Déjà, elle répond, c’est une bonne chose. J’aurais tout aussi bien pu me prendre la soupe de poisson à la figure donc j’estime que c’est un bon début. Arthorias est partit se placer non-loin de l’entrée au cas où. Hormis le fait qu’elle me balance d’aller voir la Garde pour mon problème de nièce fugueuse, tout va bien. Sans me départir d’un sourire de circonstance, je n’hésite pas une seconde à casser du sucre sur le dos de mes collègues.

Cela se saurait si la Garde était capable de faire son boulot.

Mais la demoiselle ne démord pas de l’option Garde. Peut-être a t-on parier sur le mauvais cheval, mauvaise jument en l'occurrence. Il va donc falloir monter d’un cran, peut-être que cela suffira à créer de la distraction. Je tourne la tête vers Arthorias en le désignant du doigt.

Tu vois le gaillard là-bas ? Il fait partie de la Garde, c’est mon fiancé mais ces crétins de collègues n’en ont rien à foutre. Pourquoi s’emmerder à chercher une gamine qui change de visage comme de robe ? Ce serait la princesse Atheas, là, je suis sûre qu’ils se bougerait le derche, ça oui.

Qui ne tente rien n’a rien comme on dit. Je fais signe au Capitaine de la Garde Royale de nous rejoindre. Au pire, la demoiselle ne connaît pas Arthorias et gobera le bobard. Au mieux, on a eu un coup de bol monstre et elle va peut-être commencer à paniquer.

Oups là, vas pas t'étouffer ma petite.

Réaction plus suspecte, tu meurs. Rien qu’évoquer le nom de la princesse semble la mettre dans un drôle d’état. C’est fou comme déstabiliser une personne est simple, les gaillard qu’on se coltine en interrogatoires sont un peu plus résistants mais elle ne s’est jamais préparer à ce genre de chose. Cela ne fait pas partie de l’éducation d’une petite noble de bas étage. Les plus riches mentent comme ils respirent, ça fait partie de leur lot. Mais pas elle visiblement. Je grimace lorsqu’Arthorias revient et m’appelle par mon vrai prénom. On aurait peut-être dû prévoir le coup avant… La posture de la jeune fille a changée maintenant. Et mes soupçons se confirme, elle prend la fuite bien plus vite que prévue. Elle ne semble pourtant pas avoir fini son repas, ce sera bien la première fois que je vois une noble ne pas prendre de dessert à un repas.

Oh, pas de soucis. Merci pour ton aide et, si tu venais à la croiser ce serait sympa si tu pouvais faire remonter ça à la Garde.

Je la salue poliment comme tout à chacun le ferait là laissant partir. Faisant signe à Arthorias, je regagne notre table pour faire comme si je reprennai notre repas et souffler quelques mots au Capitaine.

Elle sait quelque chose…  Quoi, je n’en sait rien mais il faut la suivre. J’espère que tu maîtrises ton jeu d’acteur.

Il vaut mieux lui laisser un chouia d’avance pour ne pas éveiller les soupçons mais pas trop pour ne pas la perdre. Bien plus fort que nécessaire, je pose mes couverts sur la table en m’exclamant de manière à être bien entendue autour de notre table.

Fait chier, encore rien… ça m’a coupé l’appétit si au moins les gardes étaient plus rapides…

Encore une petite couche pour le régiment local. Ils s’en remettront, j’en suis certaine mais c’est amusant. J'engloutis le reste de ma bière d’une traite tout en farfouillant dans ma bourse pour payer nos achats.

Et voilà, notre petite demoiselle se fait la belle. Avec un peu de chance, elle nous conduira tout droit à la cachette d’une princesse fugueuse. Avec moins de chance, tout cela n’aura servit à rien et on aura juste perdu un peu de notre temps. Rien de bien grave en soit. Mais je suis certaine d’avoir entrevue quelque chose en lui parlant de la princesse. J’ai une certitude quasi absolue qu’elle sait quelque chose. Quittant la taverne, je jette un regard de chaque côté cherchant la demoiselle. Dans la précipitation, j’arrache un bout de ma robe sur un pieu métallique qui ressort du mur… Rien de gênant pour autant et cela reste moins important que de suivre cette demoiselle. Repérant la féline qui est déjà presque à une autre rue, j'asséne mes ordres oubliant qu’Arthorias n’est pas l’un de mes subalternes.

Arthorias, prenez la en filature discrète. Je passe par un chemin adjacent.

Il ne connaît pas la ville, il vaut assurément mieux que ce soit lui qui la suive discrètement. Compte tenu que nous sommes prêt du port, elle va certainement remonter vers les quartiers d’habitations. Même si cela reste très aléatoire, j’essaye d’anticiper un minimum son trajet pour reprendre la filature plus loin si cela s’avérait nécessaire. M’engoufrant dans le premier petit passage sur la route, je m’élance dans les rues. Heureusement que je n’ai pas mis ces instrument de torture à talon… Courir avec ces choses aurait été impossible. A chaque croisement d’une autre rue, je fais bien attention à contrôler la rue adjacente pour ne pas débouler n’importe comment devant l’adolescente et prier pour tout de même retomber sur ses pas.

Pas le temps de lésiné, J'entrevois la jeune femme au loin passant dans une rue transverse à la mienne. Immédiatement, je saute dans la première rue parallèle à la sienne qui passe à portée. J’essaye de la suivre ainsi, en restant à distance et surveillant à chaque intersection que l’on suit bien la même route… Quelques fois, je me retrouve à bonne distance dans le dos d’Arthorias mais ne prend pas le risque de le prévenir. Ce serait dommage de gâcher une aussi jolie filature. Finalement, tout ça se termine face à une auberge. Même pas une auberge luxueuse en plus comme le fait remarquer Arthorias lorsqu’on se rejoint.

Elle est peut-être venue voir quelqu’un ici, genre une princesse avec qui elle s’est lié d’amitiée et qui se cache là ? Qui irait la chercher là-dedans après tout ?

Comment pourrait-on imaginer que notre petite princesse habituée à son luxueux lit viendrait s’installer là-dedans ? Cela en fait certainement une bonne planque si tant est qu’elle accepte de perdre son confort habituel. Cela semble un peu chauffer à l’intérieur mais cela ne m’étonne guère dans ces endroits. Un client un peu insistant, c’est monnaie courante. Lorsque la porte commence à s’ouvrir, Arthorias m’entraine vivement dans l’ombre. Chose dont je ne vois pas l’objectif mais cela nous permet d’observer dans l’ombre donc ça passe. A la sortie d’une jeune femme, enfin plutôt l’expulsion, Arthorias semble désemparé.

Sûrement une gamine qui tentait d’avoir un repas gratuit… La nôtre est certainement encore à l’intérieur.

Je ne dirais pas que faire la manche est monnaie courante mais cela arrive… La pauvre petite semble vraiment dépitée de s’être fait jeter de cette auberge. Si j’avais la certitude que l’on rentrerait directement, je lui aurais bien proposé de dormir au chaud aux baraquements, quitte à rentrer à la Capitale pour l’installer dans les baraquements du Myrmidon… Mais là… Je me tourne vers mon homologue.

Voilà ce qu’on va faire. J’entre en prétextant chercher une chambre pour deux et tu restes à l’extérieur pour surveiller. Sait-on jamais qu’elle essaye de fuir par un autre chemin. ça te convient ?

Une fois le plan confirmer, je l’attrape par le bras pour sortir de l’ombre comme un couple qui se promène tranquillement. On avance un peu lentement vers l’entrée. Arrivée à proximité de la fille, je me râcle la gorge avant de lui demander de se pousser un peu pour que l’on puisse entrer. Le tout avec un sourire de convenance. Lucy que cette petite est toute mignonne, c’est un crime de laisser un petit brin de femme seule dans la rue comme ça…

Pardon mademoiselle, je peux entrer ?

Lâchant le bras d’Arthorias avec quelques mots d’amour réconfortants et la promesse de revenir vite, je passe la porte de l’auberge.

La jeune femme bondit comme si notre vision était effrayante en affirmant que nous la suivons. Jusqu’à se raviser quelques secondes plus tard. C’est suspect mais je n’ai pas le temps de m’en préoccuper, Arthorias va gérer la situation. Je rentre dans l’auberge laissant Arthorias en pleine discussion avec la jeune femme. L’auberge ne paye pas de mine. Pas un tripot dégueulasse mais pas le grand luxe non-plus. Si notre princesse est venue se cacher ici, c’est que ses finances commencent à être au plus mal. Je m’avance immédiatement vers l’aubergiste sachant très bien ce que je cherche.

Bonjour Madame. Capitaine Dorago de la Garde, je suis à la recherche d’une jeune femme qui a élu domicile ici.

Je prend quelques instants pour lui donner une description relativement précise de la jeune fille aux oreilles de chats que nous suivions discrétement. L’aubergiste m’interromps assez rapidement.

Je vous arrête tout de suite ma p’tite dame, ce genre de racaille qui essaye de resquiller, c’est pas chez moi. La petite a essayé de voler l’identité d’une de mes clientes, je vous l’ai jetée illico dehors.

Une jeune femme au visage d’ange et cheveux brun long ?

C’est ça ! J’espère que cette gamine l’a pas trucidée, ces racailles du port, je les repères à des kilomètres à la ronde !

Cela prend quelques secondes à faire tilt dans ma tête. Changement de visage égale Princesse potentielle… Je bondit n’importe comment sur la porte pour l’ouvrir brutalement et hurler sur Arthorias.

La gamine Arthorias ! La laisse pas se barrer, c’est peut-être la princesse !

A mon cri, plutôt un ordre mais bon, Arthorias s’élance à la poursuite de la jeune femme qui avait commencé à se barrer. Et elle aussi a détaillée au pas de course lorsqu’elle m’a entendue. Sa réaction est des plus suspecte quand même… Si je sautais d’une conclusion à une autre, je dirais que l’on tient notre petite princesse. Enfin, encore faut-il qu’on arrive à la rattraper. Après quelques pas en courant, j’abandonne mes escarpins pour courir pieds nus. On a pas idée de porter des trucs aussi peu pratique pour faire notre travail… L’opération m’a fait perdre quelques précieuses secondes. Secondes qui m’ont empêchée d’arriver en même temps que mon homologue face à une foule dense… Pas besoin de poser la question, la posture et l'attitude d’Arthorias est plutôt claire. C’est un échec qu’il me confirme sans ambages… Je tapote son épaule pour le réconforter.

La prochaine fois, il faudra qu’on embarque un limier, c’est la seule solution que je vois…

Un familier avec un flair hors pair ou un garde doté d’une capacité olfactive hors pair. J’éclate de rire au commentaire d’Arthorias. La pression de potentiellement avoir la princesse retombant.

On peut voir les choses comme ça. Dans tous les cas, elle est en assez bonne santé pour se sortir d’un mauvais pas, c’est déjà pas mal. Cherchons un peu même si je doute qu’on arrive à quoi que ce soit maintenant qu’elle a changée d’apparence, la prochaine fois, on embarque ta future seconde…

La demi-renarde qu’il veut canonner Major de la Garde Royale sera assurément utile pour traquer la princesse… Je tapote encore une fois l’épaule du Capitaine avant de m’avancer dans la foule. Je jette un regard suspicieux à chaque personne qui ose croiser mon regard. Je cherche plutôt une personne en train de se carapater au plus vite. Mais elle est certainement déjà loin.

Pendant de longues minutes, on cherche le moindre indice qui pourrait nous conduire à la princesse malgré son changement d’apparence. Mais la recherche est vaine, malheureusement comme prévu… La demoiselle a déjà pris la poudre d’escampette. Comme Arthorias, avoir raté une telle occasion me peine sérieusement. Nous l’avons eu si proche dans la Taverne puis devant l’auberge, c’est rageant de ne pas avoir les bons gardes avec nous pile à ce moment.

On peut quand même tenter quelque chose. Passons à l’auberge pour condamner la chambre occupée par la princesse jusqu’à demain. On enverra une escouade de garde fouiller et pourquoi pas renifler son odeur. Et on les stationnent ici. Avec un peu de chance, ils trouveront une piste olfactive au hasard d’une “patrouille”.

C’est un peu parier sur la chance mais qui aurait parier que l’on tomberait sur la princesse en mangeant dans une taverne ? Après un passage à l’auberge où il a fallu un peu montrer les muscles et dédommager la tenancière, on retourne à la caserne locale pour se reposer un peu.

A la première heure, nous prenons le portail de téléportation pour rentrer à la Capitale. L’un comme l’autre, nous sommes d’accord pour dire que nous serons plus utile ici maintenant que la princesse connaît nos visages. A la sortie de la salle du portail, Arthorias me fait part de ses projets s’enquiérant de mon envie d’être présente ou non lors de son rapport à la Reine.

Je viendrai, après tout, cette mission, on l’a remplie à deux. Dès mon arrivée aux baraquements du Myrmidon, je t’envoie quelques gardes pour se joindre à ta petite équipe pour Grand Port.

C’est un demi-échec commun, il serait anormal que je n’assume pas les conséquences moi aussi. Je compte bien que l’on continue au maximum cette coopération pour ramener la princesse en sécurité au palais.