ne me rappelle pas l’avoir entendu me rejoindre et je suis sûre de m’être endormie seule au milieu de la nuit. Je me recule légèrement et silencieusement. Heureusement, il semblerait que le borgne n’est pas décidé de s’accrocher à moi dans mon sommeil.
Je me mets rapidement assise, récupérant mon sac sans fond le plus silencieusement possible. Je lance un nouveau regard à l’homme endormi, il ne parait réellement pas se réveiller. Je profite alors de son état pour me changer à l’abri de la tente. Je me déshabille aussi silencieusement que possible, récupère des vêtements de rechange et les enfile rapidement pour ne pas avoir froid. Je sors ensuite mon sac de la tente et regarde à nouveau le blond. Avant de me décider à sortir, je reviens à côté de lui, remontant une fourrure sur ses épaules. C’est à peine s’il bouge à ce contact, m’arrachant un sourire à cette image. Cet homme ayant l’air si froid peut avoir un air très doux quand il est endormi.
Après avoir fini de m’occuper du prince endormi, je sors de la tente en veillant à la refermer pour que le froid ne s’y engouffre pas. Je m’étire un peu, fais quelques exercices pour réchauffer mes muscles et les détendre. J’ai dormi légèrement recroquevillée, engourdissant mon corps avec le froid. Je viens ensuite m’occuper du feu où quelques rares braises ont réussi à tenir. Je prends alors plusieurs minutes pour le relancer. Le soleil brille, pas un nuage ne semble visible à l’horizon, mais une bonne couche de neige est tombée pendant la nuit.
Je repère ensuite les préparations que le blond a faites pour improviser un petit déjeuner. Je souffle un rire en voyant cela, mon regard se dirigeant vers la tente. Je suis touchée de cette petite attention qui parait s’être soldée par l’envie de dormir. Je réchauffe alors tout cela, en profitant pour faire chauffer du thé. Je ne cherche pas à être discrète, si je peux ainsi lentement réveiller le bel endormi, ça ne sera pas plus mal. D’après la position du soleil dans le ciel, nous sommes déjà presque à la fin de la matinée quand je commence à entendre du mouvement du côté de l’aventurier. Avec un petit sourire, je nous prépare à chacun une tasse de thé bien chaude, des fruits secs à grignoter pour au moins nous remplir un peu le ventre et finir de nous réveiller, reprenant aussi les préparations du blond.
Je lui laisse le temps de se changer et d’émerger, restant silencieuse en observant le paysage. Je sirote doucement mon thé chaud, mon regard balayant les champs et se dirigeant progressivement vers le village. Le beau temps semble encourager les activités, le village semble plus actif que la veille, des enfants profitant de la météo pour jouer avec la neige sous le regard de leurs mères. Nouvelle gorgée du breuvage chaud pour me tourner vers le petit bois. Tout est extrêmement silencieux. Presque trop malgré la saison froide. Je repère à peine quelques oiseaux qui sautillent dans les plus hautes branches des arbres. Si nous voulons trouver notre proie, nous n’allons sûrement pas manquer à une traque dans ce sous-bois. Je grogne légèrement à cette idée et me retourne pour regarder le feu.
C’est alors qu’une tête blonde finie par sortir de notre abri improvisé. Je souris à l’aventurier, essayant de paraitre amicale. Je lui tends directement une tasse de thé bien chaud pour l’aider à finir de se réveiller tout en se réchauffant.
« Bien dormi ? Ce n’est pas le grand luxe, et un peu petit, mais je n’ai pas encore les moyens d’investir dans un emport’tout ou équivalent. J’espère que ça ne t’a pas dérangé de devoir partager avec moi. »
En tout cas, moi non. Certes je n’aime pas que l’on me touche, et j’ai encore peur que l’on profite de moi, mais Sileas ne semble pas avoir profité de la situation. Et instinctivement, j’ai tendance à faire plus confiance à un aventurier expérimenté. Il fait partie de la grande famille de la Guilde, et s’il a pu y rester si longtemps, c’est qu’il arrive à en respecter le code moral. Il n’a pas l’air d’un homme particulièrement prude, je dirais même qu’il doit être le genre à aimer avoir une douce compagnie pour l’accompagner lorsqu’il dort en ville, mais je ne le vois pas non plus profiter d’une jeune femme non consentante. On peut dire que je lui accorde jusque-là un certain degré de confiance, même si nous avons encore tous les deux des choses à prouver à l’autre pour avoir une confiance absolue.
« Il est déjà tard. Mangeons rapidement et je pense que l’on a beaucoup à faire. »
Et cette dernière vient justement l'accueillir avec une tasse de thé bien chaude dont il vient se saisir d'une de ses épaisses mains. Grognant un remerciement, il se frotte l’œil du dos de la seconde alors qu'il termine de se réveiller en l'écoutant. Bon, elle ne semble pas avoir trouvé cette matinée particulière ou désagréable, il chasse donc ce besoin de s'excuser et de se justifier pour plutôt venir secouer la tête en prenant une bonne gorgée du breuvage bouillant, étirant un sourire alors qu'il sent le liquide réchauffer son être entier.
-"J'ai vécu bien pire que cette tente, ne t'en fais pas. Et dois dire que ces quelques heures de sommeil en plus étaient tout ce dont j'avais besoin, surtout avec une chaleureuse et douce compagnie pour rester au chaud. Donc oui, j'ai bien dormi."
Une demi tasse est tout ce dont il a besoin pour être d'attaque. Laissant l'étoile d'argent s'occuper de finir leur petit repas improvisé, le blond en profite pour se changer en se mettant légèrement à l'écart. Il n'est absolument pas pudique, mais il se doute bien que la jeune femme n'a peut être pas forcément envie de le regarder faire. Et il ne fait même pas attention à cela, alors que sa pupille se pose sur les alentours. Oui, la journée va être longue et la nature bien trop calme. Le Chouettours affecte la faune locale de manière bien plus importante que précédemment imaginé. Une fois vêtu de vêtements propres et de sa tenue de cuir, il commence à se saisir de son armure pour l'enfiler, voyant que le repas est enfin prêt.
-"Tu as raison. Un bout et au boulot, je compte bien interroger Aradesh rapidement. Ou plutôt te laisser l'interroger, je ne pense vraiment pas arriver à me contenir si je dois discuter directement avec lui. Je protègerais ses villageois car ils n'ont rien demandé, mais lui... Il devra répondre à quelques questions, et je ne serais pas surpris que la Guilde veuille lui adresser quelques mots une fois notre rapport de fin de mission rempli."
Pour aider l'aventurière, il vient récupérer écuelles et couverts qu'il lui passe alors qu'elle vient les remplir. La remerciant pour le service, il vient s'installer pour manger avec appétit sa part. Cela ne vaut pas un des buffets qu'il peut se commander en taverne, mais c'est riche et ça tient au ventre, pile ce dont il avait besoin. Finalement, il s'arrête pour river son regard droit sur celui de Sia d'un air un peu plus sérieux.
-"Et merci au fait d'avoir jeté un œil à mon armure et de l'avoir réparée. J'apprécie le geste, vraiment."
Il a réellement été touché de cette petite attention de la part d'une quasi inconnue. Certes la Guilde est une grande famille, mais toutes les branches ne sont pas égales. Comme toute communauté, elle possède une partie provenant d'un oncle trainant dans des affaires louches, un grand père qui sait pas tenir ses mains quand il le faut... Bref, une famille disparate dont il faut parfois se méfier. Que la forgeronne fasse donc cela sans rien demander, par simple envie -ou ennui- le marque assez pour qu'il la remercie.
Se sachant toutefois pressé, il ne fait pas durer plus que nécéssaire le repas. A peine les deux écuelles englouties, il vient les récupérer et les nettoyer en utilisant de la neige, oubliant totalement la gourde fontaine que la demoiselle avait évoquée. Il survivra à la petite moquerie qui risque de suivre, rangeant le tout dans son paquetage pour s'harnacher. Même si il est habitué, son armure prends toujours un petit temps à ajuster, et il profite de cela pour réfléchir à la suite de la journée.
-"Je serais presque tenté de laisser la tente et le petit campement ici. On récupère le reste, mais au moins on aura pas à tout réinstaller. Mais vu que c'est à toi, je te laisse choisir. On peut aussi vouloir le déplacer pour mieux le positionner sur la route du Chouettours si jamais on arrive à trouver sa zone de chasse, et l'intercepter à sa prochaine attaque."
Listant les possibilités qui lui viennent en tête, il attend clairement l'avis de la demoiselle qui a déjà prouvée qu'elle savait réfléchir et avoir une pensée logique. Plusieurs options sont viables, et chacune possède ses avantages et ses inconvénients. Dans tous les cas, les deux semblent d'accord sur le reste des évènements. Aller interroger le Doyen, puis partir à l'exploration du sous bois voir s'enfoncer plus profondément si besoin est.
-"Et dans tous les cas, on peut partir quand tu veux, je suis équipé. Je dois dire que je ne pense pas que la mission risque d'encore durer longtemps, vu l'accélération notée des attaques, l'animal doit perdre patience et ne pas comprendre ce qu'il se passe... Ou être assez habitué à la chaleur humaine pour essayer de la rechercher en cette période froide."
Et même si cela ne change absolument rien à leur objectif ni la finalité encourue, connaître les motivations d'un animal peut toujours servir pour l'affronter ou l'attirer dans un piège...
Je mange en silence, écoutant l’aventurier parler. Je ne suis pas très bavarde en général, encore moins le matin. Je hoche ensuite la tête quand il dit préférer me laisser interroger le doyen. Il vaut peut-être mieux. Je sens bien qu’il serait du genre à vouloir tuer cet homme qui a perdu ses deux enfants à cause de cette créature qu’il a accepté de recueillir. Ou l’utiliser comme appât. Ou peut être les deux. Et je comprends son sentiment, mais nous ne sommes pas ici pour nous faire justice.
Je relève la tête quand il me remercie pour son armure. Je mets un petit moment à réagir, avalant ma bouchée avant de lâcher un petit :
« Ce n’est rien. »
Et je le pense sincèrement. C’était une activité à la fois pour m’occuper les mains, m’assurer de la sécurité de mon coéquipier et satisfaire ma curiosité. Je reporte mon attention sur ma part de nourriture, lui donnant tout de même un petit conseil avant de reprendre de la nourriture.
« Par contre, tu devrais penser à la changer après cette mission si tu tiens à la vie. Je peux te donner des adresses si besoin. »
Nous terminons notre repas sommaire, de quoi tenir pour de nombreuses heures, nous n’aurons certainement pas le loisir de manger avant de nous reposer à nouveau ce soir. Tout va dépendre de notre entrevue avec le doyen. Nous nettoyons notre petit campement, rangeant nos différentes affaires et commençons à nous préparer. À la remarque de l’aventurier, je relève le regard sur lui, réfléchissant un peu. Je me penche vers le petit abri et vient en récupérer les fourrures, laissant seulement le foin et la couverture nous ayant servie d’oreiller. Je range le tout, nous éteignons le feu et ramassons un maximum de nos affaires.
« Voilà, ainsi on ne devrait pas attirer d’animaux. Nous aviserons de ce que nous faisons de ce campement après notre échange avec Aradesh. En attendant, laissons le ici. Il est déjà tard et nous risquons d’en avoir besoin ce soir. »
Je finis de mettre mon armure et mes différents équipements sur moi, mon sac sans fond à mon épaule, une épée à la ceinture. Je récupère tout de même la petite épée en bois que j’ai préparé et veille à la mettre dans mes affaires. J’attache simplement ma chevelure en une queue de cheval haute, la journée s’annonçant chargée, je préfère que mes cheveux ne viennent pas me gêner en plein combat.
Quand je suis prête, je me signale à l’aventurier et nous nous dirigeons vers le petit village. Nous sommes silencieux sur le trajet, aucun de nous n’abordant un sujet particulier. Nous savons ce que nous avons à faire et nous dirigeons directement en direction de la maison du doyen. Juste avant d’arriver à la petite maison, je tire légèrement sur la manche de mon coéquipier, le forçant à ralentir pour que je lui parle.
« Finalement, interroge le. Mais garde-le en vie et évites d’abuser de la force. Faisons comme hier. Je serais la douceur qui vient l’apaiser s’il ne veut pas parler. Et j’ai toujours ça. »
Je lève la main, désignant l’anneau de pensée que je porte.
« Mais ne fais pas de bêtise, par pitié. Nous ne sommes pas ici pour rendre justice. La Guilde et la Garde s’occuperont de le juger. »
Je viens un instant presser la main gantée du borgne, essayant de le garder calme et lui faire comprendre que je le soutiens et comprends. Je le relâche ensuite, prenant la tête pour rejoindre l’habitation. Dès que j’atteins la porte, je frappe dessus avec empressement. De l’autre côté, j’entends du mouvement, mais la porte ne s’ouvre pas. Je frappe à nouveau, et cette fois pas de bruit. Je soupire, me décalant de la porte. Je suis patiente, mais j’ai mes limites. Si le doyen veut jouer à ce petit jeu, il ne va pas durer longtemps. Je regarde Sileas et lui pointe la porte en m’adossant au mur.
« À toi l’honneur. Fais-toi plaisir. Je t’aiderais à couvrir les frais s’il faut. »
-"Tu as raison. J'en ai vécu des belles avec cette armure, mais elle arrive à bout de souffle. Je serais ravi d'écouter tes propositions, si tes adresses sont aussi talentueuses que tu sembles l'être au vu de tes réparations."
La question du campement réglée et leurs affaires prêtes, le duo commence à se diriger d'un pas vif vers le village. L'aventurier vérifie son poignard et son épée courte, qui, il l'espère, ne vont pas servir, du moins pas sur des villageois. Les rues sont soudainement plus tranquilles alors qu'ils arrivent, et étrangement, une bulle de silence semble les entourer. Si la vie est débordante dans les champs et à l'orée de la forêt pour faire les stocks de bois et des rares légumes encore comestibles qui arrivent à pousser, presque tout le monde semble éviter les deux aventuriers. Et alors qu'ils tournent l'angle de la rue du doyen, le blond se fait arrêter. Son regard se pose sur la jeune aventurière qu'il écoute. Chaque mot lui fait serrer un peu plus la mâchoire alors qu'il bouge lentement la tête pour signifier son assentiment. Il n'aime absolument pas devoir le questionner de nouveau mais Sia a raison. Il faudra surement le secouer un peu avant d'user de ses charmes pour l’adoucir.
-"Soit, je m'occupe de le questionner. Et ne t'en fais pas, même si je n'aime pas cet homme pour ce qu'il a fait, je n'irais pas lui apporter plus de malheurs qu'il ne s'en est lui même attiré. Je sais encore retenir mon bras quand c'est nécéssaire. Et la Guilde le jugera surement bien plus sévèrement que je ne pourrais moi même le faire."
La pression des mains de la forgeronne sur sa paume est légère à travers le blindage, mais existante. Témoignage de la force qu'elle développe à force de manipuler les métaux et les marteaux. Le visage fermé et le regard froid, Sileas emboite le pas à sa collègue jusqu’à arriver... A une porte aussi avenante que les traits du borgne. Sia se décale, et l'aventurier serre le poing en prenant sa place. Un premier coup tombe, avec bien plus de force. Le métal heurte le bois en un choc audible, mais rien. Fermant les yeux en grognant d'une colère de moins en moins retenue face à cet homme qui semble vouloir sauver les apparences et sa dernière bribe de dignité plutôt que les siens, le combattant recule la main pour revenir abattre son gantelet sur la porte. Le choc sourd résonne, et malgré la zone de vide qu'ils semblent créer par leur simple présence, quelques villageois ne peuvent s'empêcher d'observer à la dérobée la scène.
L'homme se retrouve face à un dilemme. Enfoncer la porte et questionner de force Aradesh, quitte à devoir en répondre à la Guilde et la Garde ensuite, ou trouver une autre solution. Finalement, il recule de trois pas, tournant la tête vers la demoiselle l'accompagnant, les dents serrées et le regard aussi dur que le marbre, sa voix gronde. Basse, tempétueuse, prête à éclater comme son détenteur.
-"Cela ne nous servira à rien de défoncer cette porte. Allons nous-en, nous avons mieux à faire."
Tout en se détournant pour reprendre la marche, Sileas s'avance au centre de la rue. Puis il s'arrête, laissant son œil unique jauger les personnes qu'il sait présentes, même si elles se terrent de peur du Chouettours, ou intimidées par le Doyen. Et ce ton qui était contenu éclate, alors qu'il prononce ses mots de toute la force de ses poumons.
-"Aradesh refuse de répondre à nos questions malgré son rôle dans toute cette affaire, mettant en péril nos vies et notre mission même, dont le but est simplement de vous protéger ! Eh bien, qu'il en soit ainsi. Nous sommes ici pour réaliser une quête, et je compte bien la mener à terme pour vous épargner d'autres morts. Je ne vous en veux pas d'avoir peur des conséquences, de vous fier en l'homme qui vous guide depuis tant d'années plutôt qu'a deux inconnus qui viennent tout juste d'arriver."
Finissant sa première phrase, le blond prends une grande inspiration avant de continuer. Si son oeil pouvait jeter des éclairs, outre qu'il s'appellerait Zeus, il aurait déjà foudroyé la maison du Doyen et son maître sur pied.
-"Néanmoins son silence aura un cout que nous devrons tous payer, et surement dans le sang premièrement. En vies, ensuite. Tant les nôtres que les vôtres : les informations qu'il retient pourraient être celles faisant la différence entre la vie et la mort quand nous affronteront cet animal. Et si nous échouons, vous savez très bien ce qu'il se passera ensuite. Mais ce qui sera plus terrible encore que la peur et l'incompréhension d'une créature qui s'est sentie aimée pour ensuite être rejetée sans comprendre pourquoi sera la réponse de la Guilde et de la Garde. Car je vous laisse méditer ce qu'ils vont penser du silence de votre doyen, de sa duplicité et de ses mensonges quand cette affaire sera tirée au clair. De la présence de vos proches que sa fierté ou sa peur auront arrachés à vos quotidiens à tout jamais."
Terminant enfin de parler, l'aventurier adresse un léger signe de tête à sa comparse pour reprendre la marche et quitter le village. Nul besoin de rester pour voir l'effet de ses paroles, si il en a un, il sera visible bien assez vite. Après tout, les villageois savent très bien où les aventuriers sont installés. Retirant cette étape de leur mission, Sileas prends le pas en direction du sous bois pour la seconde partie de leur itinéraire, silencieux, laissant Sia prendre la parole. Car il ne doute pas un seul instant qu'elle voudra dire quelque chose sur ce qu'il vient de se passer...
Il se place alors au centre de l’unique rue du petit village, commençant à parler d’une voix grave, forte et qui dégage toute la colère qu’il ressent. Un léger frisson me traverse en entendant le ton qu’il emploie, le fait qu’il continue de se tenir malgré qu’il est sur le point d’éclater. Je l’observe tout du long, ne prononçant pas un mot, ne regardant même pas les quelques visages nous fixant de façon curieuse.
Et puis, il termine son petit discours, m’adressant un petit signe de tête pour que l’on quitte cet endroit. Je le suis à nouveau, cette fois bien plus proche ou directement à ses côtés quand la place le permet. Je ne dis rien, ne prononce pas un mot et ne fait aucune remarque sur son discours. Le blond bouillonne encore et je le sens bien. J’inspire un grand coup avant de lentement expirer pour essayer de chasser la légère tension que je ressens. Cette mission n’est clairement pas simple et les commanditaires ne nous facilitent absolument pas les choses.
Nous gagnons rapidement le petit sous-bois, avançant toujours en silence et cherchant chacun de notre côté des indices, des traces, n’importe quoi. Et à vrai dire, nous en trouvons bien rapidement. L’animal a marqué son territoire à des nombreux endroits, ses griffes ayant labouré de nombreux arbres à l’entrée du petit bois. Je passe mes doigts gantés sur un des troncs, évaluant la profondeur des griffures, mais aussi la hauteur à laquelle elles sont. L’animal est presque à sa taille adulte désormais, pas encore complètement mature, mais déjà imposant.
J’observe le dos de mon compagnon qui comme moi examine les diverses traces pour trouver une piste fraiche parmi le fourmillement d’indices. L’animal passe tellement de temps ici que la terre a laissé un chemin qui s’est creusé. Même la neige de la nuit a été piétinée, signe que malgré notre garde, il est venu faire une sorte de ronde sans sortir de bois. Est-ce que l’endroit a une certaine importance pour lui ? Ou l’a-t-il associé à un lieu où il est en sécurité ? Je ne m’y connais pas assez et laisse Sileas faire ces évaluations, il semble plus habitué que moi qui n’ai encore que peu chassé ce genre de créatures.
« Il semble passer tout son temps ici, mais pourtant il n’est pas là. Il doit avoir une tanière non loin. »
Je suis avant tout concentrée sur notre tâche, mes commentaires sur ses choix et son discours attendront. Je l’ai laissé choisir de la marche à suivre, maintenant je le suis. Je me concentre alors sur les traces, essayant de me rappeler les différents enseignements d’Evelyn pour améliorer ma façon de traquer. J’observe attentivement le sillon tracé dans la neige, essayant de distinguer les marques qui passent par-dessus toutes les autres. Je me mets ensuite à suivre le sillon, une main sur la garde de mon épée, aux aguets.
L’animal parait faire une sorte de ronde entre des points précis, des allers-retours à l’orée du bois. Un sillon diffère toutefois, s’éloignant de la partie qui longe l’entrée du sous-bois. Après un échange de regards silencieux avec Sileas, je commence à suivre ce chemin, l’aventurier non loin derrière moi. La neige m’aide à être plus silencieuse et étouffe nos pas, mais pas le bruit de l’armure de mon compagnon.
Nous avançons le plus prudemment possible et arrivons devant ce qui semble être une tanière s’enfonçant dans la terre. L’entrée n’est pas très grande, mais suffisamment pour qu’un jeune chouettours puisse passer. Je dégaine mon épée, prête à me défendre, observant les lieux avec attention, Sileas et moi se déployant devant l’entrée de cette tanière. Pas un bruit. Pas même un grognement ou un bruit de respiration. J’observe alors l’endroit, de nombreuses traces sont présentes, mais il est difficile d’estimer si l’animal a pu ressortir de son trou.
Je décide donc de sortir aussi silencieusement que possible ma lampe magique. N’ayant servi que pour nos rondes, elle possède encore un peu d’énergie. Je l’allume et fait signe à mon partenaire que je vais la jeter avant de m’exécuter. Au moins, nous pourrons évaluer l’intérieur de la tanière et son contenu. Nous nous attendons à surprendre la créature endormie ainsi, mais rien. Absolument rien. Je me penche même pour regarder à l’intérieur. Une forte odeur s’en échappe, mais pas un signe de notre proie. Je fais alors un signe de tête négatif en direction de Sileas. Il va falloir que l’on reparte à la traque.
Je me faufile dans la tanière pour récupérer ma lampe, me contorsionnant autant que possible pour l’atteindre. Je profite aussi d’être ainsi à l’intérieur pour voir si je trouve quelque chose d’anormal. L’animal semble posséder plusieurs objets de manufacture humaine. Une poupée, une couronne de fleurs séchées, un ruban, un petit miroir et une jolie boite à musique. Je récupère cette dernière avant de ressortir avec ma lampe. Le temps de me contorsionner pour faire le chemin inverse, la petite boite dans une main, la lampe dans l’autre.
À peine suis-je sortie, que j’entends la voix de mon compagnon prononcer mon nom, suivi d’un grognement sourd. Je me tourne lentement vers le bruit. Le chouettours est là, immobile, nous observant avec un grognement. Il n’a pas encore complètement sa taille adulte, mais il en est déjà proche, un collier métallique autour du cou et une chaine brisée encore accrochée. Son regard se pose d’abord sur le blond avant de se porter sur moi et en particulier la petite boite que je tiens. Un grognement bien plus mécontent se fait alors entendre, mes poils se hérissant et la peur commençant à me prendre.
Chassant ces pensées parasite de son esprit, l'aventurier se concentre sur la tâche à venir. La présence de la fleur des montagnes à ses cotés l'apaise légèrement, l'aide à tenir la bride à cette colère et cette frustration qui forme un magma émotionnel épais dans ses veines. Si il est toujours attristé du destin attendant l'objet de leur traque, désormais il a presque hâte de cette confrontation pour expier ses ressentis dans le feu des combats et le ballet des coups. Et avant même d'entrer dans la zone boisée servant de terrain à la bête, le borgne attrape sa lance en main et la garde posée sur son épaule, sur ses gardes. Les arbres restreignent son allonge et ses possibilités, en plus d'offrir une parfaite ouverture à l'animal si il se décide à attaquer. Le seul avantage que possède le duo est l'heure du jour. L'animal est nocturne, et eux sont diurnes. Et a vrai dire, ce n'est même pas un réel avantage, plutôt une remise à l'équilibre de la vue de chacun.
Les aventuriers n'ont pas à chercher longtemps pour trouver ce qu'ils cherchent. La zone entière a été marquée par le Chouettours. Les bois sont devenus son territoire, et au vu de l'animal, il n'a pas du avoir grande concurrence dans sa quête de territoire. Pire encore, le calme ambiant laisse présager quelque chose de bien plus sinistre. En pleine croissance, l'animal esseulé a surement ravagé la faune pour se sustenter, sans se retenir. Notant mentalement les informations, il tend l'oreille aux propos de Sia avant d'y ajouter son propre point de vue.
-"Normal, il doit avoir un sacré territoire à force. Tu vois beaucoup d'animaux qui auraient pu s'opposer à lui dans le coin ? Et j'ai l'impression qu'il nous a surveillé hier soir. Après ce qu'il a vécu au village, il doit être plus prudent avec les hommes, mais je suis presque sur qu'il était curieux de notre présence."
La progression se poursuit sous une tension toujours plus exacerbée. Les marques de la bête sont partout, et le bois entier donne l'impression que la créature se cache derrière chaque buisson, prête à attaquer. Sileas commence a avoir l'impression que ce parcours est un chemin qu'il devait souvent emprunter pour se promener avec sa dresseuse, ce qui expliquerait sa proximité du village et surtout la régularité avec lequel il l'emprunte. La découverte de la tanière ne fait que renforcer ce sentiment. Après avoir été abandonné, l'animal a probablement été se rendre au premier endroit rassurant qu'il connaissait, un lieu qui lui était familier. Serrant les dents et les mains faisant danser l'arme d'hast pour toujours la pointer vers la source probable d'une attaque, le combattant laisse sa partenaire entrer dans la tanière, la suivant avec deux pas de recul, surveillant leurs arrières.
Quand la grotte est confirmée inhabitée, le borgne adresse quelques gestes de la main à sa comparse après avoir tapoté son épaule, signe qu'il explore les alentours pour éviter de se faire prendre en embuscade dans un cul de sac, en pleine tanière. Un tel affrontement serait pratiquement la mort assuré pour les aventuriers, et l'hallebardier n'a clairement pas l'envie de finir ses jours comme un petit tas d'os au milieu de possessions sans queue ni tête. Et ce réflexe aura peut être été vital.
Une poignée de pas pour sécuriser le périmètre que les buissons se mettent à bouger, un léger tapotement audible au sol. Sileas cligne son œil avant de reculer légèrement une jambe, pointant la pointe de sa pertuisane en direction du mouvement. Une tête massive émerge, suivie d'un regard de rapace nocturne. Un corps aussi disproportionné que le crane suit bien rapidement, tandis que la créature observe cet intrus dans sa zone de chasse, son territoire. Il hésite un instant, après tout, il a cherché le contact des humains depuis un long moment et n'a été accueilli que par de la violence. Soufflant à sa comparse, Sileas voit la tête pivoter et détailler Sia. Et surtout, il comprends cette lueur qui nait au fond du regard du Chouettours. Sans un regard en arrière pour savoir ce qui a pu tant le courroucer, il siffle entre ses dents, abandonnant toute discrétion maintenant qu'ils sont sous sa vue.
-"Sia, si tu me fais confiance, approche toi de moi. Je ne sais pas ce que tu lui as fais mais je vais essayer de détourner son attention et de t'ouvrir une opportunité. Ne t'inquiète pas pour moi, occupe toi de le blesser et si tu peux de le ralentir."
Tout en parlant, l'armuré se déplace en petits pas latéraux, pour se mettre entre l'objectif de leur quête et sa proie désignée. Le regard de l'animal change encore, devient bien plus mauvais, menaçant. Ses plumes s'ébouriffent et son bec s'ouvre en un long cri strident. Plus le temps de discuter stratégie ou de s'harmoniser. Priant que sa comparse se souvienne de son don et l'écoute, ou innove avec un plan de son cru efficace, le borgne s'en remet à Lucy et ses compétences. Une grande inspiration, une expiration bien plus lente. Le sang commence à battre ses tempes, l'adrénaline reprenant ses droits sur ses muscles. Rivé sur la boite à musique qu'il entraperçoit dans les mains de Sia, l'animal s'élance dans une charge furieuse, griffes labourant le sol et le givre.
Les membres de Sileas semblent soudainement se déplacer avec bien plus de précision et de vitesse. Ne pouvant protéger ce qui est hors de sa proximité directe, il s'était placé exprès dans la ligne de trajectoire, et ne s'était pas trompé. L'hybride de deux espèces pourtant si différentes à l'origine a pris conscience de sa force, et compte simplement forcer son chemin au travers l'aventurier pour faire sentir toute la force de son courroux à la forgeronne. L'homme voit la griffe arriver à pleine vitesse sur lui, et la lame vient y répondre. Une légère ligne rouge nait sur la patte de l'animal, entaillant le cuir et les chairs en parant le coup. Hélas, des deux, c'est ce dernier qui possède le plus de force, et le coup, même absorbé, continue son chemin pour labourer le flanc de l'armure métallique, s'y enfonçant profondément sans la pénétrer pour l'instant. Frustré de cet obstacle sur le chemin, le Chouettours saute en arrière d'un mouvement agile, évitant la pointe de la pertuisane qui riposte en visant son poitrail. Poussant un nouveau cri, et peu habitué que quelqu'un lui résiste sans se faire déchiqueter au premier coup, un second tombe, paré avec un peu plus de précision cette fois. La lame heurte les griffe et les décale juste assez pour qu'elles s'enfoncent dans la terre à même pas vingt centimètres du lancier. La force du coup résonne toutefois dans les bras de l'homme qui secoue la tête pour dissiper cette vibration qu'il ressent et le privant de toute chance de contre-attaquer.
Une poignée de minutes dans cet état, c'est tout ce qu'il possède. Il va devoir soigneusement jongler avec son Don au fur et à mesure des attaques si il veut espérer pouvoir survivre et aider l'aventurière à lutter autrement qu'en servant de bouclier humain. Et en parlant d'elle, Sileas espère réellement qu'elle s'est éloignée pour essayer de profiter d'un angle mort ou multiplier les angles d'attaques, car il n'a pas le temps de le vérifier de lui même.
À peine ai-je rejoint mon coéquipier que notre cible fonce sur lui, l’air furieux. Heureusement, le borgne semble avoir dit vrai sur sa capacité. Ses mouvements sont fluides et d’une rapidité inouïe, réussissant à parer les coups de la bête, mais sa force reste inférieure face à une telle bête. Je ne prends pas plus le temps d’admirer ce spectacle. Je profite de l’ouverture du borgne pour reculer de plusieurs mètres.
« Occupe le, autant que possible ! »
Je vais essayer de nous faire une ouverture qui nous permettra de nous placer en position de force, nous donner de précieuses secondes ou minutes de répit. Le chouettours parait tenir à cette boite à musique, et je vais l’utiliser. Je m’élance alors dans les bois, m’y enfonçant en prenant la direction que je suppose inverse à celle du village. Je parcours une cinquantaine de mètres à peine, l’adrénaline et la peur m’essoufflant rapidement. Je tremble, mon cœur bat à mes oreilles. La vie de Sileas est entre mes mains.
Je m’accroupis, pose mon épée à terre et me met à empoigner la boite à musique à deux mains. Je tremble et je suis maladroite, la faisant tomber avec un juron. Je n’ai pas le temps. Je la récupère, cherche la petite clé pour la remonter. Le mécanisme semble avoir souffert, tournant avec difficulté. Dans ma tête, je n’entends que mon cœur battre à tout rompre et les mots « Plus vite. Plus vite. » qui tournent en boucle.
J’ai peur. Terriblement peur. Je ne me rappelle pas avoir eu si peur avec le vaaki argenté. Peut-être parce que nous étions mieux préparés ? Nous savions un peu plus à quoi nous attendre ? Quand j’entends le cliquetis du mécanisme indiquant que la boite est complètement remontée, une légère euphorie me prend, rapidement rattrapée par le stress. Tremblante, je pose la petite boite à terre. Je récupère ma lame avant de commencer à ouvrir le coffret.
Pas un son.
Je jure à nouveau. Ce n’est pas le moment ! Je reprends la boite, la secoue et la musique se lance. Je ne prends même pas le temps d’inspecter la figurine à l’intérieur. Un animal ? Je n’ai pas le temps de pencher plus sur la question. Je repose la boite en vitesse, me relève et cours. Je cours dans une direction perpendiculaire aussi vite que mon corps le permet. Déjà j’entends les pas lourds qui arrivent. Je dois m’éloigner autant que possible, essayer de me cacher. Je passe un gros arbre et tente de me cacher derrière.
J’entends les pas, à peine une vingtaine de mètres nous séparant. L’animal s’arrête. J’ose me pencher tout juste assez pour observer la scène. J’aperçois le chouettours, légèrement blessé qui s’approche lentement de la boite à musique. Il sent mon odeur et relève la tête dans ma direction. Nouveau juron pour moi-même alors que je me cache, entendant un grognement menaçant. Je n’entends que mon cœur à mes oreilles pendant plusieurs secondes. Pas de signe que l’animal s’approche. Je regarde à nouveau, la bête semble fascinée par la musique et la petite figurine qui tourne. C’est mon occasion. Je m’élance pour retourner au terrier. Aller aussi vite que possible. J’ai l’impression que ma course dure une éternité.
Quand j’arrive au niveau de la tanière, je n’entends déjà plus la petite musique. Je récupère mon sac, et me dirige ensuite vers Sileas, essoufflée et tremblante.
« Vite... Il va... revenir... Pas beaucoup... de temps... »
Je suis clairement affolée, comme rarement cela m’est arrivé. Moi qui suis si froide habituellement, gardant toujours mon sang froid, cette rencontre imprévue m’a complètement terrorisée, le fait que l’on soit à peine préparés. Pour la première fois depuis longtemps, je me sens minuscule face à notre cible.
Et du temps, il en gagne. La lame danse au rythme des attaques de l'abomination. Son don lui permet de tenir la vitesse de l'animal, sans pour autant pouvoir gérer sa force. Les coups continuent de marquer son armure et le sol autour de lui, manquant d'impact et de force pour déchirer le blindage, mais y laissant toutefois de belles marques. En échange, l'animal recueille plusieurs coupures quand les ripostes et les contre-attaques touchent, mais absolument rien de plus que superficiel. Sileas se demande ce que sa comparse peut bien lui préparer, espérant que sa surprise soit bientôt prête, car il sent son énergie rapidement se faire drainer, et il n'a absolument pas la puissance requise pour terrasser ou gravement blesser sa cible sans détourner son attention pour un bon moment, le temps de profiter d'une opportunité.
Soudain la musique résonne dans les bois, légère, mais pourtant audible. Aux oreilles de l'animal du moins, qui tourne la tête pour tendre la tête au son. Puis sans même un regard derrière lui, il commence à s'élancer en cette direction. Ne comprenant pas la raison de ce soudain abandon, l'aventurier ne peut qu'espérer qu'il s'agisse de quelque chose prévu par Sia et qu'elle ne s'est pas mise en danger inutilement. Qu'elle se fasse attraper seule par la créature est la pire chose qui pourrait leur arriver actuellement. Voyant sa chance, l'homme sort de sa transe méditative juste à temps pour arriver à asséner un coup sur l'une des pattes arrière de la créature, faisant jaillir une gerbe de sang. Il aurait pu lui infliger une blessure bien plus importante si il n'avait du avant de frapper gérer cette légère dissonance qui se produit toujours quand ses sens redeviennent normaux et qu'il doit se fier qu'a eux et non à cette sorte d'étrange musique sourde des pas et des coups qui résonne dans son esprit quand il est dans cet état second.
Baissant un instant le regard, il observe son état. Son armure est bien marquée, mais le sang ne perle que très peu. Le blindage a tenu bon jusque la, et il n'a pas utilisé l'intégralité de son don, loin de la. Ses muscles tirent un peu mais rien de bien grave. Il est secoué par tous les coups, et ses bras sont endoloris, mais absolument rien de létal. La silhouette de la chevelure de neige émerge d'entre les arbres. Elle a l'air terrorisée alors qu'elle se jette sur son sac pour le ramasser. Ces quelques secondes et surtout cette distraction ont fait naître dans l'esprit du blond une idée un peu folle, mais qui peut payer. Pivotant à peine la tête vers Sia, il fouille derrière lui pour en sortir une torche, tendant la main vers la forgeronne.
-"J'ai un plan. Il est risqué, mais il peut payer. Il me faut ta pierre de feu, mais surtout ton accord, car c'est tout ou rien."
Alors qu'il parle, il prépare tout ce dont il a besoin pour ne pas perdre un instant si elle accepte de suivre son idée folle. La torche est déjà prête, lance plantée dans le sol pour agir plus vite.
-"Il a l'air attaché aux biens offerts par sa dresseuse. Je veux bruler sa tanière. Ça devrait l'enrager. Je reste la, toi tu repars pour le prendre par surprise. Il va vouloir m'éviscérer vivant, et j'espère bien que sa rage l'aveuglera assez pour que tu puisses le blesser."
Bien sur, il ne dit pas que cela risque de lui couter très cher, même avec son don. Ni même qu'il est obligé de remettre sa vie entre les mains de Sia pour cela. Il n'a pas le choix de toute façon, vu leur situation. Il attend néanmoins sa réponse avant d'agir. Si elle refuse, ils pourront toujours fuir pour essayer de l'attirer hors des bois...
J’observe l’était du borgne. Il a quelques blessures superficielles, son armure ayant bien reçu et il a l’air fatigué. Fatigué, mais pas épuisé. J’ai peur qu’il vienne à recevoir une blessure plus grave avec cette idée, ce qui risque d’arriver. Je regarde ma main, retirant mon gant pour regarder ma jauge d’énergie. Elle a très légèrement baissé, n’ayant pas vraiment pris le temps de méditer, mais j’ai de quoi lui sauver la vie si cela arrive. Je soupire et hoche de la tête. Je me reprends en inspirant longuement et retire mon sac sans fond, le laissant fouiller à son aise.
Il récupère ma pierre de feu, allume sa torche, la range et récupère aussi une de ses armes en plus. Quand il semble bon, je récupère aussi une autre de mes armes et range un maximum de nos affaires dans mon sac sans fond. Je fais ensuite quelques pas et viens accrocher mon sac et celui de l’aventurier à un arbre, nous permettant d’avoir le plus de liberté de mouvement possible. Je prends de grandes inspirations, soufflant ensuite doucement pour m’apaiser. Je compte ainsi ma respiration, me forçant à avoir un certain rythme pour permettre à mon corps de récupérer de ses tremblements.
J’observe l’aventurier avec sa torche. Quand il est prêt et après un échange de signes de tête, il vient allumer le terrier. Mes deux épées en main, j’attends patiemment. De son côté, l’homme est prêt à recevoir l’animal, torche en main pour l’attirer. Et cela ne tarde pas à arriver. J’entends les pas lourds du chouettours suivi d’un cri mélangeant la colère et une profonde détresse. Ce hurlement perçant me prend à nouveau aux tripes, mais cette fois, je me maîtrise. La survie de Sileas va réellement être entre mes mains. Il compte sur moi pour que nous puissions avoir cette bête.
Le chouettours entre alors dans mon champ de vision, face au borgne. Ce dernier le provoque et je vois l’animal lâcher quelque chose qu’il tenait dans son bec. Le blond ne lésine pas sur les méthodes pour provoquer la bête, finissant par jeter sa torche pour le recevoir. Et cela ne tarde pas à arriver. L’animal se jette rapidement sur lui et les coups s’enchainent. J’attends le bon moment, un temps qui me parait infiniment long.
Quand enfin je vois une ouverture, je me jette dans leur direction. J’arrive dans le dos de l’animal. Même s’il m’entend, il a à peine le temps de tourner la tête, l’homme ne lui laissant pas un instant de répit. Je me jette sur son dos les deux épées venant s’enfoncer à l’endroit où se sépare sa part chouette et sa part ours. Un hurlement de douleur suit, me perçant les oreilles. Pooh fait alors quelques pas en arrière et se met à se balancer de tous les côtés pour me désarçonner. Même si je tiens bien au début, il finit par donner un coup plus puissant, m’envoyant valser plus loin.
Je roule et arrête ma course contre un arbre, une douleur suivant rapidement dans mon dos et un de mes flancs. Je sers les dents pour retenir le hurlement qui me prend, essayant de me relever au moins sur mes bras pour apercevoir Sileas en tête-à-tête avec la bête qui a maintenant mes deux épées enfoncées à environ la moitié de leur longueur dans son dos. Je n’ai plus qu’à souhaiter que l’homme va pouvoir tenir en attendant que je puisse me relever pour lui venir à nouveau en aide.
Quelques secondes à peine sont nécessaires pour mettre tout en place. La torche commence à crépiter, et le borgne vient commencer à incendier les possessions de la bête qui ne tarde pas à rentrer. Lâchant la boite à musique qu'il tenait jusque la dans son bec, comme si la créature souhait la remettre à sa place, cette dernière pousse un cri d'une fureur primale terrifiante. La torche est lancée dans le terrier pour s'assurer qu'il brule et permettre à Sileas de reprendre sa posture de garde, tapant du talon de la botte blindée le sol et laissant la lance danser entre ses doigts pour accueillir la créature, pointe redressée. La charge résonne dans le sol, et cette fois le borgne est obligé de sauter sur le coté pour éviter cette charge qu'il n'aurait pu parer, piquant le flanc du monstre de sa lance pour l'empêcher de juste lui arracher le bras d'un coup de bec puissant.
Comment le combat se déroule-il ensuite ? Le combattant lui même ne saurait précisément le décrire. Il plonge dans sa transe de combat en profitant du répit offert par cette charge et le temps nécéssaire à son adversaire pour pivoter de nouveau vers lui, se préparant à l'accueillir. Les coups pleuvent de nouveau, la pertuisane intercepte, tant de la pointe que de la hampe, cette dernière finissant profondément marquée. Si le combat dure trop, il est loin d'être impossible que cette dernière ne cède sous les coups de plus en plus violents.
L'aventurier n'a pas un instant à consacrer à Sia, lui faisant pleinement confiance sans avoir le choix d'en faire autrement. La destruction de ses possessions l'a poussé dans un état de rage intense, et la mort danse dans son regard comme les flammes dans son ancienne maison. Si ils échouent ici, nul doute que le village risque de connaître un très désagréable revirement de situation, maintenant que le dernier lien bienveillant que possédait encore la créature avec l'humanité vient de lui être si brutalement arraché.
Dans une éclaircie dans cette tempête de lames et de griffes, la forgeronne trouve enfin son moment. L'animal essaye de la recevoir et hurle tandis que les épées mordent dans sa chair. Profitant qu'il est occupé à sautiller en essayant d'éjecter la jeune femme ou de l'écraser contre un arbre pour lui faire lacher prise, Sileas s'avance en venant piquer le cou et l'encolure de l'animal, encore et encore de son arme. Le rouge vient éclore sur le plumage tandis que la pointe trouve le cuir, puis les chairs tendres. Les blessures sont légères, mais enchainées en un rythme rapide. Hélas, l'étoile d'argent se fait catapulter hors de son perchoir avant de s'écraser sur l'un des épais troncs parsemant le décor. Le blond profite de cet instant de répit pour observer son état et celui de son armure. Le sang commence à couler de plusieurs plaies, défaillances de ses protections touchée en de trop nombreux endroits et ayant laissé les griffes mordre sa chair sans qu'il ne s'en rende compte. L'adrénaline étouffe la douleur de ces blessures qui ne sont pas encore handicapantes, même si la vue du rouge fait comprendre au borgne qu'il risque de se vider de son sang bien avant la créature, cette dernière se jetant déjà de nouveau sur lui.
L'épuisement commence à tirer les traits du combattant qui se sait approcher de ses limites. Le temps imparti dans l'utilisation de son pouvoir est fini, et chaque seconde tire un peu plus que la précédente dans ses réserves. Mais ce qui craque en premier n'est ni son physique ni son mental. C'est la hampe de sa pertuisane, dont même le bois cerclé de métal ne saurait encaisser de tels assauts indéfiniment. Un craquement sinistre se fait entendre, suivi d'un cri alors que cette attaque qui n'a été que très légèrement parée vient profondément mordre l'épaule gauche de Sileas, ouvrant un sillon se perdant sur son flanc et son bras. Ce dernier tombe sur son genou gauche sous la force de l'impact, le sang coulant à gros bouillons de sa plaie, maculant son armure en une rivière carmin pour venir teinter la neige de ses teintes foncées.
Poussant un cri enragé, le Chouettours ouvre le bec pour essayer de gober la tête de l'homme et la broyer de sa puissante mâchoire, avant de soudainement reculer en poussant un glapissement de douleur aigu, la seconde moitié de la hampe et la pointe de la pertuisane profondément enfoncées dans son flanc. L'aventurier la tenait toujours dans sa main, et cette allonge soudainement plus courte d'un bon mètre lui a permis de l'enfoncer presque comme un glaive dans cette jointure exposée lors de ce coup qui se devait fatal. La créature est blessée, déstabilisée. Affaiblie mais loin d'être morte alors qu'elle recule pour observer coup sur coup Sia et Sileas, réfléchissant à qui attaquer ensuite. La jeune femme blessée qui tente de se redresser ou alors combattant à l'armure déchiquetée et à l'épaule suintante de sang tenant péniblement sur ses jambes et ayant troqué son arme d'hast désormais inutilisable pour son épée courte qu'il peut tenir de sa seule main encore valide...
L'opportunité est trop belle, je dois en profiter pour récupérer des armes pour nous deux. Je sors mon jade et le lance en direction de nos affaires. Je compte dans ma tête les trois secondes avant de me retrouver devant l'arbre où mon sac sans fond pend. Je viens l'ouvrir sans le décrocher, le tournant tête en bras pour en sortir le contenu auquel je pense : ma dernière épée de rechange, mon épée fine, mon épée courte, mon épée longue, ma dague, mes couteaux de lancer, plusieurs couteaux, mon arc et ses flèches, mon coffret de lames brisée, la hallebarde de Sileas et ses diverses armes de jet et bien d’autres.
Alors que mon sac finit de cracher les dernières armes et autres couteaux au sol, je viens récupérer une des lances de jet de l’aventurier. J’ai déjà perdu de nombreuses et précieuses secondes, je dois aider mon compagnon. Sans réfléchir plus, je me mets en position, me rappelant vaguement des enseignements de mon frère et lance l’arme en direction de l’animal. Malheureusement je loupe ma cible, la lance passant au-dessus de lui sans le toucher et venant se ficher dans la terre à quelques pas de l’aventurier. J'en récupère une autre, l’attention et le regard de l’animal se dirigeant vers moi un instant après ce lancer infructueux. Je fais alors confiance au blond pour l’occuper, réarmant pour lancer une seconde fois. Cette fois, je touche ma cible. Je n’atteins rien de vital, la lance s’enfonçant dans le dos de la bête, la zone où le gras est épais en cette saison. Une blessure plus superficielle qu’autre chose. Je lâche un juron, me maudissant d'être aussi mauvaise à distance.
Cette fois, le chouettours m’a en ligne de mire, réellement mécontent de cette piqure, me faisant oublier l'idée de passer à l'arc. Je me baisse et récupère une de mes épées, reprenant mon jade, je le lance de manière à arriver sur un flanc de la bête, bien plus proche de mon coéquipier. Je me mets en position d'attaque et trois secondes plus tard, je viens enfoncer mon épée de toutes mes forces et à deux mains dans son corps. Le hurlement perce mes oreilles tant il est intense, le sang venant rougir le pelage sombre. Cette fois, je ne cherche pas à laisser mon arme dans son corps, la retirant d’un coup en criant de l’effort, le sang affluant bien plus de la plaie. Aucun organe ou point vital ne semble vraiment touché avec ce coup, mais mon épée a créé une ouverture suffisamment grande et profonde pour lui provoquer une hémorragie bien plus conséquente qui devrait affaiblir Pooh bien plus rapidement. C'est parfait, le blond et moi fatigant, nous ne tiendront plus très longtemps avec ce rythme. Et maintenant, la créature non plus.