Étrange machinerie. Donc le "boom-boom" régulier est vraiment le moteur de son fonctionnement a priori. J'suis le groupe, et j'entends les personnes encore attachées qui ont l'air déjà envisagé qu'ils vont pouvoir sortir d'ici. J'avais des doutes sur l'authenticité de leurs discours, mais la gamine les a balayés d'un revers de la main. Mon coeur de grand frère, j'présume. Les six personnes restent dociles et nous conduisent dans le pont inférieur, et plusieurs cristaux se dévoilent devant nous. Piloté un engin de cette taille avec de la caillasse qui brille ? Ouais, nan. Tu m'fais par avaler ça, même en étant bourré. L'homme se détache du groupe et embraye l'explication.

- C’est assez simple, enfin, je crois. Il suffit de glisser la main sur le cristal dans un sens pour déclencher une action quelque part. Selon comment on glisse, l’action est différente. Pour remonter à la surface, il faut tout glisser du bas vers le faut.
- Bordel de...

Nous acquiesçons silencieusement de la tête, et chacun des ex-prisonniers se met en place, talonné de Luciole et Mad'. J'me mets face à mon cristal, un caillou qui tient ma petite vie de chasseur de primes entre les mains. Mais on n'a pas le choix, aujourd'hui va falloir faire confiance à une machine. J'remets en mémoire l'explication du bonhomme et approche main sur la pierre. Simultanément, coordonnés comme un orchestre, les cristaux sont actionnés. Ça tremble, le sol se dérobe sous nos pas, et j'manque pas de glisser sur le mur, qui a l'inclinaison... Devient notre nouveau sol ! J'panique un peu, regarde un peu le groupe et Mad' s'appuie sur moi. Elle était blanche, non, elle était verte, non, elle devait être blanche avant, et maintenant verte. J'lui fais savoir que j'ai pas besoin qu'on me refasse une beauté alors que la force centrifuge nous plaque pendant que sa tourne et tourne et...

... D'accord, moi aussi j'me sens pas bien.

Dans un regard plein de désespoir, Mad' me demande la gorge nouée et bientôt remplie de casse-dalle si on va bien sortir de là. Honnêtement j'en sais rien. On sera peut-être mort, noyé dans le vomi de mon ami le plus proche. Allez Jin, y a pire. J'me contente d'une réponse assez sommaire et, qu'on se le dise, pitoyable.

- On va sortir de là, t'en fais pas Mad'.

La gamine, apparemment habituée de la manœuvre rit moqueusement. Bien joué petite, la roue tourne, et pour le coup, elle tourne vraiment !

Reste plus qu'à rester plaquer contre le mur, et attendre.

Allez, dernière ligne droite. 'Fin, pas si droite que ça.

résumé:

Ça y est, le cauchemar s'arrête. Le vaisseau tangue de moins en moins, nous voyons la surface à travers ce panorama sous-marin qui, faut le dire, a beaucoup de gueule. J'viens de me rendre compte que j'avais planté mes serres du gantelet dans le mur qui maintenant est devenu le sol, comme un chat qui a avait peur de tomber de son arbre. Ridicule je l'étais, mais faut croire que les manèges, quand j'connais pas, ça m'enchante pas des masses. Et pis va trouver des îles géantes qui flottent dans tous les sens à la Gueule Cassée entre deux stands de Charcut'. Pas le temps de féliciter l'équipage qu'on entend un gros ramdam sur le pont supérieur. Des bruits de pas, comme un régiment donnant l'alerte. Ils prennent la tangente. Mad' essaie de reprendre le contrôle pour les courser mais autant voir un clochard avec le foie ravagé par l'alcool asthmatique courir après un fantôme. Pousser un rire devient nerveux mais Zahria prendra la parole.

Techniquement on est au milieu de nulle part. Alors ouais, les laisser décaniller ne posait pas problème avant que le bonhomme nous révèle l'existence de chaloupes pour évacuer en urgence. Maintenant les choses vont devenir compliquées, on se regarde avec des yeux ronds comme des billes et Luciole nous suggère de partir avec mon éternel binôme pour les rattraper. On chope des volontaires, un p'tit trio, sans connaitre leur capacité hormis qu'ils savent utiliser un caillou qui brille pour nous faire tourner en vrille avec une île de je ne sais combien de kilomètres. On accepte d'un franc signe de tête et on amorce la course.

Mais peut-être un peu trop vite.

À l'aise dans leurs godasses et connaissant l'île comme leurs poches, les trois loustics grimpent les escaliers avec une agilité féline. Mais moi j'ai encore le tournis, et même en essayant de faire attention à la marche, j'manquerai pas de trébucher comme un incapable (Dé : oui) sans me fouler la cheville toutefois. Même Mad' et son état quasi cadavérique suffiront pour me doubler et arriver en haut avec les autres.

Mais bon, Jin. T'as pas le temps de promener. Alors en avant.

résumé:

Vite. Il faut aller vite ! Arrivé au pont supérieur, notre groupe fonce vers une porte ouverte qui nous conduits à cette putain d'impasse où s'est passé notre petite sauterie avec les Porc-Becues. Pas le temps de parler, ni de poser des questions sur comment cette pièce est devenue accessible, alors on continue de garder le rythme et davantage accélérer le pas de course maintenant que nous savons où nous sommes. On longe ce fameux couloir et des résonances vont trahir leurs positions.

On arrive, les merdeux.

Assez excitant de les traquer, mais ça devenait vite désespérant puisque à défaut de les entendre, nous les apercevons toujours pas. On essaie de pas se gêner dans le couloir pour maintenir le rythme. Puis on arrive au carrefour. Bizarrement on n'entend plus rien. L'un des prisonniers ouvre la gueule en m'indiquant la position des chaloupes. Et si c'était une embuscade? J'garde l'idée pour moi et encore une fois pas le temps de réfléchir si ça peut nous conduire aux présumés fuyards. On suit la "grille d'acier" et descend ce couloir un peu trop raide à mon goût. Des portes de chaque côté, j'commence à me remémorer un petit notre périple et la cartographie de l'île commence à être un peu claire pour moi. Mais encore une fois...

Pas le temps.

Pis on arrive enfin au bout du couloir. Une immense caverne. Rocailleuse, grande, ma respiration haletante résonne dans la grande pièce qui offre une vue incroyablement terrifiante. En fait j'étais partagé entre la peur et la fascination. Les fonds marins, juste devant nous devant la bouche de la caverne qui semble tenir une espèce de barrière pour éviter d'engloutir l'intérieur de l'île. Pourquoi cette pièce existe ? C'est pour accueillir le Faugunpta quand il veut pioncer ? J'me retourne vers notre petit groupe et il semblerait qu'il en manque un à l'appel.

- Il est partit où, l'autre ?
- Il a sans doute prit un autre chemin.

Mon regard se pose sur Mad', j'peux pas prendre le risque de me séparer d'elle pour aller le chercher puisque ma confiance en eux vient soudainement de chuter en une profonde méfiance. Même si je sais que Mad peut les allonger comme de rien, on est pas à l'abri d'une connerie. J'acquiesce doucement de la tête et regarde ces fameuses chaloupes. Notre guide de fortune explique la procédure, alors que j'analyse tout doucement chaque marche d'escalier qui monte péniblement jusqu'à un petit hublot naturel illuminé par une lumière, comme si Luciole nous attendait là-haut. Quel chemin merdique n'empêche.

Peut-être le dernier obstacle dans les ténèbres pour retrouver la lumière.

D'accord, on crèvera de fatigue si on tente de les monter en force. Hm...

- Mad', 'te restes de la corde ?
- Ouais, Feuf. Les tracter vers le haut, je marche.
- On va utiliser mon pendentif plume pour diviser le poids des chaloupes, on devrait être assez pour les tirer sans trop de difficultés. Vous deux, l'un de vous restera avec moi, pendant que l'autre ira poser le pendentif et attacher la corde à l'avant-proue. Une fois là-haut vous échangerez les rôles et ainsi garder un circuit pour que la traction soit viable. Mad' reste en haut, surveilles le coin, peut-être que les fuyards sont dans les parages, je t'appellerai quand la fatigue pointera son nez.
- Et toi d'ici là?
- J'tirerai comme un âne.

Tout le monde accepte le plan et Mad me donne son rouleau de corde. J'm'approche de la première chaloupe, et je leurs montre brièvement comment faire un noeud de chaise sur l'avant-proue. Ce nœud forme un œil - une boucle - qui ne glisse pas. Ce nœud est idéal sur les cordages qui subissent des fortes tractions, car il est résistant et se défait facilement même en ayant été très serré. En revanche pour le réaliser ou pour le larguer, il faut avoir du mou dans le dormant. C'est pas un nœud qui se fait sous tension. Merci Papa et tes longs périples en bateau passés à tes côtés, tu connaissais vraiment tout sur tout. Les deux mecs ont l'air de piger la manœuvre vu leurs mains de bricoleur, c'était logique. J'pose le pendentif et déroule la corde en montant avec mon partenaire. Mad était déjà arrivée. Y'a bien cinquante mètres et une quinzaine de mètres de cordes. La route va être longue. Le type passe devant moi, alors que l'autre attend son tour pour la montée suivante. Ils sont certainement sous-alimentés, j'vais pas les solliciter davantage alors autant qu'ils gardent ce circuit. La corde tendue, j'prend une grande inspiration.

- Allez, ON TIRE !

La corde couine, et le bois de notre future véhicule grince sur les premières marches.

résumé:

- ON TIRE ! ALLEZ !

J'avais posé mon manteau, mon gantelet et ma chemise dans la première chaloupe pour être plus à l'aise sur la manœuvre parce que, et faut le dire, même divisé par deux, j'avais l'impression de tirer plusieurs Rhésus en même temps. Le circuit tourne bien, les deux loustics ont pu boire et becter un truc à la bienveillance de Mad' et les chaloupes continuent de monter. La corde commence à encorner mes mains, elles sont rouges à cause de la friction, j'risque d'avoir un sacré steak si j'continue à tirer une chaloupe de plus. Avec l'effectif donné par l'un des prisonniers et la capacité de nos nouveaux véhicules à les sortir d'ici on a convenu que trois bateaux suffiront. Dans ma montée, la sueur ruisselant sur chaque parcelle de ma peau, dont une quantité astronomique dans le creux de mes reins et sur le torse, j'pensais aux derniers dire de mon amie.

Et si effectivement ils essayent de nous douiller? Ils sont beaucoup plus nombreux et cette mission nous a tous fatigués, autant nos pouvoirs que notre physique ou notre mental. S'il y a bien truc que j'ai pigé dans la vie, c'est que tout le monde ment. Même si ça serait plutôt surprenant vu leur profil atypique, envisager un plan de secours si ça part en cacahuète n'est peut-être une si mauvaise idée. Après tout, n'est-ce pas en vivant avec des pirates qu'on peut en devenir un ? Décidément j'suis assez moche à voir, suffisamment pour que Mad' vienne me voir et tenir la corde avec moi.

- Tu feras gaffe à tes jolies ongles.
- Dixit monsieur "Chevelure de Princesse" ! C'est la dernière Feuf', et tu me faisais peine à voir !
- Tellement mignonne...
- Ça t'arrive de ranger ta fierté?
- Non !
- C'était pas vraiment une question ! Allez on y presque !

Tous mes muscles étaient congestionnés, courbaturés, engourdis, il est évident que j'vais le regretter le lendemain. Même le deuxième prisonnier s'est décidé à venir nous rejoindre pour cette dernière ligne droite. À quatre sur la corde sur des intervalles de trois mètres, on traîne notre calvaire comme des galériens sur ses marches qui ont transformé mes cuisses en guimauve. Baignant dans la lumière de l'extérieur, nous sortons enfin.

Est-ce que j'allais tomber de fatigue ? (Dé : Non)

J'ai bien cru à un moment donné. Mes jambes tremblaient comme jamais, impossible de récupérer mon souffle. Mais alors que mon état ressemblait à celui de Mad' pendant une croisière en plein milieu d'une tempête, mes prunelles orangées ont décidé de regarder l'horizon. J'voyais flou, puis ma vue se précise et j'ai pas l'impression de rêver.

Terre, droit devant.

Mon corps se relâche et je m'affale sur le rebord de la chaloupe tout récemment montée et laisse la brise sécher mon kilo de cheveux collés à ma peau beaucoup trop moite. D'un regard complice, traduisant une félicitation commune, on se le rend avec un simple signe de tête. La fatigue nous empêchant de prononcer quoi que ce soit. Avec la résonance de la caverne, les discussions de foules dévoilent enfin les futurs occupants des trois chaloupes. Luciole est arrivée. Partageant ma gourde fontaine avec notre quatuor, j'attends qu'elle soit transmise à Mad pour parler de la suite du plan.

- ...On va... les mettre... à l'eau.
- ....Même pas... en rêve !
- D'accord ...j'vais les mettre à l'eau avec ...nos deux amis. T'as qu'à indiquer... au reste du groupe où nous sommes... et organiser le départ.

Je la délaisse à nouveau, et sors les cordages qui étaient à l'intérieur de la chaloupe pour les attacher sur les protubérances rocheuses qui sortent de la plateforme pour éviter de les perdre en mer une fois à la flotte. Un nœud de cabestan - excellent nœud d'amarrage - devrait faire l'affaire pour éviter d'en perdre un en route. Les glisser sur la plateforme fut bien plus facile que les hisser jusqu'ici. Les trois chaloupes dansant sur les petites vagues de l'océan désormais, tout est vraisemblablement prêt pour le départ.

Résumé: