M’étant assurer que tout se passerait bien pour la reine, je décidai donc de quitter l’endroit après avoir remis un peu d’ordre et la laissai entre bonnes mains. Après tout, elle n’avait pas réellement besoin de moi si tout ce beau monde était prêt à faire des pieds et des mains pour répondre aux moindres demandes de Sa Majesté la reine d’Aryon. Et ce n’est pas tout ça, mais je dois dire qu’à force de donner de ma personne cela a creusé mon appétit. Le grille-gourmand doit avoir repris du poil de la bête. Après tout, il me semblait avoir vu le capitaine en train de gérer la situation lorsque Calixte et moi étions passés par là.

Je quitte donc le calme du cellier pour tomber sur ça? Entre les soldats en train de profiter du barbecue calmement et toujours le même groupe qui cette fois-ci semble être passé au défi d’alcool, je regrette doucement d’avoir quitté ce lieu de silence. Mais bon! Je ne ferai pas ma sauvage et me dirige donc vers le saint Graal et me sers d’un peu de tout. D’ailleurs, il ne me semble pas avoir vu Val’ manger quoi que ce soit depuis le début, bon faut dire que je l’ai quitté pendant un petit moment, peut-être qu’il s’est servi depuis. Alors je rajoute de la contenue à mon assiette et en glisse une deuxième sous la mienne pour que je puisse partager avec ce dernier.

D’ailleurs en me dirigeant vers le bar, j’entends bien évidemment parler d’oreilles et mon nom semble suivre peu de temps après et je fronce les sourcils. Elles ont quoi mes oreilles? Incertaine, je m’empresse de les cacher de mes cheveux que j’avais aplatis pour le coup et cherche vite du regard Valentino.

« Quelqu’un a vu Val? Que je demande à un groupe.
- Nop, désolé.
- La dernière fois que je l’ai vu, il parlait avec le roi.
- Le roi?
- Oui, au petit bar.
- J’aurais du cherché par là en premier, en tout cas merci! »

Je fonce alors, peut-être un peu trop rapidement et manque de tomber, mais je me rattrape de justesse évitant ainsi les dégâts. Après tout, il ne faudrait pas gaspiller de la si bonne nourriture et je suis sûre qu’ici présent ce trouve quelqu’un qui n’hésitera pas à me le faire savoir. Alors je trouve le bar ainsi que Val et dépose l’assiette vide devant lui.

« Tiens, bon appétit! » Bien évidemment il doit se poser des questions. Après tout je viens de lui refiler une assiette vide alors que la mienne déborde de tous les côtés et j’éclate de rire avant de mettre la mienne à côté. « Sers-toi! Sinon tout ce passe bien de ton côté? »

Les yeux de Solveig fixaient un point loin, très loin, beaucoup trop loin. Mais peut-être pas si loin. Ou peut-être le fixait-elle parce qu’il ne cessait de se dédoubler avant de se mettre à osciller comme une vague sur une mer tranquille ? Solveig n’aimait pas la mer, ni ce qui la lui rappelait. Déjà le sol avait décidé de l’imiter et maintenant, même l’horizon était comparable à la houle. L’univers lui en voulait ! Que disait-elle, Lucy, en avait après elle !  Et pourquoi ? Parce qu’elle tenait bien l’alcool ! C’était la seule raison valable. La déesse était tout simplement jalouse de ses capacités à se tenir droite face à l’adversité que représentait Calixte et ses jeux. Si elle pensait qu’une valkyrie allait ainsi se faire avoir par de telles fourberies ! Que nenny ! Malgré son regard luisant, ses yeux étrécit, ses oreilles tombantes et ses joues en train de brûler, elle ferait front. Plutôt deux fois qu’une. C’est ainsi qu’elle s’était saisit de l’un des verres, enfilant sans se poser de question le shot dans le tréfonds de son gosier, titubant vers l’arrière sous un trop brusque mouvement du coude. Sèchement elle reposa le godet sur la table de fortune.

- Qu’es-tu vas faire Lucy ? Provocante, elle leva les bras. Seulement un instant puis les rebaissa et tenta de regarder Calixte. Du moins les Calixte car cela faisait maintenant une dizaine de minute que le second s’était rajouté à leur petit jeu. Mécontente elle avait froncé les sourcils. - C’est de la triche ! Je suis toute seule et vous êtes deux ! En plus, Calixte tu m’as même pas dis qu’t’avais un frère ! Je suis ouuuuuutrée ! J’ai le cœur lourd, elle contourna le tonneau pour se planter devant lui, brisé, un pas de plus, en miette, encore un, piétiné, sur la pointe des pieds, arraché, elle pointa un doigt sur sa poitrine. - Tu es un homme cruel Alkh’eir. Cruel et avec un nom imprononçable ! Est-ce que tu sais que j’ai passé des heures entière à apprendre pour l’retenir ? Heeeein ! Et même quand j’écris ton adresse, je suis obligé de dire à voix haute « A-L-K-H apostrophe ir » parce que sinon je suis incapable de l’écrire sans faute d’orthographe. Je savais que tu aimais me torturer ! Mais Prêth est prête monsieur ! D’ailleurs Prêth est prêt qui croyait prête ! AH-AH ! S’exclama-t-elle d’un faux air menaçant en retournant clopin clopant de son côté du tonneau.

Comme pour les cinq autres fois, elle tendit la main, l’agita trois fois et l’ouvrit… Ciseaux. Définitivement, les grands de l’autre monde voulait sa mort. Mais encore une fois sa détermination serait sans faille ! Du moins c’est ce qu’elle avait songé tout en avalant son verre. Mais à peine la gorgée eut-elle fait son chemin jusqu’à son estomac qu’elle comprit qu’il serait le dernier. La bouche pâteuse, elle recommença à mâcher dans le vide tandis que sa raison la quittait peu à peu. Son pas, devenue plus lourd, la traîna en chancelant jusqu’au devant de son camarade.

- J’perdu une batleti batetaille. Une Bataille. Mais pas la gueeeeeeeeeerre ! Articulat-elle. - T’ne m’échapp’ras pas toujours ! En plus sache que, elle dressa ses oreilles, j’suis plus sexy qu’elles. Non parce que hein, s’parle de mes oreilles mais t’oublies la propriétaire ! T’l’oublies trop souvent d’ailleurs. Outrée. OUTRÉE. Tu m’entends ! Nah p’ce que pour dire que les filles sont sexy et mes oreilles y a du beau monde ! Mais est-ce que c’est vraiment m’faute si t’es pas foutu de voir que JE suis sexy ? Nah. C’la tienne. Sa main l’attrapa par le col, manquant de lui coller une gifle maladroite au passage. - Tu n’as pas de d’bon goût. Voilà pourquoi t’me trouve pas jolie et c’dommage moi je te trouve beau. Puis j’aurais voulu que tu me trouves jolie hein ! J’aurais voulu qu’tu m’trouves jolie ? En voilà une drôle de réflexion. - Dans tout les cas j’suis pas malheureuse alors soit pas malheureux parce que je suis malheureuse parce qu’en fait tu vas croire que je suis malheureuse, alors que je le suis pas du tout. Malheureuse. Je suis heureuse, alors tu dois être heureux, et si tu es heureux je suis heureuse. Et si je suis heureuse, nous sommes heureux. Tout est bien qui finit bien. Qui finit bien dans mon lit. Où est mon lit ? Par là… Elle fit un demi tour sur place, tapa par inadvertance dans le tonneau qui ne se renversa pas. Contrairement à tout les petits verres alignés et dont le contenu se déversaient sur le sol. - Si tu veux me shifumiser les oreilles t’n’as qu’à te ramener ! S’exclama-t-elle de sa voix rauque et enrouée par l’alcool. - Ça consiste en quoi shifumiser d’ailleurs ?  Grommela-t-elle.      

HRP:

Elle contourna le tonneau du pas vacillant d’une poupée désarticulée, et Calixte passa distraitement le bout de sa langue contre les relents sucrés et amers du rhum sur sa lippe. Il avait chaud, d’une brûlure commençant à l’orée de ses lèvres et diffusant sur le passage du breuvage jusqu’au plus profond de ses entrailles puis se propageant jusqu’à la limite de chacune de ses cellules. Sous sa peau vrombissait l’allégresse béate engendrée par l’alcool et entretenue par l’échange jovial. Occupé à sourire et rire bêtement tandis que ses yeux se perdaient davantage dans ceux de Solveig, que ses mains jouaient avec les verres remplis pour éviter de monter à la rencontre des oreilles duveteuses, le coursier ne prêta aucune attention aux propos mécontents de son amie. Quelque part son cerveau embrumé acquiesça à la notion de son nom ridicule et à la difficulté de trouver dans quel ordre les lettres comme l’apostrophe se plaçaient, mais il se contenta de rigoler en essayant d’attraper maladroitement cette phalange qui tapotait son cœur. En vain.

Et il songea d’ailleurs que c’était mieux qu’elle perdît la manche suivante de leur jeu, même s’il avait déjà lui-même perdu – auparavant ou globalement, il n’avait pas trop suivi – parce qu’il était à peu près certain que la sobriété avait depuis longtemps pris ses valises pour abandonner ses neurones confis au rhum. Ou peut-être pas. La confusion et l’absence se marquèrent davantage sur les traits avinés de la Valkyrie, et il vida son propre verre en se demandant distraitement s’ils allaient réussir à regagner les dortoirs sur leurs deux jambes en fin de soirée. Et s’ils verraient celle-ci. Le rouge de plus en plus prononcé des joues de Solveig et l’abattement de ses oreilles ne présageaient pas forcément du maintien prolongé de son état d’éveil, et si leurs tripes daignaient rester tranquille jusqu’au lendemain, alors pourraient-ils déjà s’estimer heureux.

Ou, vraiment, si ses oreilles échappaient au courroux titubant et ivre de la Valkyrie, alors cela serait-il déjà une victoire. Grimaçant aux vocalises en montagnes russes de son amie, Calixte se dit qu’il aurait aimé être d’autres oreilles que les siennes sur ce moment. Et puis, au travers de la tourmente en tonalités grisées, son esprit désorienté capta quelques termes qui l’intriguèrent, et le firent réfléchir. Et comme il n’était déjà pas brillant, et que son alcoolémie grimpante n’avait rien fait pour améliorer la donne, il mit un certain moment avant d’aligner les verres remplis servant toujours de jouets pour ses mains distraites, et encore plus de temps à faire le point sur ses pensées quant au sujet abordé. Il perdit d’ailleurs temporairement celles-ci lorsque les doigts de Solveig vinrent agripper son col, manquant tout juste de lui flanquer une gifle magistrale, et ne retrouva l’usage de son cerveau – un peu trop focalisé par ailleurs sur les lèvres vermeilles dansant sous ses yeux – que lorsqu’elle fit volte-face en renversant tous les godets qu’il avait jusque-là si bien disposés.

- Oh non ! s’exclama-t-il surpris du tsunami de rhum se déversant contre le bois avant d’aller hydrater le sol de terre battue.

Le songe que celle-ci était peut-être assoiffée et méritait bien de profiter de la fête le ragaillardit cependant, et son attention se reporta rapidement sur la Valkyrie qui s’éloignait d’un pas chancelant. Enfin, qui amorçait son départ mais n’avait visiblement pas avancé plus que quelques centimètres vers… ailleurs.

- Solynette ! s’écria Calixte avec désespoir en contournant maladroitement le tonneau avant de sauter pour embrasser son amie au creux de ses bras.

Le mouvement manqua de finesse ; sa hanche percuta leur table improvisée l’envoyant valser contre celle d’Astrid et Sammael, l’un de ses pieds trébucha contre l’un des verres ayant chuté un peu plus tôt, et le corps déjà vacillant de Solveig ne retint guère le poids de son câlin grossier. Le tout ressembla finalement plus à un plaquage qu’à une marque de tendresse, et le coursier chassa un moment les étoiles qui tournaient autours de sa tête avant de retrouver ses esprits comme les raisons de son empressement.

- Ne t’outre pas ! Il faut pas aller au lit outré, ça donne… Soly ?

Leur chute inélégante n’avait semblé blesser ni l’un ni l’autre, mais la bascule brusque de leurs corps paraissait avoir mis quelque peu à mal l’équilibre vestibulaire et intestinale de la Valkyrie. Aidant cette dernière à se relever – probablement presqu’autant qu’elle l’aidât à se tenir debout – Calixte laissa ses yeux et ses mains papillonner autour de la silhouette de son amie, à la recherche du moindre traumatisme. Lorsqu’il fut convaincu qu’aucune nouvelle plaie ne la balafrait, il déposa un rapide baiser contre sa couronne défaite de mèches claires, puis se cala tout contre son flanc afin qu’ils progressassent vers les dortoirs en se soutenant mutuellement. Comme l’oreille tombante de Solveig effleura brièvement sa joue dans une caresse éphémère, l’espion reposa son regard sur l’appendice ouaté. Marrant, songea-t-il, comme il les trouvait soudainement incontournables ces deux extrémités blanches. Fascinantes. Désirables.

Ils faillirent rentrer en collision de plein fouet avec l’une des colonnes soutenant les arches du passage partant de la cour des festivités vers les bâtiments plus engoncés dans l’enceinte du Bastion, et Calixte s’astreignît quelques secondes à prêter attention à leur course maladroite. Avant que l’ambre de ses yeux ne regagnât rapidement la silhouette de plus en plus pataude de la Valkyrie.

- J’aime bien tes oreilles, Soly, déclara-t-il finalement parce qu’il y avait là une évidence à rappeler. Elles sont inhabituelles et joliment expressives. Sincères. Elles te représentent bien, quelque part.

Son bras resserra son étreinte autour du corps de son amie, et il posa furtivement ses lèvres contre la joue zébrées présentée à lui.

- J’adore tes yeux tout aussi uniques. Vifs et joyeux. Et même si j’aime moins quand ils sont humides, ils restent toujours aussi beaux.

Ils croisèrent encore quelques groupes de collègues qui les saluèrent, mais Calixte, plongé dans cette bulle intemporelle tout contre la chaleur de Solveig, ne releva pas du tout leur présence.

- J’trouve ton visage magnifique. Entre le hâle d’ta peau et ses cicatrices pleines d’histoires et d’mystères. Le contour charmant d’ton regard et celui ravissant d’ton sourire. Et même quand tu souris pas, j’crois que t’as raison. Les lèvres sont croquables, et les tiennes je serai pas contre les croquer !

Perdu dans l’argumentaire lui semblant tout à fait objectif et intelligent au vu de son alcoolémie actuelle, il ne nota pas ce que ses propos pouvaient bien sous-entendre. A la fois pour quiconque les entendait, mais surtout pour lui-même.

- Sam disait vrai aussi : y a plein d’autres choses attrayantes chez toi. J’sais pas si les épaules c’est sexy, mais félines comme les tiennes elles entretiennent le rêve. Bien sûr ton décolleté est un délice pour l’regard, comme la courbe de tes reins. Et si les jambes peuvent-être l’objet d’un fétiche, nul doute qu’leur grâce leur offre cette position. Et puis en parlant d’position, à voir ces blanches cicatrices qui courent le long d’ta peau, en arabesques fascinantes pour s’soustraire au regard sous les drapés qu’tu revêts, on a juste envie d’retirer ceux-ci pour mieux les appréhender. Ou peut-être qu’y a que moi qu’aies envie ?

Ses pensées s’emmêlèrent, ses sens s’embrouillèrent, et ils faillirent encore se prendre un mur. Haussant finalement les épaules – dans la limite de leur position actuelle – en abandonnant l’idée de mettre de l’ordre dans ses songes, Calixte poursuivit :

- Alors sois pas outrée, Soly : j’te trouve très belle. Et séduisante.

Son esprit marqua encore un temps d’arrêt, à moins que ce ne fût son cœur, prenant partiellement la mesure des mots sincères passant l’orée de ses lèvres. Et peut-être était-ce l’alcool, ou le contexte, ou la compagnie ; mais il avait l’impression de flotter dans une bulle ouatée. Mettant en exergue certain de ses sens et en apaisant d’autres, mettant en avant certaines de ses pensées et en éteignant les plus logiques. Les plus sobres. Un sourire distrait éclairant son visage, il déposa un nouveau baiser sur le front de son amie, puis sur le bout de son nez. Avant que leurs lippes ne s’effleurent.

- Et j’pense que d’toutes les jolies filles, c’est toi que j’aimerai croquer.

Une sensation qu’il connaissait bien s’insinua dans son bas ventre, pour diffuser le long de son buste, et il s’éloigna quelque peu de son amie avant de commettre une bêtise. Saisissant à bras le corps le pot de fleurs le plus proche, il y relargua les derniers verres de rhum qui avaient visiblement décidé d’un retour à la vie sauvage.

Résultats dés:

- Je m’outre si je veux ! Bougon, Solveig se relevait en chancelant comme s’il ne s’était rien passée. A vrai dire, il était fort probable qu’elle ne s’en soit pas rendu compte. Son estomac lui semblait simplement plus fragile qu’un peu plus tôt et l’horizon était encore moins stable qu’avant. Marquant un temps d’arrêt, elle fixa d’un air concentré le sol. Elle allait vomir. C’était sûr. Son visage pâlie, ses sourcils se froncèrent un peu plus. Par Lucy, Calixte pouvait-il arrêter de bouger ? En plus du mal de mer il allait finir par réussir à lui donner le tournis. Le pauvre coursier ne semblait pas entendre les pensées qu’elle n’osait formuler par peur de renvoyer son repas, aussi il se cala contre elle et reprit le chemin du bastion. Le moins que l’on puisse dire c’est que se concentrer sur autre chose permit à ses entrailles de retrouver un peu de leur calme, le côté négatif c’est que l’un et l’autre n’était pas plus fiable pour diriger leur avancée. Lorsque Solveig tanguait à droite, Calixte tentait vainement de la ramener sur le droit chemin en titubant de l’autre côté. De même, la grande silhouette du blond n’était pas facile à manier ; ils manquèrent de peu le pilier qui s’était dressé sur leur chemin. Quel audace ces piliers qui ne se rangeaient pas ! Solveig décida néanmoins qu’elle serait plus en mesure de lui régler son compte demain. Alors se elle contenta d’esquiver – en vérité ce fut son camarade qui le fit pour elle.

- Moi aussi j’aime bien mes oreilles. Les tiennes aussi s’pas si terrible. Jamais fait attention j’regarderais mieux d’main. M’enfin c’des oreilles de chirashi shirashki… M’enfin t’as compris alors elle m’représente b-… Oh b’jour !

Si son esprit et ses sens y voyaient trouble, il y avait bien une partie d’elle qui ne perdait pas le nord. Naturellement, elle était venu se presser un peu plus contre le coursier dès lors qu’elle avait sentit la pression sur sa peau s’accentuer. Par réflexe ou par envie, peut-être un peu des deux. Elle aimait qu’il l’a tint de cette façon, c’est la seule chose dont elle était certaine. La voix un peu pâteuse mais douce de Calixte semblait caresser ses oreilles, c’était bien la la première fois qu’elle y faisait attention. L’alcool l’a rendait moins vive ; certains détails prenaient sens lorsqu’elle était en mesure d’y faire attention. Le deuxième détail qu’elle remarqua fut son verbe agile. Elle savait que sa plume était belle mais jamais elle n’aurait imaginé qu’il fut si à l’aise pour… Draguer ? Un nouveau froncement de sourcil lui vint et elle se concentra pleinement sur ce qu’il disait. Du moins autant que son cerveau le lui permettait.

« Bah qu’est-ce que t’attends pour me les retirer ces foutus drapés ?! » Hurla son esprit. Peut-être cette réflexion n’aurait même pas germé dans son esprit si son taux d’alcoolémie avait été plus bas, pourtant elle était bien là. Fourbe et sinueuse. Ironique également. La valkyrie avait toujours considéré Calixte comme un être inaccessible et parfaitement intouchable, non pas parce qu’il le voulait mais parce qu’elle-même l’avait décrété ainsi. Tantôt une créature prude et sans défense, tantôt un homme gay qui ne pouvait poser le regard sur elle. A présent elle se demandait quel genre d’homme il était, quel genre de caresse pouvait prodiguer ces longs doigts fins ou encore, quel goût pouvait bien avoir ces lèvres qui lui souriaient. La douceur bien connu de ces dernières vinrent se poser sur son front, l’haleine alcoolisée emplie ces narines mais elle n’en avait cure. Un peu moins quand elles se posèrent sur son nez mais la caresse d’une plume sur ses propres lippes lui ôta tout raisonnement.

- Je crois que j’aimerais aus-… Leurs lèvres auraient dû, et auraient pu se rencontrer. A une seconde près, un millimètre, un verre de moins. D’aussi loin que voulait bien remonter sa propre mémoire, elle n’avait jamais vu de réflexe si fulgurant chez Calixte. Et elle lui en fut gré. - T’aurais pu croquer avant d’vomir… Grogna-t-elle en s’approchant pour lui tapoter le dos, posant finalement son front contre celui-ci. - Nah p’asque soyons honnête. On rigolera moins d’main, si tant est qu’l’un de nous s’en souvienne et ça s’ra super gênant. Alors si t’avais pu aller au bout aaah… Elle enroula ses bras autour de taille. - Pis l’vomit franch’ment. Soupirant, elle se tut pour lui laisser le temps de continuer de vomir autant qu’il le souhaitait. L’odeur aigre lui monta d’ailleurs aux narines, et elle dû se résoudre à s’éloigner si elle ne voulait pas rendre à son tour le peu - de nourriture – qu’elle avait ingurgité. Traversant en longueur la cour, elle alla vers le pot de fleur qui faisait face à celui du coursier et s’installa en tailleur à son pied.

- Calixte A-L-K-H apostrophe Eir. Je te fais le serment, qu’un jour. Quand je serais sobre. Si je me souviens de cette soirée. Et d’ailleurs même si j’m’en souviens pas. Tu finiras tout nu, dans mon lit et certainement pas pour jouer aux cartes ! Tu es un trop bon partie et t’compliments sont beaucoup trop jolis pour qu’j’te laisse filer. En plus, plus ça va plus j’me dis que sous tes airs de petit coursier maladroit y a des choses où t’es plus adroit. Ahahah… P’t’être que j’me trompe cela dit… Mais j’le saurais qu’en essayant t’pas d’accord ? J'ai l'impression qu'Apo déteint sur moi tiens... Pis… Oh d’la neige… Dit la chiraki en levant le nez vers le ciel où tombait des flocons de cendre provenant du barbecue. - D’la neige en pleine saison chaude ? C’t’un signe Calou. UN SIGNE. Tu m’entends ! Un bâillement à s’en décrocher la mâchoire la prit et elle ferma les yeux quelques instants. - J’fais juste un petit somme… Appelles moi quand t’auras finis tes aff… Le sommeil vint la cueillir et il faudrait plus d’un homme armé d’une casserole avec un manche en bois pour la réveiller.    

Le bosquet fleuri ploya sous ses rejets, comme pour éviter d’avoir à les affronter de front, cherchant peut-être même à s’échapper de leur pot à la recherche d’un environnement plus calme. Moins bilieux. C’était là une drôle de notion, et Calixte rigola joyeusement à celle-ci entre deux hoquets. Le poids de Solveig contre son dos fit temporairement dérailler ses pensées, et il ferma un temps les yeux pour profiter de la chaleur de son amie. Sans doute aurait-il pu s’endormir ainsi, l’esprit embrumé par l’alcool, presque confortablement lové au creux des bras de la Valkyrie, le large bac entre les siens. Mais de nouveaux relents aigres lui rappelèrent le désir ardent de ses derniers verres désirant prendre leur liberté, et alors que Solveig se détachait de lui, il céda à leur caprice. Son estomac se vida tout à fait, lui laissant une impression de vide immense entre les organes, comme sous sa voûte crânienne, et il pivota doucement pour chercher d’un regard fiévreux la silhouette de son amie. Avait-elle, elle aussi, été victime du rhum en quête de nouvelles terres ? Non. Mais elle avait apparemment trouvé son propre pot de fleur. Et à la vision de l’auréole de pétales colorées et d’ailes en larges feuilles émeraudes encadrant la Valkyrie, Calixte ne put s’empêcher de rire à nouveau. Avant de tituber pour aller à sa rencontre, et de s’écrouler d’hilarité à mi-parcours.

Abandonnant toute tentative de défaire ses membres – et son seau improvisé – pour se relever, le coursier se laissa glisser sur le dos. Ses doigts caressant distraitement l’herbe sèche de cette nuit estivale, essayant de focaliser les étoiles scintillant haut à travers le firmament, et écoutant les propos décousus de Solveig. D’ailleurs, « aelkahachapostrofair » c’était plutôt pas mal comme nom de famille. Peut-être qu’Enora accepterait que les membres de la famille prissent celui-ci plutôt que le très long « Alhkaia de Eliëir » ou le tortueux « Alkh’eir ». Assurément, Liory partagerait son avis. La prochaine fois qu’il croiserait son cousin, il lui faudrait lui indiquer cette importante suggestion. Certainement aussi, trouverait-il amusant que les gens tous nus au lit ne jouassent pas aux cartes. Le rire du coursier rebondit le long des courbes de la cour, et sa tête acquiesça aux propos de la Valkyrie. Il n’en saisissait pas bien la teneur, mais pour qu’elle en parlât avec tant d’enthousiasme et de détermination, alors ne pouvait-il qu’être d’accord. Et puis, à la réflexion, être tout nu avec Solveig, c’était une pensée tout à fait charmante.

- Il neige, oui, nota-t-il avec étonnement et béatitude alors que quelques paillettes cendrées venaient tournoyer autour de ses doigts tendus vers le ciel d’encre. Bien sûr qu’c’est un signe, Solynette.

C’était évident. Il ne savait pas encore de quoi, mais cela ne faisait aucun doute. Les songes jouant avec cette notion comme sa dextre jouait avec les fines particules, il laissa sans le vouloir s’installer un silence que son cerveau embrumé ne remarqua guère. De temps à autres, les éclats de voix de la cour où se déroulaient les festivités lui parvenaient, comme ceux des groupes plus ou moins grands passant à proximité d’eux. Mais les yeux perdus loin au contact de la voûte stellaire, les doigts chassant le vide, les pensées tourbillonnant aléatoirement, toujours immergé dans cette bulle intemporelle qui semblait l’avoir saisi pour le reste de la soirée – de la nuit ? – Calixte ne nota pas le passage du temps. Ce ne fut que lorsque la musique répétitive mais irrégulière des ronflements de Solveig attira son attention, qu’il se dit qu’ils avaient initialement prévu de se rendre quelque part. Aux dortoirs, sans doute. Nu ; avait mentionné la Valkyrie, et le coursier rit à nouveau à cette pensée. Avant de démêler ses membres, accuser un léger vertige, puis crapahuter jusqu’à la forme endormie de son amie.

- Sol ? chuchota-t-il en tapotant doucement l’épaule dénudée de celle-ci. Soly ? Solyneeeeeeette ?

Seuls les ronflements de plus en plus prononcés de la jeune femme lui répondirent, et pendant quelques secondes, il tenta d’imiter leur rythme aléatoire du bout de la phalange. Lorsqu’il lui fut finalement évident qu’il n’arriverait à rien sinon à s’endormir peu à peu lui aussi, il fronça les sourcils en se rappelant leur objectif premier.

- Soooooool ? réitéra-t-il. J’ai envie de dormir, tu dors ? Tu dors ? Tu dors ? Tu dors ? Tu fais bien. De dormir, acquiesça-t-il à la forme inanimée. Excellent plan. Quand j’te disais que t’étais la meilleure.

Le temps de quelques secondes, le coursier considéra l’idée de simplement céder à l’appel du sommeil. Sauf que le devoir de regagner leur couche, comme sa loyauté envers son amie, le décidèrent de reprendre son chemin. Pendant encore quelques fastidieuses minutes, il réfléchit à comment tracter la Valkyrie jusqu’à son lit – enfin son lit à elle, même si l’autre notion le fit rire bêtement – jusqu’à ce qu’une lueur d’intelligence, pas tout à fait noyée dans le rhum, lui rappelât que son pouvoir serait tout à fait pratique pour gérer la situation. Aussi, posant aussitôt sa main sur celle de l’endormie, l’espion la fit instinctivement fusionner avec l’objet le plus proche qu’il trouva. Soit sa propre robe. C’était apparemment une soirée forte en évènements pour ce type de drapé. Enroulant le vêtement ronflant autour de son bras, saisissant son pot de fleur qui pouvait encore servir, Calixte se releva d’un pas maladroit, faillit rechuter aussi vite, mais réussit finalement à reprendre la route des dortoirs en titubant. Son chemin ne fut pas très droit, et il versa probablement la moitié du mélange terre-vomi le long de celui-ci, mais il finit par retrouver la chambre de Solveig. Après quelques circonvolutions hébétées à rigoler longuement de sa situation grotesque, sous les regards amusés voire tout aussi avinés des collègues qu’il croisa.

Comme elle n’était pas ouverte, il usa encore de son pouvoir pour pénétrer dans la pièce, et il fallut un moment à ses sens déjà bien amochés pour s’habituer à l’obscurité régnante. Lorsque ses yeux se furent accommodés à la pénombre zébrée des lueurs faiblardes du dehors s’engouffrant par la fenêtre, l’espion s’approcha du lit que les lunes passantes lui avaient appris à reconnaitre comme celui de Solveig. Malgré ses neurones remarquablement confis, il prit soin d’éviter les pièges de tissus, de lames diverses, et d’utilitaires variés qu’il savait trainer au sol, et déposa son pot de fleur près de la table de chevet avant d’étaler soigneusement la robe contenant son amie sur les draps qui étaient siens. Et il attendit. L’inconscience de la Valkyrie rendait encore plus aléatoire son temps de défusion, mais il était certain qu’au terme de quelques secondes – ou plutôt quelques minutes – séparée de sa peau, elle ressurgirait. Et, effectivement, c’est ce que la mi-chiraki, même endormie, ne tarda pas à faire sagement. Mettant en lumière pour le coursier quelques points qu’il n’avait pas considérés jusque-là. A savoir qu’elle dormait à présent par-dessus sa couette, ce qui malgré la chaleur estivale déplaisait au cerveau embrumé de Calixte s’attachant à quelques concepts obscurs. Et puis, elle n’avait pas revêtu sa robe. Maintenant qu’elle en avait défusionné.

Malgré les ténèbres de la pièce, le regard de l’espion s’accrocha sans peine aux courbes généreuses de la Valkyrie, longeant la timide vallée dissimulée à l’ombre des collines sensuelles il descendit le chemin menant à la dépression ombilicale avant de regrimper les crêtes iliaques pour mieux appréhender l’arrondi de la chair. Un temps, il resta subjugué. Et puis, comme on actionne un interrupteur, l’idée de couvrir son amie s’imposa à lui. D’une part parce qu’il lui semblait toujours inenvisageable qu’elle dormît sur – et non pas sous – ses draps, et d’autre part car qu’il lui paraissait à présent inacceptable de laisser ces trésors au vu et au su de tous. L’idée qu’a priori seule Sammael verrait ainsi Solveig lui échappa totalement. Se remettant en mouvement, Calixte décida d’abord de retirer la robe sur laquelle ronflait innocemment la mi-chiraki. Lorsque la douceur avinée ne l’amena nulle part, il tira un coup franc dessus pour la déloger. Le tissu décrivit un bel arc de cercle par-dessus la tête blonde, qui resta un instant fasciné par ce nuage en camaïeu de gris, avant que le fracas quasi-immédiat ne rappelât son attention. Dans le mouvement brusque, le corps de la Valkyrie était parti voltiger à l’opposé du coursier, pour tomber sur la pile d’affaires indéterminées gisant au pied du lit.

- Désolé, désoléééééé, s’exclama Calixte en se précipitant par-dessus le matelas pour tenter de tracter à nouveau son amie – étonnamment toujours inconsciente – sur une surface plus adéquate pour un somme.

Au terme de pénibles efforts quelque peu désorganisés et malavisés, le coursier réussit à hisser Solveig sur la couette qui, si elle avait eu une âme, lui aurait sans doute indiqué le nouveau pétrin dans lequel il se mettait. Mais lorsqu’il réalisa, un temps trop tard alors qu’il l’enlaçait encore, qu’il venait à nouveau de se gêner dans son ambition de glisser son amie sous ses draps, il gémit intérieurement. Et peut-être pas que.

Il y eut encore quelques – beaucoup – de mouvements aléatoires et inefficaces, un peu grossiers et illogiques, avec de nouvelles valses de la literie, des affaires alentours, et inévitablement des corps éméchés, avant que la Valkyrie ne se trouvât enfin à roupiller sereinement – pas qu’elle fût cependant très perturbée dans son sommeil par tout le bordel ambiant – les deux oreilles sur son oreiller et les courbes sulfureuses chastement couvertes. Il aurait certainement été plus aisé pour Calixte d’utiliser son pouvoir pour parvenir à ses fins, mais cette pensée ne l’effleura qu’alors qu’il ramassait son pot renversé avant de mettre les voiles. Partagé entre l’amusement et la frustration excédée, il finit par poser un dernier baiser sur le front de Solveig, avant de tourner les talons en grommelant, pressé de gagner son propre lit pour laisser la fatigue de plus en plus prégnante le saisir tout à fait.

Le reste du trajet fut court. Le matelas sur lequel il s’échoua probablement le sien. Et son sommeil plein d’images incongrues d’oreilles perchées sur des verres de rhum. Un sourire bienheureux resta installé sur ses lèvres, du début à la fin de sa nuit.

Le regardé observer ainsi son assiette vide m’amuse bien que cela pourrait être enfantin, mais que voulez-vous. On s’amuse comme on peut surtout quand je ne suis pas du tout à l’aise dans ce genre de rassemblement. J’ai essayé de parler à quelques personnes, d’observer et de ne pas rester seule ou au crochet de Val, mais je pense que Calixte a noté ma détresse plus tôt et ma intégré dans son petit projet et je lui en suis reconnaissante. Je n’avais pas l’intention de prendre le temps de discuter avec tous nos invités surprises, mais j’ai été heureuse d’aider ce dernier. Mais bon, je ne pouvais pas rester auprès de la reine éternellement, puis il y avait bien assez de membre de la logistique qui lui tournait autour comme de petite abeille autour d’une fleur. Et comme de fait, me revoilà au point de départ, aux côtés de Val’ et à lui apporter à manger.

Bien évidemment, je ne fais pas réellement attention aux gens qui l’entourent et quand il ne prend même pas la peine de me répondre pour finalement dire quelque chose à son compagnon de comptoir, je reste bouche bée face à l’impolitesse dont faisait preuve ce dernier en reconnaissant le personnage qui se trouvait à ses côtés; le roi! Je pose ma main contre mon front un bref moment et je pourrais lui mettre une tape derrière la tête, mais je ne veux pas non plus qu’il s’étouffe ou qu’il se sente insulté. Je me penche alors vite fait contre son épaule pour venir lui murmurer un simple ; « On ne parle pas la bouche pleine!  Et surtout pas devant le roi! ». Je sais que l’étiquette c’est un concept qu’il ne connait pas, mais il faut quand même savoir ce tenir non? Je penche sur le côté et salut rapidement Grimvor et attrape une brochette que je mets en bouche. À peine ai-je le temps de me tourner que voilà la reine qui arrive vers nous ou plus vers son époux qu’elle étreignit tendrement. Je dois dire que voir ce genre de chose me fait doucement sourire. Les marques d’affection en publics chez la noblesse sont plutôt rares, du moins de mes expériences. Il faut faire bonne image, mais ici on est libre, on fait ce que l’on veut et on peut même parler la bouche pleine sans se faire châtier!

« Je, euh… oui. Merci… » Que pouvais-je répondre tout simplement à ce genre de remarque. Déjà, utiliser un titre honorifique avec moi n'était pas réellement nécessaire, mais bon, c'est la reine, je peux bien lui pardonner, non? Puis moi rapide? Alors que j’ai tout simplement pris le temps de remplir mon assiette et après j’ai rejoint mon partenaire? « Et bien, je dois dire que nous avons eux tout simplement la même idée de chercher à rejoindre nos messieurs qui sont tout simplement l’un à côté de l’autre. Deux personnes difficiles à manquer! » que je dis tout simplement en mettant une main sur l’épaule de Valentino.

Par la suite, je dois dire que je suis un peu perdue. Val’ ne m’avait jamais dit qu’il avait déjà rencontré la reine, puis c’est quoi cette histoire de fille? Je fronce les sourcils et ma main tic doucement contre son épaule, mais comme s’il l’avait sentie, il se dépêche de me faire un clin d’œil. Bon, j’imagine que je me fais des idées pour rien! Et heureusement que Valentino démystifie le tout parce que j’aurais bien aimé apprendre de par sa propre bouche que quelque part, il avait une fille! Enfin, pour laisser une impression, ça il savait le faire! Bonne ou mauvaise seule la personne qui se trouvait en face pouvait nous le dire. « J’ai eu peur pendant un instant, j’ai cru que j’allais être la belle-mère d’un enfant dont je ne connaissais pas l’existence. » Je rigole, mais d’un rire jaune tout de même.