Visiblement Rebecca n’avait pas envie d’attendre qu’il démêlât ses jambes, car ce fut elle qui vint à lui. Et qui lui glissa un nouveau liquide entre les lèvres. Et c’était plutôt pas mauvais. En avait-elle fini avec le méchant monsieur ? Est-ce qu’ils allaient à présent festoyer suite à la brillante réussite de cette quête ? Peut-être, ou peut-être pas. Car alors que la douce chaleur du breuvage faisait peu à peu place au frisson fébrile de la douleur, l’aventurière se tourna vers le centre de la pièce pour s’adresser à quelqu’un. Pour obtenir un antidote. Un antidote de quoi ?

Si c’était contre les nausées, Calixte était tout à fait pour. Se détachant de son amie pour vider ses entrailles dans un coin de la pièce – heureusement que ce que lui avait donné Rebecca avait déjà fait effet – avant de retrouver dans un vertige un semblant de lucidité, il prit quelques minutes pour essayer d’analyser la situation. Prendre bêtement l’arme de l’inconnu : check. Ne pas trouver d’autre moyen pour s’en débarrasser que de s’auto-mutiler : check. Rendre la mission milles fois plus compliquée que ce qui était initialement prévu : check. Vomir à nouveau en quête : check. Quand il allait rendre son rapport à Zahria, pas sûr qu’elle le réautorisât sur le terrain avant quelques lunes et quelques sermons.

Farfouillant à nouveau dans son sac-à-dos en serrant les dents pour tenter de se focaliser sur autre chose que la douleur – et l’envie de revomir – il eut tout juste le réflexe de jeter un coup d’œil à la ronde pour vérifier que l’aventurière n’était pas en danger. Bon, il n’aurait probablement pas pu y faire grand-chose, mais quand même. Néanmoins l’homme lumineux semblait surtout très heureux de continuer à leur faire la conversation, donc pourquoi pas. Ils avaient tout le temps du monde. Sa senestre trouva ce que Lucy – ou une autre haute autorité – plaça sous ses doigts, car clairement son cerveau n’était plus bon à grand-chose. Un paquet de biscuits de son paquetage de quête, un parapluie, un caleçon, une paire de menottes anti-magie qu’il tendit à Rebecca dans un grognement, un sachet de sucres magiques, et enfin une potion de soin. Ah non, une potion de transformation en Lumios. Puis une potion de soin.

Après quelques secondes d’observation pénible, le coursier décida qu’il s’agissait bien là d’une potion de soin et non de celle de transformation – au pire était-ce bien grave ? peut-être qu’en Lumios sa main ne le lancerait pas autant et arrêterait de pisser le sang – et débouchonna le récipient pour en avaler d’une traite son contenu. Retenant un haut-le-cœur, il posa son regard sur l’aventurière tout en attendant de voir jusqu’à quel point le remède le rafistolerait.

Résumé:

Inventaire:

Peu à peu la douleur de sa main comme les brûlures de son bras se calmaient, et l’hémorragie teintant ses doigts de rouge se tarissait. Moins gêné par la douleur et la perte de sang, Calixte retrouvait peu à peu davantage de lucidité. Il avait tout de même l’impression d’être passé sous un béhémot et n’aurait pas été contre piquer un petit somme ici et maintenant.

- Je devrais y arriver, répondit-il à Rebecca en se relevant péniblement.

Un vertige le prit le temps d’une fraction de seconde, mais à présent délesté de son dernier repas, le coursier se sentait étonnement léger bien que pas tellement ragaillardi. Il profita du temps que l’aventurière prenait pour faire un dernier tour de la pièce pour se stabiliser davantage sur ses jambes, et il adressa un regard prudent à l’homme menotté. L’emprisonnement de sa magie par les menottes n’avait pas été clément sur son corps, et on pouvait y lire la rudesse du temps que de la maladie. Entre eux deux, ça allait leur prendre un petit moment de sortir des souterrains. Si les enfants n’étaient pas partis jouer les explorateurs.

Finalement, ils quittèrent la salle pour retrouver l’entrée de l’aven. Rebecca redonna à Calixte ses lunettes de jour – qu’il chaussa aussitôt – et la seconde partie de son collier jumeau, et le garde réalisa qu’il allait lui faire preuve d’un peu plus de vigilance pour récupérer les affaires qu’il avait perdues depuis sa rencontre avec le centipède. Le trajet fût lent, et ils ne revirent par Lightning. A leurs côtés, l’homme prisonnier était docile et silencieux maintenant que les deux amis ne s’intéressaient plus à son travail. Une fois, la femme contenue dans la bille du coursier défusionna – le temps limite avait été atteint – et il la refit fusionner.

- Non, pas tout. Surtout que tout ne semble pas être à moi, répondit-il à l’aventurière alors qu’elle lui tendait une palette de maquillage.

Tant pis pour la pollution, mais certaines choses devaient rester secrètes. Et puis de ce qu’il avait égrené, seules certaines affaires lui manqueraient vraiment s’il ne remettait pas la main dessus. Après tout, il avait tout de même un peu ciblé ce qu’il avait balancé à son adversaire. Ils récupérèrent ainsi sa corde magique, une partie de son matériel de camping, sa cape Glooby et sa lampe magique avant de déboucher sur l’entrée des souterrains. Comptant rapidement les petites têtes présentes qui chantonnaient avec une voix remarquable parmi tant d’autres, le coursier soupira de soulagement. Ils n’auraient pas besoin de retourner fouiller le dédale. Rapidement, Apolline les informa que Lightning était repassée par là et avait dû s’éclipser plus rapidement que prévu pour des soucis personnels. Elle était donc, elle aussi, hors de danger.

Sortir de l’aven fut finalement moins compliqué que ce que le militaire avait redouté. Enhardis par la pensée de retourner enfin chez eux, les enfants s’étaient prêtés au jeu sans rechigner. Il avait logé le prisonnier dans une bille et s’était lui-même fondu dans la cape de l’aventurière pour qu’elle les remontât à la surface. Lorsque les souterrains furent vides, le soleil poursuivait sa descente dans le ciel. Ils avaient ainsi passé là toute la nuit et toute la matinée. Ils prirent la direction du village d’Ignasius – car c’était le plus près – et lorsqu’ils l’atteignirent enfin, la soirée se profilait déjà. Entre les petites jambes fatiguées des enfants, le prisonnier malade et Calixte éreinté, le trajet n’avait pas été des plus rapides.

Ils furent d’abord accueillis avec stupeur et crainte par les deux malheureux gardes à l’entrée, puis très rapidement avec soulagement et empressement. Malgré la misère évidente du village, les enfants furent invités à se laver, manger, et se reposer dans un confort spartiate mais toujours plus appréciable que celui des geôles souterraines. Rebecca resta discuter avec Ignasius – et il devait s’avérer qu’ils leur ramenaient bien Cléomara mais soudainement âgée par les traitements infligés par leur actuel prisonnier – mais Calixte s’effondra rapidement pour dormir à poings fermés.

Lorsqu’il réouvrit les yeux, on était le lendemain matin. Son bras lui rappelait doucement par sa fatigue les derniers évènements un peu traumatisants, mais la peau de sa main avait entièrement cicatrisé et les traces bleutées n’étaient presque plus visibles.

- Tu as pu te reposer ? demanda-t-il à Rebecca en s’installant à côté d’elle pour un petit déjeuner sommaire. J’ai dormi comme une souche.

Un peu plus loin, les enfants qu’ils avaient délivrés jouaient avec ceux du village d’Ignasius, inconscients de l’antagonisme entre leurs deux villages respectifs. Du mouvement à sa gauche lui fit tourner la tête, et il reconnut la silhouette de la femme qu’il avait passé son temps à faire refusionner la veille.

- Calixte, garde, se présenta-t-il en lui tendant la main. Comment allez-vous ?
- Mieux, bien mieux. J’ai eu l’occasion de discuter un peu avec votre collègue. Merci de nous avoir porté secours. Mes compagnons n’ont pas eu ma chance, mais… merci.

Fouillant dans son sac, le coursier lui tendit les plaques qu’il avait prises sur le cadavre de l’homme qui avait cédé place à l’ours bleu.

- Nous n’avons pas eu le temps de lui dresser une sépulture décente, mais je vous indiquerai l’emplacement où il git, si vous le souhaitez.
- Je m’en occuperai, acquiesça-t-elle. De toute façon je vais rester encore un peu dans le coin. Ces gens ont besoin de toute l’aide qu’ils peuvent avoir, et après tout ça… j’ai besoin de prendre un peu de recul.

Ils poursuivirent leur encas dans un silence contemplatif, et après avoir fini sa tasse de thé, Calixte se tourna vers Rebecca.

- Il va falloir qu’on retourne au premier village, déposer les enfants. Je pense qu’il vaudrait mieux ne pas trop s’y attarder. S’ils ont probablement besoin de voir le visage du coupable, les villageois risquent de s’échauffer à la pensée qu’il a tué une bonne partie des enfants. Et à seulement tous les deux… ça risque de rapidement tourner au vinaigre.

Inventaire MAJ:

Le passage au village qui les avait mandatés via la Guilde fut un contraste de soulagement et de peine, et les deux amis ne s’y attardèrent pas. La joie des familles retrouvant leurs enfants contre la douleur poignante de celles apprenant le décès des leurs. Le temps d’échanger quelques mots avec le doyen - profitant de sa générosité en refaisant le plein de vivres - et ils repartirent aussi vite que la décence le permît. Le temps gagnait à nouveau des teintes humides, mais il y avait un sentiment de libération tout savoureux à l’idée que la quête était enfin finie. Bon, l’illuminé leur restait sur les bras le temps du trajet jusqu’à la Capitale, mais tout de même.

Ils bivouaquèrent rapidement après leur départ du village, car la journée n’était déjà plus très jeune, et profitèrent de la soirée pour discuter de tout et de rien, s’interrogeant sur ce qui avait bien pu rappeler Lightning aussi vite. Si leur prisonnier passa un certain temps sous forme de bille, ils le laissèrent aussi souvent simplement ligoté à divers objets. Docile, mue dans un silence contemplatif, il ne leur posa pas de soucis.

Le reste du trajet se passa sans encombres, et assez rapidement en la compagnie des montures qu’ils avaient récupérées là où ils les avaient éparpillées. Ils essuyèrent quelques averses mais rien de décourageant, et au terme d’une chevauchée tirant vers le début de la nuit, ils atteignirent enfin les remparts de la Capitale. Rebecca accompagna Calixte pour remettre leur prisonnier - ainsi que la sphère à présent inerte et embourbée de chairs pour évaluation - à la Garde, et une fois les formalités remplies, ils se séparèrent pour regagner chacun leurs pénates. A l’heure indécente à laquelle ils étaient arrivés, la Guilde attendrait le lendemain pour clôturer cette quête des enfants disparus.

Résumé: