« CLAC » émit la main de Solveig lorsqu’elle atterrie durement sur l’épaule dénudée de sa collègue.

- Aller ! Elle désigna l’horizon. - On a terminé ce fichu tour de garde ! Et comme si elle était restée assise des heures durant elle commença à s’étirer, se pliant tantôt à droite, tantôt à gauche, faisant craquer l’intégralité de sa colonne en s’arc-boutant vers l’arrière. - Aaaah… Je suis pas mécontente d’avoir terminé ! Pas toi ? Je ne suis vraiment pas fan des patrouilles de routine. Il ne se passe pas grand-chose et je n’ai même pas le droit d’acheter des choses sur les étales. Tu ne trouves pas ça cruel toi ? En plus… Elle huma l’air et ses yeux se tournèrent vers le bastion. - Les troupes ont déjà commencé les préparatifs. Sa langue passa sur ses lippes avant qu’elles ne se fendent d’un sourire. - Aller dépêche, on doit encore se préparer, je dois passer chez Thépa pour la bouger et ensuite… Apero ! Dit-elle en saisissant le poignet de Sammael, l’entraînant derrière elle sans qu’elle ne puisse le lui refuser. Elle ne lui rendit sa liberté que lorsqu’elles furent à l’intérieur de leur chambre. Les occasions de faire la fête étaient peu nombreuses ces derniers temps et Solveig n’était jamais contre ce genre de proposition, encore moins lorsque cela impliquait de réunir tout ses proches dans un seul et même lieu -et qu'elle ne devait rien débourser.

Ni une ni deux elle se mit à fouiner dans l’armoire, jetant des chemises à droite, à gauche, en l’air, sur la tête de Sammael. Une paire de dagues vieillissantes manquèrent d’aller se planter dans l’un des matelas et Azazel se retrouva vite au prise avec un pantalon en cuir. - AH-AH ! S’exclama-t-elle en sortant une robe blanche et noire qui, à n’en point douter, mettait chaque parcelle de son corps en valeur. Sans attendre une quelconque réaction, elle quitta les lieux pour aller prendre une douche. Ce qui ne lui prit pas longtemps cela dit puisque vingt petites minutes plus tard elle était de retour, une serviette autour de la poitrine, les cheveux encore dégoulinants d’eau. - Dépêche toooooi ! Trépigna-t-elle en attrapant ladite robe et en claquant l’une des fesses de la rose. Au cas où cette dernière voudrait répondre, Solveig s’empressa de faire un bon pour mettre une distance sécuritaire entre elles, après quoi elle lui tira la langue et se dénuda.

Quelques contorsions plus tard la jeune Valkyrie était devant le miroir, ajustant le nœud bicolore qui trônait sur sa poitrine. Elle ajusta également les bijoux décorant ses fines oreilles blanches et batailla quelques minutes avec le bijou de sa main droite. Mais enfin, elle fut prête. Par chance et malgré sa capacité à monopoliser le miroir, sa colocataire avait aussi réussit se préparer. Il ne lui restait plus qu’à passer voir sa sœur et elle serait fin prête.

- Ouvre cette porte Thépa Prêth ! Ouvre là parce que si je l’ouvre moi même je vais te coller une raclée bien pire que celles que papa mettait !  Thép-…

- C’est ouvert. Grogna une voix faible de l’autre côté.

- Ah. Pinçant les lèvres elle ouvrit la porte et passa la tête dans l’entrebaillure. - Par la sainte, depuis quand tu es enfermé dans ce trou à rat ! La pièce, plongée dans la pénombre fut rapidement baignée par les éclats rougissants d’un soleil descendant. - Tu n’es pas au courant ? Yuduar organise une petite sauterie ce soir. Il y aura tous les régiments. Vient ça te fera du bien. Et au cas où tu voudrais dire non, ce n’était pas une question. C’est un ordre. Dit-elle fermement lorsqu’elle vit sa cadette ouvrir la bouche. Elle eut d’ailleurs un petit sourire lorsque cette dernière la referma telle une carpe. Avec douceur elle vint s’asseoir sur le rebord du lit et passa une main dans ses cheveux comme leur mère le faisait lorsqu’elles étaient enfants. - Rester au fond de ton lit à te morfondre ne t’aidera pas à avancer. Vient avec moi ce soir, tous le monde sera content de te voir et je t’assure qu’il est bien plus drôle d’être saoul en compagnie d’ami que seul au fin-fond d’une chambre de la garde. Abandonnant sa crinière d’albâtre, elle se décida à fouiner dans les affaires de sa sœur. - Du noir, du noir… Du gris et ô surprise, du noir. Dis moi Thépa est-ce que tu as un jour songé à porter autre chose que les justaucorps de sous-armure ? Enfin je suppose que déjà si les gens te vois avec autre chose que ton armure ils seront bien content. Tu as vingt minutes, après ça je t’emmène de force, même si tu es encore nue. Je serais devant la porte si tu as besoin d’aide. Et sans attendre elle quitta la pièce.

Quelques secondes avant que Solveig ne manque de retourner chercher sa sœur par la peau des fesses, cette dernière daigna pointer le bout de son nez. Bientôt Sammael les rejoignis et le trio pu prendre la direction de la fête. Les bottes de la plus âgée des Prêth claquaient joyeusement sur le sol, tandis que celles de sa cadette émettaient un son redondant de raclement. C’est dans cette ambiance mi joyeuse mi déprimée qu’elles arrivèrent sur les lieux.

D’un simple regard, la jeune femme balaya l’assemblée à la recherche de visage connu. Principalement celui de Calixte. A vrai dire, c’était avec lui qu’elle avait un concours de boisson ! Mais force était de constater qu’elle ne le trouvait pas. A la place son regard tomba sur un fût, quelques mètres plus loin. Dans un petit bond, elle passa les bras derrière chacune des nuques qui l’entouraient, les obligeant à courber l’échines. - Vous voyez ce que je vois ? Elle les regarda tour à tour. - Ça les enfants… C’est le signe d’une soirée réussit. L’instant suivant elle leur avait faussé compagnie, partant clopin clopant se servir une bière.

- C’est une bien jolie fête… Glissa-t-elle dans un petit tirage de langue en passant aux côtés de Yuduar, le gratifiant également d’un coup de coude amical. - J’ai fais sortir ma sœur de sa grotte. Dit-elle en pointant cette dernière d’un coup de nez. Puis elle se retourna et s’affaira à se servir elle aussi un verre.  

Tout ne s’était pas passé comme prévu pour l’ancienne lieutenante. Elle qui pensait pouvoir revenir travailler, passer à autre chose et retrouver une vie normale. Elle avait simplement raté son coup. Certes, elle était revenue travailler, elle accomplissait son devoir du mieux qu’elle le pouvait. Mais elle était loin d’avoir réussi à passer à autre chose. Chaque jour elle revoyait passer devant ses yeux les souvenirs de Riley, les entraînements, les repas, les déambulations dans les couloirs. Tout lui revenait en mémoire et lui manquait terriblement. Peu à peu, elle s’enfonçait dans ses souvenirs, perdant le goût, n’appréciant même plus les repas. Comme si pour accompagner son amie sur la suite de son chemin, une partie d’elle avait été sacrifiée. Le médecin de la garde n’avait trouvé aucun remède, arrivant à la conclusion que seul le temps ferait revenir ce qui été pour le moment perdu.

Et c’est ainsi que Thépa s’était peu à peu renfermé sur elle-même, profitant de chaque occasion pour se réfugier dans sa chambre, volet fermé afin de se reposer. Du moins c’est ce qu’elle disait. Le sommeil ne venait pas, ou n’était qu’une compagnie passagère, la laissant somnoler sur son lit, comme en ce moment. Encore une fois, après son tour de garde, Thépa s’était effondrée sur son matelas, ne cherchant qu’une chose, le repos. Un moment tranquille où elle ne penserait à rien. Un moment qui ne voulait pas arriver. Elle était fatiguée de jouer la comédie pendant son travail, faire croire aux gens qu’elle était en forme, qu’au final tout aller bien pour elle et qu’elle parvenait à surmonter l’épreuve. Pour l’image de la garde, elle se devait d’être forte, de ne pas montrer ses problèmes personnels pendant son travail. Mais c’était une façade qui disparaissait dès qu’elle avait fini, dès qu’elle devait revenir à sa propre vie. Une voix se fit entendre derrière la porte. Solveig.

« C’est ouvert… »

La voix de Thépa était faible, fatiguée. À plat ventre sur son lit, elle ne bougea pas d’un pouce lorsque sa sœur rentra dans la pièce. Elle ne répondit pas à la question. Cela faisait bien trop longtemps qu’elle était enfermée, elle le savait. Mais elle n’avait pas envie de sortir, bougeant uniquement pour aller manger, silencieuse, histoire de survivre avant de retourner dans sa chambre. Elle n’eut pas le temps de protester à l’ordre de sa sœur et hocha la tête. Sortir, une chose qui lui paraissait si difficile actuellement. Une chose qu’elle n’avait pas envie de faire. Tout comme boire avec des gens, depuis un moment, elle s’était mise à boire seule, faisant attention à ne pas se faire remarquer. Mais comme attendu sa sœur l’avait remarqué, faisant grimacer Thépa.


« Ouais ouais je sais… » Dit-elle d’une voix sourde, lentement elle se redressa sur son lit, s’asseyant péniblement alors que sa sœur fouillait ses affaires. Elle ne réagit même pas aux différentes remarques frottant son visage pour réveiller son esprit. « J’arrive. » De toute façon elle n’avait pas le choix. Elle savait que si elle voulait être tranquille, elle devait céder au caprice de sa sœur et sortir de son antre. Voir des gens, tenir la soirée avant de retrouver son lit. Bien plus tard. Elle laissa quelques minutes passer après que Solveig ait refermé la porte de sa chambre avant de se lever. Choisir ses vêtements n’était pas bien compliqué pour elle, elle n’avait rien, rien de prévu pour ce genre d’occasion. Préférant les choses simples et faciles à porter.

Et c’est à la minute près qu’elle ouvrit la porte de sa chambre. Habillée d’un simple pantalon souple noir et d’une tunique de la même couleur. Un léger sourire et un haussement d’épaules accueillirent Sammael et sa remarque. « Pas le choix ». Sans se presser, elle suivit ses deux camarades, traînant légèrement des pieds. Chaque pas était difficile, elle savait qu’une fois sur place, elle ne pourrait plus repartir, elle devrait affronter le regard des autres. Et tout ça, pour participer à un repas dont elle ne saurait même pas dire le goût.

Elle grimaça lorsque sa sœur se pendit à sa nuque en annonçant que la soirée était réussie. Conciliante, ne voulant pas froisser sa sœur, elle hocha la tête et la laissa partir. Une soirée réussis, sans doute pour tous ceux ici présents. Le capitaine avait encore vu les choses en grand et ne s’était pas privé sur le matériel et la quantité de nourriture et de boisson. Lâchant un soupir alors que Sammael aller chercher elle aussi à boire, Thépa ce mit à avancer vers le bar. Avec de la chance, l’alcool l’aiderait à passer une bonne soirée. C’est avec cette idée en tête qu’elle se fit servir une bière fraiche qu’elle entama sans attendre. Ignorant ceux autour d’elle, ne voulant pas supporter les regards ou une conversation, elle se concentra sur sa bière qui n’avait absolument aucun goût.

Refermant avec précaution le dossier qu’il avait en main, Calixte coula un regard prudent à la porte close qui le dissimulait à la vue de ceux déambulant devant le bureau du Capitaine Al Rakija. Les bruits de pas allaient et venaient dans le couloir adjacent, haltant régulièrement ses mouvements et raidissant ses doigts prêts à fusionner à la moindre alerte. Mais il semblait que, pris dans l’effervescence de la soirée qui s’annonçait, nul n’avait besoin de se rendre dans le bureau du maître des lieux. Et que même ce dernier semblait bien plus disposé à prêter main forte à la préparation des festivités, plutôt que de se cantonner à de la bureaucratie. Ce qui arrangeait pas mal les affaires de l’espion. Profitant du roulement des équipes de la logistique pour s’éclipser sur un temps de pause, il ne lui avait fallu qu’un regard à la silhouette du Capitaine – contemplant l’avancée des préparatifs les fesses posées sur un tonneau et une belle pinte vissée entre ses mains – pour décider de payer au bureau déserté une petite visite de courtoisie. Cela faisait maintenant quelques lunes que l’espion surveillait la paperasse – comme les agissements – de l’homme pour le compte du Maître-Espion, et profiter de l’ambiance affairée paraissait être une bonne idée. D’ordinaire, le planning chargé du coursier comme celui du Capitaine – qui en plus paraissait prendre un malin plaisir à être à son bureau de manière complètement aléatoire – lui rendait la tâche compliquée en journée. Mais cela faisait un bout de temps qu’il n’avait pas jeté un œil aux papiers d’Al Rakija, et il ne comptait pas faire autre chose que festoyer cette nuit.

L’opportunité lui avait permis de mettre son nez dans quelques dossiers – dont un peu engageant reprenant le dernier bilan comptable du Bastion et qui lui avait rappelé avec amusement son passage devant la Commission avec Xylia quelques semaines plus tôt pour des histoires de financements disparaissant sur le chemin de la Capitale au Grand Port – mais rien de bien folichon. Était-il temps d’aller mettre son nez dans des affaires autrement plus personnelles ? Ses yeux ambrés parcoururent rapidement la table pour vérifier que toute trace de son passage avait été effacée, et il réactiva son aspicass par précaution. Satisfait de l’état dans lequel il laissait ainsi le bureau, il traversa la pièce en évitant les divers obstacles parsemés tout en prenant soin de rester hors du champ de la fenêtre, et il fusionna avec le mur adjacent.

Visiter la chambre du Capitaine avait été une nouveauté amusante et distrayante, qui perdait peu à peu de son charme à mesure que ce dernier prenait son temps pour explorer sa garde-robe et se dépoiler en se préparant pour un saut sous la douche. Calixte, coincé dans une chemise trainant sur le dossier d’une chaise dans laquelle il avait tout juste eu le temps de fusionner alors que la porte s’était ouverte sur Al Rakija, se félicitait d’avoir eu le temps d’actionner son aspicass afin que la pièce retrouvât l’aspect qu’elle avait initialement. Avant son furetage. Il avait peut-être été un peu optimiste sur sa fenêtre d’action. Le Capitaine disparut enfin dans sa salle de bains dans un nuage de vêtements et de notes chantonnées, et l’espion défusionna prudemment de la chemise dans laquelle il s’était réfugié. Utilisant son pouvoir pour glisser jusqu’au mur le plus proche, et s’éclipsa comme il était venu. Peut-être qu’à défaut d’autre chose, les mensurations d’Al Rakija intéresseraient Zahria.

Repassant par le dortoir qu’il partageait avec Khalie, Calixte hésita un instant avant de se prêter au jeu du changement d’habits. Le tirage au sort avait voulu qu’il fît partie de ceux de la logistique qui continueraient à chapoter les festivités à mesure qu’elles se déroulaient, mais cela ne signifiait pas qu’il n’avait pas le droit de quitter lui aussi l’uniforme. Optant pour des vêtements moins stricts, il enfila une légère chemise aux teintes claires cintrée sur un pantalon sombre par une large bande de tissu foncé. Saisissant le foulard que Solveig lui avait offert, il le fourra dans le petit sac sans fond à sa ceinture. Malgré l’ambiance estivale et les âmes échauffés, le cœur de la nuit serait peut-être plus frais. Quittant la pièce toujours vide – Khalie était-elle en mission ? s’était-elle déjà changée ? … était-elle allée trouver un certain lieutenant ? – le coursier haussa les sourcils en accrochant la silhouette d’Apolline débouler vers le couloir. Il avait espéré que, plongée dans ses derniers écrits, elle passerait la soirée cloitrée dans la chambre. Mais il aurait dû se douter que l’ambiance joyeuse des festivités – et ses milliards de potins – serait bien trop alléchante pour l’âme artificielle. Dans un soupir résigné, il rejoignit ses camarades de la logistique.

Il déposa – enfin lâcha – deux nouveaux fûts auprès du bar improvisé, et il raya une ligne sur le registre trainant négligemment sur le comptoir. Acquiesçant au commis transformé en barman pour l’occasion et qui ne semblait plus trop où donner de la tête, il attrapa une choppe pour la remplir de bière avant de la tendre à l’ancienne lieutenante des Valkyries.

- Désolé, elle doit pas être hyper terrible, fit-il en jetant un coup d’œil aux annotations de la liste des breuvages contenue dans le registre. On n’a rien de mieux, Tristan ?
- Pas pour la bière ! File-moi ces bouteilles-là. Apparemment pour l’budget l’a fallu faire quelques concessions.

Les documents du bureau du Capitaine lui revinrent en mémoire et Calixte hocha doucement la tête. Attardant quelques secondes son regard sur le visage défait et l’humeur visiblement sombre de Thépa Prêth, le coursier se demanda si celle-ci était venue de son plein gré ou si c’était Solveig qui l’avait tirée jusque-là. D’ailleurs, où était donc l’enthousiaste Valkyrie ? L’ambre de ses yeux quittèrent la chevelure pâle de l’ancienne lieutenante pour chercher celle de sa sœur… pour revenir à Thépa qui se mangeait le comptoir suite à la grosse claque d’un courant d’air. D’un courant d’air bariolé.

- Oups là ; ça va ? Tenez : prenez ça pour vous essuyer, j’vous change la bière comme la première est partie s’écraser… quelque part, grimaça Calixte en tendant un torchon à la jeune femme avant de s’exécuter.

Son regard intrigué retomba sur la silhouette enjouée et bigarrée de la nouvelle venue, et il se demanda s’il ne l’avait pas déjà vue quelque part.

- Hé elle a la banane ! s’exclama une voix qu’il ne connaissait que trop bien.

Sur le comptoir à côté de l’espace où Thépa se remettait de ses… émotions, Apolline et Louis – l’âme artificielle de Solveig – étaient enlacés par la boucle et se faisaient un malin plaisir de jouer les commères. Un peu perturbé par la vision de la trousse et de la dague ainsi jointes, Calixte perdit temporairement le fil des éclats de voix un peu plus loin, avant que les deux âmes ne les remissent en avant.

- Ahahah il est bon, ce Capitaine. Dommage que mon bouquin soit déjà fini. Queen Milan ça aurait été de sacrés développements supplémentaires ! Hé Louis, tu crois qu’il va finir avec qui ce soir ? Faut qu’on aille interviewer cette nana, elle a l’air d’en savoir au taquet !

Regardant les deux âmes sauter du comptoir pour se frayer un chemin vers le cœur de l’attention – et apparemment bien décidées à aller squatter l’épaule de Sammael – Calixte marqua un temps d’hésitation. N’était-ce pas dangereux de laisser une arme se laisser ainsi trimballer ? Ne voulait-il pas aller saluer Solveig qu’il apercevait enfin un peu plus loin. Un peu plus proche de l’animation si attirante pour Louis et Apolline ? Soupirant, il embarqua une caisse de bouteilles déjà vides et repartit vers le garde-manger où étaient entreposées les réserves pour la soirée. Pour le moment, un peu de distance semblait être une bonne idée pour observer la suite des choses.

Pour ne rien vous cacher, je ne sais pas dire si l’idée du barbecue me plait. Attention, je ne dis pas qu’il s’agit là d’une mauvaise idée! C’est même très bien pour ceux qui souhaitent renforcer les liens avec les camarades autour de la boustifaille et d’un peu d’alcool. Mais pour ma part, je ne suis pas de celle qui aime être entourée de bien des gens et quand j’ai voulu faire la demande d’être de garde au moment de cet évènement, un certain Lieutenant m’a refusé cela et exigeait ma présence au barbecue. Il a eu droit à un long soupir, un regard courroucé, mais rien de plus. Mis à part Calixte et Val’ je dois dire que je ne suis pas très proche des autres.

Alors je me prépare dans ma chambre le moment venu, optant pour une coiffure étirée. Pas de couette cette fois-ci, je ne veux pas nécessairement avoir l’air d’une gamine. Je mets une jupe dont la taille remonte jusqu’à mon nombril et qui descend en A jusqu’à mes genoux. À mes pieds, je mets une paire de chaussures à la semelle plates. Pour mon top, j’opte pour un top ajusté court à l’encolure dégagée ayant de longues manches et pour finir un grand chapeau noir que je dépose sur ma tête. Moi et le soleil on ne s’aime pas tant pour tout dire, mais on fait avec! Un maquillage simple, j’assombris un peu mes lèvres et me voilà prête, mais avant tout, je me dirige vers la chambre de mon lieutenant pour que nous rejoignions la cour ensemble.

D’ailleurs pour s’y rendre c’est tout un exploit! Il faut esquiver tout ce beau monde qui s’active à préparer le tout et une fois sur les lieux, Val semble repérer les autres soldats sous sa tutelle et les rejoins pour taper la discute avec. Du coup, j’essaie de me montrer utile et aide à l’installation des tables. On me jette des regards étranges comme s’ils ne savent pas qui je suis, mais bon, il faut dire que je ne les ai pas habitués à ce genre de tenue. Je montre moins de peau qu’à l’habitude et j’ai l’air bien sérieuse. Du coup, une fois fait, je me trouve un verre de bière et retourne vers les autres toujours en discussion et j’arrive pile au moment! Ce grand con semble s’amuser à parler d’un moment très important pour moi comme si c’était une blague. Alors je ne me gêne pas et lui pince le bras. « Val! Sérieusement?! » dis-je les sourcils froncés. Les hommes se marrent et moi je fais la moue comme à mon habitude. Bien évidemment je lui sers par la suite de porte-vêtement, ce qui ne me dérange pas plus que cela, puisque ça me permet de me rincer les yeux et lui de faire son paon. Tant que les autres ne touchent qu’avec les yeux, je m’en fiche.

« Alors, comme ça le lieutenant et toi… me dit l’un d’eux un grand sourire aux lèvres.
- Hmm? Fis-je en tournant la tête comme si on m’avait prise sur les faits.
- Vous êtes ensemble? Se montra-t-il un peu plus curieux.
- Oui, un petit sourire illumine mon visage puis je lui donne quelques petits coups de coude, Jaloux? Tu voulais le lieutenant pour toi, c’est cela? »

On se marre bien puis Val, nous rejoint finalement afin de remettre sa chemise avant d’essayer de sortir des conneries à nouveau concernant le bel’incandescent… Je lui mets un coup de coude dans les côtes sans me gêner… Sur le coup, il vaut peut-être mieux que je m’en éloigne un peu sinon on va finir par croire que je le tabasse et me dirige finalement vers le barbecue où la nourriture commençait à affluer. Je me prends quelques brochettes, une petite grillade de lard assaisonné et rempli le reste de mon assiette d’accompagnement en tout genre et je me cherche finalement un coin tranquille où me diriger. Enfin, je fais quand même un petit tour du terrain tentant de saluer les gens que je croise histoire de faire un peu de sociale et je vais vite me resservir une bière avant d’écouter un peu les conversations qui se tenaient autour de moi. D’ailleurs, est-ce que le lieutenant Calyx est présent? Faudrait bien que je lui présente de nouveau mes excuses pour l’avoir frapper le pauvre…

Un maigre sourire apparut sur le visage de Thépa, l’espace d’un instant. La bière n’était pas la meilleure. Elle s’en fichait totalement. De toute façon, elle n’en sentait même pas le goût de ce qu’elle buvait, mais ça, elle n’allait pas l’avouer aux autres. C’était son problème et bien peu étaient au courant. Prenant une gorgée elle hocha la tête et lâcha.

« Pas de soucis ça fera l’affaire. »

Oui, de toute façon, pour se mettre à l’envers il n’y avait pas besoin d’utiliser la meilleure bière, loin de là. Ce serait même du gaspillage dans le cas de la Major.  Et alors qu’elle commençait à entamer sérieusement la bière, elle reçut un coup dans le dos, la projetant légèrement en avant. Prise par surprise, elle lâcha sa boisson qui se répandit en partie sur elle puis sur le sol. Elle mit un instant à comprendre ce qui s’était passé et attrapa par réflex le torchon qu’on lui tendait. « Merci. » Commençant à essuyer la bière sur sa tunique afin d’en enlever le plus gros, elle regarda derrière elle. La responsable était déjà loin, continuant son manège et ne semblait pas appartenir à la garde. Lâchant un soupir, elle laissa tomber. Voulant juste être tranquille et essayer de profiter des festivités en emmerdant le moins de monde possible avec son humeur, elle ne comptait pas faire un scandale pour si peu. Même si elle aurait bien aimé lui faire un croche-patte et la regarder manger le sol, elle ne bougea pas de sa position.

Se retournant vers le bar elle attrapa machinalement sa bière « Encore merci. » puis elle se remit à boire. Avec un peu de chance, la bière allé sécher rapidement, l’odeur en elle-même ne la déranger pas, pour le moment, demain serait une autre histoire, mais elle n’avait pas envie d’y penser pour le moment. Haussant un sourcil, elle écouta avec étonnement deux âmes discuter d’une conversation plus lointaine avant d’aller sur les lieux de leur investigation. « Le capitaine fait tant de choses que ça pour qu’un livre soit écrit ? ». La question était posée sans réelle envie de réponse. Une question que Thépa s’était posée à haute voix sans se soucier de qui pouvait l’entendre, même si il y avait suffisamment de monde autour d’elle pour que cela ne passe pas inaperçu. Et peu après, un homme s’assit à côté d’elle.

Une bière à la main, borgne, les cheveux noirs. Un coup d’œil suffit à Thépa pour identifier l’homme qui venait de s’asseoir à côté d’elle. C’était celui qui avait pris son poste lorsqu’elle avait chuté. Elle s’en foutait. Tout ce qui était arrivé était de sa faute et l’homme n’avait rien à voir avec ça. Lentement elle prit une gorgée « Et vous me conseillez quoi qui ne me fera pas rouler sous le bar pour une occasion de ce genre ? ». Posant sa bière à moitié vide sur le bar elle s’étira lentement en se demandant ce qu’il allait bien pouvoir proposer. Peut-être que quelque chose de plus fort parviendrait à réveiller son palais et à faire en sorte qu’elle retrouve le goût. Mais ça, elle en doutait fortement.

Est-ce qu’elle allait mieux ? Solveig aurait sans doute aimé répondre que oui. Malheureusement c’est par la négative qu’elle le fit. Si elle n’en avait pas l’air, elle n’en restait pas moins l’aînée et il était de son devoir de s’inquiéter pour Thépa. Un devoir qu’elle menait sans doute un peu trop à bien. Quoi qu’elle aurait sans doute dû s’impliquer un peu plus à ses côtés lors de la disparition de Riley. Des quelques informations qu’elle avait réussit à glaner de ci et de là, les deux valkyries étaient très proche. Sans doute bien plus que Solveig ne l’était avec sa propre sœur. D’une certaine façon, cela la rendait jalouse. Mais n’était-ce pas sot d’être jaloux d’un mort ? Poussant un soupire elle leva les yeux en direction de Yuduar.

- Mais elle ira mieux, tu verras. Eut-elle le temps de lui glisser avant que Sammael ne rapplique avec de quoi grignoter. Loin de se faire prier, elle piqua immédiatement un beau morceau de viande qu’elle se mit sous la dent. Laissant ses deux compagnons discuter ses yeux vairons se remirent à fouiller la foule. Repérant les emplacements des uns et la présence des autres. Et pour la première fois depuis son arrivée, un petit sourire naquit aux coins de ses lèvres. Calixte avait enfin décidé de pointer le bout de son nez ou du moins elle l’avait enfin repéré. Sans doute que la blanche serait allée saluer son ami si seulement une tornade blonde et remplit d’un vent de beaufitude ne s’était pas mit en travers de sa route.

Astrid était un étrange personnage que Solveig avait eut la chance - ou pas - de rencontrer au détour d’un jeu de plateau. Et d’aussi loin qu’elle se souvenait, ses manières ne s’étaient toujours pas améliorées. Cela n’était pas franchement pour la déranger. En vérité, elle l’a trouvait même amusante. C’est donc un poing sur la hanche et un sourire hilare qu’elle accueillit la blonde. - Astrid... Tu es toujours aussi chanceuse au jeu... ? Minauda-t-elle. Au passage elle se pencha vers Sammael pour lui murmurer : - Tais-toi et observe, ça va être du grand spectacle.  La pauvre ne croyait pas si bien dire.

A peine eut-elle enfournée un deuxième bout de viande dans sa bouche qu’il effectua directement le trajet inverse, droit en direction d’Astrid. Les rumeurs allaient définitivement trop vite et encore plus lorsque c'était elle qui avait le sujet en main. Par pure curiosité, la jeune Prêth aurait voulu questionner le brun au sujet de Queen. Cette Queen ? LA Queen ? Mais après un regard en direction de la rose elle préféra tourner les talons en sifflotant. Non pas que les aventures de Yuduar ne l’intéressait pas mais si elle pouvait éviter le regard lourd de sens que portait Sammael dans sa direction, elle le ferait.

Sur le chemin en direction de la boisson, elle croisa un duo quelque peu particulier. Apolline et Louis. Si il y avait quelques jours de cela quelqu’un avait tenté de lui faire croire que ces deux là seraient cul et chemise, elle n’en aurait pas parié un cristal et pourtant… S’arrêtant en plein milieu, ses yeux suivirent la démarche chaloupée et grotesque de la petite trousse de cuire tandis qu’au travers des voix elle pouvait entendre :

- Oh Mademoiselle Prudence ! Soyez sage, ne buvez pas trop et tenez vous droite ! Mademoiselle Apolline et moi avons a faire mais n’ayez crainte, je veille au grain !

Lèvres pincées, un sourcil arqué, elle ne put s’empêcher de penser que justement, elle ferait mieux de veiller au grain. Toutefois les responsabilités et Solveig n’avaient jamais fait bon ménage. Du coin de l’œil elle aperçut Calixte quitter les lieux et il n’en fallut pas plus pour que son attention soit complètement déviée. De toute façon, lorsqu’elle risqua un nouveau regard en direction des âmes elle fut forcée de constater qu’elles avaient toutes deux disparus. Qu’à cela ne tienne, elle avait d’autres chats à fouetter et ce n’était certainement pas une dague trouillarde et une trousse en cuir qui allait changer ses plans !

En douce elle se glissa dans l’ombre du jeune homme, comme lors de leur première rencontre. Ainsi, elle le suivit un moment, se cachant parmi la foule s’il semblait avoir un doute et enfin elle se glissa plus proche encore dans son dos, tendit les mains et les déposa sur ses yeux.

- Est-ce qu’il vous arrive de ne pas avoir l’air perdu dans vos pensées jeune homme ? Lui souffla-t-elle à l’oreille. - Sans compter que vous avez un paris à honorer… Eheh. Sourit un peu ! C’est jour de fête non ? Lui rendant la vue, elle laissa choir ses bras sur ses épaules et vint également poser son menton sur celle de gauche. - Tu n’es pas de bonne humeur ? Tu n’avais pas envie d’être au bar ? Tu as faim peut-être ? Ou tu t’inquiètes pour Kana ? Ses deux mains se levèrent et elle tira doucement sur ses joues. - Aller un petit sourire Calixte ! Après ça, elle le relâcha dans un petit rire.    

Réno poussa un grognement, s’étira et passa un coup d’œil résigné par-dessus l’épaule de Calixte. Comme son camarade, et son grand désarroi, il faisait partie de ceux tirés au sort parmi les effectifs de la logistique pour tenir la baraque le temps de la soirée. Il aurait été plus juste de préciser : pour une partie de la soirée. Mais le coursier voyait d’un œil chagrin l’occasion de festoyer – et draguer – pleinement amputée de quelques heures.

- Ca devait être mon rendez-vous galant avec Agatha, gémit-il en posant son menton sur le sommet de la tête de son collègue plus petit.
- Il n’y a effectivement rien de mieux qu’un barbecue avec tout le régiment comme premier rendez-vous, commenta Calixte amusé en continuant à remplir le formulaire entre ses mains.

Les consommations allaient bon train, et les tableaux de notes d’Emeor Calyx se remplissaient tout aussi gaiment. Si le lieutenant avait dû faire une apparition pour contrôler le travail de ses troupes, nul doute qu’il aurait été grandement satisfait de ses dossiers administratifs judicieusement préparés à l’avance.

- Et évite peut-être de coller ton collègue si tu veux avoir un espoir de capter l’intérêt sentimental d’une quelconque tierce personne. Barre ce tonneau-là et vire-le à côté des autres.
- C’est pas un intérêt sentimental que j’veux. File-moi une craie.
- Dans le bac à ta gauche… je ne comprends pas qu’Agatha n’ait jamais accepté tes avances.
- Moi non pl… je t’emmerde.
- Garde tes mots d’amour pour la fois où ton association avec Apolline viendra te mordre les fesses. Tiens, je te laisse ranger ça. Je vais faire un point côté des cuisiniers.
- En parlant de fesses, ta coloc…
- Si tu veux que Val imprime le contour de ses bottes sur les tiennes de fesses, vas-y, éclata de rire Calixte en laissant son regard suivre celui de Réno, accroché à la silhouette de Khalie déambulant entre les soldats un peu plus loin.

Ils se séparèrent dans un grognement – pour Réno – et un pouffement amusé – pour Calixte – et ce dernier prit la direction du front de l’évènement. A savoir le barbecue, et l’armée de commis s’affairant sous les ordres du cuisinier en chef. Il y avait là un balai bien orchestré, rodé par l’expérience et la discipline, que l’occasion poussait néanmoins dans des retranchements peu familiers. Une tension toute particulière se lisait dans la posture de l’homme qui supervisait l’entreprise, ainsi qu’une certaine fierté. Le coursier dépassa Khalie qui semblait ne pas avoir tellement d’objectif autre que de profiter tranquillement de sa soirée, lui adressa un petit signe de la main, et poursuivit au-delà du nouveau et de l’ancien lieutenants qui taillaient la bavette. Une ou deux fois il hésita dans sa démarche, jetant un coup d’œil par-dessus son épaule. Il avait l’étrange impression d’être suivi. Mais dans cette joyeuse foule de ventres affamées et de gorges assoiffées, il lui était difficile de vraiment mettre du concret sur cette sensation. Enfin qu’importait, ça n’était pas comme si on risquait de lui sauter dessus lors d’un évènement aussi public.

Ou peut-être que si. Mais effectivement pas sous la forme du danger. Ou, en tout cas, d’un danger évident. Alors qu’il zigzaguait entre deux commis affairés, deux mains obstruèrent soudainement sa vue et ses lèvres lâchèrent une petite exclamation surprise. Ou un étranglement. Enfin rien de très élégant. Attrapant l’une des mains joueuses qui mettait à mal son faciès, et tira une langue faussement outrée à la Valkyrie qui l’avait rejoint.

- Je vous ferai savoir, jeune femme, qu’il en a qui bossent. Sachez que j’ai là un travail de la plus haute importante : remplir le ventre de tous ces braves affamés. Enfin… courir aux réserves chercher ce dont les cuisines ont besoin, veillez à un écoulement raisonné des denrées et tenir les registres appropriés. Mais qui fait la différence ? finit-il sur un grand sourire amusé faisant miroir à celui de Solveig.

Il se dégagea doucement de l’étreinte de son amie, et son regard embrassa pour la première fois ses courbes joliment drapées pour l’occasion. Il était difficile d’oublier que la Valkyrie, en plus d’être une combattante aguerrie, une femme remarquable et une compagnie agréable, était aussi un joyau de beauté. Et pourtant, dans la vie quotidienne peu glamour de la Garde, malgré un œil régulièrement baladeur – qui devait connaitre la plupart des mensurations de ses collègues tous sexes confondus – Calixte avait plus ou moins occulté l’attrait physique que représentait la silhouette de Solveig. Ce soir, parée d’étoffes et de bijoux mettant ses formes en valeur, la jeune femme ne rayonnait pas seulement de sa vivacité usuelle. Elle resplendissait de charme tout simplement. Un instant troublé, le coursier hésita autour des doigts qu’il avait gardés dans sa main, avant de les serrer doucement.

- J’ai encore deux grosses heures à tirer, poursuivit-il d’un ton songeur. Et si tu ne m’as pas trop devancé d’ici-là niveau boisson, on peut se faire cette compétition, promit-il dans un sourire distrait.

Je fais ma petite tournée, me glissant entre les gardes présents tous vêtus de façon décontractée ou bien en beauté. Dans tous les cas, aucun d’eux n’avait leur attirail dans lequel il m’était plus habituel de les voir. Val’ s’en était allé au bar histoire de discuter avec l’ancienne lieutenante à qui il avait pris son poste alors que moi je continuais à chercher le premier lieutenant. Il s’avère qu’un bon jour  quelqu’un avait déposé sur le lit de Valentino, alors que nous partagions la chambre à trois,  une belle bouteille. Cal et moi-même pension qu’elle appartenait à l’officier alors que n’en fait pas du tout! Quand on a bu une gorgée de cet alcool, on s’est retrouvé petit sans réel souvenir de nos jours présent. Bref tout ça pour dire, qu’encore aujourd’hui, je m’en veux d’avoir donné un coup de pied au tibia du lieutenant. Mais si seulement c’était que cela. Non, je lui ai mis un coup de poing en plein entrejambe avec toute la force qu’une enfant de six ans pouvait avoir à ce moment. Seuls les hommes peuvent réellement témoigner de la douleur qu’il a éprouvée à ce moment, mais dans tous les cas, cela lui avait pris du temps avant de se remettre à notre poursuite. Heureusement, il ne nous a jamais rattrapés et je me demande s’il sait qu’il s’agissait de nous…  Je ne peux m’empêcher de rigoler en y repensant. Peut-être que dans le fond, je suis mieux de tenir cela mort, non?

Je glisse donc un morceau de viande tenu par mon pic de bois dans ma bouche et je constate plus ou moins les dégâts que causa l’un de nos invités spéciaux. Je ne la connais pas, je ne l’ai jamais vu, mais elle doit être l’amie du capitaine puisque c’est là qu’elle s’était aussitôt diriger en lâchant une bombe dès d’entrée de jeu. Je connaissais les rumeurs d’un supposé harem, mais quand même, venir ici le demander, c’était un peu effronté, non? Je hausse les épaules et me retourne, croisant ainsi Calixte qui me fait un petit signe de la main. Je suis contente de le voir! D’ailleurs, pour ne pas mentir, il a été le premier mis au courant de notre relation à Valentino et moi-même. Je ne voyais surtout pas de raison de lui cacher puisqu’après tout, il allait très certainement se douter de quelques choses si je finissais par découcher. Enfin, seule chose, c’est que je ne lui ai pas encore dit que je comptais peut-être m’acheter une propriété non loin d’ici. Je suis toujours à la recherche, mais je crois qu’il est temps que j’aille mon chez-moi et que je vole un peu de mes propres ailes.  Dans tous les cas, je lui retourne son salut, d’un geste de la main couplé d’un véritable sourire et je laisse partir à ses occupations.

Par la suite, mon regard semble attiré par une rouquine que je reconnais bien. Malheureusement, je n’ai pas été témoin de ce qu’il vient de se produire, mais je la vois tout de même se relever et épousseté sa jolie robe verte. Sans hésitation, je fonce aussitôt vers elle afin de vérifier si elle se porte bien. Je joue un peu du coude pour me faire un passage, après tout à un mètre soixante, tout le monde semble plus grand et on ne nous voit pas toujours et je finis par m’arrêter devant la jolie rouquine.

« Leoven! Est-ce que ça va? Je t’ai vu de te relever. Quelqu’un t’a bousculé? Tu as vu c’était qui? »

Ah oui, je suis au taquet moi. Si elle a pu le voir, je ne vais pas hésiter d’aller dire ma façon de penser à cette personne qui ne s’est même pas arrêtée pour l’aider!  Enfin, dans tous les cas, elle ne semblait avoir rien de cassé mis à part un peu de poussière sur sa tenue.

« Tu veux quelque chose à boire ou une brochette? » Que je finis par lui demander en lui tendant mon assiette alors que je prends une seconde bouchée de ma brochette en main.

Calixte lui arracha un irrésistible sourire. Si ça n’avait tenu qu’à elle, sans doute l’aurait-elle gardé encore un moment dans ses bras. Les instants affectueux étaient bien trop rare au goût de la jeune femme, ainsi elle manquait rarement une occasion. Cette fois, cependant, elle devait bien admettre que le moment aurait été mal choisit. Pas aveugle pour un sous elle avait bien remarqué que le coursier ne faisait pas des allers et retours par simple plaisir. Mais elle avait espéré l’arracher égoïstement à sa tâche. C’était sans compter son sens du devoir un petit peu trop présent. Une moue chagrinée déforma ses traits alors qu’elle faisait gigoter sa main pour saisir avec plus de fermeté les doigts qui la maintenait.

- Anhw… Tu es parfois si sérieux ! Râla-t-elle. - C’est donc une façon polie de te débarrasser de moi… Elle plissa les yeux, l’air suspicieux. - Enfin ! Je suppose que je devrais noyer mon chagrin dans le viande du barbecue et dans quelques bières en attendant ton retour. Posant une main sur son front elle emprunta des airs de vierge éplorée avant de le gratifier d’un sourire moqueur. - Ne t’en fais pas, je ne prendrais pas plus de ton temps. Se faisant, elle porta sa main contre sa joue puis à ses lèvres. A croire que les manies de Calixte avait finit par devenir, chez elle aussi, une vilaine habitude. - Je passerais sans doute dire bonjour à Reno, en plus j’ai vu que Thépa avait échouée dans votre coin. Évite de la laisser trop boire tu veux ? Au rythme où elle descend les bouteilles elle ne ressemblera bientôt plus qu’à un gloot avec une cirrhose. Et crois moi ça ne serait pas beau à voir. Sa seconde main vint se poser sur la joue du jeune homme et Solveig sourit de plus belle. - N’oublie pas de te reposer, je ne tiens pas a concourir face à une épave. Déjà que l’épreuve risque d’être difficile pour toi… Le nargua-t-elle une dernière fois avant de daigner le libérer. - Je te dis a tout à l’heure, va donc remplir ta mission héros ! Elle s’esclaffa et repartie clopin-clopant dans la direction d’où elle venait.

C’est donc de cette allure guillerette qu’elle arriva près du comptoir, flanquant une grande claque dans le dos de Valentino en guise de bonjour, suivit d’une petite série de coup de poings amicaux. Avant même d’échanger quelconques paroles elle se hissa sur le bois à moitié à plat ventre afin de  pouvoir interpeller proprement une personne en particulier.

- Renooooooooooo ! S’écria-t-elle d’une voix faussement plaintive. - Sert moi à booooire, je meurs de soif ! Et si tu as un quelconque truc dans ce bar qui soit à base de fruit rouge, je prend ! Ah au fait, Calixte t’as dis qu’Agatha allait venir ? Quoi que je crois avoir entendu qu’elle t’a mit un râteau. Mais tout n’est pas peine perdu ! Je crois en toi ! Le poing levé en guise de soutient, elle lui adressa son sourire le plus encourageant et daigna enfin lâcher le comptoir pour se tourner vers Valentino et Thépa. Cela faisait plusieurs semaines qu’elle n’avait pas vu le jeune homme et c’était une bonne chose. Comme elle l’avait supposé et déjà remarqué par le passé, le temps faisait son affaire. Leur dernière rencontre remontait à la saison fraîche et leur séparation avait pour le moins était aussi douloureuse que nécessaire. Les jours s’égrainant comme le sable d’un sablier, la douleur s’en était également aller, emportant avec elle les vestiges d’une affection toute différente de celle qu’elle lui portait aujourd’hui. Dans une pirouette Solveig se glissa entre les deux garde, prenant chacun d’eux par les épaules.

- Aller Thépa, fait un effort et sourit ! Valentino est un poil rustre mais pas mauvais bougre ! Elle gratifia l’intéressé d’un coup d’œil ouvertement taquin. - En plus je suis sûre que si tu le fais rire tu ne pourras pas t’empêcher de rire aussi ! C’est une valeur sûre ! Énième pique amicale dans le but de détendre l’atmosphère que sa sœur semblait bien décidée à laisser en l’état. - Tu reprendras ta place un jour où l’autre, alors en attendant prend du temps pour toi d’accord. Sa main passa, fugace, sur la joue de sa cadette, son regard se fit un peu plus tendre et ses mots s’adoucirent comme si elle s’adressait à sa petite sœur d’il y a quinze ans. Cet instant suspendu ne dira qu’un temps et rapidement la tornade de son caractère reprit le dessus. - Toi sois gentil avec elle ! Elle n’est pas en forme ! Elle lança un regard en direction de Thépa, qui, elle le devinait, devait la fusiller du regard. Mais elle l’ignora tout bonnement et simplement. - Et évite de la faire boire à outrance, elle doit déjà en être à sa troisième pinte de la journée. Ah et si elle est trop saoul, vient me chercher. Son doigt se dressa, inquisiteur, devant le nez de Valentino, comme elle l’aurait fait en s’adressant à Samaël. - Et tu as…  Oooh ! La chope qui se posa avec force non loin d’elle la coupa dans son élan et elle se précipita pour la prendre, laissant son nez humer les odeurs. - Aaaah Reno, quel homme de goût ! Dit-elle, ironique. Sans doute aurait-elle poursuivit la conversation si la voix d’Astrid, perçante, beaucoup trop pour son propre bien, fendit l’air jusqu’à ses tympans. L’appel du ragot paraissait soudainement irrésistible et tant pis pour les rumeurs concernant Rakija. - Je dois filer ! Adressa-t-elle distraitement aux trois personnes dans son dos.

Ses oreilles pointèrent en direction du petit groupe qui s’était amassé autour d’Astrid. Lorsqu’elle les avait quitté ils n’étaient que trois et voilà qu’ils étaient maintenant cinq. De plus la blonde semblait détenir des informations que même elle n’avait pas réussit à glaner. Et rien que pour ça elle pouvait bien supporter les sous-entendu quant aux aventures de Yuduar.

«  Le couple royal ? » pensa-t-elle distraitement en se glissant entre son capitaine et un rouquin qui la surplombait aisément de deux têtes. Elle se pencha en espérant apercevoir ledit couple mais ses yeux ne rencontrèrent que le visage d’une brune, elle aussi beaucoup trop grande et celui de Sammael, encore en train de grignoter. - Humpf… Soupira-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine. Donnant un coup de coude à son camarade de gauche, le rouquin, elle se hissa sur la pointe des pieds pour lui chuchoter : - Dites, vous savez à quoi ressemble le roi et la reine ? La dernière fois que j’ai vu leur visage remonte à mon année de classe à la capitale et même si, je vous l’accorde, ça ne se voit pas, ça remonte tout de même à loin ! Tiltant soudain, elle arqua un sourcil et offrit toute son attention à l’homme. - D’ailleurs vous êtes qui vous ? Je ne vous ait jamais vu ici. Un ami de Yuduar ? Je ne crois pas qu’il m’ait déjà parlé de vous. Quoi que depuis que nous nous sommes quitté il a dû rencontrer du beau monde… Aaah, je suis Solveig Prêth, la grande sœur de la lieuten… L’ex-lieutenante Prêth ! Elle se pencha en avant tout en tendant la main à son interlocuteur. - C’est votre dame ? Demanda-t-elle tout en lui adressant un grand signe de la main qu'elle ne tendait pas.

Le discours d’Astrid était sans surprise intéressant. Cette femme, quoi qu’on en dise avait une capacité oratoire des plus déconcertante. Solveig ne l’avait croisée qu’une fois, mais cela lui avait suffit pour savoir qu’elle l’apprécierait. De plus, elles avaient visiblement un amour partagé pour les ragots qui traînait ci et là. Et des ragots de qualité en plus. Toujours entre les deux hommes, la Valkyrie décocha cette fois un coup de coude mécontent dans les côtes de son supérieur.

- Tu ne présentes pas tes amis et en prime tu ne me dis pas que tu as une nouvelle compagne. Aaaah capitaine tu me brises le cœur ! Puis mimant une mine faussement triste, elle s’éclipsa pour aller aux côtés d’Astrid, se penchant pour lui murmurer : - Où tu pêches tout ces ragots hein ? Je suis jalouse !  

Une pinte de bière terminée, Thépa n’avait déjà plus rien à boire, mais elle s’en foutait. De toute façon, elle avait l’impression de boire une potion sans goût et à l’effet un peu aléatoire qui dépendrais de son état physique et mental. Un état qui n’était déjà pas spécialement beau à voir, mais elle avait encore un peu de temps devant elle avant que ça ne change dans une direction inconnue. Elle écoutait l’homme parler. Ne pas faire attention à l’occasion et boire en fonction de ce qu’elle avait envie d’en faire. Une façon de voir les choses intéressante, mais qui n’aidait pas l’ancienne lieutenante à se décider. Silencieuse, elle hocha la tête. Que voulait-elle faire de l’occasion…. Alors qu’elle se perdait dans ses pensées, un verre fut posé devant elle, du whisky. Lentement, elle attrapa la boisson et se tourna vers l’homme en le remerciant « à la vôtre ». Elle leva son verre trinqua avec son remplaçant avant de prendre une longue gorgée. Alcool fort, elle sentait la chaleur descendre au fond de son gosier et une phrase de l’homme l’interpella lui faisant lever un sourcil.

Malheureusement, elle n’eut pas le temps de s’informer d’avantage que sa sœur débarqua avec toute son énergie habituelle. Un moment de douceur, puis à nouveau une tornade. Solveig était définitivement la pire, changeant d’un instant à l’autre de rythme. Une chose que la Major avait actuellement du mal à suivre et qui avait tendance à l’agacer. « Ouais ouais je vais faire ce que je peux, t’façon mon grade c’est bien la chose la moins importante que j’ai perdue dans l’histoire ». Un soupir et une seconde gorgée elle regarda silencieusement sa sœur récupérer sa boisson et repartir sans attendre. Elle la regarda quelques instants et secoua la tête avant de porter à nouveau son intention sur le nouveau lieutenant. Un homme un peu rustre, mais pas mauvais. Une phrase un peu étrange pour décrire quelqu’un, mais Thépa s’en fichait royalement et elle n’avait pas l’habitude de se fonder sur l’avis de sa sœur pour juger quelqu’un. Même si elle le prenait en compte, elle savait aussi qu’elle pouvait se tromper. Comme par exemple sur le nombre de pintes consommé qu’elle avait estimé.

Réfléchissant quelques secondes à ce qu’avait dit le lieutenant avant le débarquement de Solveig la major commença à parler.  « Je suppose qu’actuellement, il y a peu de choses positives qui tournent sur moi. Mais si vous voulez me demander quelque chose, n’hésitez pas. » Elle força un sourire, portant le verre à ses lèvres pour prendre une nouvelle gorgée. Un verre qui se vidait bien trop rapidement à son goût. Elle était curieuse de savoir ce qui pouvait bien se dire sur elle et ajouta. « Je suis pas forcément de très bonne compagnie en ce moment, mais je n’ai rien contre de petites discussions. » Ce qui était faux. Vraiment faux. La major aimait être seule, tranquille, surtout en ce moment. Mais en revenant à la caserne, elle avait décidé de se construire une vie autre que le travail. Et ça passait par ce genre d’événement. Elle voulait aussi faire en sorte que sa sœur puisse profiter de l’événement, sans se préoccuper de son état et même si ce n’était pas dans l’humeur actuelle de la major, celle-ci se forcer à garder un semblant de sourire. L’apparence était importante, et si l’homme souhaitait lui parler, autant essayer de voir où cela allait mener. Avec un peu de chance, la conversation serait agréable et changerait des regards compatissants des autres.