Un profond soupire s'échappe de mes lèvres alors que je pose un énième papier sur une pile déjà bien trop grande. Cela fait déjà un long moment que je suis enfermé dans mon bureau, au siège de la compagnie que je dirige. Certes, le trône d'Amphitrite a été l'une de mes plus excellentes idées : une compagnie me permettant de m'enrichir, d'accéder à un certain statut, un rang social, tout en me permettant de chercher mon véritable objectif sous le couvert d'une compagnie de chasse aux monstres... Une idée absolument géniale c'est bien vrai mais qui me demande un temps considérable! Entre le fait de devoir gérer les chasseurs et leurs missions, de devoir former de nouveaux partenariats et simplement mes propres missions, je n'ai que peu de temps pour moi malheureusement. Aujourd'hui en est la preuve la plus flagrante. Oswald, trésorier de la compagnie, ami de longue date et criminel invisible s'il en est, est venu me voir plus tôt : Lyle, le maître forgeron qui vit - ou plutôt vivait - dans les montagnes a disparu. J'ignore ce qu'il est devenu mais quoi qu'il en soit, cela annule le partenariat que j'avais avec. Je ne peux définitivement pas envoyer mes chasseurs dans les montagnes pour se fournir de l'équipement s'il n'y a plus de forgeron pour le leur fournir! Naturellement, la solution me semble toute trouvée : Sia! L'ancienne apprentie du maître forgeron pourrait sans doute prendre sa place, j'ai eu le loisir d'observer son travail, de découvrir ses capacités et puis, elle et moi avons une relation de confiance vu la "mésaventure" que nous avons vécu ensemble...

Malheureusement, ai-je seulement le temps de la rencontrer? Pas réellement. Entre ma blessure lors de ma visite du désert volant et ma recherche d'un moyen de soigner mon bras - dans lequel je sens toujours le sable tourbillonner - il m'est totalement impossible de dégager un instant pour voir la jeune femme et lui faire une offre. Oswald pourrait sans doute s'en occuper mais ce ne serait pas pratique vu son pouvoir : le fait que son apparence est différente pour toute personne lui adressant la parole est un grand avantage dans certains domaines mais dans ce cas, c'est une malédiction. Les partenaires commerciaux que je possède doivent connaître leur contact, avoir un rapport d'entente avec, c'est pour cela que jusqu'à présent j'ai pris soin de m'en occuper moi-même mais, je dois me rendre à l'évidence, je n'ai plus réellement le temps. La compagnie est devenue trop grosse, trop importante, trop demandée pour que je me repose sur mes lauriers, après notre actions pour aider le gouvernement à sécuriser la route vers Empyrée, nous avons encore gagner de la renommée! C'est parfait certes mais cela signifie également que je dois trouver plus de temps! Trois possibilités s'offrent alors à moi : premièrement, ne pas profiter de cette occasion de se développer plus encore, une solution que je refuse même d'envisager, pas après tout ce que j'ai fais pour me hisser ainsi au sommet! Deuxièmement, prendre plus de temps pour le relationnel au détriment de mes quêtes ou de certaines rencontres tels que mes instants avec ma chère Nemue. Hors de question! Je suis un homme de terrain et non de bureau! Reste la troisième solution : trouver quelqu'un pour s'occuper de cette tâche.

Malheureusement, c'est plus simple à dire qu'à faire, ce n'est pas comme si une personne capable de gérer un pan aussi important de ma compagnie se trouvait à l'autre bout de la rue... Quoi que, parfois, Lady Fortune aime me rappeler que bien souvent, elle me sourie... Un cognement à la porte de mon bureau, suivi d'un second.

"Entrez!"

Oswald pousse la porte massive pour entrer dans la pièce, digne comme toujours, droit comme un i, cet homme... Je me demande quelle est sa véritable apparence, malheureusement lui comme moi ne le saurons sans doute jamais. Pour l'heure, mon ami s'incline légèrement, signe qui me fait savoir qu'il est ici pour parler du Trône et non de nos autres activités.

"Bonjour Aslander, une jeune aventurière demande à te voir." M'indique-t-il avant de se tourner vers l'entrée, laissant la jeune femme en question entrer dans la pièce alors que, lui-même, en sort ensuite, fermant la porte derrière lui. Je me lève, observant la jeune femme un instant avant de lui indiquer d'un signe de main une chaise faisant face à mon bureau. "Bonjour, je vous en prie installez-vous... Que me vaut le plaisir de cette visite?"

Depuis qu'elle en avait parlé avec Rhis, Kasha, inconsciemment, s'était mise à s'intéresser de plus près à l'Empyrée. Peut-être cela était-il dû à la possibilité de le revoir en s'y rendant ? Peut-être le fait que lui s'y intéresse la poussait-il à en faire de même, comme un moyen un peu détourné d'en apprendre plus sur lui, même si, avec le recul, elle se demandait comment cette méthode pourrait fonctionner ? Ou peut-être qu'il lui avait simplement ouvert les yeux sur les possibilités infinies qu'offrait pour elle la découverte d'une nouvelle nation.

Toujours était-il que, en s'intéressant de plus près à leurs voisins, elle n'avait pas tardé à trouver la trace d'une entreprise ayant joué un rôle dans les interactions entre Aryon et Empyrée. Une entreprise tenue par l'un de ses collègues... Alors, forcément, cela avait piqué son intérêt. Comme à son habitude, elle était allée glaner toutes sortes d'informations à son sujet. Les archives de la Guilde lui avaient été précieuses pour cela. Pourquoi les archives, me direz-vous, pour des informations plutôt récentes ? Tout simplement parce que Kasha y avait plus ou moins ses entrées, et qu'elle avait fini par découvrir qu'elle pouvaient être pratiques comme point de départ pour tous types de recherches. C'est ainsi qu'elle avait pu en apprendre un peu plus que certainement la plupart de ses contemporains sur les débuts du trône d'Amphitrite, et le début de son ascension, jusqu'à la sécurisation des routes vers leurs voisins. Les informations plus récentes, car elle était sûre qu'il y en avait, n'avaient probablement pas encore été archivées. Ce serait donc à elle d'aller chercher les informations manquantes. Et elle s'en savait capable.

Première étape, le hall de la Guilde. Maintenant qu'elle y pensait, il lui était arrivé, de temps en temps, d'entendre certains collègues mentionner cette organisation. Bien sûr, à cette époque, elle n'y faisait pas attention, car elle n'y trouvait pas spécialement d'intérêt, mais, à présent...

- Pourquoi est-ce que tu t'y intéresses autant ?

Ah. Justement. C'était la question qu'elle était en train de se poser. Alors, elle improvisa une réponse :

- Peut-être qu'ils pourraient avoir besoin d'aide ? Au niveau diplomatique, par exemple ? Je suis aventurière depuis tellement d'années, tu ne crois pas qu'il serait temps que je commence à me diversifier ?

Ce serait donc sa motivation. Ce fut ce moment que choisit Nox pour venir se poser sur sa tête, perchoir qu'il semblait apprécier, dernièrement. L'aventurier avec qui elle discutait ne put retenir son rire :

- Oui, c'est ça, va voir le patron avec ton chaton, en espérant que ça arrive à l'attendrir !

Kasha l'observa, songeuse. Ce n'était pas une si mauvaise idée, finalement. Après tout, Nox l'avait bien déjà aidée à détourner l'attention de certaines cibles, donc des adversaires, pourquoi ne pourrait-il pas l'aider également avec ses alliés ? Du moins, ça valait le coup d'essayer. Et puis, si c'était un échec, elle pourrait toujours s'excuser, comme elle le faisait beaucoup plus souvent depuis l'irruption du bébé Tenko dans sa vie...

- Très bien, je vais faire ça ! Où tu as dit qu'il est, déjà ?

- Au Grand Port. Mais... Je plaisantais...

- Merci !

Et, sans lui laisser le temps de s'expliquer, elle prit la direction des portails de téléportation, le chaton incarnant toujours de son mieux le moins pratique des chapeaux.



Lorsqu'elle arriva au Grand Port, elle prit d'abord le temps de faire un tour. Elle se disais qu'elle allait finir par bien connaître ce lieu... Qui lui semblait étrangement familier, à un point tel que c'en devenait troublant. Avait-elle vécu ici ? Probablement. Dans quel autre lieu pourrait-elle s'être trouvée au milieu de bateaux tout en trouvant cela parfaitement naturel ?

Elle passa devant l'établissement de Viktor Schrim, et ne put retenir un frisson. Malgré la collaboration efficace avec Nox, elle n'avait pas réussi à convaincre la Garde d'arrêter l'homme, qui courait probablement encore. Elle se hâta de s'éloigner du bâtiment, et alla plutôt acheter un poisson frais sur les quais, pour calmer le chaton, qui devenait nerveux, revivant probablement lui aussi ces mauvais souvenirs.

Finalement, le chaton terminant son repas dans les bras, elle trouva l'endroit qu'elle cherchait. Le siège du Trône d'Amphitrite... Que faisait-elle là, exactement ? Plus elle y pensait, plus elle se disait qu'elle était venue sur un coup de tête. D'un autre côté... Tant que personne ne l'avait vue, il était toujours temps de faire demi-tour...

Elle s'éloigna donc, pour aller jeter les arêtes du poisson de Nox et réfléchir. Voulait-elle vraiment rejoindre cette organisation ?
Finalement, elle décida de s'y rendre, sans rien attendre en particulier. Après tout, elle allait proposer ses services, et rien ne disait qu'elle serait prise. Après tout, elle n'avait vu passer aucune offre d'emploi, ne savait même pas si un profil comme le sien serait intéressant pour le patron... Dont elle ne savait même pas s'il était présent, en y repensant.

Prenant une inspiration, elle franchit le seuil. Son regard croisa celui d'un homme. Elle était repérée. Impossible de faire demi-tour, maintenant. Prenant une grande inspiration, elle s'approcha donc de l'homme :

- Bonjour. Est-ce qu'il serait possible de voir votre dirigeant, ou un responsable ? J'ai une offre à faire à l'organisation.

Tout en parlant, elle retenait le chaton, qui mourait visiblement d'envie d'aller se percher sur l'épaule de l'employé. Ce n'était clairement pas le moment de faire ami-ami.

Silencieuse, elle suivit l'homme. Apparemment, le patron était présent. Il s'agissait de ne pas faire d'erreur. Même si elle n'était pas engagée, il s'agissait d'un homme important, elle devrait donc laisser une bonne image. Qui sait, peut-être le fait d'avoir une telle personne dans ses connaissances pourrait-il lui être utile plus tard... Elle ne devait pas tout gâcher... Et ne pas laisser Nox tout gâcher, non plus.

Lorsqu'elle fut introduite à l'homme, elle lui adressa un signe de tête en guise de salutation, elle ne donna pas suite à son invitation à prendre un siège. Du moins, pas tant qu'il ne se serait pas assis lui-même. Après tout, c'était lui le maître des lieux, à elle de ne pas être trop présomptueuse.

Une fois tous les deux installés, elle déposa Nox sur ses genoux, lui prodiguant quelques caresses afin qu'il reste sage, puis adressa ses premières paroles à l'homme :

- Bonjour. Je vais aller droit au but, j'aimerais vous proposer mes services.

Elle fit glisser sa plaque d'aventurière sur le bureau, pour lui permettre de l'examiner, avant de poursuivre :

- Une grande organisation comme la vôtre a certainement besoin de personnel capable de se rendre partout pour trouver de potentiels nouveaux partenaires, ou faire affaire avec vos partenaires existants, je suppose. Je pourrais assumer ce rôle, si, évidemment, vous voulez bien de moi.

En faisait-elle trop ? Aucune idée. Mais quelque chose lui disait qu'elle serait vite fixée.

La jeune femme ne s'installe pas directement suite à mon invitation, semblant attendre que je prennes moi-même place avant de faire de même? Je l'observe un instant, un tel comportement peut signaler plusieurs choses. Soit elle a l'habitude de traiter avec la noblesse, ces pédants orgueilleux, détestables et narcissiques qui pourraient s'offusquer qu'une autre personnes prenne place avant eux, soit cela démontre une incertitude, un manque de confiance en elle qui ne colle définitivement pas avec le fait de se présenter d'elle-même devant moi... Ni avec la suite de son discours d'ailleurs.

M'offrir ses services? Je ne la lâche pas du regard, joignant mes mains l'une à l'autre avant de les porter à mon visage, mes coudes posés sur mon bureau, mon menton en vis à vis de mes mains... Combien d'aventuriers exactement ont un jour franchis la porte de ce bureau avec cette même intention, cette même offre que de venir agrandir mon équipe? Je ne peux retenir un léger soufflement de nez, un soupire discret mais tout de même audible démontrant de mon désintérêt total à ce moment précis. Une erreur cependant de ma part qui ne me frappe qu'alors que la jeune demoiselle continue ce qui, en ce début de rencontre, n'est qu'un monologue auquel j'accord une oreille tout au mieux distraite... J'arque un sourcil, légèrement surpris. Ce n'est donc pas une position de chasseuse que la demoiselle convoite mais un rôle bien plus "bureaucratique"? Je suis bien obligé de reconnaitre que cela, pour le coup, c'est une première! Ce n'est cependant pas forcément pour me réjouir si je suis parfaitement honnête! Un homme tel que moi ne croit pas au hasard, aux coïncidences... Alors que justement je me disais qu'une personne pour exercer ce rôle serait le bienvenu, voici qu'une jeune femme s'offre pour cette place qui ne fait pourtant pas les envieux? Il n'est pas impossible que Lady Fortune m'offre sa bénédiction certes mais, dans ce royaume, il n'est pas impossible non plus qu'un pouvoir soit à l'oeuvre, révélant à l'inconnue exactement ce que j'attends... Je me lève, me dirigeant vers un meuble dans le coin de la pièce et me saisit de deux verres et d'une bouteille de rhum.

"Un verre?" Proposition nonchalante, presque plus poli qu'autre chose, j'attends sa réponse avant de me servir moi-même - elle aussi, ou non, dépendant de sa réponse - et je retourne auprès de la jeune femme, reprenant ma place devant elle. Je prends une gorgée de mon breuvage, dépose le verre sur le côté, et fais glisser vers moi sa carte de guilde que j'observe un instant. Nouveau soupire alors que je relève les yeux vers elle, cherchant machinalement dans le tiroir de mon bureau pour sortir un vélin et une plume. "Savez-vous combien d'aventuriers ont passé cette porte pour entrer au service de ma compagnie?" Dis-je alors que je trempe la plume dans l'encre, commençant à recopier sur le parchemin les informations de sa carte de guilde. "Des dizaines? Des centaines peut-être?" Je réponds à la question rhétorique sans réellement lui laisser le temps de formuler une réflexion quelconque sur le sujet. "Savez-vous combien d'entre eux travaillent pour moi aujourd'hui?" Je relève la tête du bout de parchemin, faisant glisser la carte de guilde vers elle et plongeant mon regard dans le sien. "Zéro!" Une affirmation glaciale alors que je me recule légèrement dans mon fauteuil. "Les gens qui viennent me proposer ainsi leurs services peuvent généralement être classés en trois catégories. Les ambitieux qui pensent que travailler pour ma société leur assure une avancée rapide dans la guilde : meilleur équipement, meilleurs partenaires, meilleures chances de devenir Saphir. Les mercenaires, souvent engagés par des nobles jaloux ou des concurrents, cherchant à en apprendre plus sur moi ou ma société et animés des plus noirs desseins. Et finalement les séducteurs - majoritairement constitués de femmes bien que certains hommes se soient essayés - qui pensent pouvoir profiter de la réputation de séducteur sulfureux que certains m'ont fait, imaginant sans doute que je suis une sorte de bête incapable de raison si l'on agite un beau morceau de viande devant moi..." Finis-je par dire avant d'hausser les épaules. "Naturellement, aucun de ces profils ne m'intéresse et, vous m'excuserez, par habitude ou par dépit, je vous ai immédiatement classé comme appartenant à l'un de ces profils. Une erreur sans nul doute! Premièrement aucun d'entre eux ne se présente devant moi avec un animal sur les genoux mais, plus encore, aucun ne se propose pour un autre rôle que celui de chasseur."

Léger sourire sur le visage, c'est surtout cela la différence mais est-ce réellement un avantage pour la demoiselle, j'en doute en réalité. "Cette particularité vous offre une chance d'avoir un entretien qui ne soit pas joué d'avance, cependant est-ce réellement une chance? Vous comprendrez, j'en suis certain, que je me montrerai intraitable avec vous! Votre offre est courageuse, ambitieuse même mais, contrairement aux chasseurs qui sont remplaçables - on tente de leur offrir un maximum de sécurité mais la chasse aux monstres comporte des risques - une personne travaillant directement avec nos partenaires se doit d'être impeccable! Tant dans le comportement, que dans la présentation. Vous seriez le visage de notre compagnie, celle qui assure notre pérennité dans ce royaume et possiblement dans celui qui vient d'être découvert - car évidemment j'ai pour ambition de leur offrir nos services - vous comprenez, je l'espère, que je ne peux confier une tâche aussi important à la première venue quelque soit son ambition ou son joli minois..." Me penchant légèrement vers la jeune femme, je viens ancrer mon regard émeraude dans le sien. "Alors dites-moi... Pourquoi devrais-je vous faire confiance pour un rôle aussi capital?"

Elle se demanda assez rapidement si elle avait eu raison de vouloir apporter son aide. L'homme semblait intraitable. D'autant plus qu'elle ne tarda pas à se sentir mal à l'aise sous ce regard insistant. D'un autre côté, peut-être s'agissait-il d'un test, pour voir comment elle réagissait en situation de stress... Elle ne laissa donc rien paraître de son malaise.

Lorsqu'enfin il se leva, elle retint difficilement un soupir de soulagement, pas mécontente de pouvoir ainsi se soustaire à ce regard. Elle profita de ce qu'il ait le dos tourné pour, silencieusement, faire partir Nox, en profitant du fait qu'elle pouvait voir une fenêtre entrouverte, vers laquelle elle poussa le chaton. Comme heureux de se soustraire à cette ambiance somme toutes tendue, il sortit. Kasha savait qu'ils se retrouveraient quand elle sortirait. De plus, elle avait cru comprendre que la présence du chaton n'était pas la bienvenue...

L'homme finit par revenir. Un alcool... Kasha se retint de froncer le nez. Elle n'était vraiment pas friande des alcools forts... Mais un refus serait-il mal vu ? Ou, au contraire, l'homme apprécierait-il son honnêteté si elle déclinait ? La dernière fois que quelqu'un avait fait un commentaire vis-à-vis de ce trait de caractère, c'était un compliment. Mais il venait de quelqu'un qu'elle estimait, et dont elle avait l'impression que c'était réciproque. Une telle référence pouvait-elle être appliquée à un inconnu, avec qui elle n'aurait de toutes façons jamais le même type de relation qu'avec Rhis ? Probablement pas. Et puis, elle ne pouvait pas exclure non plus qu'il s'agissait peut-être d'un autre test. L'espace d'un instant, elle considéra l'idée de donner une réponse ambigue, qui pouvait être interprétée comme un refus ou comme un assentiment, avant de se dire que ce serait probablement un mauvais point. Après tout, elle devait rester en accord avec ses aspirations, et, au minimum, communiquer clairement ses intentions. Finalement, elle se contenta de hocher la tête... En signe d'acceptation. Pure politesse. Lorsqu'elle entra en possession de son verre, elle le remercia, puis y trempa doucement les lèvres, afin qu'il ne l'ait pas servie pour rien, avant de le déposer, pensant très fort, sans pour autant rien en laisser paraître, qu'elle ne prendrait pas de deuxième gorgée.

Puis vint une série de questions réthoriques auxquelles il ne lui laissa pas le temps de répondre. Si le but était de la décourager, il était sur la bonne voie, sincèrement.

Puis vint la liste des "catégories". Personne ne venait pour être utile, sérieusement ? Elle avait du mal à y croire...

D'accord. Au moins, ce n'était pas quelqu'un qui se laisserait embobiner par la première personne venue. Elle allait devoir être convaincante. Et d'abord, il lui faudrait elle-même s'interroger. Qu'est-ce qui la motivait réellement ? Elle souhaitait se renouveler, c'était clair, mais... Mine de rien, cet homme l'impressionnait. Il lui donnait presque envie d'abandonner et de tourner les talons. Mais, comme elle s'en était déjà fait la réflexion, à présent qu'elle était là, elle ne pouvait plus faire marche arrière. Et si elle voulait être embauchée pour négocier... C'était le moment de prouver ses compétences dans ce domaine.

Pourquoi lui faire confiance ? Cette question méritait réflexion. C'était vrai, s'il la prenait, elle n'aurait pas droit à l'erreur. Elle décida donc d'opter d'abord pour la prudence :

- Je me connais, je sais que je n'ai pas les compétences pour la chasse.

ça, c'était la partie facile. Le pourquoi du fait qu'elle ne cherchait pas un poste de chasseresse. Et, techniquement, elle n'avait pas besoin d'être prise, son emploi à la Guilde lui permettait de vivre correctement. Si elle était venue, c'était simplement pour aider, si nécessaire.

- Vous aurez probablement du mal à trouver d'autres personnes capables de s'adapter à tous types de milieux sociaux. Vous parlez du comportement. Mon rôle au sein de la Guilde est de récupérer des informations auprès de tous types de clients, en me faisant passer pour l'une des leurs. Il m'est donc indispensable de savoir adopter le comportement adéquat en fonction de la situation et du lieu où je suis envoyée, ainsi que des personnes rencontrées. Alors, oui, je ne suis pas une diplomate, mais, de ce que je sais, vous n'êtes pas une organisation politique, ça ne devrait donc pas poser trop de problèmes, n'est-ce pas ?

Etait-ce une bonne idée de traiter aussi familièrement quelqu'un qu'elle percevait comme intraitable ? Probablement pas. Et puis... Représenter l'entreprise ? Etait-ce fait pour elle, finalement ? À l'origine, elle voulait seulement aider... Mais la tâche était visiblement bien plus importante que ce à quoi elle s'attendait. Néanmoins, elle ferait de son mieux pour tenter de le convaincre, quitte à essuyer un refus à la fin.

La demoiselle accepte l'alcool, fort bien cela sera donc deux verres. Je m'installe, lui fait le détail de ma manière de penser, de mon raisonnement et je l'observe avec attention alors que je lui parle. Un regard insistant, persistant, ne la lâchant pas le moindre instant. Pourquoi? Pour tenter de lire en elle, les réactions involontaire, les plis qui se forme sur le visage, le mouvement des yeux vers la droite ou la gauche pour éviter de regarder bien en face... Chacun de ces petits détails donnent parfois plus d'information sur son interlocuteur que des réponses formulées clairement. Dans le cas de la demoiselle, je dois avouer que je suis légèrement surpris : est-elle dans son éléments ou non? Je ne saurai le dire elle ne laisse pratiquement rien paraître.

Je remarque cependant deux choses : premièrement elle ne fait que tremper ses lèvres dans le breuvage, on ne peut même pas réellement appeler cela une gorgée à ce point. Étrange, les gens prennent généralement le temps d'apprécier lorsqu'ils acceptent un rhum. Deuxièmement, son compagnon à quatre pattes n'est plus là... Pourquoi l'amener si c'est pour le faire partir dès que j'ai le dos tourné? Instinctivement, je regarde autours de moi, d'un mouvement rapide des yeux, cherchant si le chaton se tapis dans un coin... Visiblement non, je reste cependant prudent, impossible d'écarter la possibilité que le félin soit en réalité une matérialisation de son pouvoir - ou un familier - avec lequel elle partagerait ses sens et servant donc à l'espionnage. Si tel est le cas cependant, je dois lui tirer mon chapeau bas, ça serait la meilleure tentative jamais faite dans mon entreprise et cela est peu dire...

Je me reconcentre plus sincèrement sur la jeune femme en étant certain que son compagnon n'est plus présent lorsqu'elle prend la parole pour me répondre. Et bien, je dois dire qu'avec la belle je vais de surprises en surprises : pas confiance en ses compétences pour la chasse? C'est assez rare comme façon de faire. Alors bien-sûr, je sais que cela est possible, tout les aventuriers ne s'occupent pas des missions de chasses au sein de la guilde! Il y a ceux doué en observation, ceux qui vont plutôt faire des missions de voisinage, ceux qui vont récupérer des plantes ou des minerais pour divers commanditaires... La traque des monstres et les affrontements épiques dans lesquels on met sa vie en jeu ne sont qu'une partie des contrats de guilde après tout. Cependant, c'est bien la première fois que quelqu'un m'avoue ne pas avoir de capacités spéciales dans ce domaine! Pour travailler pour moi, c'est le genre d'aveu qui me pousserait à rejeter immédiatement la candidature... Si elle venait pour ce rôle de chasseur bien entendu! Dans le cas de la jeune femme, ce n'est pas déterminant de son avenir, bien au contraire. Même si moi-même ne fait pas toujours preuve d'honnêteté, je dois avouer que j'apprécie la sienne. Dans un monde ou tout le monde veut se faire bien voir, se faire passer pour le meilleur, prouver sa supériorité même, avoir quelqu'un qui connait et surtout reconnait ses forces et ses faiblesses? C'est rafraichissant.

Je la laisse continuer son explication, que peut-elle m'apporter exactement? Un caméléon? Une personne capable de s'adapter à son interlocuteur, à ses envies, à ses besoins! Se fondant dans la masse sans difficulté et sans aucun doute capable de dénicher bon nombre de contrat sans grande difficulté donc... Un profil fort intéressant c'est un fait mais forcément, cela provoque chez moi un nouveau questionnement. Un léger rire s'échappe de mes lèvres, amusé, sincère lorsqu'elle me précise que nous ne sommes pas une organisation politique. Elle a du cran c'est bien et elle vient de me donner des informations qui me permettent de mettre le doigt sur plusieurs points.

"Vous avez raison, je n'ai nul besoin d'une diplomate... J'ai besoin de quelqu'un capable de s'adapter c'est également un fait... En ce sens, vous semblez une candidate parfaite!" Dis-je avant de prendre une nouvelle gorgée de mon breuvage. "Mais l'êtes vous vraiment?" Mon regard se pose de nouveau dans le sien. "Vous acceptez un rhum mais vous n'y touchez pas, vous faites un aveux de faiblesse pour la chasse mais vous ne venez pas pour ça et finalement vous vous dites capables de "récupérer des informations auprès de clients en vous faisant passer pour l'un des leurs"? Je n'ai aucun doute sur votre capacité, je me demande simplement si je suis moi-même la cible de ces dites capacités en ce moment..." Dis-je avant de finalement hausser les épaules. "Certains de mes partenaires sont des amis, des personnes avec qui j'ai noué des liens forts, des gens qui ont confiance en moi... Je n'ai pas besoin d'une diplomate c'est vrai, j'ai besoin de quelqu'un de confiance! Votre capacité d'adaptation serait une bénédiction de Lucy pour mon entreprise. C'est un fait que je dois bien admettre... Mais, si je suis sincère, c'est également effrayant! Comment savoir si la personne que j'engage est vraiment digne de confiance?" Une question sommes toute légitime, si elle peut s'adapter à tout un chacun, elle peut s'adapter à mes envies et mes besoins du moment. "Pourquoi avoir accepté la boisson? Pourquoi être venu avec un chat et ne plus l'avoir maintenant? Est-ce que je vous impressionne? Est-ce que je vous intimide?" Quelques questions pour la déstabiliser un peu, pour voir ses réactions mais également pour préciser une toute autre chose. "Savez-vous ce qui m'a le plus plu de vos affirmations jusqu'à maintenant? Cet aveu, cette sincérité visible avec laquelle vous m'avez avoué ne pas avoir confiance en vos capacités pour la chasse. Savez-vous pourquoi? Parce que nous sommes deux aventuriers! Quoi qu'il arrive aujourd'hui, quoi qu'il se décide quand vous quitterez ce bureau, nous sommes et serons deux aventuriers! Si demain nous partons en quête ensemble, je vais savoir que le combat n'est pas votre fort, je vais savoir quand devoir vous laisser passer et quand devoir vous protéger! Voici donc un conseil : dans ce bureau, n'ayez pas peur d'être honnête, ne me voyez pas comme quelqu'un à impressionner ou à satisfaire, voyez moi comme un confrère avec lequel vous allez devoir travailler pour réussir une ou plusieurs quêtes."

Il... Riait ? Sérieusement ? AVait-elle fait une erreur ? Elle refusait de croire que c'était sincère, car cela ne collerait pas à l'image sévère qu'elle avait de cet homme. Elle ouvrit des grands yeux lorsqu'il énonça ce qui le menait à conclure qu'elle serait une "candidate parfaite". Vraiment ? Alors, peut-être serait-il temps qu'elle apprenne à se faire confiance. Après tout, elle ne serait pas venue si elle ne pouvait pas coller, même rien qu'un peu, à ce qui était attendu, si ? Et, visiblement, elle semblait coller un peu. Donc, quelle que soit l'issue de la cnversation, elle devrait pouvoir réussir à ne pas passer pour une touriste venue simplement par curiosité.

Ce semblant de confiance qu'elle venait de réussir à construire s'effondra lorsqu'il énuméra les points négatifs, qui, dans son esprit troublé, semblaient bien plus nombreux que les points positifs. Cependant, lesquels revêtaient le plus d'importance aux yeux de l'homme. Elle tenta de déchiffrer son expression, mais fut à peine surprise de ne pas y parvenir. Et puis, évidemment, les doutes les plus logiques quand on connaissant ses capacités principales. Pouvait-on lui faire confiance ? Evidemment, elle se doutait que de simplement affirmer "Je ne vous mens pas, je vous l'assure !" ne suffirait pas. Les mots, on pouvait leur faire dire ce qu'on voulait. Alors, doucement, elle déclara en toute honnêteté :

- Je ne peux rien vous prouver. Les mots ne suffiront pas pour vous prouver ma bonne foi. Il faut des actions. Peut-être pourriez-vous me tester, dans une situation dont même l'échec ne vous portera pas préjudice ? Ainsi, vous pourriez vous faire votre propre opinion sans passer par le filtre de mes propres perceptions.

C'était la meilleure idée qu'elle pouvait proposer sur le moment. D'un autre côté, elle se doutait que la mise en place d'un tel test lui ferait probablement perdre un temps certainement précieux, mais, à présent qu'il savait que le mensonge était sa spécialité, elle ne pouvait pas se permettre de tenter de le convaincre avec les mots seuls.

Puis vinrent les questions. Beaucoup de questions. Posées toutes en même temps. Pour résoudre un problème complexe, résolvez-en de petites parties, une à la fois, afin de décomplexifier le tout. Elle appliqua ce principe en prenant les questions une par une, sans se presser dans ses réponses.

- Alors, laissez-moi répondre dans l'ordre.

Pourquoi avoir accepté le verre ? Elle lui lança un regard... Puis décida de répondre honnêtement. Elle miserait sur l'honnêteté, au cours de cet entretien. Après tout, peut-être que cela se verrait. Et puis, quel intérêt aurait-elle à mentir à quelqu'un qu'elle voulait aider ?

- Pour le verre... Honnêtement, c'était de la pure politesse.

Elle ne put retenir une moue... Etrange. Cela ne lui plaisait pas de l'admettre. Mais c'était la plus pure vérité, donc elle n'avait pas vraiment eu le choix...

La réponse à la question suivante était plus facile :

- Pour mon familier... J'ai cru comprendre qu'il vous dérangeait, donc je lui ai demandé de sortir... Et puis, il est jeune, il n'aurait probablement pas pu rester calme jusqu'à la fin de l'entrevue.

Là, pour le coup, elle en avait dit plus que prévu. À l'origine, elle voulait seulement mentionner le fait qu'il semblait déranger... Enfin. Elle n'allait quand même pas commencer à s'en vouloir d'être trop honnête, maintenant.

Les questions suivantes, qui pouvaient être rassemblées en une seule, étaient, elles, bien plus compliquées. Il pourrait certainement voir la confusion qui s'empara d'elle alors qu'elle cherchait le meilleur moyen de mettre des mots sur ses impressions. Il était évident qu'elle n'était pas à l'aise. Mais pourquoi ? Craignait-elle d'avoir déjà détruit toutes ses chances, alors que l'entretien débutait à peine ? Etait-elle décontenancée par le sérieux de l'homme, alors qu'elle aurait dû s'y attendre ? Etait-elle simplement déçue d'elle-même ?

Finalement, renonçant à argumenter, elle laissa sortir un petit :

- Oui...

Et voilà. Il en ferait ce qu'il voulait. La question en particulier à laquelle elle répondait ainsi n'était même pas claire, mais... Les deux questions se recoupaient, n'est-ce pas ?

La dernière tirade la fit ouvrir de grands yeux. Oui, bien sûr, elle savait qu'il était aventurier, elle l'avait lu dans les archives. Mais le fait qu'il sorte ce fait comme ça, visiblement comme un argument pour la faire se détendre... En serait-elle seulement capable ? Néanmoins, quelque part dans son inconscient, l'information comme quoi lui aussi avait loué son honnêteté se greffa dans un coin. Elle n'en avait pas encore conscience, mais peut-être, un jour, finirait-elle par le voir comme autre chose que ce grand patron impressionnant, changement peut-être induit par cette information qui ne payait pas de mine à première vue.

Néanmoins, elle se permit un petit trait d'humour, accompagné du premier sourire depuis qu'elle avait passé cette porte :

- J'avoue qu'il me serait plus facile d'appliquer ces conseils si on s'était rencontrés ailleurs !

Peut-être allait-elle regretter d'avoir pris cette liberté. D'un autre côté, s'il s'offusquait, elle ne comprendrait pas pourquoi il l'avait encouragée...

Et bien, voilà qui est audacieux : proposer de la tester en situation réelle, de voir ce qu'elle vaut, de m'assurer de son honnêteté d'une certaine manière? J'apprécie les gens qui ne manquent pas de bravoure, cependant l'idée de la tester dans une affaire qui ne me porterait pas préjudice ne m'intéresse pas spécialement. Il n'y a pas de pression sur ses épaules, pas d'enjeux si c'est une situation de laquelle je me moque. Peut-être alors le test sera-t-il concluant mais il ne sera pas fait en situation réelle! C'est lorsqu'elle aura du poids sur les épaules, un risque d'échec, une affaire pouvant coûter gros à ma compagnie qu'elle devra être efficace... C'est dans ce genre de situation que je devrais pouvoir dire que j'ai fais le bon choix en lui confiant les rênes de l'affaire. Une proposition qui n'est donc pas forcément à retenir mais qui lui fait tout de même marquer des points : si elle est prête à se mettre en avant, à agir pour prouver sa bonne foi, alors cela signifie que mes incertitudes ne sont pas justifiées concernant la raison de sa venue. Quelqu'un qui aurait quelque chose à cacher ne proposerait pas d'agir, il tenterait de trouver une justification en sachant pertinemment qu'il détruit toutes ses chances une fois en action. Logique...

Reste que la demoiselle à visiblement un comportement légèrement double : une confiance en elle suffisante pour se présenter devant moi mais, un manque de confiance flagrant quand je l'interroge. Pourquoi? Je lui pose donc quelques questions, je tente d'en apprendre plus et surtout de comprendre son raisonnement... C'est un bon point au moins, elle reste méthodique! Face à un afflux de questions soudain, les gens ont parfois tendance à perdre leurs moyens, ils peinent à trouver des réponses. Le fait de souffler et de simplement répondre dans l'ordre est donc encore une fois un bon point pour elle, elle semble capable de ne pas craquer sous la pression. De la pure politesse? Je ne peux retenir un sourire face à cette affirmation, pas forcément une bonne idée d'agir ainsi mais au moins, il est vrai qu'elle tente de se fondre dans le "milieu social" va-t-on dire? Dans une soirée, être le seul sans un verre à la main attire forcément l'attention. Pour le familier, c'est compréhensible même si la première partie de sa réponse me laisse quelque peu dubitatif.

"Ai-je dis quelque chose vous poussant à penser que votre familier était dérangeant? Je comprends que sa jeunesse soit une cause, mais mes paroles? Sachez que jamais un familier ne sera dérangeant à mes yeux. Après tout, mon plus fidèle partenaire est mon Rarwurk, je sais le lien qui nous unis à ces compagnons." Dis-je sans nul besoin d'en ajouter plus. Une incompréhension de la jeune femme, peut-être une mauvaise intonation de ma part qu'en sais-je? En réalité c'est secondaire car voici le point le plus important : il semblerait que la belle me trouve intimidant... Voici qui est assez rare en réalité. Je termine mon verre d'un trait alors qu'elle se permet une remarque suite à mon raisonnement sur notre métier à tout les deux et je ris doucement à cette affirmation.

"C'est bien possible! En réalité, la plupart des aventuriers travaillant avec moi sont des gens que j'ai rencontré en quête ou, en tout cas, à l'extérieur de ce bâtiment. Comme je l'ai dis, ceux qui viennent ici en sachant qu'ils viennent me rencontrer sont rarement intéressants, ils savent qui je suis, ils connaissent ma compagnie, mes attentes, mes envies et tentent de se greffer là-dessus pour en tirer un avantage personnel. C'est le genre de situation qui n'arrive pas lorsqu'on se croise à l'extérieur des bureaux." Dis-je en haussant légèrement les épaules. "Dans votre cas c'est différent cependant et cela ne vous aide pas! Vous êtes venu aujourd'hui avec de l'ambition c'est vrai mais, vous vous mettez une pression inutile sur les épaules, une contrainte de devoir répondre à des attentes presque inatteignables j'ai l'impression... Seriez-vous plus à votre aise si nous sortions? L'air marin est agréable et nous ne sommes guère loin des quais. Peut-être l'extérieur vous semblera-t-il moins oppressant?" Une question tout ce qu'il y a de plus honnête, après tout peut-être est-ce le décors qui la rend réellement mal à l'aise. "En tous les cas, j'aimerai que vous fassiez quelque chose pour moi : imaginez que vous êtes à la guilde, vous entrez! Il y a l'hôtesse qui vous salut en souriant, le comptoir avec les différentes quêtes à disposition et soudain vous me voyez. Je ne suis qu'un simple aventurier inconnu. Comment agissez-vous?" Sorte de petit jeu de rôle, pas forcément rare en entrevue mais nécessaire ici pour une très simple raison... "Vous êtes-vous rendu compte que, vous êtes entré ici, m'avez proposé vos services mais, ne vous êtes pas présenté? J'ai votre nom grâce à votre carte de guilde mais, sans cela j'ignore même à qui je parle... Reprenons donc, imaginons que je ne suis pas imposant à vos yeux et que nous venons de commencer cette rencontre : Aslander O'Sullivan, simple aventurier! À qui ai-je l'honneur?"

Elle ouvrit des yeux étonnés lorsqu'il mentionna le familier. Honnêtement, elle ne pensait même pas qu'il y aurait fait attention... Néanmoins, à présent, elle devait se justifier. Mais comment le faire sans paraître... présomptueuse ? Arrogante ? Ou pire, insultante ?

Finalement, elle opta, une fois de plus, pour l'honnêteté. Elle ne savait pas comment faire passer son opinion facilement, alors, elle s'efforcerait de la décrire aussi bien que possible, et libre à l'homme de s'en faire sa propre interprétation.

- Alors... C'était au début de la conversation, lorsque vous avez parlé des autres candidats. Entre autres considérations, vous avez mentionné le faire d'"avoir un animal sur les genoux"... J'ai cru que c'était un point négatif.

Visiblement, elle s'était trompée. Non, elle S'ETAIT trompée, c'était évident, à en croire les aproles qui avaient suivi... Parfait, dès les premières minutes d'entretien, elle faisait des erreurs d'interprétation. Très bien. Devait-elle continuer ou abandonner tout de suite ? D'un autre côté... Il restait humain, non ? Et l'erreur étant humaine...

Enfin, elle ne pouvait pas se permettre de se perdre dans ses pensées. Pas aujourd'hui. Parce qu'il avait repris la parole... Elle eut le temps de se faire la réflexion qu'il parlait beaucoup, et qu'elle devrait peut-être se forcer à en faire autant, après tout, un entretien, ou même une simple conversation, était censé partager les temps de parole, non ? Se mettre une pression inutile ? Oui, très certainement. Inutile de se mentir, elle se doutait que telle était la réalité, qu'elle n'avait pas besoin de se stresser autant. Mais, d'un autre côté... Il s'agissait d'une réaction naturelle, qu'elle n'était pas sûre de savoir contrôler, qu'elle le veuille ou non. Néanmoins, elle pourrait tenter de faire illusion... Même si, à plusieurs reprises, elle avait remarqué son regard acéré. Si elle tentait de lui mentir, ou de jouer un rôle, quelque chose lui disait qu'il le saurait immédiatement. Et puis, mentir à son potentiel futur patron ne semblait de toutes façons pas la bonne stratégie.

- Vous avez raison. Je n'ai jamais passé d'entretien auparavant, donc il est très possible que je me sois moi-même mis la pression au sujet de ce qu'on attend de moi...

Etait-ce vrai ? Certes, c'était la manière dont elle ressentait les choses, mais... Même pour la Guilde, avait-elle réellement réussi à passer sans entretien ? Elle devait tout à Jack, c'était lui qui l'avait initiée à l'institution, mais était-il assez important à l'époque pour lui permettre de passer outre les contrôles ? Probablement pas. D'autant plus qu'il ne l'avait jamais contactée depuis leur fameuse conversation... Peut-être avait-il carrément quitté la Guilde entre-temps, sans jamais la mettre au courant. Peut-être avait-elle passé des entretiens, qu'elle aurait donc oubliés par la suite... Ou peut-être avait-elle été pistonnée. En réalité, maintenant qu'elle y pensait, elle ne savait absolument pas comment elle avait fait pour être acceptée en tant qu'aventurière... Probablement une erreur lorsqu'elle avait effacé ses souvenirs. Son entrée à la Guilde avait, selon toute vraisemblance, été un jour merveilleux pour elle... Elle donnerait cher pour le retrouver.

Kasha, tu avais dit que tu ne te perdrais pas dans tes pensées aujourd'hui. C'est déjà raté. En effet... Si elle n'était même pas capable de tenir les promesses qu'elle se faisait à elle-même, alors... Non. Elle ne devait pas s'auto-pénaliser.

La proposition qui suivit, à savoir continuer à l'extérieur, semblait alléchante. En effet, disposer d'un espace plus spacieux, et, surtout, qui ne clamait pas haut et fort "tu es chez lui, fais attention à chacun de tes faits et gestes", serait probablement bien plus bénéfique. Néanmoins, elle n'eut pas le temps de répondre à cette question que, déjà, la suivante faisait irruption. Une mise en situation ? Bien. Cependant, elle vint avec un commentaire, qui, une fois de plus, la déstabilisa. À croire que cet homme savait exactement où agir pour la faire perdre ses moyens... Mais, cette fois, elle admettait une erreur plutôt que de complètement se décourager. Il lui offrait en effet une solution pour réparer ladite erreur. Alors, elle prit un moment pour se metrre en situation. Rencontrer des aventuriers inconnus, ce n'était pas rare, à la Capitale. Elle avait plus de mal à retouver ses connaissances qu'à faire de nouvelles rencontres, en réalité.

Alors, un inconnu se présente à elle. Comment répondait-elle, habituellement ? Un hochement de tête pour signifier qu'elle avait compris, un sourire pour entrer en interaction avant même de parler, puis une réponse simple :

- Enchantée. Kasha Shlinma, aventurière également.

Elle était très tentée de rajouter une remarque sur sa spécialité, qui faisait sa spécificité au sein de la Guilde toute entière, mais se ravisa au dernier moment. En effet, elle ne dirait pas cela à quelqu'un qu'elle rencontrait sans forcément prévoir de travailler ensemble. Alors oui, s'ils étaient intéressés par la même mission, elle en parlerait, afin de pouvoir connaître les forces et les faiblesses de chacun, dans le but de s'épauler et se compléter du mieux possible. Mais ce n'était actuellement pas le sujet. Peut-être qu'il viendrait plus tard, cela dit.

Au moins elle écoute tout ce que je dis, l'analyse même, cherchant probablement à comprendre chacun de mes paroles comme une intention, une attente, une remarque voir même un reproche. Je doute que cela soit particulièrement une bonne idée, cela ne me semble pas réellement sain pour un début de relationnel mais, je suppose que chacun à sa manière de faire? De mon point de vue, elle n'a pas besoin de tellement s'inquiéter mais je ne suis pas à sa place. Je suis un aventurier devenu noble, j'ai sauvé mon partenaire lors de ma première mission, j'enchaîne les missions périlleuses comme certains enchaîne les ramassages de plantes. Je suppose qu'effectivement, je peux être intimidant? Cependant, si elle doit travailler avec moi, elle ne peut pas craindre chacune de mes réactions, si elle ne peut pas rester elle-même en ma présence alors comment puis-je lui faire confiance pour gérer au mieux les partenariats de ma société? Après tout, elle sera plus en risque de faire des erreurs si elle craint mes réactions.

Je suis un homme calculateur c'est vrai, j'attends de la réussite et des dispositions que tous ne sont pas prêt à avoir c'est vrai mais je ne suis pas non plus un tyran! Loin de là même! Il est sans doute mieux de lui faire comprendre cela et quel meilleur moyen que de lui montrer? si je peux l'aider à être plus à l'aise en ma présence alors, sans doute cela sera-t-il bien plus intéressant pour la suite de cet entretien mais également pour nos possibles interactions à venir. Après tout elle est aventurière. Les possibilités que l'on se croise à l'avenir que ce soit en quête ou simplement lors de mes déplacements à la guilde, sont loin d'être nulles. Oui, il est évident qu'elle se met sans doute trop de pression! L'envie de ne pas décevoir ou simplement de plaire sans doute? C'est normale d'une certaine façon mais, c'est un peu utopiste aussi de croire que l'on va pouvoir entièrement satisfaire quelqu'un lors d'une première rencontre. Quelqu'un sans le moindre défaut? Qui serait parfait en tout point? Je crois que je ne pourrais pas faire confiance à quelqu'un dont ce serait le cas... Personne n'est parfait, pourquoi tenter de l'être?

La voici avec un sourire, l'un des premiers - si pas le premier - depuis le début de notre échange. J'ai l'impression que l'on avance enfin dans la bonne direction, celle d'une discussion plus naturelle, plus construite. Elle l'ignore bien-entendu mais, je ne suis pas le genre d'homme à rester assit derrière un bureau, attendant que mes employés face tout le travail. Bien au contraire, je suis un homme de terrain, le genre de personne qui tournerait tel un lion en cage s'il ne pouvait agir directement. Cela signifie que ce sentiment de se sentir bien, de ne pas être jugé, de simplement être égal l'un à l'autre, il faut qu'elle le garde. Je vais souvent en chasse avec mes hommes et de la même manière, je serais sans doute parfois présent avec elle pour rencontrer des partenaires. Ne fut-ce que Nemue par exemple qui m'en voudrait sans doute de lui envoyer quelqu'un sans me montrer en personne. Autant dire qu'il vaut mieux donc qu'elle me voit comme son "équipier" plutôt que comme un patron intimidant qu'elle doit à tout prix impressionner.

"Un plaisir de vous rencontrer Kasha!" Dis-je avec ce sourire en coin, légèrement séducteur, qui me caractérise tant. "Vous êtes aventurière depuis longtemps? Quelles sont vos missions de prédilection?" Quelques questions classiques, renseignements simples d'un aventurier à un autre, chose que l'on peut entendre lorsque deux personnes tentent de savoir s'ils peuvent aller en mission ensemble. Différent cependant dans l'intention, cela me permet surtout de savoir si elle peut correspondre à mes attentes.

Les choses avançaient, donc. Elle décida donc de prendre cette mise en situation comme l'un de ses nombreux rôles. Pas ceux au cours desquels elle utilisait l'un de ses avatars principaux, ni secondaires, d'ailleurs. Elle n'adopterait pas non plus d'identité à usage unique. Non, cette fois, le rôle qu'elle devait jouer, et c'était une première... C'était le sien, simplement. Chose étrange que de devoir jouer son propre rôle... Mais, si elle voulait être à l'aise, elle sentait qu'elle n'avait pas vraiment le choix.

Elle avait fini par comprendre que l'homme ne cherchait pas à l'enfoncer. Cependant, était-ce une raison pour se relâcher ? Secouant imperceptiblement la tête, elle se débarrassa de ces pensées. Jouer son propre rôle était déjà bien assez compliqué en soi. Il ne manquerait plus qu'elle se rajoute une difficulté supplémentaire en se laissant aller à des pensées parasites et qui ne servaient aucun but allant dans son intérêt. Elle avait de nouvelles questions auxquelles répondre. Elle devrait détailler ses activités... La dernière personne avec qui elle l'avait fait, sincèrement et de manière assez complète, était Rhis. Autant qu'elle s'imagine parler avec lui... D'autant plus qu'il avait un autre point commun avec l'homme en face d'elle, qui était de jouir d'une position qui la plaçait en situation d'infériorité... Et, autre point commun, aucun des deux hommes ne semblait partager son avis à ce sujet. Cette comparaison lui arracha un petit rire, qu'elle s'empressa d'expliquer dès qu'elle en prit conscience :

- Pardon. Je viens juste de réaliser que vous avez un certain nombre de points communs avec un de mes amis.

Etait-il réellement un ami ? D'un autre côté, leur dernière rencontre s'était bien muée en session de jeux, non ? Et était-il décemment possible d'imaginer jouer et d'être aussi complice avec une simple connaissance ? Enfin. Encore des pensées parasites. Elle devait se contenter de faire le parallèle et de s'imaginer parler à l'ami en question, tout en gardant son sérieux, puisqu'il s'agissait bel et bien d'une autre personne. Elle ne se permettrait pas de le taquiner, par exemple.

- Enfin. Vous ne m'avez pas demandé de vous exposer mes relations. Pour vous répondre, cela fait une dizaine d'années maintenant que j'ai rejoint la Guilde. Dès que j'ai eu l'âge d'y être acceptée, pour être honnête.

Elle se souvenait parfaitement que, si elle avait été autorisée à rejoindre l'organisation un an plus tôt, elle aurait sauté sur l'occasion. Mais bon, comme dans toute institution, il fallait des règles, et un âge minimum était plus que logique, lorsqu'on savait à quels dangers certains aventuriers pouvaient prendre plaisir à s'exposer. Elle ne comprenait pas comment on pouvait aimer le danger à ce point... Elle-même savait l'éviter et s'enfuir si jamais il la rattrapait, mais jamais elle ne s'élancerait au-devant d'une situation qu'elle savait dangereuse... À moins d'avoir un ou plusieurs protecteur(s) compétent(s) à ses côtés et une récompense qui vaille le coup.

- Pour ce qui est de ma spécialité...

Comment l'expliquer ? Et surtout, comment s'assurer qu'il comprenne, son domaine étant assez restreint au sein même de la Guilde, et n'ayant probablement rien à voir avec celui de l'homme, s'il était comme les aventuriers qu'elle avait été amenée à croiser au cours de sa carrière ?

Comme à Rhis. Être simple, factuelle, et surtout sincère. Parler avec mes propres mots, sans forcément chercher à y mettre les formes. Surtout être honnête, et le reste viendra tout seul. Ce serait la stratégie qui structurerait sa réponse. Enfin, "structurer"... Alors qu'elle ne chercherait pas à y mettre les formes... Mais il n'était plus temps de réfléchir. Il fallait agir. En l'occurrence, parler.

- Alors. La plupart du temps, je suis envoyée m'assurer de l'honnêteté des affaires de diverses personnes en étudiant leurs documents sans jamais qu'ils ne sachent que je suis passée... Et, honnêtement, la plupart de ces cibles n'ont rien à se reprocher, je soupçonne mes clients d'avoir simplement du temps et des cristaux à perdre. Enfin. Passons.

Pour le coup, elle avait répété presque mot-à-mot la manière dont elle avait exposé ces faits à Rhis... Peut-être allait-elle trop loin dans la comparaison. Peut-être devrait-elle tenter une approche un peu différente pour la suite ? Evidemment, l'homme qu'elle avait face à elle ne noterait certainement pas la différence, puisqu'il n'avait pas entendu la conversation à laquelle elle faisait allusion, mais, pour elle, cela pourrait être une bonne idée de ne pas s'adresser de la même manière à deux personnes différentes.

- Mais ma vraie spécialité, celle que j'apprécie le plus, mais que j'ai moins l'opportunité de mettre à contribution, c'est l'infiltration. J'ai créé trois personnages que j'utilise lorsque je dois démasquer un criminel, ou plutôt, fournir à la Garde les preuves nécessaires pour justifier une arrestation. Cette fois, mes cibles sont rarement innocentes. Et, une fois de plus, je m'arrange pour qu'elles ne connaissent rien de mon implication dans leurs démêlés futurs avec la Garde. Je suis plutôt bonne actrice et sais faire illusion pendant quelques heures, ce qui, vous vous en doutez, est un grand avantage pour ce type de missions... Et rend probablement mon profil unique parmi tous ceux qu'on peut trouver à la Guilde.

... Elle avait beaucoup parlé. Et, cette fois, elle avait atteint son objectif. Elle n'avait en effet jamais tenu un tel discours à Rhis. Deux personnes, deux discours. Mission accomplie. Et elle avait un peu parlé sans réfléchir. D'un côté, cela lui assurait d'avoir été parfaitement honnête, mais avait-elle dit quelque chose qu'elle n'aurait pas dû ? Après tout, admettre qu'elle savait tenir un rôle pendant quelques heures était-il judicieux ? Ne risquait-elle pas d'avoir réveillé ses soupçons quant au fait qu'elle pourrait être en train de l'utiliser ?

Enfin. Ce qui était dit était dit, elle n'avait de toutes façons pas le pouvoir d'effacer la mémoire, et ne pourrait donc pas retirer ses dires. Il n'y avait d'ailleurs aucune raison à cela, puisque c'était la pure vérité.

Et puis, il lui avait offert, volontairement ou non, un moyen de poursuivre la conversation.

- Et vous ? Que préférez-vous dans votre métier ?

Bien sûr, elle s'était renseignée sur lui, mais uniquement en ce qui concernait son entreprise. Peut-être le fait de lui poser une question un peu plus personnelle lui permettrait-elle d'entrevoir l'homme plutôt que le chef d'entreprise, et donc, le rendant plus humain, pourrait-elle se sentir plus en confiance ?
Elle ne lui avait pas retrourné son autre question, celle au sujet de l'expérience, parce qu'elle se doutait qu'il en avait plus qu'elle, et n'était de plus pas certaine que ces informations soient pertinentes.

Alors ainsi j'obtiens un rire? Le premier de cette entrevue, le premier moment durant lequel la demoiselle semble plus à son aise. Une bonne chose donc, cela signifie que l'on avance dans la bonne direction. Elle s'en excuse cependant, me signalant que j'ai plusieurs points communs avec l'un de ses amis? Je me contente de sourire légèrement sans rien dire de plus, après tout, je doute que l'on soit réellement sur la voie de l'amitié, rien n'est impossible certes mais je n'ai qu'une poignée de personnes en lesquelles j'ai assez confiance pour les considérer comme des amis - et encore parmi eux seuls deux connaissent toute mon histoire - mais qu'importe? Si elle trouve des similitudes entre moi et un être cher, elle sera plus sereine pour notre échange et c'est exactement ce que je désire.


Elle se reprend rapidement : je ne lui ai pas demandé d'exposer ses relations? C'est vrai! Cependant, dis-moi qui tu apprécies et je te dirais quel genre de personne tu es. En regardant mon entourage proche il est aisée de savoir que je me rapproche plus facilement de gentes dames que de mes homologues masculins. Mes deux seules véritables relations masculines étant Faolan et Oswald alors que les demoiselles dans mon entourages sont bien plus nombreuses. Après tout, j'ai toujours été un séducteur même si cela est bien plus compliqué aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, il est vrai que ce n'est guère cela qui m'intéresse le plus aujourd'hui. Je reste donc aussi silencieux que faire se peut, attendant simplement qu'elle s'ouvre, ne pas insister sur les questions, ne pas se montrer impatient par peur de la brusquer et qu'elle perde ce début de confiance. De toute manière j'ai tout mon temps, les nombreux documents encore présents sur le côté de mon bureau ne risquent pas de disparaître du jour au lendemain... Des missions de discrétions donc? Agir sans que personne ne soit conscient de son passage? Étrange, je dois avouer que j'ignorais que la guilde pouvait employer des gens qui auraient largement leur place dans le rang des espions de la garde. Au moins elle me le dit... Cependant... La plupart du temps? J'arque un sourcil, interrogatif, à cette affirmation. La plupart du temps donc pas toujours?

C'est alors qu'elle m'explique sa véritable spécialité : trois identités, trois fausses identités! Un profil unique effectivement, dans ses explications je le comprends parfaitement mais immédiatement, presque inconsciemment, mon esprit se met à chauffer : Envoyée en s'assurant que personne ne connaissent son implication, fournit des informations à la garde, capable de faire illusion pendant quelques heures... Le fait qu'elle me l'avoue doit signifier qu'elle n'est pas là pour moi ou alors, c'est une génie qui se moque que je sois conscient de ce qu'elle fait réellement uniquement pour endormir mes craintes? Non, peu plausible, ce serait bien trop risqué de sa part et si tel était le cas, elle aurait sans doute déjà assez d'informations et la garde serait déjà présente. Si elle voulait enquêter sur moi - s'il y avait la moindre chance qu'elle trouve quelque chose - elle ne me l'aurait pas dit de bout en blanc. J'ai la certitude qu'en mission, elle est bien meilleure comédienne que cela! Par ailleurs, je sais que mon entreprise est parfaitement propre, je n'ai rien fais d'illégale en ce qui concerne le trône et cela fait bien longtemps que je n'ai plus rien fait d'illégal du tout d'ailleurs! Ma dernière oeuvre criminelle remonte à loin et si la prochaine approche - l'élimination de mon ancien équipage pour assurer ma sécurité et la fin de mon ancienne vie - elle est déjà parfaitement planifié pour ne laisser aucune trace et ce sera ma dernière action enfreignant les lois du royaume... Je me le suis juré afin de pouvoir, éventuellement, me rapprocher d'une certaine apothicaire.

"Une spécialité des plus spécifiques effectivement... N'est-ce pas difficile? Lorsqu'on passe son temps à porter un masque, il est parfois compliqué d'être soi-même n'est-ce pas? Les relations, les amitiés, les ambitions... Est-ce que tout cela ne semble pas factice lorsqu'on a pour habitude de ne pas être réel?" Pour moi, cela l'a longtemps été. Lorsque je me présentais sous un faux nom, lorsque je répétais machinalement une histoire inventée de bout en bout, lorsque je devais nouer des liens qui disparaîtraient une fois l'aube levée... Mon regard croise celui de la jeune femme alors que je souris de nouveau, séducteur, "sympathique", haussant finalement les épaules. "Enfin, je dis cela mais je n'en sais rien, pas autant que vous du moins. J'ai fondé ma compagnie, ait été anobli pas la reine mais avant cela, je n'étais qu'un homme simple! Fils de pêcheur, apprenti commerçant devenu aventurier et jouissant d'une petite richesse gagné à la force de mon travail et de ma détermination... Lorsque je participais à des soirées mondaines, j'avais le sentiment de ne pas être moi, de ne pas être à ma place, un imposteur qui se cache derrière un masque..." Dis-je finalement pour justifier ma digression sur le sujet. "Heureusement, cela n'était que périodique dans mon cas, uniquement lors de grandes soirées bien trop nobles pour moi! Ma spécialité est bien plus terre à terre ou plutôt, terre à mer? Je suis un chasseur! Je me spécialise dans les quêtes qui demandent de traquer et d'éliminer les créatures dangereuses pour le royaume et cela que ce soit sur terre ou sur mer! Ce qui nous amène à la suite!" Dis-je en me penchant vers l'avant, appuyant mes coudes sur mon bureau. Petit jeu de rôle qui m'en a apprit plus et qui semble l'avoir aidé à se mettre à l'aise. "Vous êtes intéressante Kasha mais votre spécialité est d'être discrète... Comment changez-vous d'identité? Potion de changement d'apparence temporaire? Déguisement? Miroir de glace?" J'ai besoin de savoir car après tout, même si son profil m'intéresse, je ne désire pas non plus mettre un terme à ses activités qu'elle dit elle-même apprécier le plus.

Et le voilà qui posait les bonnes questions. La question de l'identité. Oh, évidemment, elle ne comptait pas lui parler de son amnésie volontaire. De toutes façons, il ne lui avait pas demandé quelle enfant elle avait été, et cela l'arrangeait bien. Néanmoins, il avait parlé de relations. Certes, dans sa tête à lui, peut-être que ces dernière représentaient un frein à la sincérité... C'est la raison pour laquelle elle prit un certain plaisir à démentir cette opinion : ses amitiés, loin d'être un frein, lui permettaient de se raccrocher à qui elle était vraiment.

- Mes amis savent qui je suis réellement. Pour être honnête... Ils sont peut-être même mon ancrage dans la réalité. Pour ce qui est des ambitions... Hum...

Actuellement, sa principale ambition était d'avoir des nouvelles du cousin Jack. Ni plus ni moins. Mais elle savait que ce n'était pas de ce type d'ambitions qu'il parlait. Probablement voulait-il dire les ambitions professionnelles... Alors, oui, elle voulait l'aider, mais cela pouvait-il être vu comme une ambition professionnelle ?

- Disons qu'actuellement, ma seule ambition est de vous être utile.

Admettre un manque d'ambition... Cela serait-il bien vu ? Enfin, une fois de plus, ce qui était dit était dit, elle ne pouvait pas retourner dans le passé. Et même si elle le pouvait, pas sûr qu'elle le voudrait, de toutes façons. Après tout, elle ne serait pas à l'abri d'une erreur, et se retrouver à une période qu'on avait volontairement oubliée ne semblait pas particulièrement souhaitable...

Enfin, là n'était plus le sujet. L'homme répondait à sa question... De manière bien plus complète et détaillée que ce qu'elle avait demandé. Elle ne lui avait pas demandé de lui parler de ses origines !

Néanmoins, elle ne put s'empêcher de grimacer à la mention des nobles, et de laisser échapper un petit commentaire :

- Comme je vous comprends !

Elle non plus n'aimait pas les milieux mondains, qu'elle évitait donc autant que possibles. Mais les quelques fois où elle n'avait pas pu esquiver, elle s'était sentie jugée de toutes parts, presque entravée, observée à chacun de ses pas, et donc, incapable d'accomplir correctement ses tâches, qui, impliquant de fouiller dans les affaires des personnes présentes, ne pouvaient pas être jugées positivement si elle se faisait surprendre. La dernière fois qu'elle s'était retrouvée dans un tel milieu, d'ailleurs, elle avait fini par s'endormir... Une chance qu'elle ne soit pas tombée sur n'importe qui à son réveil... Et une preuve incontestable de manque de vigilance. Elle grimaça. Elle avait déjà reçu assez de leçons à ce sujet pour ne pas s'en infliger elle-même.

Puis vint le moment intéressant, l'information qu'elle avait effectivement demandée. Chasseur ? Décidemment, elle avait du mal avec cette spécialité. D'un autre côté... Il semblait se focaliser sur les monstres, donc... Peut-être cela pourrait-il passer ? Après tout, elle était consciente qu'Aryon avait besoin de ce type de profils.

- J'espère juste ne pas devoir assister à une chasse...

Encore une fois, elle était certaine qu'elle aurait dû se taire. Les mots avaient franchi ses lèvres sans lui en demander l'autorisation. D'un autre côté... Elle avait été elle-même. Elle n'aimait pas voir des animaux souffrir, même si c'étaient des monstres qui massacreraient tout le monde si on les laissait en vie.

Puis vint une question plus sérieuse. Elle regretta sincèrement de ne pas avoir pris son peigne magique pour lui prouver ses dires, mais... Autant se contenter d'exposer les informations demandées.

- J'ai en effet un peigne magique, que je n'ai cependant pas pris aujourd'hui. Mais sinon, ce sont plutôt des déguisements et beaucoup de jeu d'acteur.

D'actrice, plutôt. Mais bon, cette information était secondaire. Et puis, cet homme avait largement eu le temps de se rendre compte qu'elle était bel et bien une femme... Ce qui lui donna l'idée de préciser :

- Et, évidemment, je n'interprète que des personnages féminins. Vous, les hommes, êtes une énigme bien trop complexe pour moi...

Petite pique supplémentaire. Même si ce qu'elle avait dit n'était pas complètement vrai. Oui, il était vrai qu'elle se pensait incapable d'incarner un homme. Mais la plupart de ses proches étaient des hommes, ce qui induisait qu'elle les connaissait probablement mieux que ce qu'elle pensait...

Ses amis savent qui elle est réellement. Alors contrairement à moi, elle a été capable de nouer des relations suffisamment fortes pour se montrer sous son vrai jour? J'ai réussi d'une certaine manière mais avec Oswald qui n'a pas de visage et qui est un criminel notoire sous le nom de John Doe et avec Nemue après des lunes à se connaître et à avoir traversé des épreuves ensembles... Mes autres amis ignorent encore tout de mon passé et de mon ancienne vie. Bien-sûr, le fait que deux de ces amis soient des gardes n'aide pas à leur révéler avoir été un criminel recherché dans une autre vie... Mais soit, si elle parvient à se montrer sincère avec ses proches, c'est sans doute pour le mieux. Je tique un peu sur son ambition cependant : m'être utile? N'est-ce pas un peu impersonnel? Un outil est utile, une dague est utile, un objet sera toujours utile! Un être humain? Certes il peut m'apporter quelque chose, par le passé j'aurais aimé m'entouré d'êtres sacrifiables prêt à n'être que des outils pour atteindre mes objectifs mais, j'ai du mal à imaginer qu'une personne puisse n'avoir aucune ambition. Et encore là, certains se contentent d'une vie de famille sans histoire et sans saveur alors bon...

"C'est... Surprenant! Bien-sûr tout le monde n'a pas envie de devenir ministre, saphir, capitaine de la garde ou que sais-je, certains apprécient une vie simple sans complication. En ce sens, je ne considère pas que ce soit un manque d'ambition que de rêver d'une vie sans histoire par exemple... Non, ce qui m'étonne c'est que vous vouliez m'être utile à moi! Vue vos capacités, je ne doute pas de votre utilité au sein de la guilde, pourquoi vouloir m'être utile à moi, un parfait inconnu?"

Car c'est surtout cela la question, nul doute qu'elle puisse servir les intérêt de tout le monde. Pourquoi se proposer pour servir les miens sans même me connaître? En tout cas, elle semble ne pas apprécier la noblesse de notre royaume ce qui m'arrache un sourire, moi-même n'appréciant que peu cette classe sociale qui pense que la richesse lui accorde tous les droits. C'est un rire bien plus sincère qui se fait entendre cependant lorsqu'elle laisse passer, avec toute l'honnêteté et la candeur du monde, son désire de ne pas assister à une chasse. Cette jeune demoiselle est définitivement une énigme pour moi : offrir ses services à une compagnie spécialisé dans la chasse mais tout en haïssant visiblement l'existence même de la chasse! Un paradoxe en personne qui vient de frapper à ma porte.

"Aucun risque! Vous m'avez déjà dis ne pas exceller dans les combats et, je n'ai pas l'intention de faire prendre des risques inconsidérés à mes partenaires! Ceux qui participent aux chasses sont des combattants aguerris, des hommes et des femmes ayant déjà mainte fois affronter la mort. J'ai bien compris que ce n'est pas cette branche de la société que vous visez." Loin de moi l'idée d'envoyer une pacifiste à l'abattoir, cela ne serait pas digne de mon intelligence. Surtout que j'ai déjà assez de chasseurs en réalité : Sofia, Evelyn, Jaina, Red, Arya sans m'oublier moi-même... Je ne suis pas contre l'idée d'en avoir un peu plus mais, soyons honnête, c'est de personnes faisant du travail de bureau aux côtés d'Oswald dont j'ai surtout besoin aujourd'hui...

Peigne magique et déguisements donc? Je vois, rien qui ne permette réellement de changer d'apparence. Un léger sourire suite à sa plaisanterie sur les hommes. "Croyez-moi, j'ai nombre de compatriotes qui diraient exactement la même chose de la gente féminine." Dis-je en ricanant, sans doute aura-t-elle remarqué que je ne m'inclus pas dans cette affirmation, si mon sourire séducteur ne l'aura pas aiguillé, elle devrait comprendre que je ne me considère pas comme ayant des difficulté avec les demoiselles du royaume. Après tout, fut un temps durant lequel j'étais un invétéré coureur de jupons, changeant de partenaires comme l'on change de chemise. Une époque révolue mais mon bagout et ma facilité à discuter avec le sexe opposé ne m'ont pas quitté. Cependant, le temps n'est plus à la rigolade mais à un retour à la discussion sérieuse.

"Je veux que vous réfléchissiez bien Kasha... Est-ce que vous pouvez m'être utile? Oui! Est-ce que c'est ce que vous voulez cependant? J'ai besoin d'une personne pour rencontrer des partenaires de la compagnie, qu'ils soient partenaires actuels ou partenaires potentiels! Nous avons toujours besoin d'expansion, d'étendre nos activités et notre influence après tout. Pour cela, vous devrez parfois rencontrer des gens à l'autre bout du royaume, ici dans les bureaux ou même dans des soirées mondaines! Bien-entendu, cela sera sous votre véritable identité et pas sous une de vos couvertures. Si vous ne pouvez ou ne voulez vous déplacer pour diverses raisons, je pourrais le faire quelques fois bien entendu mais, comprenez que si vous refusez toutes les rencontres en soirées organisées par la noblesse par exemple, alors je ne gagne rien à vous avoir dans nos rangs. Le reste du temps, lorsque vous ne serez pas en rencontre, vous aurez des tâches réduites, pouvant être faites ici ou chez vous : vérifier le matériel fourni par les partenaires, les offres qu'on nous fait et l'intérêt que cela a pour nous, bref reprendre un peu de la paperasse présente sur mon bureau... Rien qui ne demande une dévotion et une disponibilité de tous les instants. En clair, vous pourrez continuer vos activités actuelle la plupart du temps. Alors, toujours partante?"

Pourquoi lui ? Très bonne question, une fois de plus. Mais cette fois, elle avait la réponse.

- Je commence à me dire qu'il serait peut-être temps de me diversifier. Et pourquoi vous spécialement ? Votre entreprise commence à être assez importante, je me suis donc dit qu'une organisation si étendue aura toujours besoin d'une aide supplémentaire. Bien sûr, je peux me tromper, mais c'est le raisonnement que j'ai eu.

Après quoi, il s'empressa de la rassurer au sujet de la chasse. Très bien, au moins, sur ce point, ils avaient les mêmes bases. Elle hocha la tête d'un air entendu.

Tiens, il rebondissait sur sa remarque sur les hommes ? Elle ne put retenir une nouvelle réaction :

- Et c'est parfaitement normal. Outre le fait qu'il s'agit exactement de la même situation, prise à l'envers, il est également vrai que parfois, même entre femme, il est... Compliqué... De se comprendre.

Elle avait nombre d'exemples à disposition pour étoffer cette affirmation. Bien sûr, il y avait les femmes des milieux mondains, qui, elle le savait d'après le peu de temps passé dans ce monde, étaient prêtes à tout pour se faire mieux voir des personnes haut placées que leurs voisines, mais, même dans des milieux plus modestes... Il y avait, par exemple, cette marchande, qui l'avait surprise alors qu'elle changeait d'identité. Une marchande disposant d'une certaine renommée locale. Et qui avait choisi de l'aider au lieu de la trahir. Elle devait pourtant savoir que, si un jour quelqu'un découvrait que Lorena n'existait pas et que cette femme l'aidait, sa réputation en pâtirait... D'un autre côté, peut-être que cela lui importait peu.

Oui, en y réfléchissant, finalement, elle ne savait pas trop qui des hommes ou des femmes constituait le moins une énigme à ses yeux... Elle qui passait pourtant son temps à les côtoyer ne parvenait pourtant pas à les cerner parfaitement. D'un autre côté, cela n'était-il pas pour le mieux ? Après tout, en ne sachant pas les définir précisément, elle partait sans préjugé lorsqu'elle rencontrait quelqu'un, ce qui lui permettait de découvrir peu à peu ce que cette personne valait réellement, au lieu de se complaire dans une illusion qui serait d'autant plus difficile à défaire à l'avenir...

Elle hésita, puis, cédant à une impulsion, lâcha, sur un ton de plaisanterie :

- Et qu'en est-il de vous ?

Un jour, il faudrait vraiment qu'elle apprenne à se taire. Parler avec son coeur et ses tripes n'était pas toujours souhaitable...

Mais le voilà qui détournait son attention, de façon fort opportune, sur ce qui, au demeurant, restait le sujet principal de la conversation. Un résumé de ce qui l'attendait si le processus se poursuivait. Rencontrer des personnes un peu partout dans le Royaume. Aucun problème, elle le faisait de toutes façons déjà à titre personnel. Encore plus depuis que Nox avait décidé de devenir le gestionnaire de sa vie sociale, d'ailleurs. Sa véritable identité, d'accord. Hochant la tête, elle notait mentalement. Mais lorsqu'il mentionna le fait de refuser d'aller voir les nobles, elle sentit qu'elle devait rectifier. Alors, elle prit une nouvelle note mentale. En effet, elle ne l'interromprait pas tant qu'il n'aurait pas terminé. Par contre, lorsqu'il fut question de paperasse, elle tiqua. Elle se souvenait parfaitement du moment où Jack avait tenté de l'embaucher en tant qu'hôtesse pour la Guilde. Et de sa propre réponse à ce moment-là : "L'administration, très peu pour moi." Et... Le fait était qu'entre-temps, elle n'avait pas effectué le moindre travail administratif.

Alors, quand vint la question qui conclut la tirade, elle hésita. Puis, finalement, elle décida de commencer par se décharger de sa note mentale au sujet de la noblesse :

- Attendez. Je ne suis pas fan de la noblesse, c'est vrai, mais si on me demande de rencontrer ses membres, je le ferai, ne me réduisez pas à ça, je vous prie !

Après tout, même actuellement, si la Guilde lui demandait d'enquêter chez les nobles, elle le ferait sans poser de questions. Il en serait de même pour cette entreprise. Si elle s'engageait auprès de quelqu'un, elle ne lui ferait pas faux bond à la première difficulté ou au premier échec, ça, c'était évident.

Puis elle marqua une pause. Devait-elle mentionner le problème de l'administration ? Finalement, elle décida de l'omettre. Après tout, elle ne mentait pas, n'est-ce pas ? Et à ceux qui crieraient au mensonge par omission, elle rétorquerait ceci : Cela fait plus de dix ans que je n'ai pas eu l'occasion d'effectuer ce genre de travail. Entre-temps, j'ai grandi et mûri. Peut-être que j'ai changé d'avis sans avoir l'occaison de m'en rendre compte. Et il n'y a qu'un moyen de s'en assurer.

- Si vous voulez bien de moi, je serais ravie de faire de mon mieux.

Une réponse humble, simple et sincère. Elle en était plutôt fière.

Une envie de se diversifier donc? Pas une mauvaise chose selon moi, il est bon de ne pas simplement rester sur ses acquis, cela démontre tout de même une motivation de progresser d'une certaine manière et donc, une sorte d'ambition mine de rien. Peut-être qu'elle-même ne s'en rend pas compte? Je reprend ma plume pour noter quelques mots sur le vélin sur lequel j'ai recopié ses informations plus tôt. Après tout cela reste un entretien, il faut bien que je note les points qui me semble pertinent et puis, cela me permettra aussi de jauger ses réactions. Après tout, elle ignore ce que j'écris ce qui pourrait la déstabiliser ou non, je l'ignore.

En tout cas, la conversation est plus simple, moins automatique, plus naturelle tout simplement. Ce n'est plus juste une possible subalterne qui se retrouve devant un potentiel employeur intimidant et cela est une très bonne chose, la preuve nous voici en train de discuter de la complication de comprendre l'autre genre. Pas le genre de discussion que l'on s'imagine avoir lors d'un entretien d'embauche c'est une certitude. Même entre femme il est compliqué de se comprendre? Je suppose, certains homologue masculin sont un véritable mystère pour moi, je ne comprendrai jamais les petits nobles qui s'accroche désespérément à un titre ou une fortune déclinante sans se rendre compte que cela les conduit à leur perte par exemple. Je suppose que chacun peut, à un moment donné, être le mystère irrésolvable d'un autre? Je n'en ai cure en réalité, par contre, voici que mon interlocutrice semble se trouver des ailes et un courage presque insolent alors qu'elle me questionne personnellement? Moi? Quoi? Questionne-t-elle concernant mes facilités avec la gente féminine puisque je ne me suis pas inclus dans ma remarque ou mes relations avec les Hommes de manière générale? Qu'importe? Pas de réponse de ma part, pas directement du moins. Je n'énonce rien à haute voix me contentant d'afficher un sourire, le même que d'habitude, en guise de réponse. Je la laisse tirer les conclusions qu'elle veut de cela : me trouvera-t-elle narcissique, séducteur ou simplement jouissant d'une grande confiance en moi-même? Cette vision qu'elle aura de moi et qui lui sera personnelle sera également impactante pour la suite après tout.

Non, plus que cela je préfère revenir sur un sujet bien plus important à mes yeux : la jeune femme et sa possible importance pour mon entreprise dans les lunes à venir. Mon petit speech n'a pas pour but de la décontenancé ou de l'effrayé, je veux juste que les choses soient claires et qu'elle sache sur quelle voie elle s'engage en ma compagnie. J'ai besoin de quelqu'un de confiance je l'ai déjà dis, pas quelqu'un qui va prendre une partie du travail et délaisser le reste ou pire, qui viendra régulièrement au début pour ensuite abandonner et ne plus donner signe de vie. Dans ma vie comme dans mon entreprise, le maître mot est la fidélité! Je n'aurais aucun problème avec quelqu'un qui ne se sent pas à la hauteur de la tâche et qui préfère immédiatement tourner les talons mais je suis intraitable avec une personne qui ne tient pas ses engagements.

Apparemment j'ai touché un sujet sensible en abordant la noblesse, loin de moi l'idée de la réduire à quoi que ce soit mais, encore une fois, je préfère être transparent concernant mes attentes, cela évite les mauvaises surprise pour l'avenir. Au moins cela semble le seul point négatif de mon énoncé car pour la suite, elle est catégorique : si je veux d'elle, elle va faire de son mieux? Une tournure de phrase, sur laquelle dans un autre contexte et une autre vie j'aurais rebondi mais, qui ici ne peut donner qu'une seule réponse de ma part.

Je me lève et tend la main en direction de la jeune demoiselle. "Bienvenue dans l'équipe Kasha!" Dis-je avec un léger sourire. "Pour l'heure, je vais vous faire faire le tour du bâtiment, ensuite nous verrons en détail quelles seront vos tâches. D'ici quelques jours j'ai l'intention d'aller voir une jeune femme, une enchanteresse que j'ai déjà côtoyé. Ce sera votre première mission sur le terrain! J'espère que vous n'avez rien prévu pour la suite de la journée?"

Il notait. D'accord. Kasha avait remarqué ce fait, après tout, comment cela pourrait-il ne pas être le cas quand elle aussi avait l'habitude de toujours se promener avec un carnet ? Mais elle n'en tira aucun jugement. Après tout, le fait qu'il veuille retenir une information pouvait aussi bien être positif que négatif. Autrement dit, elle pourrait l'oublier si elle ne voulait pas s'encombrer le cerveau inutilement. En effet, une information dont elle ne savait pas si elle était positive ou non, source d'apprentissage ou d'informations ou non, lui semblait inutile. Donc, inutile de la conserver en tête. Néanmoins, comme d'habitude, son esprit faisait ce qu'il voulait et décida de stocker cette information dans un coin.

Autre fait qu'elle ne manqua pas de remarquer : il ne lui répondit pas. D'accord. Elle avait certainement été trop loin. Ou peut-être pas assez claire. Dans tous les cas, elle n'insisterait pas. Elle partait du principe que s'il ne répondait pas, c'est qu'il ne le voulait pas, tout simplement. Et elle ne se permettrait pas d'insister. Si elle le connaissait mieux, s'ils étaient plus proches, si elle savait qu'elle ne s'exposait pas à un trop grand risque, elle aurait peut-être tenté. Mais pas cette fois. Elle ne se trouvait pas avec l'un de ces amis qu'elle pouvait taquiner à tout bout de champ. Alors, elle se contenta de respecter la volonté affichée et, une fois encore, n'ajouta rien.

Le mouvement qui suivit la prit de court. "Bienvenue dans l'équipe" ? Déjà ? Enfin. Il s'était levé, lui tendait la main... Ses intentions étaient claires. Bien qu'elle n'ait pas spécialement l'habitude de côtoyer des diplomates, elle savait que les mains se serraient lorsqu'un accord était conclu. Ce qui était visiblement le cas ici. Alors, elle s'empressa de l'imiter, pas trop vite non plus, pour ne pas paraître maladroite. Tout comme lui, elle se leva, et s'empara de la main tendue pour une poignée de main qui dura juste assez longtemps pour être acceptable. Elle n'était pas habituée à ce genre de courtoisie formelle. La demoiselle préférait être authentique et amicale dans ses interactions, même si elle se doutait que dans le contexte actuel, ce ne serait pas l'attitude attendue. Enfin.

Le temps que dura la poignée de main, elle le mit à profit pour répondre :

- Je vous remercie de me faire confiance et m'efforcerait d'être à la hauteur.

Puis la partie formelle se termina, du moins, elle l'espérait. Comme s'il avait lu dans ses pensées, il lui annonça la suite du programme. Une visite des locaux, pour commencer. Elle hocha la tête en signe d'assentiment. Mais elle n'eut pas le temps de parler que survint une question qui fit naître un léger pli de contrariété sur son front. Ou était-ce de l'inquiétude ? Un peu des deux, peut-être. En fait, elle commençait à se dire que Nox était seul depuis un certain temps, maintenant. Et elle craignait qu'il ne fasse encore l'une de ses nombreuses bêtises... Non, elle savait qu'il en ferait. Et par conséquent, tout reposait désormais sur le hasard. Il était probablement allé voir le premier marchand de poisson qu'il avait trouvé... Il ne restait plus qu'à espérer que cette personne soit bien intentionnée. D'un autre côté, Nox avait beau paraître étourdi, il ne s'était jamais attaché à qui que ce soit de foncièrement mauvais. Alors... Peut-être pouvait-elle lui faire confiance ?

Sortant de ses pensées, elle s'excusa immédiatement :

- Pardon. C'est Nox... Enfin, mon familier. J'ai peur qu'il fasse des bêtises, sans personne pour le surveiller.

Après tout, l'homme lui avait dit avoir lui aussi un familier, non ? Il pourrait donc certainement la comprendre... En partant du principe qu'il avait vu le sien lorsqu'il était jeune également, ce qui pouvait être faux.

- Enfin, mis à part ça, je suis libre, en effet. Et j'admets être curieuse au sujet de cette fameuse enchanteresse. Y a-t-il d'autres choses que je devrais savoir à son sujet ?

Plus intéressée par les gens que par les choses, plus intéressée par cette cliente qu'elle ne verrait pas dans l'immédiat que par les locaux qu'elle allait voir dans les instants suivants ? Oui, c'était indubitable. Mais d'un autre côté, Kasha était habituée à travailler avec des personnes, et à se renseigner sur ces dernières. Difficile de changer sa nature profonde...

Pas de réaction suite à ma prise de note? Bien, au moins cela démontre peut-être qu'elle cesse de s'inquiéter pour Lady Fortune seule sait quoi. La suite se fait rapidement, je ne peux pas réellement refuser une personne ayant de telles capacités, si elle peut réellement s'introduire facilement où elle le désire, c'est qu'elle est également capable de faire preuve d'adaptation face à la plupart des imprévus, une capacité plus qu'utile lorsqu'on doit négocier avec quelqu'un et rebondir sur des offres et des contre offres. Je me lève donc pour lui souhaiter la bienvenue dans mon équipe. Je l'ai dis après tout, je suis un homme d'action, pas de paperasse alors autant ne pas m'encombrer de doute ou autre hésitation superflues. Elle semble plus surprise par cela que par ma prise de note d'ailleurs, plus décontenancée même. Elle se reprend bien vite cependant, serrant cette main tendue ce qui conclu notre entente. Elle s'efforcera d'être à la hauteur? J'y compte bien! Après tout, elle vient de prendre une place qui n'était pas spécialement à pourvoir et, vu que jusqu'ici c'est moi qui gérais les partenaires, j'espère qu'elle a conscience que mes attentes seront grandes pour elle.

Pas de temps à perdre : le tour des lieux, après quoi discuter de la suite du programme, de ce que j'attends d'elle, attaquer la paperasse pour qu'elle prenne directement l'habitude du fonctionnement, la fin de journée s'annonce des plus mouvementé! Ma question est d'ailleurs plus rhétorique qu'autre chose, je n'attends qu'une réponse qui ressemble à une affirmation pourtant, ce n'est pas ce que j'obtiens. Un pli déformant ses traits en apparaissant sur son front, léger foncement de sourcils qui me fait arquer les miens. Nox? Qu'est-ce qu'un Nox exactement? Son familier? C'est vrai, ce chat qu'elle a fait partir plus tôt et qui est maintenant livré à lui-même... Je pourrais soupirer en toute honnêteté, fut un temps je l'aurais sans doute fait en réalité. Faire passer un vulgaire familier avant son nouvel emploi? Oui, l'ancien moi aurait jugé cela comme un aveu de faiblesse et cela aurait mal débuté notre collaboration mais... J'ai Orisha maintenant : mon meilleur ami, mon plus fidèle partenaire...Comment reprocher l'envie de s'assurer du bien-être de son compagnon?

"Bien-sûr je comprends! Voici ce que je vous propose, je vous raccompagne jusqu'à la porte en discutant et puis, vous pouvez soit revenir avec votre compagnon, soit nous pouvons prendre rendez-vous pour faire le tour et discuter de vos assignations dans quelques jours? Comme cela vous convient le mieux!" Dis-je avec un léger sourire alors que je l'invite à me suivre pour retourner vers le couloir menant à mon bureau. Au moins, comme signalé, nous pouvons discuter en nous déplaçant. Nous passons devant le bureau de Oswald, la porte est ouverte sur mon partenaire qui est plongé dans les comptes de la dernière lune. Nous traversons le couloirs des bureaux de la direction pour nous diriger vers les escaliers menant au rez-de-chaussée.

"Des choses à savoir... Avouons-le, votre premier test n'aura rien de facile! Mademoiselle Gher est... Intéressante! C'est une excellente enchanteresse dont le laboratoire se trouve à la ville aquatique. Elle est brillante, très intelligente et affreusement vénale! Lui proposer un contrat n'aura rien de bien aisé. Généralement, nous proposons une exclusivité sur des matériaux rares, une priorité sur toutes nos trouvailles et une promesse que nos chasseurs iront chez elle pour leurs enchantements en échange d'un certain monopole et de quelques rabais en faisant affaire avec elle... Je suis presque persuadé que cette histoire de rabais va la faire tiquer." Dis-je en riant doucement alors que nous arrivons à la porte d'entrée.

"Et voici! Alors, je vous revois plus tard ou vous préférez que l'on se retrouve d'ici quelques jours pour discuter plus calmement de la suite de notre collaboration?"

Elle retint avec difficulté un soupir de soulagement. Il comprenait. Alors, lorsqu'il lui proposa de remettre la suite du programme à plus tard, malgré une légère hésitation, ce fut avec une parfaite honnêteté qu'elle renchérit :

- Oh non, je vous fais déjà assez perdre votre temps en vous faisant faire un détour, excusez-moi pour ça, d'ailleurs. En espérant qu'il soit sage, nous ne le laisserons pas nous distraire plus que cela.

Elle le suivit donc à travers les couloirs, saluant au passage de la tête l'homme plongé dans son travail, qui ne l'avait d'ailleurs probablement même pas remarquée. Mais peu lui importait. Au moins, elle avait la conscience tranquille. Elle n'aimait pas ignorer quelqu'un... Sauf lorsque trop de personnes l'entouraient, ce qui la poussait plutôt à vouloir s'enfuir, mais c'était un autre sujet. Actuellement, seules deux personnes étaient présentes, enfin, une seule, depuis qu'ils étaient passés. Et ça, elle devrait pouvoir le gérer. Elle se fit d'ailleurs la remarque que c'était étrange... Elle était plutôt quelqu'un de sociable, mais dès que les autres personnes devenaient trop nombreuses, elle devenait toute timide... Un jour, elle devrait s'adonner à une instrospection pour tenter de comprendre cette étrangeté... Un jour, mais pas aujourd'hui. Elle avait d'autres choses pour lui occuper l'esprit.

À commencer par la présentation de la fameuse enchanteresse. Une adver... Pardon, une alliée retorse, apparemment. Elle écouta avec attention toutes les informations qui pourraient lui être utiles. Ce qu'il disait, évidemment, dont elle retira qu'elle devrait rester prudente au cours de son entrevue et que son côté vénal constituait probablement un levier sur lequel elle pourrait appuyer pour faire accepter ses arguments, ainsi que les objectifs, ce qu'il faudrait lui vendre. Mais également ce qu'il ne disait pas. Sa dernière remarque et surtout le ton sur lequel elle avait été prononcée lui donnait une information tout aussi utile que celles qu'il lui avait volontairement données. De toute évidence, cet homme connaissait bien cette femme... Et il l'appréciait probablement. Ce qui voulait dire qu'en la rencontrant, Kasha n'aurait en effet pas droit à l'erreur. Elle connaissait un peu les relations humaines et, sans vouloir s'imiscer dans ce qui ne la concernait pas, elle se promit de ne rien briser de celle qui existait entre eux, quelle qu'en soit la nature. Purement professionnelle, ou plus personnelle, cela lui importait pas. Alors, puisqu'elle estimait ne pas spécialement avoir réussi à bien se vendre au cours de l'entretien, dont elle ne comprenait toujours pas comment il pouvait avoir été un succès, elle se promit de prendre soin de l'homme en épargnant le plus possible la partenaire en question, tout en remplissant ses objectifs... Hum... Se donnait-elle encore une fois plus d'obstacles que nécessaire ? C'était fort probable. Mais, cette fois, ces obstacles lui plaisaient et pourraient bien finir par devenir une motivation supplémentaire. Alors, pourquoi les renier ?

Enfin. Il fallait tout de même qu'elle réponde. Ce fut avec un sourire légèrement taquin qu'elle réagit :

- En effet, de ce que j'entends, ce ne sera pas tâche facile. Mais vous pourrez ainsi juger plus facilement de ma valeur... Ou non, ça reste à voir !

Ils étaient arrivés à l'extérieur. Alors que Kasha cherchait Nox du regard, il lui fonça dessus, comme à son habitude.

- Eh, doucement !

Mais elle riait... Cependant, elle se reprit bien vite, récupérant le chaton alors qu'il commençait, curieux, à s'avancer vers l'homme.

- Pour une fois, reste sage.

Après s'être assurée qu'il ne bougerait pas trop, pour l'instant blotti dans ses bras, elle reporta son attention sur l'homme face à elle :

- Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, et que vous ne craignez pas de potentiels élans d'affection intempestifs de la part d'un chaton qui déborde d'énergie, j'aimerais continuer avec le programme initialement prévu. Vous avez déjà été très sympathique d'avoir accepté ce détour, et sachez que je vous en suis reconnaissante. Mais je ne veux pas vous distraire plus longtemps.

Qu'il ne se méprenne pas, cette fois, elle n'était plus en train de se dévaloriser. Simplement, elle voulait qu'il s'en tienne à ce qu'il avait prévu. Après tout, c'était lui le patron, ici, à ui de définir les règles... Et de pouvoir les faire appliquer. Elle ne serait pas... Enfin, plus, celle qui l'en empêcherait.

Elle ne semble pas vouloir reporter la suite du programme, au moins elle est consciencieuse un grand avantage lorsqu'il est question de travailler avec moi. Je ne lui en aurais pas tenu rigueur si elle avait préféré revenir un autre jour, après tout c'est moi qui lui propose, mais j'avoue apprécier lorsque mes partenaires ne perdent pas du temps inutilement. Si ce n'est pas absolument nécessaire de reporter une affaire alors, aucun intérêt à le faire! Nous parcourons donc les couloirs jusqu'à la porte d'entrée, pour l'heure peu de chose à voir en réalité, l'établissement est relativement vide ce qui pourrait sans doute surprendre mais, je n'engage que des personnes de confiance pour travailler directement dans le bâtiment de la société, la plupart de mes "employés" sont sur le terrain et le siège de la société est plus un lieu de rassemblement qu'un véritable lieu de travail! Excepté bien-sûr pour une poignée de personne : Oswald, moi, Isabella qui ne rejoindra d'ici quelques temps... Bref, les personnes de confiances connaissant plus de choses sur moi que les autres. Kasha nous rejoindra bientôt même si, son occupation la mènera surtout sur la route, elle aura quelques journées de bureau c'est une certitude, la seule différence c'est qu'elle en saura moins sur moi que mes autres partenaires, rien d'anormal jusque là...

Je lui parle donc de Lin, lui expliquant quelles pourraient êtres les complications qu'elle rencontrera... Inutile de mentir, la jeune enchanteresse n'est pas forcément une cible facile pour un tel contrat, ce sera un excellent test pour Kasha même si, certains diront sans doute que c'est peut-être un test difficile? Autant l'avouer, ce n'est pas Nemue ou Sia avec lesquelles mon histoire personnelle permet une entente plus simple. Nemue à cause de notre "relation" indéfinie et Sia parce que nous sommes liés par un "enfant" si l'on peut dire les choses ainsi... Je lui ai amené des nouvelles de ce gamin qui n'existe pas - puisque c'était moi qui avait mystérieusement rajeunis - et cela crée des liens... Si j'avais voulu être gentil, c'est devant l'un de ces deux dames que je l'aurais amené pour son test mais... Ai-je envie d'être gentil ou de tester ses capacités à m'amener des contrats? La réponse est évidente! Si je voulais quelqu'un capable de m'aider uniquement auprès de mes proches, cela n'aurait absolument aucun intérêt!

Un léger sourire se trace sur mes lèvres alors que je laisse passer un léger rictus, au moins elle a les pieds sur terre : je pourrais juger de sa valeur ou non! Elle se rend bien compte que c'est exactement ce que je compte faire, être intelligente c'est également un avantage pour le coup! Après tout, il faut savoir analyser les gens et leurs attentes, elle m'a, d'une certaine manière, affirmée en être capable. Reste à le prouver!

Nous arrivons à l'extérieur et Nox, son familier, ne se fait pas réellement attendre pour arriver en courant, bondissant littéralement sur sa propriétaire. Au moins nous ne devrons pas le chercher! J'écoute la jeune femme alors qu'elle tient son félin et j'hoche la tête. "Fort bien, suivez moi." Dis-je en faisant volte-face pour me rediriger vers le bâtiment. "Je en vais pas vous faire faire le tour habituel du bâtiment, je suppose que vous vous moquez bien de l'armurerie ou encore des docks et de nos navires d'expédition? Cela concerne surtout les chasseurs après tout. Comme vous pouvez le voir, le bâtiment en lui-même est relativement vide, excepté quelques personnes travaillant dans les bureaux aucun chasseur ne reste sur place. En fait, vous pouvez voir cet établissement comme un comptoir de guilde : nos partenaires viennent, nous leur donnons leur mission et ils partent sur le terrain." Dis-je en passant devant l'accueil, me dirigeant immédiatement vers l'escalier menant au second étage. "Ainsi, au rez-de-chaussée, vous trouverez l'armurerie, une salle commune de repos, l'accès aux docks et ce que je vais appeler la salle de briefing dans laquelle nos chasseurs reçoivent leurs missions... Dans les faits, cela ne vous concerne pas réellement. À l'étage, se trouvent les bureaux, lorsque vous ne serez pas sur la route, c'est ici que vous serez surtout occupée." Dis-je en arrivant justement à l'étage, plus particulièrement devant une porte fermée.

Je l'ouvre pour laisser entrer la demoiselle. "Voici donc votre bureau! Je vous l'ai dis, vous allez être occupée avec de la paperasse malheureusement... Savez-vous combien d'offre de partenariat nous recevons? Des dizaines, des centaines même! Toutes ne sont pas intéressantes... Votre tâche sera donc la suivante : voir les profils qui peuvent nous intéresser, que ce soit les partenaires ou les chasseurs, et rencontrer ceux que vous jugez pertinents pour la compagnie... Rien de plus compliqué que cela."

Il était donc à présent temps de visiter les lieux. Qu'elle le veuille ou non, Kasha devrait s'y intéresser un minimum. Considérer les locaux comme un comptoir de Guilde ? Mauvaise réponse. Elle tenta au mieux de dissimuler sa légère moue désapprobatrice. Pour elle, ce serait simplement... Quoi ? Qu'est-ce qui la motiverait plus ? Pas grand-chose, en fait. Simplement un lieu de travail. Après tout, pourquoi s'embarraser d'images ? Le plus simple était souvent le mieux. Et, pour une fois, c'est la vérité qu'elle prônerait.

D'un autre côté... À voir l'accueil et la présentation qui lui en était faite, elle ne put pas s'empêcher de se faire la remarque que la comparaison avec la Guilde semblait bien trouvée... D'accord, inutile de se torturer l'esprit. Elle se limiterait à en retenir l'utilité, simplement. Des clients qui allaient et venaient pour venir chercher leur travail puis partir pour l'effectuer ? Oui, cela lui parlait. Non, pardon, pas des clients. Des "partenaires". Même si elle ne pensait honnêtement pas que les deux termes présentaient des réalités si différentes que cela, autant s'habituer dès à présent à utiliser la terminologie de l'entreprise. en dehors de ces lieux, elle serait libre de parler avec ses propres mots, mais ici... Elle avait des habitudes à prendre, elle le savait.

Lorsqu'il lui cita les espaces existants mais qui, apparemment, ne la concernaient pas, son esprit de contradiction se réveilla, lui soufflant de chercher à explorer ces lieux. Néanmoins, elle le musela bien vite. Ce n'était pas le moment de se faire renvoyer pour insubordination. Et puis, qui sait ? Peut-être, plus tard, une fois bien intégrée, aurait-elle néanmoins l'occasion de s'y rendre ? Après tout, ce n'était pas comme si ces lieux revêtaient une importance capitale pour elle, elle aurait bien le temps d'y passer rapidement si, d'aventure, elle se retrouvait désoeuvrée.

Sortant rapidement de ses pensées avant qu'elles ne la mènent à trop s'égarer, elle se hâta de rattraper les quelques mètres de retard qu'elle avait pris au cours de ses errances mentales, tout en priant pour qu'il ne l'aie pas remarqué. Quelle étrange expérience... Bien que croyante, elle n'avait jamais prié auparavant... Et n'avait actuellement clairement pas le temps d'y mettre les formes pour le faire correctement. Il s'agissait de toutes façons en réalité plus d'une façon de parler que d'une véritable action.

Et elle réalisa bien vite qu'elle avait bien fait de le rattraper, malgré les escaliers, rendant la tâche plus compliquée... Enfin, cela faisait qu'elle était toujours derrière lui une fois arrivée à l'étage, ce qui lui semblait parfaitement correcte. C'était lui le propriétaire des lieux, et, surtout, c'était lui qui les connaissait. Elle serait parfaitement capable de se perdre si elle tentait de le doubler pour se donner l'impression de déjà connaître l'endroit... Ce qui, soit dit en passant, serait bien trop présomptueux de sa part. Elle ne put s'empêcher de se faire la réflexion qu'un tel comportement correspondrait cependant parfaitement à son avatar de Lorena... Mais pas à elle, pas à la vraie personne. Kasha respectait les conventions.

Elle écouta les explications qui vinrent avec l'ouverture de la porte... Son bureau, donc ? Elle ne put s'empêcher de trouver étrange qu'elle ait déjà un bureau attitré alors que, le matin même, personne en ces lieux ne savait qu'elle finirait par faire partie de cette équipe... Y compris elle-même. Enfin. Même si elle ne pouvait s'empêcher de penser, elle ne fit aucun commentaire, alors qu'elle libérait Nox, qui se mit aussitôt à explorer l'endroit. Après tout, ce serait un peu son "chez-elle" en ces lieux, il était donc normal que son petit compagnon soit autorisé à se l'approprier... Même si elle doutait qu'il l'accompagnerait lorsqu'elle devrait utiliser son bureau. En effet, alors que sa compagnie pourrait être salvatrice lors des longs voyages en solitaire, ici, elle aurait l'occasion d'avoir des interactions avec des humains, même s'ils semblaient être peu présents dans le bâtiment. Mais ils avaient le mérite d'être présents. Et le fait de devoir entrer en contact avec un nombre limité de personnes l'arrangeait, si elle devait être parfaitement honnête. En effet, si la demoiselle devenait timide face aux foules, elle n'avait aucun problèmes à parler avec quelques personnes, et pouvait même se montrer plutôt sociable. Du moment que le groupe restait assez restreint.

Elle prit le temps d'observer les lieux, s'assurant au passage que Nox faisait bien preuve de délicatesse lorsqu'il s'approchait des documents présents sur les meubles. Satisfaite en voyant qu'il parvint à passer près d'une pile sans faire tomber le moindre papier, notant également qu'il ne volait pas, probablement pour éviter de créer des courants d'air, et tout cela sans qu'elle ne lui ait donné d'instruction claire, elle put se concentrer entièrement sur sa conversation avec l'humain qui l'accompagnait.

- Très bien. Honnêtement, je mentirais si je vous disais que je sais parfaitement comment faire, mais j'imagine que seule l'expérience pourra nous dire ce qu'il en est. Cependant, je peux peut-être vous poser quelques questions, pour être certaine de ne pas partir dans la mauvaise direction. Par exemple, quels critères faudrait-il prendre en compte ?

Peut-être était-il encore tôt pour se lancer concrètement dans le travail ? D'un autre côté, cela pouvait être vu comme de la motivation. Mais... elle ne savait même pas si la visite était terminée. Devrait-elle poser une question à ce sujet ? Non. Pour le coup, cela pourrait être mal perçu. De toutes façons, en ce qui concernait la visite, c'était lui qui menait. S'il voulait la poursuivre, à lui de lui faire voir ses intentions, et elle suivrait. C'était aussi simple que cela.