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Frey comprit qu'il avait mis les pieds dans le plat d'une façon maladroite bien malgré lui et qu'il effleurait quelque chose de sensible. Il n'avait, bien sûr, aucune idée de ce qui avait pu arriver ou affecter Jaina mais il n'y avait pas besoin d'être un génie pour deviner que si tout le monde avait des problèmes, que ça soit au point de perdre complètement l'appétit était révélateur de la gravité de la chose. Le sourire qu'elle lui offrit était déstabilisant car elle parlait de ça avec une facilité apparente déconcertante. Mais soyons pragmatiques, Frey ne la connaissait pas et ile ne pouvait pas juger. La meilleure chose à faire était d'essayer de ne pas paraître malaisant là-dessus et simplement se comporter normalement avec elle.
Quant au reste, il eut beaucoup de mal à se concentrer. Il était déjà un poil agité, mais là, il avait du mal à ne pas se comporter comme ces gens un peu stupides qui prennent les animaux pour des attardés et leurs parlent comme à des attardés, sous prétexte qu'ils sont mignons. Tirer les joues d'un loup était une très mauvaise idée. Une. Très. Mauvaise. Idée. Ce n'était, dans tous les cas, pas bien dur de voir que les défenses de Frey étaient totalement brisées par le caractère mignon de la bête. Il y avait un quelque chose de terriblement familier dans la situation de Cobalt, un quelque chose qu'il avait vécu et qui le renvoyait de plein fouet à une époque qui était désormais révolue pour lui.
Il s'accroupit un instant devant le lugnipus pour l'admirer quelques secondes. Une telle bête serait le compagnon idéal pour parcourir les montagnes. Une véritable bouée de survie dans cette neige hostile, même si le rôdeur comprenait que ce n'était clairement pas le meilleur biome pour elle.
C'était sincère et presque naïf dans la simplicité avec laquelle c'était exprimé. S'il était envieux de ce qu'il pouvait imaginer dans la relation entre les deux, c'était surtout de la nostalgie qui parlait. Parfois, il regrettait vraiment le lien qu'il avait eu avec Henya, et la voir diminuer petit à petit chaque année jusqu'à ce qu'elle s'éteigne lui avait fendu le cœur. Il se demandait s'il pourrait un jour retrouver un lien si puissant dans la loyauté qu'il exprimait.
Se redressant, il revint à Jaina et à la question qu'elle venait de lui poser, orientant la conversation sur un tout autre sujet.
Quelque part, randonneur de l'extrême n'était-il pas une meilleure définition de ce qu'il était ? La pensée lui provoqua un début de sourire.
Il fronça les sourcils, comme s'interrogeant sur un détail évident mais qui ne le frappait que maintenant. Le nombre de personnes qui étaient venues à lui pour lui demander un apprentissage avait soudain explosé dernièrement. Étrange coïncidence. Et encore, ce n'était que les gens qui avaient réussi à le trouver.
Ils étaient arrivés devant le stand qui vendait des shalupins grillés mais, en cet instant, son attention était ailleurs. Quelques flocons inoffensifs tombaient, qui donnaient une atmosphère charmante aux festivités.
Elle n'avait probablement pas posé la question pour rien et si Frey était curieux, il ne voulait pas non plus empiéter sur sa vie privée alors il posait la question d'une manière un peu détournée.
Festival du solstice
Des gens, un revenant & Leffe
” — Je voulais… juste je pouvais pas…” Tu ne savais pas comment prendre sa réponse. Il aurait voulu revenir mais quelque chose l’avait retenu ? Quoi ? Tu le libéras de ton étreinte pour le regarder. Il est si pâle. Tu as envie de lui demander plus de détails pour comprendre, pour l’aider et surtout lui demander pourquoi il était revenu maintenant. Il devait bien se douter qu’il finirait bien par tomber sur l’un d’entre vous en venant ici. Tu le regardas prendre une grande inspiration comme pour reprendre une certaine contenance avant de te proposer de passer le reste du solstice avec lui.
”Parce que tu pensais partir ? Bien sûr que j’vais pas te lâcher.” Tu allais le coller telle une mouche au cul d’une vache ou comme un aquapi ayant trouvé une victime à câliner. ”Allons dans un endroit plus calme.” Tu n’allais pas le traîner au balistaire tes... enfin vos anciens camarades se jetteraient sur lui et tu préférais pouvoir parler avec lui seul à seul. Il y avait donc le banquet en second choix mais encore une fois ce n’était pas le meilleur des choix. Déjà, il y aurait beaucoup trop de bruit et tu ne parlais même pas du nombre de personnes à cette heure-là... Il ne restait plus que le labyrinthe. ”Je pense que le labyrinthe sera la zone la plus tranquille pour discuter.”
Tu l’entraînas en dehors de la forge pour te diriger vers l’activité en extérieur. Quitter le tumulte de la forge et sa chaleur étouffante pour retrouver l’air plus que vivifiant des montagnes te fit du bien. Tu remis en place ton épais manteau pour ne pas te refroidir rapidement avant de t’avancer. LE trajet te parut bien long alors qu’un silence gêné s’était installé entre vous. Tu te contentais de le regarder du coin de l’œil, de peur qu’il ne se volatilise une nouvelle fois. Tu t’arrêtas devant les immenses “haies” de glace, une jeune femme se tenais devant l’entrée en faisant teinter des cloches. Elle vous repéra et s’approcha de suite de vous avec un grand sourire :
”Bien le bonjour messieurs, vous venez affronter le labyrinthe ? Oui ? C’est le moment parfait pour commencer comme c’est une heure creuse... Et ne vous inquiétez pas si nous ne vous voyons pas ressortir d’ici demain matin, nous enverrons une équipe pour vous sortir de là !” Gloussa-t-elle avant de vous pousser à l’intérieur sans attendre de réponse. ”Bonne chance !”
Tu clignas des yeux regardant l’entrée une seconde, avant de te tourner vers ton ami. Vous vous enfoncez un peu plus dans le dédale, quand tu te décides à rompre le silence. ”Pourquoi tu disais ne pas pouvoir revenir ?” Bon... c’était un poil direct et le plus jeune risquait de se brusquer, mais tu n’étais pas connu pour prendre des pincettes... du moins pas souvent.
— Fauve…
Xarope murmure cela, maintenant il y a une certaine crainte dans sa voix, le gamin est vraiment inquiet pour un rien. Il faut qu’il s’endurcisse un peu. Soly semble plus se détendre. Je secoue la tête et lui indique rapidement les ingénieurs du bout du doigt avant de suivre docilement Leffe. L’enfant comprend, même s’il hésite un peu avant de reprendre sa discussion sur le fonctionnement de certaines machines. Il est vif comme petit, ça serait bien qu’il ait un avenir potable. Soly suis mes pas et renifle Leffe de temps en temps.
— Bonne personne ! Pas faire bébé avec lui. Ami ?
Encore une fois je hoche la tête et elle semble comprendre que pour une fois je ne veux pas discuter avec elle via ma bague. Elle n’insiste pas. J’ai pas forcément envie de l’appeler par son prénom face à lui, pas alors que ça a été des plus gênant face à Calixte la dernière fois. Pas alors que Solveig est une connaissance commune.
— Les labyrinthes c’est presque le miroir de ma vie alors affrontons cela. Ensemble c’est bien.
Cela sonnerait presque tendre dans certaines bouches alors que c’est juste une façon de me donner un peu plus de courage factice que je sais si bien me draper. Je déteste cette sensation de faiblesse, mais en même temps je ne peux pas continuer à fuir indéfiniment non plus.
— Si on prend froid avant que les secours arrivent, on se réchauffera à deux.
— Moi aussi !
— Enfin trois en comptant ma chienne.
— Compter sur moi !
Visiblement même en ayant compris que je ne veux pas discuter elle continue. Une bavarde hyperactive pleine de joie des yeux vairons et le pelage blanc. Vraiment. Je suis pathétique rien qu’avec elle à mes côtés et ce n’est pas de sa faute. Je fais quelques pas dans le labyrinthe, attends qu’on se soit un peu éloigné de l’entrée avant de commencer à parler de nouveau.
— C’est con à dire, mais il n’y a personne d’autre de l’escouade qui est… dans la même situation que moi ?
Ça sonne comme une question, mais je ne vois pas comment dire autrement ça. « Mec, tout le monde est mort, monture, familier et mon chien de l’époque inclus. Ça a été un bain de sang et j’ai tout de même vérifié le pouls de tout le monde, enterré les corps à l’aide de mes mains pleines de plaie dans une neige trop dure. Sinon, tu le trouves comment cette animation à la forteresse ? » Ouais, non, ça ne passe pas et y repenser n’aide pas non plus.
C’est tellement pathétique.
Comme cette rencontre.
— Je ne pouvais pas revenir parce que j’allais forcément tout gâcher de la vie de Solveig.
Parce que j’avais putain de peur et que je me sentais coupable.
Elle espérait ne pas avoir causé de froid en parlant vaguement de ses problèmes, mais elle ne trouvait pas l’utilité de mentir. Elle avait fui ses problèmes bien trop longtemps l’emportant ainsi dans une spirale de noirceur et de tourment sans qu’elle ne cherche à s’y extirper. Elle s’était isolée volontairement ne cherchant pas à revoir toutes ses anciennes connaissances qui ne la reconnaîtraient pas en ce jour. Et même si elle se disait aller mieux, elle fuyait encore une partie de son passée, mais surtout ce qu’elle ne pouvait plus être; garde. Heureusement, ils avaient su détourner la conversation sur un autre sujet qui plaisait bien mieux à la demoiselle; son lugnipus.
Cobalt avait haussé un sourcil, bien que peu visible parmi toute cette masse sombre qu’il représentait, lorsque Frey s’était abaissé à son niveau. Jetant un bref regard vers sa maîtresse, elle haussa les épaules en simple guise de réponse, mais fut plutôt surprise par les paroles du forestier. Le lugnipus penchant légèrement la tête sur le côté, comme s’il ne comprenait pas ses mots alors que pourtant il les avait entendus à de nombreuses reprises par la bouche de l’argentée. Dans tous les cas, il bomba fièrement le torse et leva la tête flattée par ses paroles.
« Frey gentil. Cobalt apprécie. »
À force de discuter avec son humaine, le loup communiquait de mieux en mieux bien que ses phrases n’étaient pas toujours complètes et qu’il parlait comme faisait parfois les enfants à la troisième personne. Cette fois-ci, Jaina n’avait rien ajouté puisqu’elle ne voulait pas gêner cet instant et s’était contenté de profiter de la scène silencieusement. Cela n’arrivait pas tous les jours qu’on s’arrêtait pour lui parler sincèrement de la sorte.
Elle avait d’ailleurs attendu pour questionner ce dernier sur son métier et l’avait écouté en hochant par moment la tête assimilant ainsi les informations. Elle constata qu’elle n’était pas du tout rendue au même stade que ce dernier alors qu’elle vivait par moment dans la forêt et même si elle avait quitté la grande ville pour une vie plus simplifier, il n’empêchait que son emport’tout enchanté démontrait bien qu’elle n’était pas prête à vivre pleinement dans la nature. La chasse n’était pas spécialement un souci, mais ça, c’est lorsqu’elle trouvait la créature en question. Pour ce qui était du reste, elle trouvait le moyen de se fournir en nécessaire dans les villages qui croisait son chemin.
« Vous êtes assez polyvalent à ce que je vois. Pour ma part, je suis une véritable quiche comparée à vous. J’ai vécu toute ma vie à la capitale et n’en suis que très rarement sortie. Alors je dois vous dire que ce ne fut pas facile dans les premiers temps. »
Grattant sa joue de son index bandé, elle lui sourit légèrement gênée de cet aveu. Mais bon, si elle était toujours vivante, cela voulait dire qu’elle se débrouillait tout de même. Puis, elle n’avait pas besoin de savoir tout faire pour exceller dans ce qu’elle savait le mieux faire, se battre.
« J’ai une carte d’Aryon, mais pas assez détaillée pour voir les chemins à emprunter. Mais ce n’est pas grave, je ne cherchais pas spécialement à obtenir quelque chose en retour. J’étais curieuse tout simplement. Puis si ça se trouve, je pourrai parler de vous, si quelqu’un cherche un guide. »
Enfin, seulement si cela ne lui causait pas de problèmes.
Jaina prit de nouveau une bouchée de sa brochette et remarqua le regard suppliant de son grand loup, mais pas seulement, tous ses familiers semblaient attirer par ce qu’elle avait en main. Poussant un soupir, elle retira alors ce qui restait de sa brochette pour la donner à Cobalt qui se mit aussitôt à l’engloutir. De toute façon, il y avait tant de choses à manger et Jaina avait assez de cristaux pour s’approvisionner et profiter aussi du reste des festivités.
Elle commanda donc une portion de shalupin grillé et demanda si possible quelques légumes supplémentaires pour offrir à ses compagnons qui ne mangeaient pas de viande. Au vu de ce que Frey avait déjà en main, elle ignorait s’il allait lui aussi se prendre une part, mais dès qu’elle fut en possession de sa part, elle se tourna aussitôt vers sa frouska pour lui remettre une carotte et offrit des feuilles de céleri à ses glooby.
« Vous voulez qu’on trouve un endroit où nous asseoir, à moins que vous souhaitiez vous rendre à un endroit en particulier? Je ne voudrais pas vous retarder si on vous attendait. »
Jaina n’avait jamais aimé déranger et encore moins accaparé le temps des autres, mais elle préférait le mentionné pour qu’il ne se sente pas obligé de rester.
« C'est vrai, je n'ai pas eu l'occasion de t'en parler je crois. C'était mon assistante à la capitale. Elle est aussi devenue aventurière, mais contrairement à moi, la forge ce n'est pas sa passion. »
Que dire de plus ? Je pense que Sio peut parler pour elle-même si elle en a l'envie. Je la laisse encore câliner le renard qui a récupéré l'enfant perdu. On ressemblerait presque à une sorte de petite famille ainsi. Enfin, si on considère qu'Almassar est le père de famille... Non, finalement, il ne vaut mieux pas. Je souffle un rire et vient récupérer le bras de ce dernier qui semble s'être éparpillé ailleurs.
« Ce n'est pas tout, mais il me semble que tu m'as proposé de rejoindre ce fameux buffet, non ? »
Je souffle un nouveau rire alors que j'essaye d'attirer l'attention de l'enchanteur. Une fois cela fait, je me retourne vers notre petit duo d'hybrides.
« C'est l'heure de manger ! »
Je suis sûre que cette exclamation suffira à reconcentrer un peu Sio sur autre chose qu'Adam, laissant le loisir à ce dernier d'avancer avance l'enfant. Il faudra aussi que l'on pense à chercher ses parents ou des gardes à qui le confier... Plus tard. J'ai aussi un maître forgeron à retrouver et avec qui essayer de me réconcilier avant ce soir... Mais plus tard. Pour l'instant, je veux profiter des festivités. J'ai ma sœur, un ami et... Almassar. Est-ce que je peux dire qu'il s'agit d'un ami ? Pas vraiment. C'est juste... Almassar. On ne peut pas vraiment le mettre dans une case bien définie, et c'est pour cela que je l'apprécie. Pour le moment, les doux fumets du buffet se font plus proches et plus intenses.
-"Oh ne vous en faites pas, je n'ai presque pas été à la Capitale non plus. Je ne doute pas que vous n'avez point oubliée notre marché, et ce serait un plaisir de vous y voir pour continuer à parler de ce qui vous intéresse, je note donc le début d'année prochaine. Je m'arrangerais pour rester un peu à la capitale et pouvoir vous voir à ce moment la. En tout cas, profitez bien de cette journée magique !"
Il clôt sa réponse un peu rapidement, inclinant légèrement du chef pour saluer le duo. En effet, il vient d'apercevoir du coin du regard Sia s'approcher de lui tel un loup affamé devant sa proie. Avant qu'il ne puisse ouvrir la bouche, il se fait attraper le bras ce qui lui arrache un rire amusé. Effectivement il avait proposé... Et déjà oublié. Agitant la main pour laisser les tourtereaux retourner à leurs occupations dont il ne veut absolument pas connaître la teneur -après tout, l'enchanteur est l'innocence incarnée, ce serait dommage de briser ce voilage de colombe-, il se laisse ainsi attirer au sein de cette étrange cohue par la forgeronne sans broncher.
-"Oui en effet, j'avais parlé du buffet ! Mais une chevelure rousse hors norme m'a occupé l'esprit quelques secondes, pardonnez moi."
Le groupe avance rapidement jusqu'au buffet. Almassar continue d'observer à droite et à gauche, mais une fois sorti du quartier à vapeur tout devient bien moins intéressant. Le sol est toujours de la gadoue, mais non à cause des machineries chauffant l'air. Ce sont les pas et la chaleur humaine qui remplace celle mécanique, et le brouhaha devient de plus en plus intense. Tout le monde est intéressé par de la nourriture, et rapidement cette dernière émerge enfin. Ilot de fumets dans une mer de gens affamés. Frottant ses mains avant de commencer à s'avancer pour essayer d'ouvrir un passage -malgré sa carrure de crevette, dont l'espèce est rapidement en train de tomber en disparition vu la quantité plongées dans les différents plats-, reprenant d'un ton plus joyeux.
-"Avant de reparler de choses compliquées, c'est l'heure de la nourriture ! J'espère que vous avez faim !"
Oui l'optimisme à toute épreuve d'Almassar et sa joie de vivre ne semblent jamais changer, même en plein milieu d'une foule bousculante rappelant les heures les plus sombres des offres à prix d'or de la capitale...
Ailleurs, à savoir n'importe où où nous serons que tous les deux pour profiter du reste de notre dernière journée rien qu'à nous. Après tout, même si notre retraite nous a éloigné de notre vie quotidienne, nous étions tout de même chez ses parents, donc loin d'une vie romantique.
Plongeant mon regard dans le sien, je l'entraine doucement plus loin... Retournant bêtement sur nos pas à défaut de savoir où aller ailleurs... Jusqu'à finalement m'arrêter en me tournant vers lui.
- Je pensais pas croiser qui que ce soit que je connaissais ici...
Mon ton est un peu gêné, resserrant mes doigts sur sa main tout en me rapprochant de lui, tentant de lui faire comprendre mon envie de ne rester qu'avec lui.
- Tu veux qu'on fasse quoi maintenant ? Tu veux revoir les machines une nouvelle fois ou... ?
Ou quoi ? Peut être aller manger. Ou mieux ?
- Ou on peut aller chercher de quoi grignoter et aller se perdre dans le labyrinthe pour manger sous l'aurore boréal ? Enfin... C'est qu'une proposition, hein...
En fait, je me rends compte que je ne sais pas trop comment réagir dans ce genre de festival... Après tout, c'est la première fois que je peux en profiter en bonne compagnie. Et je me rends compte que même si certaines choses m'intéresse, ma seule préoccupation actuellement c'est que mon capitaine puisse faire ce qui lui plait.
A condition qu'il le fasse avec moi.
Frey haussa les épaules lorsque Jaina lui fit la remarque qu'il était polyvalent, d'un air de dire que ce n'était pas tant de choses que ça. Il fallait juste y passer du temps, beaucoup de temps. La nécessité et la pratique faisaient le reste et, considérant qu'il passait les trois quarts de sa vie en vadrouille ici et là, c'est sûr qu'il avait atteint un niveau assez bon. Parfois il troquait ce qu'il lui manquait, ce qu'il ne pouvait pas construire lui-même ou ce dont il avait besoin et qu'il ne trouvait pas ailleurs. Au final, il était un peu le parallèle de Jaina, en ce qu'il ne fréquentait que très peu les grosses villes et qu'elles le mettaient mal à l'aise dès qu'il y séjournait trop longtemps. Le Village perché et la Forteresse étaient les deux plus gros centres urbains qu'il connaissait. Le froid du nord ne laissait d'ailleurs pas souvent le choix en hiver et il fallait s'abriter entre les murs du bourg à un moment ou à un autre.
Mettant en relation ce qu'elle lui avait dit sur le caractère nomade de son mode de vie et sur la remarque qu'elle venait de faire, il resta silencieux en l'observant commander de la nourriture pour alimenter toute cette ménagerie. Parfois, Frey aimerait bien emmener avec lui une bestiole trouvée dans la nature, mais il ne se sentait pas d'arracher un animal au sauvage pour altérer ses instincts. Quelque part, ça lui rappelait sa situation et ce conflit intérieur qui l'animait par périodes régulières : tout quitter était tentant mais la solitude était maintenant parfois difficile à supporter. Il aurait bien posé une ou deux questions à Jaina par curiosité sur ses propres expériences de nomade mais il ne voulait pas risquer de remettre les pieds dans le plat alors il se retint.
Sa multitude de brochettes au poisson empilées sur les bras, il fut un instant surpris quand il comprit avec une seconde de retard que Jaina lui proposait de continuer un bout de chemin ensemble. Content comme un idiot, il hésita un instant, ne sachant trop que répondre.
Il lui en fallait peu pour être heureux et se balader avec des bestioles, de la nourriture et quelqu'un à qui parler lui suffisait amplement. Sur-stimulé par l'ambiance générale où une multitude de gens et de lumières allaient et venaient, le côté farouche de rôdeur s'en était allé depuis un moment déjà.
Son regard farfouillant à droite à gauche, il repéra non loin une petite table pour deux personnes qui était libre et invita Jaina et sa troupe à s'y diriger pour s'y installer. Déposant son fardeau sur la table, sa verdure d'un côté et les brochettes de l'autre, il s'en saisit d'une pour commencer à la grignoter consciencieusement.
Un établissement à peine digne de ce nom en périphérie du bourg. Il essayait de ne pas parler la bouche pleine mais un enthousiasme débordant se mettait en travers de lui et de cette résolution.
Son attention était soudain bien plus focalisée, allant et venant entre le lugnipus et sa maîtresse, s'adressant aussi à lui implicitement. Il savait que ces animaux magiques pouvaient parler, mais c'était quand même très rare et il était très curieux de savoir. Ayant lui-même, plusieurs années en arrière, été (ré?)éduqué au langage humain, il voyait en Cobalt une certaine image de lui-même qui le fascinait.
Un sourire avait étiré ses lèvres un instant alors que ce dernier accepta de s’asseoir en sa compagnie pendant quelques minutes. Après tout, il serait préférable de manger assis. Il y aurait moins de risque que de tout faire tomber, puis avec toutes ces personnes qui circulaient d’un sens à l’autre, ils étaient qu’ils libèrent l’espace pour éviter de prendre toute la place. Surtout qu’elle n’était pas certaine que la présence de ses familiers soit appréciée de tous.
« Parfait alors! » déclara d’un ton guilleret.
Cherchant tous les deux un endroit où prendre place, ce fut donc Frey qui trouva et lui pointa la table. Hochant la tête, Jaina le suivit assez rapidement, s’assurant que ses familiers les avaient suivis à sa suite. Elle déposa son repas sur la table et retira son sac de sur son dos avant de le poser à ses côtés coller à sa jambe. Après tout, il y avait bien des choses à l’intérieur et ne souhaiterait pas qu’un vol à la tire se fasse. De toute façon, Cobalt s’était assis de ce côté alors que sa frouska s’était allongé un peu en dessous de la table pour ne pas prendre trop de place.
Jaina profita alors de ce moment pour ouvrir la papillote qu’elle avait refermée afin de conserver la chaleur libérant ainsi une vapeur odorante qui mettait l’eau à la bouche. D’ailleurs, elle savait déjà qu’après cela, elle irait très certainement se chercher une part de gâteau. Qu’importe le goût, elle n’était pas difficile.
« Si ça ne vous dérange pas, je veux bien alors. Ça fait toujours du bien de voyager et profiter des paysages qui nous sont offerts par moment. On a parfois besoin de se ressourcer… »
Pour le nom de l’endroit, Jaina allait essayer de ne pas l’oublier jusqu’à ce qu’elle puisse prendre papier et plume pour en le noter. Bon par contre, pour manger cela n’allait pas être facile si elle ne sortait pas d’ustensile. Si elle avait été seule avec sa ménagerie, elle aurait très certainement mangé avec ces doigts, mais là ce n’était pas le cas et il y avait bien plus qu’un public. C’est donc en trifouillant dans son petit sac sans fond qui était resté suspendu contre sa hanche qu’elle écouta le questionnement du forestier. Enfin, c’était bien plus qu’une question et elle comprenait sa curiosité puisqu’il n’était pas le premier à l’avoir questionné à ce sujet.
« Non, les familiers ne parlent pas naturellement, à moins que la créature en question le puisse. C’est d’ailleurs la toute première magie que je lui ai donnée. Il était encore tout petit à ce moment. »
Sortant finalement une fourchette en bois de son sac, elle s’assura qu’elle soit bien propre avait de l’utiliser.
« Il n’y a que les créatures provenant d’œuf qui peuvent avoir une magie. Donc un animal sauvage ne pourra pas. Enfin, j’ai étudié un peu le sujet des familiers lorsque je me suis décidée à avoir Cobalt. Après tout, adopter un animal ça ne doit pas être fait sur un coup de tête et encore moins lorsqu’on est garde, mais c’est un sujet encore mystérieux à ce jour. Tu peux te procurer un œuf de familier a des particuliers ou bien des boutiques spécialistes. Le parc du village perché est spécialisé pour ses œufs et graine de fleur.»
D’où proviennent–ils, comment certains mammifères peuvent-ils sortir d’un œuf? Il y avait tant de questions sans réponses.
« Les magies peuvent être sous forme de parchemin et il y en a plusieurs sortes.
- Oui, Cobalt, pouvoir parler télépathie avec Jaina et Jaina partage aussi pouvoir avec Cobalt. Cobalt peut traverser mur! Regarde! »
Évidemment, il n’y avait pas de murs à leur côté, mais il se rendit aussitôt intangible et bondit à travers la table arrachant au passage une plainte des deux glooby qui ne l’avaient pas suivi et qui étaient tombés par terre. Bon, avec leur petit corps mou, il n’y avait pas peur à ce qu’ils soient blessés, mais disons que ça les a surpris.
Pour Jaina elle avait légèrement sursauté et s’était empressée de les récupérer au sol avant qu’un véritable accident ne se produise et qu’on leur marche dessus.
« Cobalt, n’utilise pas pour rien cette magie. Tu vas t’épuiser…, le sermonna-t-elle.
- Pardon, enchaîna-t-il le regard penaud. »
Elle posa de nouveau son regard vers ce dernier espérant que cela ne l’ait pas choqué, comme le voisin de table qui avait fait presque tomber les ornements de sapin en forme de cheminée et de bonhomme de neige qu’il avait déposé sur sa table.
« Pour les autres, ils n’ont aucune magie. »
-Le royaume n'est pas si grand, et bien souvent, on fait de drôles de rencontre, surtout dans de tels évènement.
Et puis, ça me permet de découvrir aussi un peu tes connaissances !
S'ils se connaissaient principalement grâce au travail, découvrir le milieu plus privé de celle qui risquait de partager sa vie ne serait pas de trop.
Parcourant les ruelles, ils finirent par arriver sur la grande place ou se déroulait le banquet géant.
-On ne peut pas dire que l'on se connait entièrement Luna, mais je commence à saisir quelques chose.
Tes propositions sont souvent bien plus directives qu'autre chose
Avec le sourire il l'emporta le long des tables ou s'étalaient à en faire froid dans le dos. Partout s'étalait des spécialités du royaume. Au point qu'il ne savait pas vraiment quoi prendre. Plus habitué au pain et à la viande séchée, voir autant de victuaille lui rappelait douloureusement certaines réceptions ennuyeuses au palais.
-Je suppose que tu as aussi quelques idées bien arrêtées sur ce que tu veux manger, je me trompe ?
Dit il de façon malicieuse, s'accordant une brève interruption, observant les alentours sans remarquer qui que ce soit qu'il connaissait.
Seule la vue furtive d'un lugnipus lui remémora un souvenir lointain. Qu'il chassa en secouant la tête avant de retrouver les yeux de Luna
-Tu sais qu'on peut y passer longtemps dans ce labyrinthe hein ?
Festival du solstice
Des gens, un revenant & Leffe
Tu regardais ton ami sous un jour nouveau, découvrant un aspect de lui que tu n’aurais sûrement jamais soupçonné... Tout ça c’était clairement pas du gâteau. Tu avais l’impression de découvrir une autre personne... mais pourtant c’était bien lui. En sentant la truffe de la chienne, tu vins gratouiller délicatement sa tête. Rien qu’en la regardant tu savais que c’était une brave bête. Un léger sourire se forma sur tes lèvres, quand il mentionna que vous pouviez toujours vous réchauffer à trois. Ça te rappelait certains de ses commentaires d’autrefois, même s’ils n’étaient normalement pas réservés à toi. A sa question, tu t’arrêtes non loin d’un des bonhommes de neige servant de décoration. Ses mots te ramènent à ta propre situation. D’une certaine façon, tu comprends ce qu’il veut dire. Comment faire face à tes amis, ta famille et à tous les autres alors que tu es le seul rescapé. Une ombre passe dans ton regard, alors que te vois en Fauve. Qu’est-ce que tu aurais fait à sa place ? Tu fermes les yeux, tu devais ton retour à la Forteresse. Les soldats avaient ramené ton corps brisé, tu n’avais pas eu la possibilité de fuir. Du moins pas sans les avoir revus avant. Est-ce que c’était ça qui t’avait empêché de prendre le même chemin que le maître-chien ? Et maintenant que tu y pensais, toi aussi tu avais pris la fuite en partant pour Grand Port. Tu ne l’avais juste pas fait de la même manière.
”Je... Je … ” Tu déglutis, ça a toujours du mal à sortir quand tu veux en parler. ”Je vois le truc.” Tu pousses un soupir, passes ta main dans tes boucles brunes et blanches. Tu te tournes vers ton ami... ”Je ne voulais pas faire face aux autres aussi... j’ai encore du mal aujourd’hui.” Tu te secouas, c’était pas le moment de parler de toi ! Tu étais là pour éclaircir la disparition de Fauve. Surtout que tu ne voyais pas comment il aurait pu gâcher la vie de Solveig. Tu les revoyais encore –avec vos autres amis- autant de plusieurs choppes, non loin d’une cheminée. Tu te souvenais avoir pensé qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Tu les avais peut-être même enviés alors qu’à ce moment-là ta relation avec ta femme commençait déjà à battre de l’aile. ”Pourquoi t’aurais gâché sa vie ? Elle avait besoin de toi... Et je suis sûr que tu avais besoin d’elle.” Tu sondais le visage de ton ami, tentant d’y trouver des réponses.
Et j'avoue que je suis assez anxieuse à l'idée de lui faire rencontrer toutes ces personnes... Enfin, les Lys, c'est déjà fait et il a fait son effet. Mais Kahlua... Et surtout Elion... Non, clairement, je ne veux pas imaginer ce que donnera leur rencontre. Même si je sais que cette rencontre aura lieu un jour.
Mais on en est pas là, et la suite de ses remarques me font rougir de gêne. Pourtant, ce n'est clairement pas le but... Je signale juste ce don j'ai envie, rien de plus.
- Ce sont juste des suggestions... qui me donne envie... C'est tout. Et puis, c'est un buffet, chacun prends ce qu'il veut, c'est là tout l'intérêt.
Et ces trucs feuilletés avec je ne sais pas quoi dedans, ça semble plutôt intéressant. Et je parle même pas de toutes les pâtisseries...
Et des choux. Des choux à la crème. Quand mon regard se pose dessus, j'ai un petit pincement au cœur. Ça a toujours clairement été ma pâtisserie préféré mais elle est aussi remplie de souvenir... Ce qui, en soit, est peut être un petit peu dommage ?
Et tandis que je lorgne sur le sucré, la voix d'Arthorias me sort une nouvelle fois de mes pensées.
- C'est un labyrinthe de glace... Mais on peut faire autre chose qui te plait plus... Je... Je ne veux pas t'imposer mes envies...
Je pourrais argumenté plus sur le fait qu'au pire, on a qu'à tout casser, ou escalader, ou aller chercher Yuna et Yio pour qu'elle nous guide avec leur flaire, ou n'importe quoi d'autre mais... Non, vraiment, je ne veux pas m'imposer.
Si la concentration de Frey avait la mauvaise tendance à s'éparpiller ici et là quand il était entouré de distractions multiples, il écoutait pourtant avec une attention plus poussée que d'habitude les explications de Jaina. Les mystères des familiers lui étaient étrangers et ce n'était pas tous les jours qu'on en croisait d'aussi... Remarquables ? Il y avait, dans les possibilités qui étaient offertes, de quoi légitimement s'interroger, ne serait-ce que sur la provenance de ces œufs. Est-ce que c'était Lucy qui les envoyait ? Est-ce qu'ils naissaient spontanément de la magie et de la nature ? Pourquoi des œufs, dans ce cas, pourquoi toute cette mystique si ritualisée et ces magies qu'il était possible de donner à ces bêtes par le simple usage d'un parchemin ? Et bordel, qui avait eu le premier l'idée folle de faire ça ?
Il fut bien sûr surpris par la démonstration de Cobalt, aussi inattendue que soudaine, et eut un instant le réflexe instinctif de retirer immédiatement ses mains de la table, lâchant les brochettes qu'il tenait. Mais le temps qu'il comprenne ce qu'il s'était passé, la chose était finie et il ne savait pas ce qui avait le plus retourné son cerveau : le loup qui traverse la table ou de voir cette grosse masse foncer si vite presque sur soi. Et il ne vit que les gloobies étaient tombés que lorsque Jaina les ramassa. Il aurait probablement éclaté de rire s'il n'y avait eu la surprise et s'ils n'avaient pas paru si outragés. Quelle idée aussi, d'adopter des limaces. Qui faisait ça ? Il s'étonnait presque qu'elles ne se soient pas encore transformées en glaçons.
Autant vous dire que Frey était en sueur à s'imposer de résister à tripatouiller les babines d'un Cobalt beaucoup trop mignon avec ton air penaud.
Il y avait eu une certaine hésitation dans le choix de ce mot, un instant pensif où l'ambiance actuelle avait été traversée par d'autres choses qui n'appartenaient pas à ce lieu.
Si la question paraissait anodine et s'insérait parfaitement dans la conversation, Frey était intensément intéressé par la réponse. Cette histoire de magie et de bêtes... Il note d'aller faire un tour à cet endroit du Village perché dont Jaina lui avait parlé. Entre ça et les questions apportées par Almassar, il y avait, récemment, un fil rouge commun. Son regard croisant celui du lugnipus, il avait l'impression de se voir en lui plusieurs années en arrière.
À demi cachée par la table, Elune était en train de grignoter discrètement sans vergogne un des petits gâteaux en forme de cheminées et de bonhommes de neige qui étaient tombés par terre.
Jaina ne pouvait pas dire que son partage de pouvoir avec le lugnipus était aussi pratique qu’il le disait. Après tout, s’il décidait d’entrer dans le sol, il pourrait avoir du mal à s’y déplacer. Jaina avait plutôt fait cela, pour qu’il ne soit jamais laissé derrière puisqu’il s’agissait de son compagnon de combat. Il en avait vu des choses jusqu’à présent et avait même failli être changé complètement en pierre.
« Cobalt doit courir pour passer à travers chose. Pas aussi douer que Jaina. Cobalt pas chasseur, Cobalt combattant. »
Jaina porta son regard sur le lugnipus réfléchissant doucement à la question suivante. Est-ce qu’elle trouvait cela d’avoir permis à son familier de parler comme le faisait les humains? Sa réponse ne serait certainement pas objective, mais elle allait tout de même y répondre.
« Je peux comprendre que tu trouves cela étrange, mais en vérité, les familiers sont souvent utilisés pour accompagner leur maître dans leur quotidien. Certain se battre comme Cobalt et il est plus facile de communiquer avec eux ainsi. C’est plus pratique, parce qu’il est capable de nous faire savoir s’il entend ou sent quelque chose. On n’a pas à le deviner lorsqu’on manque de temps. »
Ça, c’était l’explication générique et non celle qui lui appartenait. Ses raisons étaient bien plus personnelles et même s’ils s’attendaient bien, ils étaient encore des inconnus pour l’autre. Même ses plus proches amis avaient eu du mal à obtenir des explications de Jaina. Elle planta sa fourchette dans la viande du shalupin qu’elle mit en bouche. Elle ouvrit grand les yeux surpris et un sourire satisfait s’afficha sur ses lèvres. Cachant de sa main bandée sa bouche elle hocha doucement la tête de haut en bas.
« C’est vraiment bon! » dit-elle entre deux mastications.
Avalant par la suite, elle s’assura d’un coup de langue rapide que rien ne puisse se trouver sur ses dents avant de reprendre.
« Je ne sais pas s’il y a des magies pour familier qui existe, mais j’ai entendu parler d’objet de pouvoir qui le permettrait. Enfin, c’était surtout des ouïes dires parmi les aventuriers, mais je ne l’ai jamais vu de mes propres yeux. »
Alors qu’elle reprenait de son plat et qu’elle amenait la fourchette à ses lèvres, Jaina s’arrêta en plein geste, faisant tomber par la même occasion un morceau de viande sur elle. Et le pire c’est qu’elle resta tout de même ainsi figée sans se soucier de quoi que ce soit. Le loup, en profita pour récupérer ce qui était tombé sur sa cuisse, alors que le regard de la demoiselle était rivé plus loin. Un visage qui lui était bien trop familier venait d’entrer dans son champ de vision et dès qu’elle le vit tourner la tête jusqu’à elle, elle détourna aussitôt la sienne. Pourtant, ce n’est pas comme si elle était reconnaissable. Sa réaction ne passa certainement pas inaperçue à son compagnon de table. Même Cobalt regardait sa maîtresse qui semblait légèrement choquée.
« Jaina? Besoin aide? Cobalt là, Jaina pas seule, dit-il d’un ton inquiet alors qu’il glissa sa tête sous son bras.
- Je…non… je vais bien. Désolée, je ne sais pas ce qu’il s’est passé… »
Elle offrit un sourire quelque peu gêné, voire même désolé, et n’osa pas trop le regarder dans les yeux. Pourquoi fallait-il que ça arrive à ce moment précis?! Enfin, elle prit une grande inspiration avant d’expirer l’air qu’elle avait accumulé dans ses poumons tentant ainsi de reprendre son calme. Pour remercier son compagnon poilu, Jaina le gratouilla affectueusement en dessous de son menton avant de poser son front contre le sien tout en fermant les yeux. Cobalt était d’un très grand soutien psychologique pour la demoiselle depuis le traumatisme qu’elle avait vécu, mais ça ce n’est pas tout le monde qui le savait.
« Vous voulez marcher un peu? Je dois avouer ne pas vouloir être seule et ça ne fera que du bien à mes compagnons. Ils ont de l’énergie à dépenser et il y a trop de monde ici pour cela. »
Elle n’avait malheureusement pas fini de manger, mais au vu de sa légère crise d’anxiété, elle savait que plus rien ne passerait pour le moment.
— Je ne savais pas que je savais aussi bien me cacher avant de le faire.
Parce que je n’ai pas eu la force de faire face aux autres. Pas alors que j’avais l’impression de les voir en sang à chaque fois que je fermais les yeux. De me voir en boucle creuser la neige pour enfouir le corps sans vie de Solveig qui me fixe avec des yeux sans aucun éclat avec une voix qui répète en boucle que c’est ma faute. Dans combien de draps j’ai dû me perdre pour tenter d’oublier cela ? J’ai perdu le compte depuis si longtemps.
— Justement, j’avais plus besoin d’elle qu’elle n’avait besoin de moi.
C’est une réalité. Quelque chose qui m’a fait horriblement peur quand je m’en suis rendu compte, juste avant d’avoir des rumeurs sur là où était Primus. Elle était enceinte, avec un avenir qui lui tendait les bras malgré cela, une force à toute épreuve, elle était un rock si solide et je me voyais, me vois toujours, comme un putain de déchet qu’elle aurait aider à se relever même si ça l’avait détruit elle. Ça l’aurait détruit de s’occuper de moi.
— Leffe, c’est moins pire maintenant, mais vraiment… J’aurais été infecte avec elle. Tu sais aussi bien que moi qu’elle serait restée avec moi-même si j’avais été une ordure sans nom en revenant. Elle aurait hurlé, frappé, mais s’en serait voulu et aurait eu pitié de ce qui m’était arrivé et aurait tenté de tenir quelque chose qui l’aurait détruit.
C’est cette réalité qui m’a fait aussi fuir, même si je n’avais pas les mots dessus à ce moment et que c’est surtout la peur qui m’a fait prendre ce choix-là.
— Je préfère qu’elle me déteste, mais qu’elle puisse être heureuse maintenant que d’avoir détruit ce qu’elle.
C’est dit avec une certaine hargne alors que Soly couine et vient frotter sa truffe contre mes jambes.
— Qu’est-ce qu’un type aurait fait d’autre que de tout détruire.
Surtout alors que je mens depuis le début même sur simplement mon nom de famille. Tellement pathétique.
Lunarya s'accapara toute son attention, et il oublia bien vite l'évènement. Préférant se concentrer sur ledit festin.
-Non non, nous prenons de quoi nous restaurer et allons au labyrinthe, si nous en sortons avant la fin de la nuit, le festin sera avec un paysage d'exception
L'aurore boréale semblait presque irréelle. Surtout pour des habitants de la capitale. Même dans son village natal, l'officier n'avait jamais assisté à un tel spectacle
Piochant quelques victuailles... un peu au hasard, il mis le tout dans un petit sachet qu'il ferma rapidement avant de prendre la main de son amante.
-Et puis... si cela te fait envie, je n'y vois pas d'objection, ma propre envie... c'est de te faire plaisir, rien de plus
Dit il un peu innocemment, l'aidant à se servir dans les plats de son choix, qui étonnamment furent plus sucrés que salé. Ce qu'il ne manqua pas de faire remarquer en riant.
-Luna qui mange de la nourriture douce, si on m'avait expliqué ça à la dernière lune... j'avoue que je n'y aurais pas cru
La réponse de Jaina sur les motivations à adopter un familier le laissa pensif. Les animaux avaient toujours été un atout précieux pour les humains, que ce soit au travail ou en compagnie, et il serait faux de dire que Frey ne bénéficierait pas d'une telle présence durant ses vadrouilles solitaires. Puis enfin elle se rendit compte de la vérité, le shalupin grillé était la meilleure chose qui soit arrivée à ce monde.
Un sourire satisfait de la part du rôdeur. Il n'y avait pas besoin de se compliquer la vie avec des objectifs compliqués et impensables, de sombres histoires de vengeances ou de domination du monde. Les meilleures choses étaient bien souvent les plus simples. Son attention fut néanmoins piquée quand elle lui parla de rumeurs sur des objets de pouvoir pour transformer un familier en presque être humain.
La suite, néanmoins, balaya rapidement les pensées de Frey quand il se rendit compte que quelque chose clochait dans l'expression de Jaina. Une seconde passa ainsi mais ça ne trompa pas ses instincts qui surent lire immédiatement le langage corporel figé qui l'avait saisie. Tournant la tête dans la direction approximative du problème, ses yeux aiguisés cherchèrent le danger, une pointe d'appréhension dans le geste. Quel qu'il soit, qui qu'il soit, bondissant d'un visage à d'une main, d'un sac à l'autre pour trouver... Il ne savait pas quoi. Son regard inquisiteur tentait de percer les secrets de l'agitation de la foule mais il y avait trop de données, trop de possibles à prendre en compte. Et la réaction de Cobalt ne trompait pas. Jaina avait vu quelque chose qui l'avait mise dans cet été.
Camouflant ses propres réactions instinctives, Frey s'efforça d'agir le plus normalement possible, tentant une approche soucieuse mais pas invasive. Il se garda bien de poser d'autres questions et acquiesça à la requête de son interlocutrice.
Labyrinthe serait plus juste, mais c'était surtout des grosses haies bien taillées. Pas de quoi inquiéter qui que ce soit. Hormis peut-être les gens qui tomberaient nez à nez avec un lugnipus géant au détour d'un croisement.
Embarquant les brochettes qu'il lui restait, Frey se leva, laissant à Jaina le soin d'emporter ou non sa nourriture - ce n'est pas comme si ç'avait beaucoup d'importance en cet instant - ainsi que ses limaces avant de faire quelque pas dans la direction qui les mènerait, plus loin, vers la périphérie de l'agitation et en direction des grandes haies tournicotées pour faire peur aux enfants. Ils marchèrent un instant dans le silence, où Frey suspectait un léger malaise. Feintant l'inattention et une marche tranquille, il jetait en réalité des coups d’œil ici et là, à la dérobée, pour essayer de capter quelque chose qui retienne son attention. Sans succès néanmoins. Il n'aimait pas trop ça, et la chose l'avait tendue un moment, instinctivement, même s'il le dissimulait. C'était comme d'observer la lisière des bois, conscient de la présence d'un prédateur mais sans pourtant réussir à le trouver.
Un morceau de bois traînait par là, il le ramassa en se penchant d'une façon nonchalante et équilibrée avant de se porter devant Cobalt, s'accroupissant à son niveau en tentant d'attirer son attention. Le bestiau lui arrivait presque à mi-taille, en réalité, au moins aussi gros qu'un warg. Est-ce qu'il ne fallait pas être soit très inconscient soit très confiant pour agiter ça sous le nez d'une telle bête ?
Sous ce prétexte et cette proximité, il profita d'une seconde d'ouverture pour chuchoter à voix très basse, conscient que l'ouïe d'un loup était bien meilleure que celle d'un humain, tentant de ne pas se faire voir de Jaina.
- J'ai comme l'impression que tu te moques... Ce n'est très très gentil.
Puis je finis d'engloutir mon petit chou avant de faire le plein de victuailles pour pouvoir le manger sous l'aurore boréale tout en choisissant tout de même de me justifier.
- J'ai toujours préféré le sucré au salé. Mais au contraire, je n'aime pas l'amertume, et encore moins le poisson. Pour le reste, je mange généralement ce qu'on me sert sans poser de question.
Parce que jusqu'à ce que je m'ouvre à lui, ma vie n'était qu'une triste spirale infernale. Et même si j'aurai pu me consoler avec des tonnes de sucres et de nourriture, disons que je n'avais simplement même pas l'envie d'être heureuse tant tout me semblait fade et triste, m'obligeant à vivre caché pour voir ma fille... Tout en réfrénant ce que je suis pour ne rien laisser paraitre de ma solitude et de mon malaise. Un travail d'acteur de tous les instants.
Mais que j'ai récemment totalement laissé tombé sous les beaux yeux vairons du capitaine.
- Tu as encore de la crème là. Attends, bouge pas.
Je lui souris, un peu moqueuse alors que je lui enlève, essuyant pas la même occasion un flocon venu se poser doucement sur sa joue, me perdant un instant dans son regard avant de m'en arracher pour venir me resserrer contre lui et nous diriger vers le fameux labyrinthe.
Et sur la route, un enfant courant en tirant son petit traineau derrière lui manque de me percuter, m'obligeant à me décaler sur le côté tandis que les bras du blond m'accueillent contre lui. Et à cette instant, malgré la beauté de la nuit étoilée du festival, à mes yeux, rien n'est plus magnifique que le regard de mon beau capitaine...
Évidemment qu’il allait s’inquiéter pour elle! Avec la tête qu’elle avait faite, c’était plutôt difficile de faire autrement à moins d’être sans cœur et sans aucune empathie. Heureusement pour elle, il avait accepté de l’accompagner et n’avait pas posé de question, même si l’ambiance était devenue quelque peu étrange entre eux. Elle s’était donc levée et avait enveloppé le reste de son repas. Elle n’allait pas le laisser là et n’était pas spécialement pour le gaspillage. Même si elle ne le mangeait pas, elle en connaissait un qui se ferait un plaisir de le terminer. Elle avait mis un glooby sur chacune de ses épaules et s’était assuré que Plue ait de quoi se protéger du froid. Pour Yétie, qui était une glooby des glaces, elle ne se souciait que très peu qu’elle puisse prendre froid.
Pendant qu’il marchait en direction de ce fameux labyrinthe, Jaina était restée en quelque sorte silencieuse. Elle ne savait pas trop si elle devait parler pour tenter de combler le silence ou s’il était mieux de rester ainsi. L’argentée n’avait pas envie de devoir répondre à certaines questions bien que pour le moment Frey n’avait pas tenté de creuser un peu plus pour chercher des réponses. Ils s’étaient contentés de poser des questions de surface comme le faisaient normalement des gens lors d’une première rencontre. Dans tous les cas, elle n’aimait pas se sentir ainsi. Elle n’aimait pas la situation actuelle et elle était en colère contre elle-même d’avoir réagi ainsi. * Cela fait plus d’un an! Cela n’aurait pas dû m’affecter ainsi. Il ne sait pas qui tu es réellement alors il n’y a pas de risque! * se dit-elle à elle-même alors qu’elle serra les poings contre ses hanches. D’ailleurs, elle n’avait même pas remarqué l’arrêt que ses compagnons avaient fait et était de sortie de ses pensées que grâce au passage d’un jeune enfant courant avec son traineau qu’il tirait derrière lui.
Lorsqu’elle pivota pour regarder derrière, elle vit une scène tout à fait banale. Après tout, le forestier tenait un bout de bois certainement dans le but de le lancer au lugnipus, il n’y avait pas de quoi s’inquiéter, mais la vérité était tout autre.
« Pas danger! Jaina mal! Jaina pas dormir, beaucoup cauchemars. Parfois pleurer et pas manger. Souvent malade. Quand Jaina faire crise, Cobalt là pour aider. Jaina besoin Cobalt pour aller mieux. »
Cela prenait bien du temps avant qu’il ne lance le bout de bois et le loup semblait parler avec leur nouvelle connaissance. Était-il arrivé quelque chose. Elle revint alors sur ses pas et bien qu’elle n’ait pas entendu le début, elle comprit malheureusement la suite.
« Jaina comme ça depuis accident.
- Cobalt! Mais qu’est-ce que tu racontes?
- Expliquer pas danger, dire pourquoi Jaina sentir mal… »
À ces mots, Jaina dut prendre de grande inspiration pour ne pas démontrer sa colère, mais si ses traits démontraient son mécontentement. Fermant les yeux, elle continua de se concentrer sur sa respiration avant de terminer par une grande expiration. Peut-être n’avait-il pas trop parlé, peut-être avait-il simplement dit qu’elle avait eu un accident et depuis, elle avait quelques soucis de santé. Et quand bien même il avait fait ce qu’il savait faire de mieux, ne pas tenir sa langue, elle ne pouvait rien y faire. Cobalt était tout simplement sincère et faisait preuve d’une grande innocence comme un enfant. Il n’avait pas cela avec de mauvaises intentions et volontairement parce que les créatures n’avaient pas spécialement ce concept.
Levant finalement les yeux vers la nuit étoilée, Jaina laissa quelques flocons venir se poser sur ses joues. La neige fondante venait aider à tempérer ses pommettes qui étaient plutôt chaudes pour quelqu’un qui était à l’extérieur depuis un certain moment déjà. Après un certain moment, elle baissa la tête pour plonger son regard azur dans les prunelles de son compagnon lui offrant un simple sourire.
« Je ne sais pas ce qu’il a pu te dire, mais je ne souhaite pas laisser cet instant gâché cette soirée. Je sais que tu as très certainement des questions, mais je ne désire pas en parler. Enfin, nous ne nous connaissons pas assez pour cela sans vouloir t’offusquer. »
Son sourire s’étira légèrement sur le coin droit et elle plongea alors sa main dans son petit sac sans fond pour y ressortir une balle rouge qui couvrait entière la paume de la main et dont le lugnipus raffolait jouer avec pour la tendre à son compagnon.
« Tiens, ses sa balle préférée. » dit-elle pour rattraper la situation.
Festival du solstice
Des gens, un revenant & Leffe
Tu continuais à contempler le visage de ton ami, ignorant les flocons qui s’accrochent à tes boucles, ta barbe et tes sourcils broussailleux. Tu aurais tellement aimé lui dire que c’était faux, mais tu n’étais pas à la place de Solveig et tu ne pouvais parler pour elle, pas plus que tu ne l’avais déjà fait... D’autant que ça ne faisait pas si longtemps que tu l’avais revu. Puis, toi-même tu n’avais pas poussé la conversation trop loin, de perdre de parler de ton propre traumatisme. Un soupir t’échappa. Pourquoi tout était si compliqué ? Tu as envie de shooter dans une des nombreuses décorations puisque tu n’arrives pas à t’exprimer. Comme il serait tentant d’exprimer ta frustration en détruisant un bonhomme de neige ou en renversant un des traineaux décoratifs ou de pousser un hurlement en secouant l’aventurier. C'est dans les moments comme ça que tu aurais aimé savoir bien parler pour l’aider. A la place tu bafouilles maladroitement :
”Jamais je t’aurai laissé faire... Enfin nous, tout le monde. Nous aurions tous été là.“ Car la garde, surtout les gars du blizzard étaient ta famille, tu aurais forcément tendu la main à Fauve. Bon ok, tu n’aurais pas été tout le temps avec eux, mais tu aurais été le plus présent possible. Puis, s’il avait dépassé les bornes tu lui aurais donné un bon coup de boule pour le calmer. M’enfin, comme il l’a dit tu ne l’as pas vu quand il était au plus bas. Et là, tu pouvais aussi l’affirmer pour les autres, puisque tes compagnons avaient été sur ton dos durant ta période de rétablissement.
Mais tu peux aussi comprendre Fauve et c’est peut-être ce qui te bloque. Toi-même t’as pas été le gars le plus agréable au monde. Tu t’étais... Enfin tu bois toujours et bien plus depuis cet évènement. Tu te mords la lèvre. Tu te sens pas légitime pour faire des reproches et pourtant tu le fais quand même. Quel idiot. Tu te sentais coupable de lui faire des reproches.
”Pourquoi tu reviens que maintenant ?” Tu t’arrêtes une seconde, avant de mettre les pieds dans le plat en cette belle nuit étoilée. ”Tu l'as revue?” Tout ne serait pas réparable... Si t’avait bien compris la jeune maman avait quelqu’un dans sa vie, mais ils pourraient peut-être redevenir des amis ? Tu espérais vraiment ne pas te bercer d’illusions. S’ils pouvaient faire la paix, les deux pourraient avancer même s’ils ne partageraient plus le même chemin.
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