La première fois que j’ai rencontré Valentino, je ne sais pas pourquoi,  mais je le voyais surtout comme un sale type vraiment très désagréable, un peu prétentieux sur les bords à regarder tout le monde de haut. Plus je le côtoie et plus je réalise qu’en réalité j’avais complètement faux. Il est droit et noble et c’est dans ce genre de situation que l’on remarque qu’il prend à cœur ses relations avec les autres membres de la garde. Je l’admire plus que tout et c’est pour cela que j’essaie de réfléchir et de penser comme lui. Enfin, je finis par secouer la tête et sourire quand j’entends Smith se moquer du lieutenant et Val prend le tout avec un humour. J’écoute leur échange sans trop les fixer, je vérifie les alentours je m’assure que personne n’écoute ou espionne aux portes bien que nous soyons en extérieur.

Enfin, Smith se dit hors du coup et qu’il souhaite le voir enfermé tout aussi bien que nous et nous révèle que l’ancien capitaine est malheureusement décédé emporté par la maladie. C’est étrange que nous n’ayons pas été mis au courant non? Après tout, si c’était l’ancien capitaine, plus d’une personne devait l’apprécier. Peut-être qu’il n’était pas en accord avec sa destitution ou peut-être que tout avait été prévu. Qu’il se savait malade et que la commission avait décidé d’amener le capitaine jusqu’ici pour le remplacer? Enfin, parfois, quand la vérité est cachée cela peut laisser place à des quiproquos.  Je saluts Smith et regard vers Val qui me demande pour la suite.

« Attends, le grand Valentino Rivolti, la lumière de ce monde, me demande à moi d’éclairer sa lanterne? »

J’ai un grand sourire fendu jusqu’aux oreilles, bien que cela m’étire la peau et me fait plisser les yeux dus à mes blessures au visage. Je fais une petite grimace et reprends mon sérieux puisque mon état ne veut pas me permettre d’avoir un semblant de joie.

« La suite, je dirais qu’on va se pieuter et qu’on se retrouve demain matin huit heures tapant devant les cellules. On va aller parler à Ludwig le commerçant qui a fait appel à Kovatch et l’autre connard. On va sûrement réussir à lui faire dire quelques trucs en l’interrogeant. D’ailleurs, il a été séparé de ses copains par principe. S’ils s’en sont pris à une garde, je n’imagine pas ce qu’ils auraient pu faire subir à cet homme pour qu’il ne parle pas. »

Je mets ma main libre dans ma poche alors que nous marchons tous deux en direction de la caserne. Marcher comme ça toute la journée dans mon état ce n’est vraiment pas de tout repos et j’ai juste hâte de m’allonger ou de prendre un bain, peu importe. Je ne veux simplement plus être debout.

« Enfin, on pourrait aussi documenter tout ce qu’on a appris aujourd’hui histoire de se garder à jour et faire le point. On pourrait aller dans ton bureau ou on s’installe dans l’une des deux chambres tranquilles. À toi de voir. »

Je savais qu’il allait trouver quelque chose à dire sur ma moquerie pour avoir raison, mais ça ne m’empêche pas de sourire et d’échapper un petit souffle par mes narines pour signaler que je trouve cela tout de même drôle. Je penche ma tête légèrement sur le côté, me donnant un air plutôt enfantin.

« Heureusement que je suis là alors. Sans moi tu aurais la mine grise. »

Oui, parce que les nuages gris cache le soleil tout ça tout ça. Je préfère expliquer au cas où vous n’auriez pas compris ma petite référence. Et puis bon! Moi aussi je veux être celle à avoir le dernier mot et je nous connais. Je sais pertinemment que nous sommes tous les deux assez têtus pour débattre sur le sujet pendant des heures jusqu’à ce que je finisse par bouder. Je n’ai pas peur de l’avouer. Je suis certainement celle qui va partir de son côté ou dans un coin pour aller bouder. C’est ce qui fait mon charme n’est-ce pas? Enfin, je lui donne donc les possibilités que je vois. Soit se séparer et partir chacun de notre côté pour se reposer afin d’être frais et dispo pour la suite ou bien se rendre dans la chambre de l’un ou de l’autre pour faire le point sur tout ce qui a été entendu et vu. Après tout, il faut préparer un rapport, faire des liens tout ça, essayer de prévoir qui fait quoi et qui travaille pour qui. Bref, vous voyez le genre?

Il sourit ce qui attendrit ses traits et finit par se gratter l’arrière de la tête en terminant sur un haussement d’épaules. Il me propose donc de visiter sa chambre afin de vérifier par moi-même le luxe dans lequel il vit. Un bref moment, j’ai des papillons qui se font aller dans mon estomac, mais je ne le montre pas. Je ne sais pas pourquoi je me suis sentie ainsi, alors que je sais pertinemment qui ne se passera rien entre lui et moi. Ce n’est pas pour cela qu’il m’invite et je ne me fais même pas de fausses attentes.

«  Très bien, faisons cela. Comme ça je vais voir si ça vaut la peine que je te vole ton poste ou pas. Après tout, cela doit être digne d’une noble telle que moi! »

Je lui donne un léger coup d’épaule ce qui m’arrache une grimace et on arrive un peu plus tard à la caserne. Il fait déjà sombre sur la ville portuaire et les rues semblent déjà plus calmes. La chaleur à laisser place à la fraîchir de la nuit et il est maintenant possible d’entendre le son du vent ainsi que des goélands. Enfin, on n’a pas trop le temps d’en profiter puisqu’on pénètre bien vite le bastion et on prend aussitôt la direction de la chambre du lieutenant. Je dois dire que ceux qui nous ont vus marcher toute la journée ensemble doivent se poser des questions.

Enfin arrivé à sa chambre, il ouvre la porte et je ne me fais pas prier pour entrer. Je retire mes bottes par politesse et fait le tour les mains dans le dos en regardant partout telle la petite fouine que je suis. Puis je m’arrête en face de sa table de chevet et il y a encore des photos. Déjà, cette fois-ci le grand frère et le père semblent absents et je suis en train de me dire que je n’ai pas vu une seule photo de sa mère. Je pourrais le questionner, lui demander, mais si je me souviens bien il m’a déjà parlé du décès de cette dernière alors si c’est un sujet sensible je ne veux pas accentuer la plaie, puis je préfère ne pas aborder le sujet ce soir.

« Elle est où ma photo!? Moi aussi je veux avoir ma place sur la table de chevet et ton bureau! Je te faire mon plus beau sourire, comme ça la première chose que tu verras le matin à ton réveil c’est mon magnifique visage.»

Je préfère lâcher une connerie digne de moi puis je lui mime la pose que je prendrais en même temps; les bras croisés contre ma poitrine avec un air blasé dont moi seule ai le secret. Suite à cela je me dirige alors vers la salle de bain et ouvre la porte d’un coup en vérifiant l’intérieur avec curiosité. Une douche personnelle assez grande tout de même ainsi qu’un lavabo et une toilette. Intéressant tout cela. Enfin, je referme la porte et finis par me jeter sur le lit me couchant sur le dos et les bras écartés. Oui je prends mes aises et alors?

« Ça manque de déco, mais ça a du potentiel! Enfin et si on se mettait au travail? » que je demande en ne me levant pas d’un seul centimètre.

Je pensais qu’il allait se contenter d’un jamais ou d’un de ses rires concernant ma moquerie, mais non. À vrai dire, ça réponse n’est pas un non formel, seulement que je n’ai pas encore gagné ce droit. Ce qui me laisse donc une chance de me retrouver sur son bureau. Enfin, j’essaie de cacher mon petit sourire et me dirige aussitôt vers la salle de bain. Ça me laisse une chance de changer de sujet et de ne pas avoir l’air d’une enfant de dix ans qui a du mal à s’exprimer en face du garçon qu’elle aime bien. Je reviens vite faite à la pièce principale et m’affale sur son lit sans aucune gêne. Je vais même jusqu’à faire l’étoile de mer sur le matelas. Je sens le petit coup qu’il me donne sur la jambe en mode « hey! Ça va je te dérange? » et je ne peux pas m’empêcher de rigoler face à sa réplique. Je ne me fais pas prier et m’assis sur le lit à ses côtés.

« J’te jure, zéro fun avec toi. Le boulot, toujours le boulot, moi qui pensait roupiller dans un endroit de luxe. Même pas! »

Malheureusement, son poids fait en sorte que je suis collée à lui, mais comme j’ai l’intention de lire ce qu’il y a d’écrit sur son calepin je reste coller à lui en fixant curieusement  l’objet qu’il tient en main. Je ne me souviens pas l’avoir vu écrire une seule note et je suis plutôt surprise de voir le texte changer quand ce dernier mentionne ce qu’il recherche. Enfoiré principal… je lâche un petit souffle, mais pas trop. Ça ne me surprend pas, mais tout de même. J’espère que ce n’est pas l’objet qu’il montrera au capitaine pour faire la demande d’arrestation. Vous imaginez le cap’tain lisant les notes et devoir utiliser le code de Valentino. Bon étrangement, ça serait réellement drôle, mais voilà. Ça ne se fait pas. Puis, il faudra bien plus que des informations données par quelques hommes. Il nous faudra des preuves visuelles aussi, avoir des témoignages convaincants et le prendre sur les faits.

«  Ce que j’en pense? Hmm… que je dis en me frottant légèrement le menton. Et bien tout semble dire que Wild serait notre coupable, mais ce n’est pas assez. Détester un homme c’est bien, mais tant qu’on ne le voit pas agir ou encourager autrui à le faire on ne peut rien faire. Jusqu’à présent le seul à avoir fait quelque chose de mal, c’est Kovatch et Longstone qui s’en sont pris à nous directement en mentionnant cette histoire de faux capitaine. Il nous manque des informations cruciales. Où est-ce qu’on va le trouver? Où se situe sa nouvelle planque?  Est-il seulement lié à toute cette histoire. Puis, on n’a toujours pas interrogé les trois personnes en garde à vue. Pour qui travaillent-ils déjà. Est-ce Wild ou quelqu’un d’autre tout simplement? »

Je pousse un long soupir et je sens la fatigue qui me rattrape doucement. Sans aucune gêne j’appuie ma tête sur son épaule alors que je me masse doucement le bras bandé. Que j’ai hâte de ne plus avoir besoin de tout cela. Ça me nuit plus qu’autre chose et c’est réellement embêtant. J’ai l’impression d’avoir un bras mort. Je bâille alors un petit coup en essayant de ne pas faire trop de bruit.

« Il faudra aussi que tu demandes à Kovatch le lien qu’il aurait avec ma sœur. Je ne peux pas l’interroger personnellement. Je ne veux pas prendre de risque. Je le tuerai de mes propres mains s’il lui a fait du mal et je la tuerais de mes propres mains si j’apprenais qu’elle était liée à toute cette histoire. D’ailleurs, va falloir qu’on lui demande de se présenter au bastion. Ça aussi tu vas t’en charger, j’imagine, histoire que je ne cache pas d’informations qui ne me plaisent pas. Enfin, je ne le ferais jamais, mais je ne veux pas avoir de problèmes à cause de cette petite peste. »

D’ailleurs, l’un de nous devra peut-être s’infiltrer afin d’espionner de l’interne, mais bon je ne crois pas qu’on en soit rendu là. Faudra déjà rencontrer les quatre au besoin.

J’imagine que le fait d’être à ses côtés de cette façon ne le gêne pas puisqu’il ne le mentionne pas, mais j’entends tout de même son petit soupir à ma droite. Je ne peux m’empêcher de rigoler en mon for intérieur, mais n’empêche, ce n’est pas réellement ma faute s’il est plus lourd que moi! Puis moi aussi je veux voir ce qu’il y a d’écrit sur son calepin. Après tout, n’est-ce pas notre but de faire le point et s’il est le seul à avoir pris des notes, même si je ne l’ai pas vu bouger la main une seule fois pour ça d’ailleurs. Il semblerait que son calepin soit magique puisqu’il ne suffit que de prononcer quelques mots pour mettre en évidence tout ce qui concerne une certaine personne.  Pour le cas de Wild, enfoiré principal semble être ce que pense Val de lui. J’ai soufflé du nez retenant par la même occasion mon rire et je réponds à sa question. Sauf que j’ignore si ce sont les médicaments ou bien mon état général qui me met dans cet état là, mais j’ai un coup de fatigue et Valentino semble le remarquer. Je bâille malgré moi alors que ma tête qui se fait lourde s’appuie contre l’épaule qui m’est si gentiment offerte. Je le sens qui bouge, sûrement pour me regarder et se demander ce que je suis en train de faire, mais pour ma part je reste fixée vers l’avant.

Je ne me sens pas gênée avec ce dernier et je me sens même bien, mais je sais qu’il ne doit me voir que comme une subalterne, voir une amie pas plus, mais voilà. Finalement il semble réaliser ma fatigue et me propose donc de m’allonger ici le temps de recouvrer mes forces afin de retourner dans ma chambre. J’ai assez d’énergie pour me rendre jusque-là, mais en ai-je vraiment l’envie? C’est plutôt ça le problème. La chambre parait si vide lorsque les deux hommes ne sont pas là et ce n’est parce que nous avions l’habitude de discuter que cela me manque, mais simplement d’avoir une présence et les bruits de cette présence qui me manque. Je n’aime pas du tout ce genre de silence.

Je dois dire que je ne me fais pas prier et que je m’allonge aussitôt sur mon bras gauche observant Valentino sortir un verre et une bouteille que je ne peux deviner le contenu d’où je suis. Je me doute qu’il s’agit là d’un alcool, mais lequel; aucune idée.

« Il est où mon verre à moi? » que je dis dans une tentative de rigolade alors que je peine à garder les yeux ouverts.

Je ne sais pas s’il me répond, mais je me sens partir aussitôt que mes paupières se sont fermées. Heureusement, je ne ronfle pas, du moins, je l’espère. Dans tous les cas, il le savait déjà puisque nous avions partagé une chambre. Puis qui ne ronfle pas lors de grande fatigue?

Le lendemain, je me réveille en sursaut en reprenant mon souffle d’un coup. Rien à voir avec un cauchemar, seulement je suis en train de me demander où je me trouve. J’observe partout et vois finalement le dos de mon lieutenant toujours assis à son petit bureau de chambre. Je me frotte les yeux encore à moitié endormis et je me lève doucement.

« Quelle heure est-il et est-ce que t’as dormi au moins? »

Je dépose ma main sur son épaule tentant de voir ce qu’il était en train de faire en me penchant par-dessus son côté droit. Je vois son calepin ouvert devant lui ce qui veut dire qu’il tente de trouver des indices cachés que nous n’aurions pas interpréter de la même façon que la personne l’avait dite. Peut-être cherche-t-il ce que nous devrions faire par la suite. Enfin, il faudrait se mettre un p’tit-dej dans l’estomac avant de commencer notre journée.  Je tape donc son épaule pour le saisir alors qu’il est encore en train de fumer. Je regarde le cendrier à ses côtés et celui-ci semble en avoir plusieurs de terminer. Je fronce les sourcils un moment.

« Aller, va te réveiller avec une douche, j’vais aller chercher le dej à la cantine. Tu me diras après ce que tes recherches nocturnes t’ont apporté. Et arrête de fumer autant! Ça va te tuer un jour! »

En même temps je pourrai en profiter et faire un arrêt à ma chambre pour me changer et faire un brin de toilette rapide. Je sors alors de sa chambre rapidement et je ne sais pas pour quelle raison je vérifie avant s’il n’y a pas personne dans les parages. Il ne s’est rien passé et on n’a rien fait de mal. Je secoue la tête et sort d’un coup avant de fermer la porte derrière moi. L’arrête à ma chambre est relativement rapide. Je change de sous-vêtement et remets un pantalon de cuir propre ainsi qu’une chemise lacée que je n’attache pas et que je glisse dans mon pantalon. J’ai réussi, avec grimace, à glisser mon bras dans la manche alors tant pis pour le reste! Maintenant que c’est fait, j’accours alors vers la cantine où je prends deux gruaux avec café, jus d’orange et toast que je finis par ramener à la chambre de Val dans un plateau. Je cogne vite fait et sans savoir s’il m’a entendue, j’entre dans la pièce.

« J’suis de retour »

Je ne regarde pas vraiment autour de moi et tout ce que je garde comme contact visuel c’est le bureau où je me presse de déposer le plateau que j’ai dû tenir avec mes deux mains. Comme on m’a dit, mon bras est fonctionnel, mais il est déconseillé de le forcer. On ignore s’il y a quelque chose de briser à l’intérieur ou s’il s’agit d’une simple fêlure. Dans tous les cas, je replace mon bras dans l’écharpe et me retourne enfin.

Oui, je suis rentrée sans attendre d’avoir son ok, après tout, il savait que j’allais revenir dans un délai plus ou moins raisonnable. Je ne vais pas perdre mon temps pour me changer ni même pour commander à bouffer. Puis avec mon bras, j’étais pour risquer de tout faire tomber. Bref, dans tous les cas, il savait que je reviendrais et le voir en simple boxer alors qu’il se sèche les cheveux ne me fait rien du tout. Enfin, ça ne me fait pas rougir loin de là, mais j’ai un petit sourire en coin qui s’affiche alors que je le vois du coin de l’œil. J’fais comme si je ne savais pas et dépose le tout sur son bureau avant de remettre mon bras dans mon écharpe. Quand je me retourne, il me tire une tête qui signifie; l’intimité tu connais? J’hausse les épaules tout en levant ma main gauche au niveau de mes épaules la paume levée vers le haut alors que me tête se penche légèrement sur la gauche. Je prends alors appui sur son bureau posant à moitié mon fessier dessus et je croise mon bras sous l’autre tout en plaçant l’une de mes jambes devant l’autre aussi.

« Tu crois que je suis rentrée rapidement pour quelle raison? Ça devenait lourd à porter et avec mon bras, j’ai failli tout échapper. Désolé de ne pas avoir attendu, mais tu savais bien que je devais arriver à un moment ou l’autre, non? Puis c’pas comme si je ne t’avais jamais vu ainsi. »

J’ai un petit sourire moqueur, bien que mon regard est joueur. Enfin par respect pour ce dernier, je finis par me retourner pour sucrer et crémer mon café touillant avec un petit bâton de bois que j’avais pris avec les ustensiles. Je prends ma tasse et hume alors l’arôme de ce délice amer et je le porte à mes lèvres profitant des saveurs énergisantes. Qu’est-ce que le café c’était bon le matin! Je profite pour zyeuter le bureau, observe son carnet un moment, puis la bouteille qu’il avait entamé hier et qui ne semble pas avoir servi qu’un verre. Qu’a-t-il trouvé, qu’elles sont les étapes suivantes pour notre enquête. Nous nous sommes promenés de droite à gauche hier en tournant rond et en revenant sur nos pas. Il nous faudrait vraiment une marche à suivre, une route prédéfinie d’avance. Je dépose ma tasse sur le coin de ma table et attrape finalement mon bol de gruau avec ma cuillère. Je tapote dans celui-ci quelques secondes avant de ne trouver le courage d’en mettre dans ma bouche. Je n’ai jamais été une grande amatrice de ce déjeuner, mais c’est bourratif et c’est ce qu’on avait besoin pour tenir une bonne partie de la journée.

Pendant que j’y pense, il n’avait pas un petit familier avec lui la dernière fois? Comment s'appelle-t-il déjà? Il semble avoir un nom plutôt spécial.

« Il est où ton familier en fait? »

Petite question simple avant que je mette en bouche ma cuillère. J’ai une légère moue. Le goût est fade en comparaison du café et en plus, il est saveur nature. Ce qui veut dire que mis à part l’avoine, ça ne goûte rien. Alors je triche et rajoute un peu de sucre dedans avant de le brasser vigoureusement.

« Bon alors, quel est le plan de match pour aujourd’hui? Qu’est-ce que ta nuit sans sommeil t’a apporté. À qui devons-nous parler en premier?  Combien de pas allons-nous faire dans notre journée?  Combien de calories allons-nous dépenser? Bon, ok blague de merde. Je sais que j’ai suggéré quelques trucs hier, mais on n’a pas réellement pris le temps de nous poser et de discuter de ce qu’il faudrait réellement faire. »

Selon moi, il est évident qu’il nous faudrait questionner nos prisonniers. Par exemple, connaître la raison de leur présence au marché noir. Vérifier dans leur dossier s’ils ont d’autres antécédents, s’ils font toujours partie de la garde. Dans tous les cas, ils se sont fait prendre la main dans le sac et heureusement que je me suis servis de mon pouvoir pour me sortir de ce pétrin, car Raina et moi étions toutes les deux condamnés. Bon elle aurait très certainement pu les écraser tous les deux, mais on ne sait jamais.  

De ce que je vois et comprends, Valentino ne semble pas totalement convaincu de mon excuse. Ça m’apprendra à ramener le petit déjeuner avec un bras qui aurait pu me lâcher en chemin jusqu’ici. Je voulais juste que nous soyons plus efficace et nous faire gagner du temps sauf que monsieur ne le voit sûrement pas ainsi. Je m’en fiche complètement de le voir en simple slip. Ça ne m’émoustille pas et surtout que le cadre ne s’y prête pas. Enfin, je m’étais retournée pour lui laisser le temps de se vêtir sans lui donner l’impression que je suis là que pour me rincer l’œil et quand ce dernier est enfin à mes côtés, il s’empresse de fermer son carnet. Je fronce doucement les sourcils et me retourne en sa direction. Il a des choses à cacher ou il me prend pour une gamine attardée qui ne sait pas boire ou quoi? Il dit me pardonner pour cette fois et me demande ce que j’ai ramassé comme merde lorsqu’il regarde le plateau posé. Je ne sais pas comment expliquer ce que je ressens en cet instant. Je suis tiraillée entre un sentiment de colère et de déception. Je croyais pouvoir éviter ce genre de commentaire dès le matin. Mon visage semble changer, je perds ma gaieté de ce matin et je secoue la tête.

«  Tu mangeras les toasts… » que je lâche en serrant les dents.
Pour ma part je me prends mon gruau dans lequel je mets du sucre. C’est pas le meilleur des déjeuners, je lui accorde, mais ça a de quoi bourrer l’estomac pendant un moment.

« La prochaine fois, je te demanderai combien de gaufres que tu veux et je tâcherai de les couper d’avance aussi. Ça sera peut-être meilleur au goût, mais tu tiendras pas aussi longtemps sans avoir le besoin de manger… Bref… »

Oui, un simple bref sec et soupirant à la fois qui en disait long sur mon ressentit du moment. J’avais envie de la frapper et je me sentais comme une moins que rien.  Dans tous les cas je cherche un moyen de changer de sujet et je parle du familier de Val que je n’ai toujours pas revu. Ce dernier m’explique que Aja, le drarbustre, est très certainement à l’écurie dans l’attente que sa jeune sœur arrive. Cette dernière voudrait fêter sa promotion. Je fais comme lui et je hausse les épaules. Je lui demandais pas sa vie non plus, juste où se trouvait le petit dragon feuillu. Bon je suis de mauvaise foi, ce n’est pas la faute de sa sœur si son crétin de frère ne connait pas la reconnaissance d’un geste partant d’une bonne intention. Je pousse un petit soupir et lui demande finalement ce qu’il a très certainement décidé de faire durant la nuit. Il dépose sa tasse de café maintenant vide près de moi et ne me quitte pas des yeux le temps de son monologue. Je ne louche même pas sur ses mains qui attachent sa chemise ce qui pourrait être surprenant, mais Val n’est pas qu’un simple homme que je regarderais que pour son physique. C’est plus que ça. Je dépose mon bol sur le bureau et prend l’un des deux jus d’orange et en bois une simple gorgé pensive. Amener ma sœur? Non en effet, ça ne me plais pas bien que je sais que personne ne serait heureux de savoir un membre de sa famille dans la mouise. Mais je suis une garde et mon devoir c’est de m’assurer que la loi soit respectée et que rien ne vienne troubler la sécurité des citoyens. Si elle faisait partie de cette magouille, j’ai maintenant une raison de plus pour lui mettre une claque, mais je ne le ferai pas. C’est le lieutenant qui se chargera de cette partie. Je dépose le verre que j’ai en main avant de m’éloigner de quelques pas du bureau pour ne rien accrocher durant ma fouille et je réussi à retirer mon petit sac sans son fond de ma hanche pour le poser sur sa chaise. Je fouille quelques instant avant de tomber sur la feuille de papier sur laquelle j’avais pris des notes. Les adresses connus de Wild s’y trouvait comme le nom de tout ceux sur qui il fallait enquêter.  

« Du coup, on passe aux archives et ont consulte les dossiers de Kovatch et de son copain de cellule. Il faudrait vérifier aussi tant qu’à être là si Ludwig n’aurait pas d’antécédent quelconque avec la garde. Je ne sais pas si tous les dossiers sont partagée d’un régiment à l’autre, mais si ce n’est pas le cas, demander à ton amie si elle peut vérifier si elle ne trouverait pas quelque chose sur lui de la capitale. Parce qu’en vrai, je ne sais pas dire s’il faisait cela volontairement. Je n’ai jamais vu en vendeur au noir aussi mauvais et si peu discret! On aurait presque dit qu’il cherchait volontairement à ce faire prendre. Sauf qu’il a fini par appeler les gros bras. Enfin, c’est plutôt louche. Pour ma sœur, on fera ce qui ce doit d’être fait. Même si ça implique de briser ma famille et de les faire tomber de leur piédestal. »

Mes pauvres parents qu’ont-ils fait pour mériter ce genre de traitement? Enfin, j’ai une pensée pour Malcolm, qui ne souhaitait que d’avoir une vie de famille merveilleuse et heureuse, mais quelque chose s’est brisée à quelque part refroidissant ma mère et les éloignant doucement l’un de l’autre. C’est la vie après tout. Rien est éternel et sûr.
Je reprends mon bol et poursuit l’ingestion de son contenu. Si on ne veut pas perdre de temps, faudra se mettre au boulot.

«  D’ailleurs je t’avise de suite, qu’on prend nos montures pour se promener d’une adresse à l’autre. Je ne sortirai pas Arlequin pour éviter d’être trop voyante, mais je ne veux pas me taper tout ça à pied! »

Quand je me retourne avec ma feuille de papier sur laquelle j’avais pris des notes, je que son expression semble avoir changé. Un petit sourire illumine son visage alors que son regard semble différent? Enfin, je ne sais pas quelle mouche l’a piqué, mais je dois dire que ma mine renfrognée s’adoucit un peu. Que dois-je faire ou dire à ce moment même alors que je l’observe un bref instant. Tout ce que mon cerveau semble me dire c’est que je le trouve magnifique. Je n’ai pas d’autres mots qui me viennent en tête. Enfin, je secoue la tête bougeant ainsi mes deux couettes dans tous les sens et je toussote doucement pour reprendre de ma constance. Je lui offre un petit sourire assez timide dont je n’ai pas pour habitude de faire et je prends la parole, m’assurant de répéter dans mes mots ce que j’avais compris. Sauf que lorsque j’émets la proposition de prendre nos montures celui-ci semble retissant. Bon déjà, on n’est pas dans un petit village où les gens se marchent sur les pieds, mais plus dans une grande ville. Les gens ne font pas le tour de la ville portuaire à pied à chaque fois et puis s’il faut augmenter notre efficacité, on n’a pas vraiment le choix. Bons dans tous les cas, pour l’instant, elles ne nous sont pas utiles puisque notre premier arrêt est aux archives. Je me dépêche d’engloutir les quelques cuillérées de mon gruau. Je bois d’une traite mon jus d’orange et, malheureusement, je laisse le reste de mon café sur son bureau dans le plateau. Quand on reviendra, je ramènerai le tout à la cafétéria.

Val lance donc le charge vers les archives et nous nous y dirigeons avec conviction. Il me mentionne de chercher pour Kovatch alors qu’il souhaite chercher pour Ludwig. Je vais fouiller dans les dossiers cherchant bien sûr par ordre alphabétique puis je tombe sur ce que je recherche. Par curiosité, je cherche aussi le dossier de Longstone, l’homme qui l’accompagnait parce qu’il faut bien savoir ce qu’il fait et d’où il vient. Kovatch n’était pas seul à passer au tabac deux mesdemoiselles. D’ailleurs, je me demande comment elle va et si elle est rentrée à bon port sans encombre. Je me demande comment sa maîtresse a réagi lorsqu’elle lui a parlé de cette histoire. M’enfin, j’imagine que cette dernière s’est fait avoir par Ludwig tout simplement.

Les deux dossiers en main, je les dépose sur la table qui se trouve au centre de la pièce et retourne chercher feuille et crayon histoire de prendre des notes. Peut-être que je devrais acheter une scribouilleuse éventuellement. Ça pourrait me faire gagner du temps, la seule chose c’est que je devrai dicter à voix haute ce que je veux écrire. Dans un endroit bondé de monde, cela pourrait être gênant quand même.

Enfin, j’ouvre le premier dossier, donc celui de Kovatch et comme à lire. Ancien marine, maintenant garde, il est âgé de vingt-huit ans. Ce qui veut dire qu’il est là depuis douze ans déjà. Il avait de bons états de service, mais on la finalement mis sous la direction de Wild. À partir de ce moment, il ne semble plus briller, mais reste correct. Quelques histoires houleuses comme participation à des bagarres dont il n’a reçu qu’une tape sur les mains. Puis il y a eu l’affaire Wild où ils ont décidé de le mettre sur l’enquête avec Smith. Ce que je ne comprends pas c’est pourquoi ils ont décidé de mettre Kovatch sur l’enquête alors qu’il était sous ses ordres? C’est ridicule! C’est d’une telle évidence, à moins que la demande d’enquête ait été demandée par Smith et que le capitaine de l’époque lui a mis le premier gars sous le nez. Enfin, ou peut-être que Kovatch était vraiment un bon élément à l’époque, mais que Wild a réussi à lui promettre des gains ce qui l’a mis dans sa poche?  Je prends des notes de mes possibles hypothèses. Enfin, dans tous les cas, Kovatch était toujours de service, mais j’imagine qu’on lui enlèvera son insigne. Du moins je l’espère! Par contre le dossier de Longstone semble aussi plat. Mis à part le fait qu’il était marine avant, il était plutôt discret jusqu’à aujourd’hui. Je referme son dossier. J’imagine qu’à lui aussi on leur a promis un paquet de cristaux. Enfin, je prends en note leur adresse actuelle. On pourra y jeter un œil, parfois ça pourrait nous indiquer s’ils ont touché plus qu’un salaire ordinaire de la garde.

Je lève finalement la tête vers Valentino afin de savoir s’il a trouvé quelque chose d’intéressant.

« Alors? Quelque chose d’intéressant avec Ludwig? Kovatch et Longstone étaient toujours de service selon leur dossier, Longstone n’a pas grand-chose d’intéressant à son dossier, mais Kovatch… Je lui répète tout ce que j’ai noté et pu lire ainsi que mes hypothèses.  D’ailleurs, sachant qu’ils sont arrêtés, tu crois qu’on pourrait avoir un mandat pour fouiller leur demeure? Peut-être qu’on pourrait y trouver des indices ou des objets illégaux.  D’ailleurs, si tu peux me permettre, j’irai bien acheter un cadre magique. Ça pourrait nous être utile pour accumuler les preuves. T’en penses quoi? »

Je suis tellement concentrée sur ma part du boulot et sur mon objectif que je ne réalise pas que Val’ s’est assis non loin de moi et m’observent calmement dans le plus grand des silences alors que je prends des notes sur ce que je pourrais juger utile; antécédents, son âge, les quelques changements de cadre, puis des informations sur l’enquête avec Smith contrent Wild. Enfin, je note tout ce que je peux, car j’ai bien l’intention d’utiliser toutes les informations que j’ai en main pour jouer sur mon interrogation. Je ferme les dossiers, m’étire sur ma chaise levant les bras vers le haut et je me tourne alors vers Val’ tout en lui posant une simple question alors que mon regard voyage jusqu’à lui. Il n’y a rien devant lui, pas de dossier, pas de note juste lui qui semblait tourner en ma direction. Sur le coup, je suis un peu gênée par la situation. Est-ce le fait qu’il m’a regardée tout ce temps sans rien dire ou le fait que ce soit lui tout simplement? Enfin, j’espère simplement ne pas avoir eu de réflexe et fait d’étranges mimiques alors que j’étais concentrée. Vous imaginez si j’avais sorti la langue sur le côté comme font certains enfant.

Enfin, dans le doute, je lui explique un peu mes trouvailles et le questionne au sujet de quelques trucs. Nous allons effectivement fouiller leur demeure, ce qui est bien. On pourra très certainement trouver des objets qui n’ont pas d’affaire à être là. Peut-être y aura-t-il aussi des éléments qui prouveront qu’ils vivent clairement au-dessus de leur moyen. Enfin, dans tous les cas, il nous faut simplement trouver une piste qui pourra les relier à Wild que je pourrai enregistrer dans le cadre magique que je compte m’acheter. Enfin, Valentino me signale finalement qu’il n’a rien trouvé sur Ludwig tout en faisant une blague horrible que je ne lui connaissais pas. « Han? » que je dis à ce moment, bien que je ne cherche pas à savoir. C’est bien plus un constat qui se demande pourquoi ce genre de blague? Bon, vous me direz vu son rire dont j’ai pris l’habitude d’entendre que ça pourrait être raccord. Sauf que la suite ne me convient pas réellement. Il souhaite que je sois celle qui dirige l’interrogation de Ludwig et non celui de Kovatch. Je dois tirer une tête à ce moment plutôt déçu, mais je ne vais pas aller à l’encontre de mon supérieur hiérarchique. C’est peut-être mon assignation, mais comme je suis directement touchée par celle-ci, je ne devrais même pas être là. Je suis simplement chanceuse que Val’ veuille bien de moi sur l’enquête. Je pousse un petit soupir et mes lèvres s’étirent légèrement sur le côté droit lui offrant un sourire résolu.

« Très bien, m’sieur le lieutenant. J’espère simplement que mes notes suffiront. Si tu veux, je repasse tout le dossier pour tenter de trouver plus? D’ailleurs… » que je laisse en suspends. Je me lève d’un bon de ma chaise prenant les dossiers afin de les ranger à leur place.  Je vole du papier que je compte utiliser pour mon interrogatoire tout en gardant le crayon et je me dirige vers la porte dans le but de prendre la direction de la prison du bastion. Lorsque j’ouvre la porte, je me tourne finalement vers lui. « Pour avoir le droit d’utiliser le terme « MA » Sunny faut plus qu’une jolie gueule, ça se mérite et tu n’as pas encore gagné ce droit… » Oui je reprends exactement mot pour mot ce qu’il m’a dit quand je lui ai demandé pour ma photo. Je ne suis pas sa Sunny et je n’appartiens à personne d’autre qu’à moi.

« Bon aller, bouge-toi! Déjà que je suis sûre que tu m’as fixé tout le long que je lisais et prenais des notes. Faut bien que tu travailles un peu non?  »

J’échappe un petit rire et je n’attends même pas que celui-ci me rejoigne pour me mettre en route. D’un pas décidé, malgré mon bras bandé, je fonce vers notre second objectif aussi vite que les jambes d’une demoiselle mesurant un mètre soixante peu l’y amener. Ce qui veut dire que Val ne tardera pas à me rattraper avec ces grandes cannes de géant. Dans tous les cas, je fais vite bon et quand on arrive sur place, je demande à ceux qui s’occupent de la surveillance de nous amener Ludwig en salle d’interrogation et c’est d’ailleurs à cet endroit que je vais me préparer. Je ne veux pas jouer de rôle, je veux seulement aller droit au but.

« Tu viens avec moi j'imagine? T'as trop peur que je dise des bêtises et tu me fais pas confiance c'est cela? »

Comme je le pensais, Valentino me rejoint aussi vite que ses grandes jambes lui permettaient. C’était ça d’être grand, mais ça devait aussi avoir ses désavantages, comme il y avait des avantages d’être petit. Moi je n’ai pas besoin de me pencher pour passer certaines portes. Me pencher ne me fait pas mourir. Je n’ai pas de problèmes de dos dû à ma croissance et je peux me faufiler partout. Bon par contre, tout ce qui est haut, même avec escabeau, nécessite la présence d’une grande personne, mais au moins je ne suis pas lourde et je suis facile à porter!

Le restant de notre avancé se fait plus ou moins dans le silence, Val s’allume une clope comme à son habitude et malgré ma question, celui-ci semble me regarder avec un air de  ‘’t’arrêtes de dire des conneries’’  alors qu’à mon tour je fronce les sourcils en faisant des allez retour entre sa clope et son regard. Sauf qu’avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, celui-ci me tape avec le bout de son index dans le front. Rien de douloureux, simplement un geste pour me ramener à l’ordre et il me dit ce qu’il pense. Il sait que je suis capable de gérer l’interrogation seule, mais comme je suis trop impliquée, il ne veut pas me laisser seule. Il a peur que des conflits d’intérêts entrent en jeu et que mon enquête ne soit pas validée si on venait à découvrir quoi que ce soit sur mon implication. Dans un sens, je le comprends parfaitement, mais ça m’embête un peu. Enfin, on entre dans la pièce alors qu’on prend place chacune côte à côte. Valentino prépare son calepin alors que moi je n’ai que ma mémoire pour me souvenir de certains évènements et aussi des dépositions de Raina et moi-même.

Je me tourne alors vers Val’ puisque notre homme n’est toujours pas là et j’ai qu’une seule envie, lui arracher cette foutue clope de sa bouche.

« Tu savais que la clope est aussi nocive pour les gens qui t’entourent? Il y a des gens qui tienne à toi, donc arrête de t’empoisonner avec ça et je n’ai pas plus envie de mourir jeune, alors fais-moi le plaisir d’écraser cette dernière. Sinon je te l’arrache et le ferai moi-même. Arrête de fumer, je ne veux pas que tu meures! »

La porte s’ouvre à ce moment me faisant légèrement sursauter et je plisse les yeux une dernière fois en sa direction avant de me placer droitement sur ma chaise. Ludwig entre accompagné de deux gardes qui viennent l’installé sur sa chaise menottant ce dernier à la table de façon à ce qu’il ne puisse nous blesser. Enfin, au vu de son état je n’ai pas vraiment peur qu’il s’en prenne à qui que ce soit. Ses tremblements suivit de ses regards en tous les sens nous montrent qu’il est très nerveux.

« Monsieur Carl Ludwig, c’est bien cela?
- Oui…
- Je suis Khalie Drak’gnir et voici mon lieutenant, Valentino Rivolti. Nous sommes donc responsables de vous interroger sur les évènements qui se sont déroulés dernièrement et qui ont conduit à votre arrestation. »

On ne le voit peut-être pas, mais on le ressent au travers du plancher, mais ce dernier semble s’agiter sur son siège bougeant rapidement ses jambes.

« Vous me semblez bien nerveux, vous pouvez vous détendre ici.
- …
- Bref, qu’est-ce qui fait qu’un homme sans antécédent judiciaire décide de plonger dans ce genre de magouille, monsieur Ludwig? Nous avons fouillé les dossiers et n’avons rien trouvé à votre sujet. Soit vous étiez un sacré veinard soit vous veniez débuter et qu’on vous a pris la main de sac, mais au vu de votre attitude actuelle, je pencherais plutôt pour la seconde option.
- … je ne sais pas de quoi vous parlez.
- Donc, ce jour-là ce n’était pas vous? Vous n’avez pas essayé de vendre une commande à une femme qui présumait que ce n’était pas la sienne?
- Non…vous vous trompez.
- C’est pourtant étrange, nous avons aussi les dires d’une seconde personne qui cherchait un certain cadeau spécial; quelque chose de percutant à offrir en à un ami. »

Il relève les yeux nerveusement vers moi, alors qu’il se met à bouger ses doigts nerveusement. Le pauvre sut à grosse goutte et semble finalement réaliser qui je suis réellement, mais je ne dis rien.

« Lorsque les choses se sont envenimées entre vous et l’autre femme, la deuxième vous a, à tous les deux, demander de vous calmer sans quoi la garde ne tarderait pas à se ramener et c’est là que vous avez pris peur et contacter les deux hommes.
-…
- Ces hommes vous ne les connaissez pas très bien, j’imagine, mais vous connaissez leur badge, n’est-ce pas? Et vous pensez que si vous parlez ici, quelqu’un viendra pour vous?
- …(il déglutit péniblement) Je ne dirai rien.
-  Monsieur Ludwig, vous ne semblez pas être un mauvais homme et je crois que vous n’avez pas choisi avec gaieté de travailler pour eux. Que vous ont-ils promis? Des cristaux? Des biens matériels d’une très haute valeur? Pensez à votre famille! Vous avez certainement des petits enfants qui attendent patiemment le retour de leur grand-père, non? »

Parfois jouer sur la famille ça aide un peu à délier les langues. Ce monsieur devait certainement avoir une femme et des enfants. Je suis sûre qu’il s’est retrouvé dans cette magouille contre ses principes. Il n’avait peut-être pas le choix.

« Aider nous, Ludwig et nous pourrons vous aider. Si c’est pour votre famille que vous avez peur, nous pourrons envoyer une protection pour eux. Et plus l’enquête tardera et plus votre employeur suspectera que quelque chose vous soit arrivé à vous et ses sous-fifres.
- On ne peut pas vous faire confiance!
- Nous ne sommes pas eux. Regardez-moi dans les yeux, regarder moi bien comme il faut. Est-ce que j’ai une tête à faire semblant? Est-ce, vous croyez, que je me suis battue avec cet enfoiré dans le seul but de vous tromper? Non, alors aidez-nous et nous vous aiderons en retour. Pour qui travaillez-vous?!
- Je…je ne sais pas. Je ne l’ai jamais vu. Les messages proviennent de monsieur Kovatch et les cristaux aussi.
- Quel était exactement votre rôle dans cette histoire?
- Mon...Magasin servait en quelque sorte de planque, la plupart des commandes avaient déjà été préparées d’avance sous de faux noms. Bien sûr, j’avais quelques trucs en stock pour les autres qui savaient garder le silence, mais cette histoire avec la famille Mapple à tout fait merder. Il a dû y avoir un mélange dans les commandes et j’ai paniqué quand elle m’a fait savoir qu’il ne s’agissait pas de cela.
- Vous connaissiez les risques, pour quelle raison avoir acceptée?
- Ils m’ont promis que je ne me ferais jamais prendre puisqu’ils sont gardes et que cela allait m’aider à payer les soins de ma femme qui est très malade…
- Les gardes, vous parlez des deux hommes qui vous rendaient visite?
- Oui…
- Vous n’avez jamais pensé qu’en ne voyant jamais votre employeur, que cela pourrait pourrait être une simple arnaque? Vous mettez en danger toute votre famille en agissant ainsi. Vous ne les avez jamais entendus prononcer de nom?
- Non…pour ça, ils étaient très discrets.
- Je vois… Donc Kovatch et Longstone sont les deux seules personnes que vous avez vues. Personne d’autre relié à cette affaire ne s’est présenté à vous?
- Non, personne, juste eux deux.»

Je m’empresse de prendre des notes de ma main gauche. Bon, il ne faut pas juger la qualité de l’écriture puisque je suis droitière de base, mais avec mon bras fort en moins pour le moment on fait ce qu’on peut avec ce que j’ai. À vrai dire, je ne sais plus trop quoi lui dire. J’ai déjà atteint mon quota de parole de la journée et pourtant nous ne sommes que le matin. Je regarde alors vers Valentino, peut-être qu’il a des questions dont je n’ai pas pensé à demander à notre cher monsieur ici présent.

Je me suis retournée vers Valentino par simple habitude et non parce que je ne savais plus quoi demander. À vrai dire, j’ai remarqué que ce dernier pouvait apporter des idées et des pistes sur lesquelles je n’avais pas pensé à me pencher. Ce qui n’est absolument pas un mal. Il est plus expérimenté que moi et j’apprends de lui, c’est plutôt comme ça que je le vois. Malheureusement, il ne sera pas toujours mon partenaire alors autant profité de sa sagesse et de son expérience pour en apprendre un maximum. Je me repose donc la main un instant puisque je ne suis pas du tout habituée d’écrire de la gauche et écoute attentivement la discussion qui se déroule à mes côtés.

Valentino lui fait clairement savoir que ce ne sont pas les informations que nous aimerions avoir. Après tout, nous avons déjà enfermé les deux gardes. Nous savons déjà qu’ils sont coupables d’avoir tenté à la vie de deux femmes dont je fais partie. C’est déjà bien, par contre, ça ne nous signale toujours pas pour qui il travaille. Longstone et Kovatch sont des larbins, des messagers et à la fois des récolteurs en cas de nécessité. Ils font le sale le boulot de l’homme caché derrière et comme de fait, le lieutenant prononce finalement un nom que nous espérions que Ludwig prononce par lui-même bien que sa réaction en dit long. Valentino cesse de parler et se lève de sa chaise pour finalement s’éloigner afin de s’adosser au mur. Il lui fait savoir qu’il serait temps qu’il me parle franchement à défaut de voir autre chose lui arriver.

C’est de nouveau à mon tour de prendre la parole. Je dois dire que cette petite pause m’a fait du bien. Seule chose que je regrette, c’est de ne pas avoir d’eau avec nous. Mais bon, quand le temps presse, on n’oublie ce genre de détail.

« Wild vous fait peur et pourtant vous mentionnez ne jamais l’avoir vu…Était-ce un mensonge?
- Je…oui.
- Pourquoi donc?
- C’est un vrai malade! Il est arrivé qu’une fois que nous devions tous nous rassembler afin de discuter des projets à venir et aussi des nouvelles cargaisons. Il ne tolère aucune trahison, aucun laisser-aller. Si le boulot est mal fait, il nous le fait savoir à la dure. Il a déjà battu de ses propres hommes les laissant presque morts. Je pense qu’il voulait me montrer ce qui arriverait si je merdais… et je ne veux pas qu’il arrive quoi que ce soit à ma femme.
- Et ces gens que vous avez vus, vous saurez les reconnaître si on vous les montrait?
- Ceux qui étaient près de moi, peut-être. Mais je ne sais pas trop. J’avais si peur en arrivant là-bas. J’ai essayé de me faire le plus petit possible. »

Je pousse un soupir presque soulagé de ce que je viens d’entendre. Ludwig peut nous confirmer que Wild est celui qui dirige le tout, mais une seule voix n’est pas suffisante pour l’arrêter. Seulement cela nous donne une véritable piste à suivre. Nous savons vers où chercher.  Il pourrait même aider à reconnaître certains membres de ce gang. Je me redresse donc sur mon dossier, déposant mon crayon.

« Bon, je crois que nous avons ce dont nous avions besoin pour poursuivre notre enquête.
- Je…qu’est-ce que je vais devenir, et ma femme? S’empressa-t-il d’ajouter inquiet.
- Nous allons nous assurer que votre femme soit en sécurité. Malheureusement, nous n’aurons pas d’autre choix que de lui expliquer que vous êtes retenu ici. Malheureusement, on ne peut pas vous relâcher pour le moment et vous êtes plus en sécurité derrière nos barreaux qu’en liberté.
- Vous pouvez le promettre?!
- Je ne peux rien vous promettre ni vous garantir. Mais nous ferons notre possible. »

Je me lève donc de ma chaise et me dirige vers la porte appelant ainsi les deux hommes responsables pour ramener le prisonnier à sa cellule. Nous leur faisons savoir qu’il leur faudrait ramener Kovatch ici par la suite. Je récupère mes notes et mon crayon et me rapproche de mon lieutenant.

« Ça c’est plutôt bien passé… Enfin, tu m’as bien aidée pour la suite. Je ne sais pas comment tu fais pour les faire réagir ainsi pour qu’il parle plus facilement. Je ne suis pas capable de leur parler ainsi. Tu me donneras des trucs éventuellement. »

Je dépose ma main libre, alors que je bloque mes feuilles sous mon bras bandé, sur son bras et le regarde en souriant légèrement. Bon, j’imagine qu’il est mieux pour Val et moi que je ne sois pas présente pour la prochaine interrogation. Déjà, je ne sais pas si j’ai envie de m’asseoir en face de cet homme. J’ignore ce que je pourrais lui faire et contrairement à lui, mon pouvoir est bien facile à utiliser même en restant assis. Donc pour éviter qu’un crayon ne vole soudainement dans son œil, il est donc préférable que je n’y sois pas.

« Je vais t’attendre un peu plus loin. Je n’ai pas envie de voir sa sale tête. Sur ce, bonne chance lieutenant et ne lui fait pas de mal tu veux bien? »