Elle n’allait pas le nier, le brun savait vendre son métier et son récit ne la laissa pas tout à fait indifférente. Des îles inconnues, des créatures mystérieuses, la coopération d’un équipage soudé face aux éléments ou multiples dangers pouvant se tapir sous les flots… Tant de choses qui lui laissaient entendre qu’elle irait sûrement mettre les pieds sur un navire.
« Oh, les terres sont loin d’être domestiquées, je suis certaine qu’il reste encore de nombreux endroits inexplorés dans le Royaume. Des ruines d’un passé obscur et inconnu, des endroits sauvages et merveilleux, des créatures surprenantes... » répondit-elle dans un premier temps, peu de temps avant son petit discours sur ses aventures.
Violette passait parfois à côté de ce genre d’allusions, mais celle-là était largement assez évidente pour qu’elle la comprenne directement. Ce qui expliquait un peu plus l’avertissement que lui avait donné la dame en début de soirée. L’aventure quelle qu’en soit sa nature, en plus d’être une rime, c’était même abordable pour des personnes distraites comme Violette. Mais même si le slogan avait une certaine harmonie, elle ne pouvait pas vraiment en dire de même. Elle espérait juste qu’il avait été parfaitement honnête et qu’une éventuelle remise à niveau de l’aventurière ne serait pas un problème pour lui. Mais maintenant, dans le domaine de la subtilité…
« Oh, je suis plus du genre à rechercher les grandes aventures. » répondit-elle du tac-au-tac, avant que son esprit qui avait été lancé sur un sujet légèrement grivois ne percute son propre sous-entendu - qui était, d’ailleurs, une sacré insulte. Réalisant son erreur, l’aventurière ne put s’empêcher de pouffer, au bord d’éclater de rire, tout en essayant en même temps de bredouiller quelques excuses maladroites.
« Je… Non. C’est pas ce que je voulais dire… » balbutia-t-elle avant de repartir de plus belle dans un rire complètement stupide, s’amusant elle-même de ses bêtises et de son inexpérience dans ce genre de conversations qui lui échappaient un petit peu.
« Je voulais dire par là bien entendu les aventures épiques aux confins des mers et des terres explorées, celles qui font repousser nos propres limites et nous en font ressortir grandis! » arriva-t-elle à déclamer à moitié théâtralement avant de continuer de rigoler comme une idiote, se demandant si elle n’avait pas encore fait involontairement la moindre allusion douteuse. Mais elle préférait peut-être s’arrêter ici pour ce soir et cette crise de rire était, après tout, un magnifique moyen que de conclure cette soirée avant que l’alcool ne lui monte encore plus à la tête.
« Ouh… Désolée je… Quand j’ai réalisé ça m’a faite un choc. Mais je serai ravie de partir dans une aventure à tes côtés à l’occasion, en toute amitié bien entendu! » ajouta-t-elle alors, histoire d’essayer de ne pas se fermer une si belle porte non plus. Dans tous les cas, elle ne s’abaisserait pas à se vendre elle-même simplement pour une place sur un navire partant à l’aventure.
« Mais je pense aussi que le buffet a été assez pillé pour ma part! Et les prochaines quêtes ne vont pas m’attendre éternellement, donc je ferai mieux de me reposer un petit peu. Merci pour cette charmante discussion, Aslander. » conclut-elle d’une petite courbette polie qui se voulait plus ironique qu’autre chose. Au moins, elle avait retenu son prénom jusqu’à la fin de leur discussion au moins : Un exploit dont tout le monde ne pouvait pas se vanter.
De nombreux endroits inexplorés? Je l'espère bien! Après tout, Lady Fortune ne m'a pas encore sourit mais je comptes sur elle pour m'aider dans ma quête! Après tout, si l'on avait déjà fouillé chaque centimètre de ce maudit royaume - que ce soit ses mers ou ses terres - je suppose que cela signifierait que l'objet de ma convoitise m'a déjà échappé! Une option que je refuse catégoriquement d'imaginer ne nous mentons pas! En tous les cas, l'heure n'est pas réellement à cette sombre pensée! Il y a certes toujours une partie de moi tournée vers cet objectif, après tout les vieilles habitudes ont la peau dure, mais je suis tout de même en compagnie d'une gente demoiselle! Dans cette situation, même si je suis effectivement ravi de discuter de la mer sans jamais réellement expliquer ce que j'y recherche exactement, il y a une autre partie de moi bien plus directe et sincère qui se laisse voir : celle du charmeur invétéré qui trouve toujours un moyen de faire comprendre ce qu'il recherche.
Certes, le sous-entendu n'est pas des plus discret! En même temps j'ai appris il y a bien longtemps que l'on n'obtient rien avec des faux-semblants! Il faut savoir se montrer distingué - être trop direct ne marche qu'avec certaines demoiselles et de toute évidence, la jeune femme me faisant face n'est pas de celle-là - mais tout de même assez clair pour faire comprendre ses intentions! Après tout, s'il est un sujet sur lequel on ne veut guère de quiproquo c'est bien celui-ci! Apparemment, le sous-entendu est compréhensible, une réussite donc! Même si la réponse vient un peu me surprendre! Je la regarde, quelque peu étonné par une telle repartie même si, en toute franchise, cela ne me dérange nullement! Bien au contraire, alors qu'elle commence à chercher ses mots - ou plutôt à justifier le choix de ses paroles dont elle vient visiblement de se rendre compte - je me mets à rire de bon coeur pour ma part! Après tout, le jeu n'a aucune saveur si l'autre personne n'a aucun répondant car n'est-ce pas cela justement la séduction? Un jeu qui se joue à deux! Parfois on gagne, parfois non! Pour l'heure, il semblerait qu'aujourd'hui ne soit pas mon jour de chance cependant, ce n'est que partie remise! Après tout, elle est tout de même d'accord pour une aventure même si - présentement - on se contentera de celle entre deux aventuriers plutôt que de celle entre deux adultes! Cela me va aussi, l'un n'empêche pas l'autre en fonction de la tournure des événements...
"Une aventure épique aux confins du royaume en toute amitié alors! Après tout, c'est ce que j'ai proposé dans un premier temps après tout! Pour le reste... Qui sait ce qu'il peut advenir pas vrai?"
Dis-je riant de nouveau! Je ne suis pas le genre d'homme qui se laisse refroidir ainsi! Après tout, un loup reste un loup et même si je respecterai toujours la volonté de ces dames, rien ne m'empêche de retenter ma chance une prochaine fois, lorsque nous serons tout deux en pleine aventure, sans nombre de nos confrère autours de nous ou d'alcool faisant que nos paroles dépassent peut-être légèrement notre pensée? Pour l'heure, la belle demoiselle semble avoir son compte, affirmant que le buffet a déjà bien assez été grappillé et que les quêtes ne vont pas attendre. Impossible de lui donner tort sur cela cependant, je ne la laisse pas partir ainsi! Si sa courbette est sans aucun doute exagérée, mon geste à moi n'est aucunement forcé! Aventurier certes mais j'aime mettre en avant mes manières! Après tout, je vise une place dans la noblesse pour servir mes intérêt un peu mieux encore. Je me saisis donc de la main de la demoiselle, lui faisant le parfait baise-main - mes lèvres ne touchant donc pas sa peau - avant de la libérer de cette action peu conventionnelle vu l'endroit dans lequel nous nous trouvons.
"Au plaisir chère Violette, pour une aventure de quelque sorte qu'elle soit!" Un sourire charmeur, un petit clin d'oeil et je laisse la demoiselle partir vers d'autres horizons... Et bien, cette soirée se terminera plus seul qu'escompté mais qu'importe, voici une rencontre fort intéressante en tous les cas! Sur ce, n'ayant plus de charmante compagnie - et ayant sans doute trop montré mes intentions pour pouvoir me retourner vers une seconde cible - je quitte également la soirée! Après tout, il me faudra bientôt retourner au grand port et la route est assez longue.
— On fera une mission qui bouge pas mal à deux, qu’on réussisse ou non ne sera pas le plus important, du moment qu’on s’amuse et revient en vie c’est ce qui nous importera le plus, cela te convient ?
Il semble être de ceux qui sont plus à la recherche d’aventure pleine d’action, en tout cas c’est ainsi que cela sonne dans sa voix. Ce n’est pas comme si j’étais une personne particulièrement compliquer sur ce point-là. Tout comme c’est adorable qu’il s’inquiète pour mes chiens. C’est visiblement une bonne personne. Une pas trop pure pour ce monde, mais pas non plus trop corrompu, un bon juste milieu je dirais.
— Ce sont des chiens que j’entraine spécialement pour m’accompagner, mais je fais super attention à eux. Comme n’importe qui devrait le faire de base avec leur familier quand ils partent en quête. Souvent je ne pars qu’avec un ou deux chiens avec moi. Ça permet de laisser les autres se reposer, tout comme s’il prend des dégâts trop importants en cours de route je préférerais leur survis à la fin de la quête. Leur vie à la même importance que tout compagnon de quête.
Je sais que c’est cette mentalité qui a fait que certaines personnes n’ont pas voulu partir en quête avec moi. Comme ce ne sont pas des familiers magiques, beaucoup les sous-estime alors qu’ils sont capables de beaucoup de choses. Ce n’est pas parce que la magie entre en œuvre que c’est forcément mieux. Beaucoup d’animaux de compagnie sont sans magie et s’en sortent très bien. En tout cas, il continue de m’amuser avec ces réponses et d’une certaine manière je m’y retrouve un peu, parfois.
— Oui, la garde c’est surtout beaucoup de contrainte et de paraitre chiant. Tu as déjà vu les gars de la royale ? Avec leurs amures beaucoup trop lourdes juste pour faire joli ? C’est n’importe quoi, en plus c’est payer avec les taxes aux citoyens. Enfin, je ne suis pas là pour parler des budgets du gouvernement…
Je laisse ça à ma sœur, merci bien.
— Pour le fiellon je comprends. Je n’en ai jamais rencontré personnellement, mais ce n’est point ce que je souhaite faire dans les prochains temps. Plus cela se trouve loin de moi, mieux je me porte, on ne va pas se le cacher.
Je ne suis pas suicidaire à ce point là. Je continue de l’écouter et est du mal comprendre ce qu’il m’explique. Il était contre quoi ? Le fait d’avoir un job en plus de son statut d’aventurier ? Possible, ça y ressemble en tout cas. Je le comprends assez pour le coup.
— Tu sais, je n’avais pas prévu que cela arrive. À la base j’ai récupéré mes deux chiens qui sont là d’un lieu tout sauf recommandable alors que c’était encore des chiots avec le reste de leur porter. Je pensais juste donner tous les chiens et passer à autre chose, puis j’ai commencé à trouver des acheteurs, d’autres chiens à sortir de mauvaises situations, quelque autres animaux aussi et puis c’est devenue un chenil avec un élevage avant même de comprendre se qui m’arrivais. Même mes deux employer en y regardant de plus prêt c’est comme s’il m’était plus ou moins tombé sur le coin de la tronche sans comprendre le pourquoi du comment.
Un qui était un ancien aventurier mendiant qui n’avait plus rien, l’autre un gamin sortit d’un trafique peu reluisant pour son jeune âge. Tout en pensant à cela je gobai les petits fours qu’il me présenta à me ces doigts en les suçant un peu au passage. Il voulait certainement m’en donner qu’un seul, mais prendre les deux m’amusa. Avec un grand sourire, après avoir bien avalé ce que j’avais en bouche le viens lui embrasser les lèvres avant de dire très fièrement.
— J’espère manger bien plus en fin de notre future mission ensemble. Je reste sur ma faim sinon. Donc, c’est quoi les choses simples qui t’ont fait changer mon bel artiste ? J’aurais le droit à une représentation pour moi seul ce soir ?
C’est une invitation plus ou moins à y aller, notre acte de présence ne semble pas si mal pour ce soir, mais je ne le dirais pas franchement. Après tout, s’il veut prendre plus de force pour ce soir, ce n’est pas moi qui serais contre ce genre de chose.
" Ah non mais les armures de la garde royale... moi je me suis toujours demandé comment ils faisaient pour être discrets" Le jeune aventurier se mit à se vouter pour mimer un poids plus conséquent sur ses épaules, il faisait le zouav comme à son habitude. Il mimait la grâce de se se déplacer avec une telle masse. " Faudra m'expliquer aussi comment tu peux intervenir efficacement. T'imagine ce que ça donne si celui de derrière perd l'équilibre et tombe sur les autres... mais c'est la garde royale"
En ce qui concerne son petit tête à tête avec un fiellon, il ne tenait pas à retenter l'expérience non plus. Il n'était pas content d'être encore en vie, il ne s'était pas battu comme un brave, mais pouvait s'estimer encore heureux d'être debout. La chance accompagnait beaucoup de vies tout comme toute cette compagnie que Fauve avait su rassembler autour de lui. Zoran n'avait jamais cherché à adopter d'animaux. Il lui évoqua certains animaux qu'il avait aidé dans la rue, à qui il rendait visite, mais il ne se sentait pas capable de s'investir davantage.
" C'est un très beau geste que t'as fait et... "
En recevant un baiser, il fut amené à laisser place avec plaisir à cette voix qui allait accompagner une belle nuit. Zoran se mit à lui caresser l'épaule en se rapprochant de lui comme pour lui signifier que s'il voulait une démonstration, tout pouvait se négocier dès à présent. Il s'était bien assez approvisionné au buffet pour pouvoir le déserter pour la chaleur de draps agréables.
" Ce sera un spectacle intimiste...j'ai oublié de chercher d'autres personnes... Bon.. je crois que la salle se vide... Tu es prêt ? "
Zoran savait vu son attitude qu'il pouvait se montrer désinvolte, tactile sans qu'il ne le prenne forcément mal, de toute façon ils s'étaient entendus. Il passa sa main dans son dos pour lui indiquer une sortie entendue. Après avoir festoyé, ils allaient pouvoir se livrer à d'autres réjouissances tout aussi intéressantes. Une alliance professionnelle avec un petit supplément non négligeable et qui sait... une bonne entente. Le courant avait pour le moment bien passé entre eux deux. C'est ainsi qu'ils quittèrent ensemble les lieux en partageant quelques propos pour presser le pas vers leur soirée déjà bien posée.
Jack m'a sauvé. Edgar est revenu à la charge, évidemment, mais il l'a repoussé suffisamment, jusqu'à ce qu'il jette son dévolu sur un autre laideron. Et on a bu, on a ri, on a dansé. Mais je vois un peu trop bien où tout ceci nous mène, et si j'adore Jack, et si j'adore me foutre dans des situations rocambolesques et des positions inconfortables, celle-ci serait vraiment compliquée à expliquer, compliquée à gérer. Oh évidemment, personne n'aurait à le savoir, je pourrais très bien profiter de la soirée jusqu'au bout, et garder ce secret pour moi. Mais j'en ai la barbe des secrets, et Jack est fragile, je ne peux pas lui faire ça. D'un autre côté, il est fragile... ai-je vraiment le coeur à lui mettre un râteau et à l'enfoncer encore plus ?
L'alcool commence à engourdir mon cerveau, et il est si beau, avec son costume. J'ai toujours préféré les barbes aux moustaches, mais celle-ci a un attrait tout particulier. Et puis ce charme... Tout ce que je n'ai pas, dans ce corps d'emprunt, mais malgré tout il va chercher au-delà des apparences. Pourquoi, bordel, pourquoi je ne suis pas tombée amoureuse de Jack plutôt que de son meilleur ami insensible ? Peut-être parce qu'il n'avait d'yeux que pour ma meilleure amie à moi, il n'y a pas si longtemps que ça. Les yeux bleus d'Elina me reviennent en mémoire, ses yeux bleus avant qu'elle ne rende son dernier souffle.
Je tousse, je tousse. Je n'ai pas avalé un truc de travers, même si avec ces petites olives que Jack me tend depuis tout à l'heure, comme s'il voulait s'en débarrasser au plus vite, ça aurait pu. Non, ce n'est pas ça. Je n'arrive plus à respirer. J'étouffe.
Il m'accompagne dehors, gentleman, me tenant par les épaules, juste comme il faut. S'assoit à côté de moi sur les marches du bâtiment de la Guilde. Tapote mon dos doucement, jusqu'à ce que ça passe. Il me sourit. Il est tellement beau, ce soir, Jack. Il a toujours été aussi beau, mais je n'avais jamais vraiment fait attention, je crois. Et les yeux bleus d'Elina continuent à me scruter, alors que je me penche vers lui. Nos lèvres se scellent et une larme vient rouler depuis ma paupière jusque sa joue.
Il me scrute, cherche à comprendre. Je souris, tristement, les larmes continuant à couler. Encore un secret, hein. Je me relève, mes doutes, mes remords, mes regrets pendus à mon sourire. Mais plus encore, tout l'amour, toute l'amitié que je lui porte, à lui et aux autres membres de ma tribu, inscrits dans mon regard. Il doit le lire, je le laisse le lire. Je le laisse comprendre que ça compte, qu'il compte. Mais que je ne peux pas. J'espère qu'il se demande pas pourquoi cette presque-inconnue le dévisage avec autant d'amour. Il doit prendre peur. Je sais pas, je sais plus.
Me grandissant, dans mon allure d'emprunt, dans ce déguisement que le Médaillon m'a donné, j'essaye de l'imiter, en riant. Je saisis sa main, et y applique le même baisemain par lequel il a salué Myrham, un peu plus tôt, avec une once de moquerie enfantine.
« Monseigneur Whiskeyjack Callahan, Conseiller de la Guilde, Ami des Gloobies, minuit a sonné pour votre Cendrillon. »
Je sens le Médaillon picoter sur ma poitrine, et comprend que son temps est bientôt révolu. Je dois disparaître avant de reprendre mon apparence. Comme des fourmillements, je sens le sort se dissiper peu à peu. Mes yeux redeviennent mes yeux, brillants et irisés, alors que je les pose une dernière fois sur mon ami.
« Sois heureux, Jack, je t'en prie. »
Et activant le Marchombre, je disparais.
-Bah alors, Jack ? Qu’est ce que tu fous là ? Tu bouges pas. Il s’est passé un truc ?
Je suis un peu perturbé. Je secoue la tête. J’essaie de retrouver le sens dans lequel il faut que j’avance, là, maintenant, après avoir fait dix fois le tour sur moi-même. Je lève un regard hagard vers l’examinateur qui me toise de haut, de plus en plus circonspect.
-J’ai… rencontré quelqu’un…
-Oh ! Ah bah c’est une bonne chose ça ! Elle s’appelle comment la belle ?
Un instant, j’ai peur d’avoir oublié cette information. J’ai une soudaine peur panique qui m’envahit au fur et à mesure que je ne me rappelle pas son nom. Puis, je finis par m’en souvenir.
Myrham.
Du secrétariat.
J’ai une drôle de sensation dans la poitrine. Je repense à ce regard. Comme s’il me disait qu’on ne se reverrait plus. Alors qu’elle travaille ici, non ? Je pourrais la revoir. Non. Je veux la revoir. Dans les limites de la bienséance et du respect mutuel, hein, il ne s’agit pas d’aller suivre les gens et de déranger, mais ces derniers mots sont sans équivoque. Etre heureux. En ce moment même, il n’y a rien qui me rendrait plus heureux que de la revoir. J’y pense. Et j’ai un sourire béat qui s’étire sur mon visage.
-Eh bin dites donc ! C’est qu’elle t’a sacrément tapé dans le cœur la mignonne ! Viens donc à l’intérieur que tu nous en dises plus avec les copains !
Je lui souris à moitié comme s’il je ne le vois pas vraiment, mais je me lève quand même et je rentre lentement à l’intérieur comme si me précipiter allait me faire oublier ces instants nouvellement chéris. Je finis tout de même par jeter un regard autour de moi. Une parenthèse. C’est vraiment ça. Je ne me souviens de rien d’autres si ce n’est d’elle. Le reste n’a eu aucune importance. Et le temps a passé. La majeure partie des aventuriers sont partis. Les copains sont entrain de ranger. Il reste plus grand monde et les appels des uns raisonnent bien étrangement dans le grand hall. Pas l’habitude qu’il soit si vide. On me ramène du côté de la buvette ou les copains viennent se poser, histoire de faire une pause dans le rangement. On sert un fond de tord-boyau de Gégé qu’il gardait en réserve spécialement pour ce genre de moment. Et le sujet finit par revenir sur le tapis. On me regarde avec des tas de sourires en coins avec ce petit quelque chose dans les yeux qui vous disent qu’ils vont vous taquiner là-dessus pour les trois prochaines semaines, si ce n’est plus.
-Alors, elle est comment ?
-Elle est… pouah… Je saurais pas vous dire.
-Ah oui. Elle t’a sacrément tapé dans l’œil. Ça doit être la bonne.
-Je… peut-être.
-J’ai une astuce Jack. Tu te fous une grosse murge là maintenant. Et si demain, tu te souviens de tout, c’est que c’est la bonne. Astuce maison.
-T’es pas toujours célib’, toi, justement ?
-C’est parce que j’ai jamais trouvé la bonne, évidemment.
-Ca me rappelle moi. Elle m’avait fait un sacré effet, mais elle devait avoir la permission de minuit. Elle a disparu quand j’ai eu le dos tourné. Mais elle avait oublié sa chaussure.
-Ah ouai ?
-Du coup, avec les infos que je savais déjà, j’ai fait en sorte de retrouver à qui allait la chaussure.
-Il doit en avoir beaucoup.
-Je me souvenais quand même de à quoi elle ressemblait, même si j’avais un peu bu, hein.
-Et tu l’as retrouvé ?
-Ouaip. Mais il y a eu un problème.
-Comment ça ?
-Comme quoi la chaussure, c’est pas infaillible : pendant dix jours, j’ai quand même dragué sa sœur jumelle.
On rigole. L’alcool n’aide pas. L’hilarité général non plus. On est plusieurs à partir dans un fou rire en imaginant la scène et le gars nous regarde, le sourire en coin avec la tête qu’il faisait quand il s’est aperçu du problème. Génial. Il a enchainé sur comment sa belle lui a annoncé le truc et les quiproquos qui s’en sont suivis. Surtout que la sœur jumelle était pas insensible. A chaque moment d’accalmie, il rajoutait un anecdote et on repartait à rigoler. J’en pouvais plus. J’en avais jusqu’à avoir mal au ventre à supplier, les mains levés, qu’il s’arrête. Ce qu’il a fini par faire. D’autres ont enchainé, avec un certain succès, mais heureusement moindre. J’aurais pas supporté. Vous savez, ce moment où vous avez peu de rire tellement ça fait mal ? J’en étais là. Puis il a fallu retourner ranger et la tablée s’est vidée, me laissant seul ; d’un commun accord, il s’était dit qu’on allait me laisser tranquille sur le coup. Et puis, c’est un peu ma fête, après tout.
Sourire aux lèvres, je repense d’abord aux histoires des gars avant de bifurquer à nouveau sur Myrham. J’ai un tressaillement glacial qui me parcourt et en même temps, j’ai une chaleur qui se diffuse en moi. Je suis bien. J’évite de boire le dernier verre de la gnole à Gégé. Je ne vais pas tenter le diable et je vais me souvenir d’elle. Il y a des signes qui ne trompent pas comme ils ne m’ont pas trompé, il y a un an de ça. J’ai comme des papillons dans le ventre. J’avais parlé la première fois de ça à Carciphona. La même qui m’a relancé sur le chemin de la drague, ce soir. Coïncidence heureuse. J’aurais pu rester derrière mon comptoir toute la journée. Me terrer dans mon cœur et mon souvenir. Me dire que tout cela n’est pas pour moi. Me dire que je n’ai plus envie de risquer cette blessure terrible. Et puis finalement, on se dit qu’il y a toujours des jolies filles, dehors, qui par un regard, un sourire, un mot ; fait chavirer votre cœur et vous refait espérer que, peut-être, cette fois-ci ne finira pas comme celle d’avant. L’espoir. Cette chose merveilleuse et pourtant si terrible. Cette espoir, j’ai retrouvé ou je l’avais rangé.