Le livre qu'il lisait commençait à devenir passionnant. Ramar y était plongé depuis une bonne heure lorsqu'un homme de belle allure passa devant lui, tintant de toute part. Déconcentré et attisé par une légère curiosité proche de l'agacement, il leva la tête de l'ouvrage pour l'observer.

Le gêneur traversait en toute hâte la cour de la Guilde. Il portait une robe fière, argentée et brodée, mais cela ne parvenait pas à dissimuler sa bedaine, supportée au contraire par une imposante ceinture d'un beau cuir luisant. Aucune arme ne s'y trouvait visiblement, mais l'origine des tintements devenait évidente en observant son visage porcin. Des boucles d'oreilles dorées ornaient ces dernières et s'entrechoquaient avec vigueur à chacun de se pas.

Ramar retourna dans sa lecture, une expression de dégoût sur le visage. Un homme aussi pressé et habillé ainsi ne pouvait qu'être un noble ou un aspirant noble venant poser une requête. Rien qui ne vaille autant de dérangement et encore moins le poids face à l'histoire trépidante de "La Voyageuse Insatisfaite". Il avait mis du temps à accrocher mais le personnage se révélait finalement bien plus intéressant et capable que le début ne le laissait présager. Naïveté, coquetteries et frustration l'avait caractérisée alors. Désormais, ses qualités s'étaient développées, elle trouvait des ressources insoupçonnées dans des moments cruciaux voire vitaux. De simple voyageuse, elle passait à ombre fugace chevauchant les brumes afin d'infiltrer nuits et secrets. Un véritable délice qu'il savourait tranquillement installé dans la belle cour de la Guilde de la Capitale.

Son retour datait de quelques jours seulement et il s'était installé dans une chambre mise à disposition dans un bâtiment annexe. Petite et insalubre, le nettoyage lui avait pris une bonne matinée tout de même pour la rendre accueillante. Chaque jour, il visitait une partie différente de l'immense ville et s'enquérait des nouvelles quêtes. Rares étaient celles qui l'intéressaient et qui payaient bien. La pauvreté ne l'inquiétait pas, mais il ne s'interdisait pas le confort non plus. Une petite chambre dans la Guilde ne lui suffirait pas longtemps. Mais pour le moment, il n'était question ni de visite ni de quête ou même d'argent, juste de terminer sa lecture.

Qui fut à nouveau interrompue par le même énergumène, passant en sens inverse, une expression encore plus horrible sur son visage déjà hideux à l'origine...

Bon allez, ça ne sert à rien, je n'arrive pas à me concentrer... ragea-t-il dans son coin, en rangeant le livre dans sa besace.

Chimère, son écharpe, reprit alors sa place autour de son cou en s'y lovant tendrement. Déjà, il se dirigeait vers le bâtiment que le nobliaux venait de quitter. S'il ne pouvait se concentrer assez pour sa lecture, il pouvait toujours jeter un œil sur les quêtes disponibles. Comme il s'en doutait, aucune trace de quête concernant la cymbale ambulante. Toutefois, son regard fut attirée par une annonce récente, vu qu'il ne l'avait pas vu la veille.

Un village, Fructa, un peu plus au sud de la capitale, requérait l'assistance de la Guilde. La bonne somme et le peu d'informations lui indiquaient qu'il y avait anguille sous roche. Un simple village méconnu, dans les plaines, ne devrait pas pouvoir payer autant, surtout pour une mission d'aspect aussi bénin. Cela tombait bien, il adorait résoudre des mystères et son besoin de nature serait ainsi comblé.

Il manquait toutefois d'informations, aussi jeta-t-il un œil vers le comptoir bondé d'aventuriers plus ou moins expérimentés. Il avait heureusement un moyen plus rapide d'obtenir des informations. Sans se soucier des regards furibonds ou étonnés qu'on lui lança, il s'adressa directement à l'affiche.

Bonjour petite affiche, à propos de Fructa. Dis moi, quand es-tu arrivée et que sais-tu sur la requête que tu signales ? lui demanda-t-il, simplement.

Silence. Plusieurs personnes s'éloignèrent subrepticement, il avait l'habitude et ne s'en soucia guère plus que d'une vieille chaussette. Chimère se risqua alors d'un commentaire.

*Peut-être ne peut-elle rien te dévoiler ? C'est la première fois que tu demandes à une affiche de la Guilde, après tout elles sont peut-être traitées ?* résonna-t-elle dans son esprit.

Tu as raison, la Guilde doit impérativement traiter tous ses objets contre mon pouvoir, il leur est si dangereux ! ironisa-t-il alors, désormais isolé dans un cercle de plusieurs mètres autour de lui.

Il sentit dans son esprit que l'écharpe allait répondre mais elle fut doublée par une petite voie fluette masculine.

*Ahah, non, non, je ne suis pas traité ou autre, je ne connais même pas vot' pouvoir, Monsieur, mais c'est sympa de pouvoir parler à quelqu'un, ça ne m'était jamais arrivé avant ! Ahah !*

Ramar resta coi devant une telle naïveté, mais l'affiche continua sans s'en soucier.

*On m'a déposé ce matin, mais je suis parti hier du village. C'est le maire qui a dicté le message. Je dirai qu'il était inquiet, mais comme il a rien dit de plus. Ah si, enfin non, pas vraiment... C'est juste qu'il était pas seul pour dicter, ils étaient nombreux, on aurait dit tous des chefs et ils ont tous apporté des cristaux que le maire a préparé avant de me mettre dans le convoi. Bon, après, quand on est arrivé ici, on m'a signé et on m'a placardé. D'ailleurs, ça fait un peu mal mais c'est marrant, en fait, ça chatouille un peu et surtout on peut voir tout le monde facilement. C'est dingue ce qu'il peut y avoir comme débiles ici d'ailleurs, depuis ce matin, j'en ai vu pleins, dont un qui...*

Décidément, l'idée n'était pas si bonne que ça, l'affiche semblait avoir une envie de parler insatiable. Quelques informations dans le tas se révélaient intéressantes, c'était déjà pas mal. Au discours que lui tenait le papier, Ramar comprit qu'il n'avait rien de plus à en tirer. La somme avait été réunie par plusieurs villages et non un seul : c'était déjà plus ou moins sous-entendu dans le message initial. Cependant, les commanditaires étaient anxieux et pressés : la menace ne devait pas être une simple affaire de routine... Totalement déconnecté du monologue qui se passait dans son esprit, il remercia son auteur et s'éloigna.

Arrivé au comptoir après s'être frayé un chemin non sans mal, il annonça suffisamment fort pour être entendu par la bonne personne :

Ramar Aldor. Je prends la quête de Fructa, je m'y rends de suite. C'est bon ?

Un homme bien habillé dans un beau costume d'accueil se tourna vers lui, le jaugea du regard, le reconnut puis leva le pouce vers lui, avant de prendre une feuille et de griffonner quelques mots avant de retourner à ses occupations. Simple, efficace. L'aventurier prit donc la direction de la sortie, ignorant complètement les regards courroucés qu'on lui lançait.

Quelques minutes plus tard, il faisait le tri dans ses affaires. Il devait partir vite pour rejoindre le village aussi tôt que possible et réunir autant d'informations que possible. Ne sachant pas à quoi s'en tenir, il devait prévoir le pire. Aussi ne lésina-t-il pas sur son équipement. Il fit de la place dans sa besace, gémissante de plaisir comme à son habitude, pour y enfourner un sac nouvellement acquis : un grand sac sans fond qui prenait bien la moitié de la place à l'intérieur. Ainsi, il pourrait stocker les objets les plus utiles et les plus encombrants à l'intérieur, comme sa corde ou encore sa nouvelle cape anti-climat, tout en laissant un accès rapide aux quelques nécessités qui prendraient le reste de la place.

Il avait besoin de faire le plein de vivres, aussi se dirigea-t-il ensuite vers le marché. Il y trouva des fruits encore peu mûrs et de quoi se restaurer sans mal au besoin, sans que ça ne pourrisse trop rapidement. Il faillit craquer pour un repas à base de pain et de beaucoup de sauce mais sa tunique le rappela à l'ordre sans ménagement, Chimère se moquant alors gentiment de lui. Une fois rassasié et prêt, vint la question du transport. Il se sentait apte à faire le trajet à la marche, mais cela prendrait du temps, et il n'avait pas de monture. Il pourrait en acheter une mais cela reviendrait plus cher que d'emprunter une navette.

*Et ça nous usera moins ! Prends la charette !* suggéra une de ses chaussures, si ce n'était un ordre...

Une dizaine de minutes plus tard, il était installé dans un chariot qui prenait la direction du sud, seul à l'arrière avec quelques sacs de nourriture, se battant mentalement avec son pantalon pour le rassurer tandis qu'il mangeait un bon fruit juteux.




Ramar n'était arrivé que depuis peu lorsqu'un autre aventurier s'était présenté à son tour. D'un rapide coup d’œil, de loin, il put comprendre que l'homme en question était loin d'être un novice. Et il semblait solide, telle était l'impression qu'il donnait. Sans doute sa boucle d'oreille en forme de croc et sa bague sinueuse aux allures de serpent, de loin, renforçaient cette sensation. Mais ce n'était pas pour lui déplaire. Il se leva de son siège improvisé, un peu à l'écart d'où il avait commencé à observer le village quelques minutes plus tôt, et sortit à son tour sa plaque de sous sa tunique, qui ne rechigna pas pour une fois.

Un est déjà là. Ramar Aldor, je suis arrivé il y a peu. expliqua-t-il à l'aventurier. Puis, indiquant respectueusement le maire qui leur faisait face : Je m'étais déjà présenté mais on m'a demandé d'attendre pour ne pas avoir à tout répéter.

Avec un simple sourire et sans ajouter un mot, l'aventurier reprit son observation, Chimère se lovant tendrement autour de son cou pour le couvrir du léger vent qui soufflait. Ils étaient bien placés, même ici, pour peut-être comprendre les raisons de leur venue en ce lieu d'apparence tranquille.

Une jeune femme les avait rejoint. Apparemment, son arrivée datait de la veille au soir. Bien qu'elle ne dit rien et ne se présenta pas, son accoutrement fait pour le combat et ses armes pouvant lui permettre certainement de tuer avec aisance un troupeau de rapidodos ou même des rats géants, estima-t-il, la faisait entrer dans la catégorie "Aventurier" sans aucun doute.

Le maire leur expliqua la situation mais plus il avançait dans son discours, plus Ramar et ses objets se rembrunirent. Il avait remarqué le manque de bétail et la surprotection supposée dont bénéficiait leur dernière vache. Il avait remarqué aussi les barrières. Les coups qu'elles avaient subis étaient équivoques. Certaines étaient même brisées. Mais il n'avait pas encore pris le temps de les interroger. Il avait besoin d'informations avant, avait-il estimé, mais ce responsable du village n'avait pas été capable de leur apprendre quoi que ce fut d'utile !

Il se contentait de pleurnicher et déplorer la situation. La disparition de l'enfant était certes inquiétante et la chose la plus préoccupante. Mais pourquoi n'avoir prévenu la Guilde qu'après sa disparition, plusieurs jours après même ? Alors que le bétail avait disparu et menaçait clairement la survie des locaux ?

*Peut-être qu'ils pensaient s'en sortir seuls, puis qu'ils ont eu du mal à réunir tout l'argent ?*

Chimère, son écharpe qui reposait autour de son cou, était gentille et compréhensive, mais elle émettait les mêmes doutes que lui et ne faisait là qu'imaginer des excuses. Cela n'eut pour conséquence que de lui faire repenser à ce que l'affiche lui avait révélé à la Capitale sans que ça ne soit un secret non plus : la demande émanait de plusieurs villages à la fois. Pourquoi ne parler donc que de ce qui posait problème dans ce village uniquement ? Ce qui leur arrivait se produisait aussi dans les autres villages ou étaient-ils les seuls et dans ce cas pourquoi les autres villages s'en mêlaient ?

De ce qu'il avait pu voir, de profondes griffes avaient saccagé les enclos. Pour avoir grandi dans les montagnes du Nord, Ramar avait une bonne connaissance des créatures qui y vivaient. Il avait déjà croisé la route d'un gevaudan, mais n'en avait jamais affronté, c'était bien trop dangereux pour lui. En voir un servir de spalière à l'autre aventurier laissait entendre que celui-ci était puissant, indubitablement. Mais il avait déjà eu affaire à des wargs, des grognours ou encore un smilodon fulgeo, une fois. Tous avaient des bonnes griffes. Il avait déjà affronté des sangliers des montagnes, mais ça n'avait, en comparaison, pas de quoi laisser de telles traces sur des barrières.

Il repensa ensuite aux différentes créatures ailées qu'il avait pu affronter, apercevoir ou simplement entendre parlées. L'eadi, par exemple, n'avait pas de griffes, juste un bec et des ailes. Contrairement au freki et à l'hipogriffe. Mais un détail que Chimère lui rappela lui sortit ces possibilités de la tête : pourquoi une bête avec des ailes s'embêterait à briser et griffer les barrières alors qu'elle pouvait juste passer au-dessus sans aucun mal ?

De plus, ce n'était là que des créatures des montagnes, pas des plaines. Avec l'aide de ses objets, donc, il chercha quelles créatures des plaines pouvaient correspondre. Il fallait une bête solitaire ou en groupe, possédant des griffes et probablement pas de corne ou autre, sans quoi elle n'avait pas besoin d'user de ses pattes pour détruire les enclos... Cela excluait, après un rapide inventaire, le coq de Léral qui était bien trop docile pour correspondre à cette violence, le dracaufleur pour sa trop petite taille et ses ailes, bien qu'il n'en ai jamais vu mais il y en avait un dans le livre qu'il lisait.

Cela excluait aussi le boucton, qu'il avait déjà croisé mais qui ne correspondait pas et il doutait qu'il fut assez agressif pour ça. Finalement, il n'avait plus connaissance que de quelques créatures qu'il n'avait jamais rencontrées mais qui pouvaient, de ce qu'il savait, correspondre. Notamment le coeurl et les smilodons, même s'il espérait que ce ne serait pas un calciné. Il en avait entendu parler une fois à la Guilde et estimait la bête trop dangereuse pour lui. Mais même ça, il en doutait. Certes, il ne connaissait pas toutes les créatures, mais le calciné aurait laissé des traces plus reconnaissables, non ? Que pouvait-il y avoir d'autre sinon pour correspondre au profil ? A moins qu'il ne se trompait quelque part dans ses hypothèses ?

*Tu sais, on peut aussi aller demander directement aux barrières, on saura assez vite ce que c'est...* commenta Chimère dans son esprit.

Elle n'avait pas tord, loin de là. Il était idiot de penser qu'il pourrait trouver tout seul juste en réfléchissant aux possibilités. Il y avait trop d'inconnues et ses connaissances n'étaient pas assez vastes.

L'autre aventurier le sortit de ses réflexions et posa des questions relatives à la disparition de l'enfant. Puis il se présenta en bonne et due forme pour leur demander leurs noms, à l'aventurière et Ramar. Ce dernier ne se formalisa pas de la manœuvre. L'aventurier était albinos, sans aucun doute, elle avait les cheveux blancs. C'était suffisant, probablement, pour qu'il se forme un quelconque lien entre eux. Par contre, elle était plus grande que Nivix, de ce qu'il nota brièvement.

Il s'était déjà présenté donc ce n'était pas sa priorité. L'aventurier albinos voulait enquêter sur l'enfant. C'était une bonne chose. Ramar savait qu'il aurait facilement put s'en charger mais il laissa faire. S'il fallait, il complèterait si Nivix bloquait. Il décida donc de questionner à son tour le maire, mais sans omettre ses doutes, après avoir répondu brièvement à l'aventurier.

Appelez moi Ramar. Spécialisé dans la recherche mais je te laisse celle sur l'enfant disparu.

Puis, se tournant vers le maire :

Veuillez bien éclaircir quelques points, je vous prie. Plusieurs choses me semblent énigmatiques. Pourquoi avoir attendu si longtemps, un mois, pour prévenir la guilde ? Vous ne semblez pas riches et la famine va poindre si votre bétail disparait, pourtant vous attendez qu'il n'y en ait presque plus pour réagir. Sans compter que vous mettez plusieurs jours après qu'un enfant ne disparaisse pour nous prévenir. Je peux comprendre qu'il vous faille du temps pour réunir des cristaux, mais tant de temps... ? D'ailleurs, nous savons que plusieurs villages sont à l'origine de la demande, qu'en est-il de la situation pour eux ? Sont-ils aussi touchés de la même façon ? Sinon, pourquoi vous venir en aide ?

Ramar marqua une petite pause pour laisser ses questions planer.

Je vais m'intéresser, vu que Nivix enquête pour l'enfant, aux barrières et aux nombreuses griffures qui les marquent. Pourquoi penser à des bandits quand il y a de telles traces ? Auriez-vous déjà eu affaire à des bandits qui utilisent une quelconque créature capable d'infliger pareil souvenir à vos enclos ? Mais ce qui m'étonne le plus, encore, reste que personne, dans tout le village, malgré que cela dure depuis un mois et que certaines structures ont été arrachées, n'ait rien vu ? Vous postez même des fermiers à la garde de vos vaches, mesure exceptionnelle mais précise, alors que personne ne sait ni n'a rien vu ?

Ramar savait qu'il se montrait dur. Mais la situation était trop grave et étrange pour qu'il se taise. Il espérait se tromper, mais pour lui, ces villageois leur cachaient des informations. Et si personne ne voudrait dire quoi que ce soit, ou qu'il se trompait et que personne, aussi étonnant que cela puisse paraître, ne sache vraiment rien, il n'aurait qu'à enquêter directement auprès des objets. Il leur faisait bien plus confiance qu'aux hommes : ils ne mentaient pas, eux. En outre, il était le seul qui sache pour son pouvoir. Il devait garder cet atout dans sa manche, au cas où.

Les autres aventuriers, Sofia et Nivix, étaient finalement partis enquêter plus loin. L'aventurière aux multiples sabres filiformes semblait être allée vers les paysans gardant la dernière vache et l'aventurier albinos plus loin dans le village pour interroger des enfants à propos de celui disparu. Ramar, lui, écoutait les réponses du maire du village.

Ce dernier avait d'abord réajusté fermement son chapeau de paille arrondi sur sa tête pour ensuite répondre à ses insinuations.

Vous savez pas c"que c'est vous aut' de la ville, si on pouvait s'permettre d'embaucher des aventuriers au moindre soucis, on vivrait plus ! Surtout qu'vous êtes pas donnés.
Alors oui on à mis du temps à vous prévenir, mais les cristaux poussent pas dans les champs et si les autres villages nous aident, c'est qu'ils ont les mêmes soucis, mais on a pas assez à chacun d'entre nous pour lancer une quête. lança-t-il aussi sèchement que son accent de fermier le lui permettait.

Ramar croisa les bras devant cette réponse.

Des nuits entière à veiller sans rien voir j'vous dit, et on voit rien.
Et si on pense à des bandits c'est pacque c'est eux qui nous embêtent le plus souvent, on va pas crier au gévaudan devant la guilde pour rien. Mais on va pas non plus s'laisser dépouiller sans rien tenter. continua le maire.

Les villageois, cachés derrière les fenêtres rectangulaires de leurs maisons, semblaient passablement énervés, comme leur représentant. Manifestement, ses questions avaient touché un point sensible. L'humeur de son interlocuteur le prouvait bien.

*Il veut qu'on lui coupe un membre, le vieux ? Dégaine-moi Ramar, qu'on lui fasse ravaler son mécontentement !* commenta Diolime dans l'esprit de l'aventurier.

Ce dernier sourit et décroisa les bras pour venir tapoter doucement la garde en croix de son épée, sur son flan, afin de la calmer.

Non non, ça ira, on s'est juste mal compris. répondit-il doucement.

Il se tourna vers le vieil homme pour reprendre, très sérieusement.

Déjà pour commencer, il y a méprise, je tiens à m'excuser. Ce n'est pas parce que nous sommes aventuriers que nous sommes de la ville. Je ne sais ce qu'il en est pour mes compères, mais je viens d'un village tout juste un peu plus gros que le vôtre, dans le Nord, donc avec moins de récoltes et de richesses encore. Je connais parfaitement bien la situation financière d'un tel endroit, donc. Et pour ma part, je ne fais pas ce métier pour les cristaux, cela me permet simplement de vivre autant que n'importe qui avec n'importe quelle compétence. Mais je ne vous en tiens pas rigueur, il y a au moins une information supplémentaire et utile dans votre réponse, comme demandé.

Ramar se tourna vers les pauvres barrières décharnées avant de continuer.

Je continue à penser étrange que vous n'ayez rien vu ni entendu en un mois, mais cela ne fait que concrétiser la dangerosité de ce qui vous attaque, tant son efficacité tend à être absolue. Mais vous mentionnez que les autres villages subissent le même sort : j'aurai préféré que vous nous l'ayez dit dès le départ.

Il se tourna vers le maire, le visage simplement concentré dans sa réflexion.

Ce qui s'en prend à vous agit donc sur une échelle relativement large, pour pouvoir s'en prendre à plusieurs villages à la fois. Savez-vous si des gens, des enfants, ont aussi disparu chez eux, ou si vous êtes le seul village ainsi concerné ?

En regardant les visages circulaires et parfois même rubiconds de certains villageois, Ramar comprit qu'il devrait expliquer le fond de sa pensée afin d'éviter une nouvelle méprise malheureuse. Il aurait dû s'y attendre, cela avait toujours été ainsi dans son enfance, il n'y avait aucune raison que cela change en un tel lieu.

C'est simplement pour savoir si on ne doit chercher qu'un enfant ou plusieurs. Cela peut avoir un impact sur l'urgence et la taille de ce qu'on cherche. Pour faire simple, si on a affaire à une créature unique, elle a probablement une sorte de tanière où elle stocke sa nourriture. Si plusieurs ont été enlevés à peu près en même temps, alors cet endroit ne peut être petit. Enfin vous voyez où je veux en venir, je ne voudrai pas vous choquer avec des hypothèses plus poussées et surtout désagréables... Je veux dire, par rapport à l'enfant... termina-t-il maladroitement.

Ramar n'était pas très bon socialement, cela se vérifiait encore. Mais heureusement pour lui, les choses s'avéraient toujours plus simples avec les objets. Il se dirigea donc vers la barrière la plus proche. Le maire pourrait lui répondre, ou non, s'il le voulait. Il ne se trouvait pas si loin.

La créature avait laissé des traces fines à peu près partout sur les clôtures. Certaines étaient en lambeaux sur le sol terreux, mais l'aventurier doutait qu'elles lui répondraient, dans un tel état... Ces morceaux de bois étaient coupés et assemblés de manière à former des planches rectilignes et parallèles entre elles, maintenues ainsi par d'autres planches disposées verticalement. Cela représentait un travail d'aspect simple, mais le menuisier y mettait ses compétences afin de confectionner une barrière qui dissuadait une vache, voire un troupeau entier, de la franchir. Ces animaux étaient massifs et une charge de leur part pouvait probablement détruire ce genre d'obstacle. Cependant, il fallait les dissuader, donc que ça ait l'air de pouvoir leur résister, tout en pouvant possiblement le faire réellement dans une moindre échelle le cas échéant. En somme, cela pouvait être simple d'aspect, mais chaque planche avait un rôle et leur assemblage donnait vie à une fonction précise, à un objet qui pouvait parler avec Ramar.

C'est ce que ce dernier voulait qu'elles fassent, qu'elles se confient à lui. Il s'agenouilla devant une clôture marquée des empreintes effilées et posa le bout de ses doigts dessus pour les effleurer doucement. Il sentait sous sa peau la netteté des griffures, la blessure du bois.

*Celle-ci est encore quasiment intacte outre les griffures, celles d'à côté n'ont pas eu cette chance...* observa Chimère.

L'écharpe se lova dans son cou, comme pour marquer son chagrin du sort réservé aux malheureuses. Ramar lui répondit avec la même émotion dans la voix, doucement, presque chuchotant.

Tu as raison... Elles doivent être terrifiées et mortifiées : leur rôle était de maintenir le bétail à l'intérieur, mais la menace est finalement venue de l'autre côté, sans qu'elles y puissent grand chose...

Il laissa son regard vagabonder le long des clôtures un petit moment. Il s'était fait de nombreuses réflexions, un peu avant, quant aux créatures possiblement responsables de ce carnage. Il n'y avait pas d'autres traces que celles, parfois droites, parfois incurvées, mais toutes aussi peu profondes et au même nombre à chaque itération. Son hypothèse d'un animal sans corne semblait se confirmer. Mais son autre idée comme quoi cela ne pouvait pas probablement pas voler... C'était même plus que ça. Non seulement cela ne pouvait pas voler, mais ce n'était pas si haut : lui-même devait s'agenouiller pour se mettre à niveau des griffures. La créature ne pouvait donc pas être aussi grande qu'il l'aurait pensé au départ.

Mais si c'était de taille modeste, sans ailes, ni cornes, et surtout sans se faire repérer une seule fois par des villages terrifiés tout un mois durant, alors cela devenait de moins en moins plausible. Les créatures les plus grandes étaient souvent les plus efficaces, les plus dangereuses. Les plus petites agissaient souvent en meute, a contrario, mais n'étaient pas aussi discrètes alors...

Ramar commençait à être perplexe. Les informations du vieil homme ne le satisfaisaient pas. Il n'arrivait pas à trouver une cohérence quelconque dans tous les indices réunis par lui seul. Il avait besoin, sans l'ombre d'un doute, de l'aide de son pouvoir. Tant pis qu'on comprenne son pouvoir, la vie d'au moins une personne innocente était en jeu, il ne pouvait perdre plus de temps et s'adresser directement à ceux qui savaient, qui détenaient le plus d'éléments, dans leur malheur. Il retira sa main de la planche qu'il parcourait encore avant de poser sa question à la barrière à laquelle elle appartenait.

Je suis vraiment désolé de devoir vous demander ça, mais pouvez-vous me révéler ce qui vous a infligé cela ? Ou, au moins, me le décrire sinon ? Je vous promets que mes confrères et moi-même allons faire tout ce que nous pouvons pour vous faire justice... Mais pour cela, pour ramener l'enfant qui a été enlevé, que vous connaissez, peut-être, j'ai besoin que vous me disiez tout ce que vous savez sur ce qui vous est arrivé.

Il se sentait sincèrement désolé pour ce que les objets avaient subi et sa demande vibrait de son émotion. Il savait que la barrière pouvait avoir subi un traumatisme, mais il espérait, si tel était le cas, qu'une autre barrière, parmi celles qui l'entendaient alors, saurait lui répondre à sa place, voire qu'elles se complèteraient entre elles. Tout était bon à prendre, et ces malheureuses étaient les victimes oubliées du monde humain, des victimes inanimées qui n'étaient que "brisées" pour les autres, quand pour lui, elles avaient un esprit comme tout le monde et une importance bien plus grande que pour un autre. Son empathie pour les objets lui était naturelle, plus qu'envers des humains parfois...

Ce n'est alors pas une, mais plusieurs barrières qui se confièrent à l'aventurier. Certaines se sentaient vexées, profondément, par leur sort, d'autres avaient encore la peur au ventre, si on pouvait dire ça. Malgré tout, les descriptions faites des événements, même décousues par la violence ressentie par les victimes de bois, menaient à des conclusions similaires à celles de Ramar. Créature petite, sans aile, ni corne. Mais pas au singulier. Plusieurs créatures de ce type. Et humanoïdes, capables d'utiliser des outils, des armes, tels que des gourdins, d'après ce qu'il comprenait.

Bien malgré ces informations, Ramar ne parvenait pas à comprendre quelles créatures en étaient à l'origine. Sa connaissance du bestiaire lui faisait défaut, mais heureusement, Chimère avait une meilleure mémoire que lui. Elle lui apporta une réponse possible tandis qu'il réfléchissait confusément.

Les pauvres... Il n'existe pas beaucoup de créatures à forme humanoïde, et encore moins assez petites. Cela ne me fait penser qu'à des goules.

Le jeune homme tourna le regard vers son écharpe, surpris.

*Comment en as-tu eu connaissance ? Je n'en ai jamais croisé il me semble !* lui demanda-t-il directement dans ses pensées.

*J'ai eu une vie avant de te rencontrer, tu sais...* lui répondit-elle en se lovant contre son bras, pour le rassurer et clore le sujet.

Le jeune homme n'eut pas le temps, de toute façon, de lui en demander plus que Sofia le rejoignit et se moqua gentiment de lui. Il en avait tellement l'habitude qu'il n'y fit pas plus attention que ça, mais il était évident dès lors que Ramar ne s'attarderait pas beaucoup à apprendre à connaître sa coéquipière. Il préférait se tenir éloigner des gens qui avaient tendance à le juger dès sa première bizarrerie. Il lui expliquerait son pouvoir un peu plus tard, il verrait bien si elle aurait une meilleure réaction, pour relancer les dés entre eux alors.

Il ignora donc sa réplique et se releva juste, laissant les barrières à leur triste sort, tandis qu'elle prenait un débris pour l'analyser et apporter ses propres conclusions. Étonnamment, elle en vint à la même que Chimère. Apparemment, ces goules étaient capables parfois de réaliser des petites illusions, expliquant vraisemblablement l'exploit que personne n'ait rien vu jusqu'ici.

*Oui, j'ai déjà vu des goules assez intelligentes pour tromper des aventuriers avec des petites illusions, oui. Donc ça concorde bien. Mais elles sont plutôt voraces de cadavres, d'habitude. Il doit donc y avoir parmi elles un ou plusieurs spécimens particulièrement développés...*

Ramar écouta attentivement. Il n'était pas l'heure de demander d'où lui venaient ces informations, il y avait plus urgent, surtout avec ces informations, et il savait depuis longtemps que Chimère avait appartenu à un autre avant lui, même si l'avouer ne lui était pas agréable.

Il répéta les informations à Sofia, d'un ton neutre.

J'expliquerai plus tard, mais d'après les barrières et mon écharpe, en effet, les goules correspondent parfaitement. Les premières parlent de petites créatures humanoïdes, certaines équipées d'armes contondantes, toutes cruelles. La deuxième confirme que certains spécimens sont capables de réaliser ce genre de tours. Mais il semble que ce soit plutôt des créatures charognardes. Donc pour en arriver là, il doit y avoir des meneurs plus intelligents que les autres.

Il resta un peu sur place, le temps de mettre toutes ces informations en ordre dans sa tête. Des enfants arrivèrent alors, l'ignorant pour se concentrer autour de Sofia et lui offrir, de ce qu'il entendit, des informations qui confirmaient plus encore leurs hypothèses. Il attendit un instant pour ne pas la déranger et profita du premier moment où l'aventurière se tournerait vers lui pour la prévenir, un brin amusé.

Je vous laisse enquêter avec les enfants et prévenir le village, vous faites bien meilleur effet que moi, manifestement ! Je vais rejoindre le troisième, il aura peut-être une piste qui fera corrélation avec ce que ces jeunes ont pu voir. On t'enverra quelqu'un si jamais on trouve quelque chose de plus.

Sans vouloir interférer avec les villageois, ayant bien senti que le courant n'était pas très bien passé, Ramar tourna les talons, simplement, et se dirigea vers l'autre aventurier. Il trouva l'albinos à la lisière du bois bordant le village. Il lui fit signe de loin et attendit d'être suffisamment proche pour lui apporter les nouvelles fraîches, Chimère ayant repris sa place autour de son cou, agréablement.

Nivix, d'après plusieurs informations qu'on a pu réunir avec Sofia, on a affaire à des goules, certaines sont armées. Il y a même parmi elles des spécimens probablement intelligents jusqu'à être capables de monter une telle attaque à base d'illusions pour attirer les plus fragiles...

Ramar s'était exprimé simplement mais la tension dans sa voix était décelable. Il ne connaissait pas ces créatures et ce qu'il en apprenait lui faisait sentir l'urgence de la situation. Il espérait que l'aventurier ait trouvé d'autres informations pour pouvoir commencer à réagir. Il ne sentait plus à l'aise à simplement enquêter, il avait une forte envie de pourchasser ces goules. Était-ce dû à la situation du village ? Non, il avait déjà montré qu'il n'avait pas vraiment d'empathie pour eux. Mais la situation de l'enfant enlevé et la violence décrite par les barrières le mettait dans une rage sourde et profonde qu'il gardait bien en lui pour le moment. Mais plus le temps passerait, et plus il serait en accord avec sa première épée. Diolime pouvait se montrer intraitable et parfois cruel...

Ramar avait croisé le familier de l'albinos mais n'y avait pas fait plus attention que cela, et inversement. En arrivant près de l'autre aventurier, il remarqua que son compagnon de quête avait changé d'apparence. Et c'était peu dire, sachant qu'il avait retiré son gantelet pour le remplacer par un bouclier d'os, très visiblement, fixé à son avant-bras telle une prolongation naturelle de son squelette.

Voilà qui était un bien étrange pouvoir mais pratique. Des pouvoirs de transformations physiques, Ramar en avait souvent croisés, mais jamais sur une ossature externe de ce type. Après lui avoir transmis les informations que Sofia et lui avaient récoltées, Nivix répondit très simplement, sans fioriture. Visiblement, les goules ne l'inquiétaient pas plus que ça, mais le fait qu'il puisse y avoir des spécimens plus intelligents le tracassaient. Comme chacun d'entre eux. Mais il avait trouvé un chemin, via des traces, de son côté, il ne leur restait donc plus qu'à le suivre.

Sofia et le familier félin les rejoignirent rapidement, et ils se mirent en route, sans un mot, tous concentrés. Ramar dégaina Diolime et Nolune, ses deux épées, en cas de besoin, et prit la suite de Nivix, qui ouvrait la marche avec son bouclier blanc.

Ils arrivèrent rapidement dans un bois dense. Ramar ne faisait plus trop attention aux traces, n'étant pas sa spécialité, mais leur évidence lui sauta aux yeux. Silencieusement, il nota le nombre conséquent, mais il n'aurait pas su distinguer s'il y avait une dizaine ou une vingtaine d'individus différents... Ils ne s'attardèrent toutefois pas pour s'enfoncer plus profondément encore dans les végétations, suivant un sentier bas. Les créatures en étant à l'origine étaient petites, par rapport aux aventuriers, et si leurs traces ne laissaient aucun doute sur leur passage, la végétation était vraiment dense à leur hauteur.

Il vit Nivix s'enfoncer le premier, suivant le chemin, il prit la seconde place, se servant de ses lames pour repousser les branchages qui menaçaient de déchirer sa tunique ou pire, Chimère, son écharpe et son amie la plus précieuse. Malheureusement, cela ne fonctionna qu'en partie et il s'accrocha légèrement à plusieurs reprises, mais seulement le tissu de sa tunique. Cette dernière n'apprécia pas du tout mais n'y pouvait rien. Au bout d'un certain temps, ils débouchèrent sur une petite ouverture dans un monceau de gros rochers. L'entrée de l'antre, manifestement.

Les traces de griffes et de "peintures" ne laissaient aucun doute : autant de signes pour désigner aux autres créatures que le lieu était pris, autant de signes d'avertissement que la mort les attendait s'ils en franchissaient l'entrée.

Chimère se tendit légèrement, mais Ramar la caressa un peu pour la rassurer. Il laissa la place à Sofia pour arriver à son tour, derrière lui, tandis que Nivix était devant. Il était temps d'examiner ce qu'ils pouvaient. Il s'adressa, le plus doucement possible, à ses alliés de mission.

Vous connaissez les goules ? Vous savez s'ils préparent des pièges en plus de marquer leurs territoires ? Leur dit-il en désignant les tâches brunes, probablement du sang.

Il fit le tour le plus silencieusement possible, de son pas glissant et se servant au mieux du feutrage qu'offrait la végétation, de l'entrée pour en examiner tous les éléments. Il voulait s'assurer qu'ils ne se trompaient pas de lieu, ni qu'il n'y aurait pas de piège s'ils entraient. Mais ce qui l'inquiétait le plus, c'est qu'ils puissent être attendus ou détectés par des spécimens en garde. Il n'y avait eu personne en arrivant, mais peut-être un peu plus loin ? Chimère ne lui répondit pas, il se douta qu'elle ne connaissait donc pas la réponse à ses questions.

Aussi, il s'affaira aussi précisément et rapidement que possible, pour ne subir aucune mauvaise surprise ni perdre trop de temps.

Il n'y avait pas de pièges, d'après Sofia, qui répondait dans le sens de ce que Chimère lui avait dit au village. Ainsi, les traces brunes n'étaient que du mauvais goût. Il n'avait encore jamais vu de goules, mais Ramar ne les appréciait déjà que très peu...

Il finit son inspection avant de se poster près des deux autres. L'aventurière partageait ses connaissances et surtout ses inquiétudes. En effet, face à un nécromancien ou une quelconque créature intelligente, la donne serait différente. Ils devaient s'y préparer. Mais Ramar ne s'inquiéta pas plus que ça. Il avait une certaine certitude dans ses compétences mais son assurance lui venait surtout de la présence de ses amis, ses objets, notamment Chimère et ses épées, qui l'avaient toujours aidé à s'en sortir dans les moments délicats lors d'affrontements.

Sofia en vint aux pouvoirs. Elle décrivit le sien mais c'était délicat à se représenter sans démonstration. Manipuler son ombre, invoquer deux bras pour se battre, ainsi que deux serpents d'ombre. Ramar avait un peu de mal à comprendre l'idée mais, comme souvent, ce fut Chimère qui l'éclaira.

*Son pouvoir semble purement offensif. Il semble qu'en manipulant les ombres, elle augmente ses capacités à toucher, peut-être même sa portée. Et face à une troupe d'ennemis, ses serpents ne seront pas de trop, sans compter qu'elle aurait quatre bras au total, donc plus d'angle et donc d'amplitude. Tu vois ?*

Il laissa l'aventurière terminer. Elle aimait se battre, c'était une évidence dans son choix de mots et de ton. Il ne pouvait qu'aller dans le sens de ce que Chimère disait. Et comme elle l'avait dit, le pouvoir de Nivix était assez évident maintenant, avec son pavois d'os. Il ne restait donc que lui, avec son écharpe et ses deux épées.

Je vois. Mon pouvoir est simple mais ni offensif ni défensif. Je fais parler les objets que je vois, comme les barrières de tout à l'heure, mes épées ou encore mon écharpe, qui s'appelle Chimère. Il la laissa se déplacer toute seule de son cou vers son épaule, à la manière d'un étrange serpent à plumes blanches, inclinant une de ses extrémités telle une tête. Elle n'est pas une âme artificielle, elle est la seule que mon pouvoir arrive à laisser bouger. Dans tous les cas, quand ils parlent, les objets interviennent dans mon esprit. Cela fonctionne avec tous les objets que je vois, donc comme vos affaires ou vos armes, mais aussi ceux de mes adversaires. C'est rare qu'ils interviennent toutefois, cela dépend de leur mentalité, tout simplement. En l'occurrence, sachez que tous les objets ont une conscience, avec moi, ils peuvent donc nous aider lors d'un combat, en repérant ce qu'on ne repère pas.

Il regarda tour à tour ses deux collègues avant de terminer.

Prenez mon pouvoir comme du soutien et faites-moi confiance. Si vous le faites, vos objets me feront plus facilement confiance et sauront profiter de mon pouvoir si besoin, j'ai confiance en eux pour ça, en tout cas. Pour le reste, j'ai été formé au combat dans les montagnes pendant des années, j'ai chassé pire que des goules, vraisemblablement, je ne suis pas un simple soutien.

Le sujet était clos. Son pouvoir en faisait toujours marrer, mais dans la situation présente, les deux autres aventuriers attendaient de lui de l'efficacité. Il savait bien que son pouvoir seul est peu utile au combat, mais avec la complicité de Chimère et ses armes, et ses propres compétences martiales, il savait ne pas être dans le bas du panier de la Guilde. Ils devraient s'en contenter, de toute manière.

Il se tourna ensuite vers Nivix, le laissant décider s'ils continuaient sur le sujet et s'ils entraient finalement dans l'antre des bestioles.