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L'hiver est enfin là. Et si la neige est un compagnon routinier des habitants du nord, cela n'empêche pas l'austère ville de se parer de mille couleurs une fois la période du solstice venue. De grands rubans sont déployés sur les murailles et le long des façades d'habitude bien trop mornes.
Entouré des vapeurs des machineries inventés pour l'occasion, la ville se prépare à la fête la plus importante de l'année, sous une aurore boréale nocturne qui vient éclairer les rues enneigées de l'une des plus vieilles cités du royaume.
Le Balistaire du Solstice
Animation traditionnelle de la Forteresse, la garde met exceptionnellement à disposition de tous, ses armes sièges pour une séance de tir sur un champ de bonhomme de neige. De quoi s'amuser en tirant des traits inoffensifs sur des cibles factices
La ville met à disposition des cadeaux sous la forme de gloot en peluche pour les meilleurs tireurs du solstice. Venez donc tester votre adresse et peut être tenter de remporter une surprise de fourrure géante pour le meilleur !
La Forge Vapeur
Le quartier des inventeurs est sans doute devenu le quartier le plus chaud d'Aryon ! La vapeur s'élève des nombreux ateliers, la vapeur et les bruits de mécanismes techno-magiques en tout genre. Laissant de côté les traditionnels enchantements, les inventeurs du royaume font cliqueter leurs plus belles inventions pour l'occasion.
Vous ne verrez nulle magie ici, mais préparez vous à avoir les yeux comblés par des merveilles tout droit sorties de l'ingéniosité humaine. Le sifflement des clapets et des machineries vont envahir les rues pour une courte nuit, faisant tomber une neige artificielle et fonctionner des créations encore jamais vu d'esprit d'Aryonnais
Le dernier banquet avant la fin de l'année
Au nom plutôt évocateur, mais oh combien justifié ! Les meilleurs chefs d'Aryon viennent proposer à qui le voudra un banquet gargantuesque en plein air.
Ouvert à tous, la cité à dressée d'immenses tables couvertes de mets des plus divers. Des épices du sud jusqu'aux viandes les plus savoureuses de la grande forêt.
Une soirée qui vous fera voyager aux quatre coins du royaume dans une débauche de nourriture qui saurait combler même les appétits les plus voraces. Tentez de dévorer une cuisse de sanglier des montagnes à la bière et au miel, ou encore un coq de léral aux baie de lucols ! Ou faites mieux, joignez vous aux chefs dans des préparations toujours plus spectaculaires
Le labyrinthe glacé
Sortit des méandres de l'esprit d'un cryomancien et d'un architecte joueurs, le labyrinthe de glace à vu le jour dans la place principale du bourg. Construction imposante bien que transparente, elle vous promet des heures dans un labyrinthe dont les parois totalement transparentes seront à même de vous dérouter.
Sur plusieurs niveaux, le labyrinthe vous récompensera à son sommet par une vue magnifique sur l'aurore boréale qui domine le ciel.
Et peut-être bien qu'un marchand de glaces vous attend au sommet...
Comme chaque année à l'hiver les humains étaient pris d'une sorte de frénésie croissante et irrationnelle dont l'intensité ne cessait de grimper jusqu'aux grandes fêtes entourant le passage à la nouvelle année. Pour Frey, qui avait été habitué à fêter cette tradition d'une façon bien plus modeste que ce qu'on pouvait trouver dans la grande cité de la Forteresse, cette débauche de couleurs, de bruits et de sons était comme un pom-pom agité sous le nez d'un chat, excitant sa curiosité et l'amenant immanquablement à venir fouiner par ci par là, attiré par le ramdam monstrueux qui se dégageait jusque dans la vallée d'à côté. Les gens disaient qu'ici l'hiver était rude mais il ne fallait pas avoir mis un seul pied dans le Bourg en plein cœur des festivités pour proférer de telles bêtises. Ça criait dans tous les sens, ça courait, ça buvait, et ça se réchauffait avec bien plus qu'un vin chaud si vous voulez son avis. Il aurait juré que la flasque de ce garde, là-bas, ne contenait pas que du jus de pommes.
Butinant d'étal en étal, prisonnier des instincts de son estomac, c'était évidemment vers le banquet commun géant qu'il s'était dirigé, suivant les odeurs alléchantes de grillé et de ragout. Ici et là, il s'était généreusement empiffré de tarte chaude aux fruits et s'était retrouvé à chaparder un tas de fines brochettes de tout petits poissons grillés, têtes et arrêtes croquant sous la dent avec un goût amer de salé, de brûlé et d'une chair friable et sèche. On aurait pu croire qu'il en avait beaucoup trop pour une seule personne mais c'était mal le connaître. Déambulant ici et là en tentant d'éviter précautionneusement les collisions avec les mioches qui couraient partout, la nuit était claire, illuminée par les couleurs d'une magnifique aurore boréale. Au bruit du splish splosh de ses pas dans la boue mélangée à de la neige qui servait de sol, il déambulait, hésitant quant à savoir s'il emportait encore plus à manger, en profitant pour faire quelques réserves, ou s'il allait visiter les autres points d'intérêt. Ses sens aux aguets, il ne savait presque plus ou donner de la tête tant il y avait de choses à voir et d'agitation.
Il se sentait d'une nature joyeuse, presque espiègle, mais il avait de la nourriture dans les bras, alors pas question de se concentrer sur autre chose que ses précieuses friandises pour le moment. Ce banquet ne s'appelait pas le dernier banquet avant la fin de l'année pour rien et il comptait bien en profiter avant de passer à autre chose...
Soly ma suis sa queue battant l’air, visiblement des plus heureuse que pour le moment on se promène avec autant de monde autour sans que j’aie tenté la moindre approche. Cela ne durera pas, mais qu’elle profite, cette chienne est contente d’un rien. J’ai aussi accompagné Xarope ici à la base, c’est lui qui voulait venir là pour faire le tour du quartier des ingénieurs. Je pense qu’il veut voir ce qui se fait et qui peut être installé chez nous.
— Regarde ! Ça fume dans tous les sens !
— C’est le principe.
— Il n’y a même pas de magie pour faire tout cela !
Je ricane de son enthousiasme, là tout de suite même si je disais que ce qu’il regarde est une sombre merde il est trop perdu dans son monde pour faire attention à ce que je pourrais dire ou faire. Dans une autre vie, il aurait certainement terminé ingénieur avec sa curiosité naturelle et son envie de toujours bricoler. Je devrais peut-être lui installer cela chez nous pour qu’il soit lieux pour exprimer ses talents.
— J’aimerais tellement ça.
— Tu sais quoi ? On va se renseigner en même temps sur ce qu’on peut t’installer à la maison.
Il y a un moment de blanc où Xarope me regarde, l’hybride Neptuchien semble avoir une hésitation sur le fait qu’il a bien entendu.
— Qui sait, tu sauras peut-être faire des merveilles pour que notre refuge soit encore mieux ou que mes armes en jettent.
— Merci !
Et le voilà parti après une étreinte rapide au milieu des ingénieurs pour parler avec un peu plus de passion de tout ce qui l’entoure. Je me renseignerais aussi pour lui trouver un endroit pour exercer son apprentissage si c’est ce qu’il souhaite vraiment. Finalement ce n’est pas une si mauvaise idée que d’être là. La langue râpeuse de Soly sur ma main approuve ma pensée silencieuse visiblement.
Les pas du jeune homme le portent au travers une bonne partie de la ville, évitant simplement les zones les plus occupées comme le banquet et le labyrinthe, avec un objectif en tête, yeux rivés dessus : les bandes de vapeur s'élevant dans le ciel, preuve que le quartier des inventeurs semble s'être dépassé pour proposer cette année des souvenirs uniques dont Almassar compte bien se gorger. Et sa curiosité est entièrement comblée quand il pénètre dans cette zone qui tranche tant avec le reste de la ville. Car si les autres rues, murs et bâtiments arborent un air typiquement festival, en une nuit l'un des saint des sains des chercheurs, scientifiques et ingénieurs de tout le royaume s'est entièrement transformé, comme propulsé par les rêves les plus fous de visionnaires hors de leur époque.
Tout autour de l'homme le sifflement de la vapeur, le ronronnement des machineries et le cliquetis des engrenages déplaçant d'imposantes pièces mécanisées entament une mélodie capable de le bercer. Il n'y a nulle magie la dessous, du moins magie apparente, Almassar est sur de cela. Uniquement les règles physiques les plus classiques qui bercent l'humanité depuis sa naissance, jumelée à son ingéniosité pour régler n'importe quel problème qui peut se dresser face à elle.
-"Je n'imagine même pas si nous arrivons à combiner cela à des enchantements et des âmes artificielles ce qu'il serait possible de créer..."
Ce murmure échappe des lèvres de l'enchanteur sans qu'il n'arrive à le retenir tant il est subjugué et émerveillé. Son esprit s'éloigne loin, très loin, et c'est d'un pas presque aussi mécanique que les machineries l'entourant qu'il se laisse ainsi bercer sous cette musique du progrès en marche, des rêves de plus en plus fous germant dans son esprit, passant de stand en étal, d'ingénieur en scientifique sans but précis, profitant simplement du spectacle proposé.
Nous sommes en plein dans notre petit déjeuner quand je fais cette déclaration au forgeron. Habituellement, c'est un événement que je vis à la Capitale en compagnie de ma famille. Je pourrais très bien prendre mon pass de téléportation et les rejoindre... Mais cette année, je ne vis pas avec ma famille pendant cet événement. Non, je vis désormais avec Lyle. Alors c'est avec lui que j'ai l'envie de passer ce festival. Et puis, la Forteresse est réputée pour ses ingénieurs et ses forgerons, il parait qu'ils se surpassent à cette occasion. J'ai envie de voir cela.
« On pourrait visiter le quartier des Forges. Il paraît qu'il faut voir ça au moins une fois dans sa vie. »
Évidemment, j'ai aussi envie de profiter du reste du festival, cependant je sais quel argument utiliser pour motiver ce forgeron particulièrement casanier. Et il semblerait que j'ai su trouver les bons moments puisqu'à peine quelques heures plus tard nous voici au milieu de la forteresse. Nous essayons d'éviter la foule autant que possible, de ne pas nous perdre. Je finis par prendre la main de Lyle pour ne pas le perdre et c'est dans un étrange silence que nous rejoignons le quartier des forges.
Pour l'occasion, j'ai sorti une robe plus épaisse qu'à l'habitude, surplombée d'un petit manteau de couleur claire, les cheveux relevés en une haute queue de cheval attachée par un ruban. Mon regard pétillant de curiosité n'arrête pas de se poser ici et là, cherchant à découvrir l'aspect de cette ville que j'ai appris à connaître, mais que je n'ai pas encore pu voir lors de telles festivités. La neige tombe doucement, pourtant ici la neige ne tient pas. La chaleur ambiante me fait même retirer mon manteau que je tiens au bras. Nous déambulons tranquillement d'étals en étals, laissant la curiosité de l'un ou l'autre nous guider.
Dans le vacarme assourdissant des machines, je finis par reconnaître le bruit caractéristique du métal chaud se faisant frapper. On finit par tomber sur une forge à l'allure mécanisée. L'endroit est curieux, on utilise des machines pour aider les forgerons dans les tâches les plus ingrates du métier, une manière de préserver leur corps et leur santé. Bien loin des méthodes très basiques de Lyle. J'esquisse un petit sourire et m'attarde sur les produits proposés sur l'étal de la forge. Mon regard glisse d'armes en armures et passe même pas des objets d'ingénierie que je ne connais pas. Le panel est large et diversifié, presque autant que le nombre de forgerons qui semble être présent vers les fourneaux. Je me tourne vers mon maître avec un petit sourire.
« Alors, qu'en penses-tu ? »
Concentre toi Sio ! Elle doit trouver sa sœur. C'est pas un solstice si elles ne sont pas ensemble. Bon, ok, il reste Rid, mais il ne peut pas comprendre. Pas comme Sia. Elle a l'impression de ne rien faire bien. Et c'est plus ou moins à ce moment que son corps heurte quelque chose. Quelque chose ? Non, quelqu'un. Almassar, une nouvelle victime de Sio le fléau de gaucherie. Le pauvre enchanteur semble perdre l'équilibre alors la grande perche maladroite essaie de le rattraper... Toutefois tout ce dont elle est capable c'est de le suivre dans sa chute et de lui tomber dessus, se heurtant à lui une nouvelle fois.
« Oh, j-je suis désolée ! » Lève-toi Sio, par pitié ne reste pas sur ce pauvre homme ainsi. Elle tente de se redresser et finit assise sur lui, ce qui a pour effet de la faire rougir avant et de se figer. « J-je... » Elle bondit sur pieds reculant de quelques pas avant de revenir lui tendre la main, encore plus rouge maintenant. Elle ne sait plus où se mettre, tendant la main au jeune homme. « Je suis une i-idiote... Pardon... » Marmonne-t-elle, la main toujours tendue vers lui. Quelle idée d’être aussi petit aussi...
Je ne pus m’empêcher de lancer un regard éberlué à mon instructeur qui eût tôt fait de me fermer la porte au nez alors qu’un panneau pendait lamentablement où était incrusté dans le bois un ‘’Fermé’’. Je ne pus m’empêcher de cligner les yeux à plusieurs reprises, fixant la bâtisse stupidement. C’était bien la première fois qu’Ivan me faisait le coup, mais il fallait croire qu’il ne voulait pas voir ma tête pour la journée. Les épaules basses, je ne pus m’empêcher de me détourner pour faire marche arrière, ayant comme première idée de rentrer chez moi. Soudainement, avant que je ne puisse continuer mon chemin pour m’enfuir, la porte s’ouvrit à nouveau à grande volée alors qu’Ivan s’était mis à hurler dans la rue.
« Va profiter des festivités au lieu de faire ton déprimé ! »
À nouveau, la porte claqua, me laissant pantois. C’était juste pour ça ? Je ne pus m’empêcher un léger sourire en dirigeant mes pas vers le centre de la cité. Ivan était peut-être un homme un peu rustre, mais je m’étonnais chaque jour un peu plus à apprécier ses attentions, m’y habituant certainement un peu trop.
La neige s’était mise à crisser sous mes pas, m’offrant un véritable paysage figé dans l’éternel glacier, seules les décorations des fêtes nous offraient une nouvelle image. Je n’avais pas la moindre idée d’où me rendre, je n’étais pas vraiment assez sociable pour m’égarer à travers les ruelles pour profiter des animations. J’avais un peu cette sensation de solitude sans avoir quelqu’un pour m’accompagner, mais en même temps, je n’étais qu’une plaie ou un ennui pour d’autres. J’étais un véritable paradoxe à moi seul, et ça m’épuisait déjà, qu’est-ce que j’étais ennuyant.
Je ne pus m’empêcher de pousser un profond soupir me dirigeant presque naturellement là où la fumée s’échappait des cheminées. Attiré comme par un aimant, je finis bien vite par trouver la zone des forges, m’émerveillant bien vite des créations toutes plus originales les unes des autres. Légèrement en retrait, je me contentai d’observer le travail splendide des artisans, m’imaginant moi-même un jour faire découvrir mes plus belles inventions. Je ne pus m’empêcher de faire quelques pas en avant jusqu’à heurter de plein fouet une personne. Sans relever la tête, je bredouillai maladroitement quelques excuses pitoyables jusqu’à reconnaître cette longue chevelure immaculée. Un léger sourire étira mes lèvres, content de croiser un visage familier.
« Salut… Murmurai-je dans ma barbe. »
Mais la voyant déjà accompagnée, j’inclinai la tête vivement.
« Désolé de t’avoir interrompue. »
Vite vite vite, j’avais envie de m’enfuir avant de devoir à nouveau me lancer dans une conversation. J’appréciai vraiment Sia, mais je préférais continuer mon tour sans m’enfermer dans un mutisme gênant pour tous.
Et alors que le soir tombe, nous arrivons aux abords de cette cité qui bordent la frontière du royaume, et déjà, une grande lumière céleste attire mon regard.
- Oh... Mais c'est vrai que c'est le solstice aujourd'hui.
A la capitale, en général, je suis toujours la première à me porter volontaire pour faire le planton toute la journée au palais pendant que les autres s'amusent... Mais cette année, tout semble clairement différent. Et pour une fois, je sens monter en moi une envie de profiter de ce moment, comme n'importe qui, continuant encore d'oublier le poids qui pèse sur mes épaules... Poids que j'ignore depuis que le Capitaine de la Garde Royale a choisi de nous emmener vivre une petite retraite chez ses parents. Un choix des plus curieux quand on y pense, mais qui a finalement clairement eu l'effet escompté.
A telle point que je regrette déjà nos petites habitudes prises durant tout ce mois.
- Tu penses qu'on peut se permettre de... rester un peu ?
Visiter, profiter, oublier encore quelques heures nos rôles et surtout le sien qui risque de l'accaparer plusieurs jours lorsqu'on sera de retour. Et j'avoue que cette optique me fait étrangement peur... Tout comme je ne sais pas trop comment je vais réussir à revenir à ma vie normale maintenant que...
Maintenant que j'ai gouté au bonheur.
Alors juste pour ce soir... J'espère qu'on pourra encore en profiter un peu ?
Hochant la tête vers son amante, l'officier eut un petit sourire en coin.
-A ton avis Luna ? Somme nous ici par le simple fruit du hasard ?
La fête du solstice était réputée dans tout le royaume, et le prétorien n'avait encore jamais réellement put mettre les pieds dans cette dernière, toujours trop occupé pour faire autre chose que travailler. Mais cette fois, cela semblait différent, peut être que Lucy lui permettrait enfin de profiter de la fête avec quelqu'un.
Mieux valait cela que de se résigner à perdre son amie.
-On dit que l'ambiance de cette fête est particulière ici. Il faut dire que célébrer la neige dans le sud me semble être une aberration certaine
Conduisant le duo jusqu'à l'entrée de la ville, ils laissèrent leurs montures à la garde locale avant de se débarrasser de leurs lourdes capes de voyages déjà pleines de neige.
Et si les passants allaient pour beaucoup dans le centre ville, Arthorias tira la manche de la rousse en indiquant du menton un quartier d'où s'élevait une vapeur intense.
-On m'a dit que cette année le quartier des ingénieurs avait son lot de surprise. Et depuis quelques temps, les inventions étrange qui en sortent semblent attirer de plus en plus de monde
Ce sera déjà un bon début !
Et si la demoiselle semblait lorgner sur les nombreuses peluches du balistaires, ils auraient tout le temps de finir la soirée avec cette animation.
L'attirant au travers des rues étroites, ils débouchèrent bien rapidement sur un endroit beaucoup plus chaud et humide, remplis du sifflement des clapets et du cliquètement des engrenages
-Ouah...
Fut tout ce que trouva à dire le capitaine devant la profusion de cuivre et d'invention en tout genre, sa main se serrant presque machinalement autour de celle de Lunarya.
Un étrange engin passa à côté d'eux, claudiquant sur de longues pattes qui semblaient peiner à trouver la moindre adhérence sur les pavés.
-A vrai dire, j'ai pu essayer une machine sortit d'ici quand l'île géante c'est approchée d'Aryon, et j'ai toujours été curieux de voir ce que l'esprit pouvait créer sans magie.
Et présentement... Ils étaient servis
Finissant ton pain et pensant plutôt à ta lame d’hier, Sia te sortit de ton esprit voyageur pour venir te faire une demande qui te faisait déjà grincer des dents. Un voyage à la Forteresse pour profiter du Festival… Une horreur pour toi. Tout le contraire de Sia qui semblait juste ravit à l’idée de passer une journée là-bas. Et elle semblait absolument vouloir y aller avec toi… La raison ? Elle voulait visiter le quartier des Forges… Tu en avais entendu parler, mais ce quartier ressemblait plus à un lieu d’inventeur que de véritable forgeron pour toi.
Tu t’habillas en conséquence. Tu avais l’habitude de t’y balader le torse-nu à la Forteresse, mais si c’était un festival, tu allais à moins de t’habiller dans une tenue plus classieuse… Tu hésitais donc entre ton kimono ou une tenue plus complète… Nan, tu ne voulais pas salir le kimono avec la foule et les forges, tu pris donc la même tenue complète que tu avais pris lors de ta balade sur l’île déserte volante.
Une fois sur place, Sia ne manqua pas une seule seconde pour venir t’attraper la main et te tirer à travers la foule. Elle ne te tirait pas totalement, mais tu n’étais pas le plus rapide du duo, clairement, entre la foule et l’ambiance… Tu te répétais que tu préférais forger qu’autre chose. Au lieu de fixer le festival, tu fixais Sia qui semblait avoir un regard qui voyageait de gauche à droite rapidement, observant dans les moindres détails son environnement.
Elle finit alors par se tourner vers toi, et comme si on te donnait seulement la permission, tu quittas du regard Sia pour observer ce qu’on proposait. Déjà que le vacarme lourd te faisait mal à la tête, tu ne supportais pas non plus de voir autant de lames fait dans la moindre volonté ou âme. Des machines prenant la place des humains et puis quoi encore. La plupart des choses ici étaient soit des « outils révolutionnaires » ou des objets classiques fait plus facilement et ayant une meilleure qualité… Tu n’achetais rien de tout cela… Donc tu te tournas vers Sia d’un air déjà fatigué.« Qu’on soit d’accord, je ne t'achèterais rien d’ici. Non seulement ça doit être hors de prix ou des arnaques, mais il n’y a littéralement rien d’intéressant ici. Simplifié, un travail ne le rend pas meilleur, ça veut juste dire que plus d’incapables peuvent se croire capable. »
Tu te tournas alors vers Sia qui venait de se faire saluer par un jeune blond. On dirait que la fleur était plus populaire que ce qu'elle voulait te faire croire. Tu saluas simplement le jeune homme d'un signe de la main ne voulant pas l'interrompre.
« Bordel Lyle ! C'est bientôt le Solstice et tu penses juste à faire la tronche ! Détends-toi un peu à la fin. Tu es censé profiter et arrêter de penser au travail. Je t'ai proposé cette journée pour passer du temps avec toi. Pas pour que tu fasses la tête. »
J'aurais pu rougir de cette déclaration en d'autres circonstances, mais là il m'agace déjà. En fait, j'aurais dû me débrouiller pour trouver Sio et profiter du festival en sa compagnie. Embarquer Lyle était la pire des idées. Je me recule en soupirant et prend un air plus sérieux et presque vexé.
« Je n'ai besoin de rien. Je voulais ton avis, rien de plus. Mais comme d'habitude, tu ne vois pas plus loin que le bout de ton nez. Ces machines n'ont pas été créé pour que des "incapables" deviennent capables. Elles ont été faites pour améliorer les conditions de vie des ouvriers. Pour que tous les forgerons ne meurent pas comme ton père. »
J'ai peut-être dit la parole de trop sur ce coup et je m'en rends compte une fois que les mots sont sortis de ma bouche. Je m'apprête à m'excuser et me corriger, cependant une tête me bouscule en raison de la foule à ce moment-là. Je baisse le regard sur le jeune homme qui me salue. J'ai à peine le temps de le reconnaître que déjà il cherche à partir.
« Adam ?... »
Trop tard, il part comme si j'allais le poursuivre. Je l'aurais bien fait si je n'étais pas en compagnie du rouquin. Je serre à nouveau la mâchoire et croise les bras devant moi en baissant le regard.
« Désolée... Je voulais pas être blessante... Je me dis juste que des inventions pareilles pourraient aider mon père qui se fait vieux, prolonger sa vie et améliorer sa condition pour qu'il puisse continuer à forger et faire ce qu'il aime. Espérer qu'il ne tombe pas malade comme le tien. Parfois, je regrette que tu refuses de voir ce que le changement peut apporter de bien... Tu ne vois que la médiocrité partout et refuse de te dire que peut être tout ceci pourrait être bien pour d'autres qui n'ont pas ta chance. »
Je relève un peu le regard vers lui. Je me sens froide et en même temps je sais que j'avais besoin que ça sorte. Je retenais tout ceci depuis trop longtemps. Même si notre relation s'est un peu améliorée dernièrement, rien n'est résolu. Je tourne alors la tête dans la direction dans laquelle est partie Adam puis me retourne vers Lyle.
« Si tu ne te plais pas ici... alors rentres. Moi, je veux profiter. Et je veux essayer de retrouver mon ami. »
Sans un mot de plus, je me retourne en serrant les dents. Jamais le forgeron ne me suivra, j'en suis sûre, alors autant chercher Adam directement. Je prends une allure rapide en regardant autour de moi à la recherche de la petite tête de l'armurier. Aucun signe de lui. En revanche, mon regard finit par se poser sur une tête que je connais que trop bien. Et une autre qui m'est aussi familière. Je me fige un instant en pensant reconnaître ma sœur, les larmes commençant à monter à mon œil.
« Sio ? Sio, c'est toi ? »
Elle se calme et prend un air plus sérieux pour te répondre. Elle n’avait besoin de rien sauf de ton avis. Mais tu étais aveugle selon elle… Elle protégea même les fameuses machines, pour améliorer les conditions de vie de forgeron, qu’ils ne meurent pas comme ton père.
Ton cœur s’arrêta. D’un coup sec et sans prévenir. Ce n’est pas la colère qui venait de revenir à la surface, pas la tristesse… Mais la vérité… Tu pouvais sentir ton cœur s’arrêter, ton ventre remonter dans ta gorge, ton visage devenir livide. Et la voix de ton père revenir pour te frapper sauvagement le crâne. Tu serras les poings, baissant la tête et retenir ton envie subite de vomir. La foule n’aida pas à cela, tout bougeait trop vite autour de toi. Sia te parla encore, mais sa voix semblait distordue et corrompue. Comme si tu étais bourré, il te fallait une bonne seconde pour seulement comprendre ce qu’on te disait. Blessante ? Elle n’avait pas eu idée à quel point. Le changement apporte des choses bien ? Nan, le changement efface le passé. Le changement a fait disparaître ton père… Le changement a forcé tes parents à t’abandonner. Ta chance ? CHANCE ? Tu ne bougeais plus d’un pouce, mais sentais ton corps brûler d’une colère titanesque… Quelle chance ? Vivre seul ? Perdre sa seule famille ? Vivre uniquement dans une seule chose… Et essayer de vaincre la mort en se donnant un rêve stupide
Sia partit alors… Tu ne sais même plus pourquoi elle partait. Partir ? Elle voulait que tu partes ? Nan… Elle t’abandonnait juste… Ne se rendant pas compte des dégâts qu’elle venait de te faire. Tu titubas à travers la mer de personne autour de toi, faisant de ton mieux pour cogner personne en t’éloignant du cœur de la foule pour trouver une place sur un banc. Tu t’asseyais dessus, baissant la tête et plaçant la main contre ton torse. Appuyant avec force chacun de tes doigts contre ton torse, n’ayant qu’une envie, arracher ton cœur pour arrêter le bruit de ton propre battement de cœur qui te rendait sourd.
Nan ! C’était stupide ! Tu posas la main contre ton cœur, essayant de l’apaiser. Sia avait raison, tu es juste l’idiot de l’histoire. Ce n’était pas sa faute si tu ressentais cela. Ce n’était pas sa faute que tu venais soudainement de te rappeler ton père. Ce n’était pas sa faute si ton père est mort… Alors pourquoi la seule que tu avais eu envie de lui répondre, c’était que tu avais hâte que sa famille meurt et qu’elle puisse savoir ce que ça fait d’être vraiment seul. Tu étais vraiment un beau connard de pensée à des choses aussi horrible à plein milieu d’une fête. Et là, tu devais juste ressembler à un gars bourré au début de la fête… Tu étais vraiment pas fait pour ce genre d’événement.
Festival du solstice
Des gens, un revenant & Leffe
Tu étais de retour à la Forteresse pour profiter du festival du Solstice et voir quelques vieux amis. A la base tu aurais dû le passer à la Capitale avec tes enfants, mais ta femme avait encore joué à la garce. Enfin, c’était qu’une supposition, mais ton fils n’avait même pas répondu à tes lettres et ta fille... Ta princesse t’avait conseillé de ne pas venir. Suite à ce message, tu étais resté déprimé pendant plusieurs semaines avant de recevoir une invitation de tes anciens camarades de la Forteresse. Tu avais hésité... mais tu n’allais pas rester à te tourner les pouces au Bastion pendant tes congés. Tu avais donc fait ton baluchon et tu t’étais mis en route sans perdre plus de temps. Tu étais arrivé la veille et tu avais passé une bonne partie de la nuit à profiter du grand banquet avec tes amis et maintenant tu comptais bien profiter des autres activités proposées. Bon, le balistaire, le labyrinthe ou la forge ? Les deux premiers promettaient d’être amusants, mais tu étais curieux de voir les créations des ingénieurs. Entre les idées loufoques et celles qui révélaient du génie, tu ne pourrais que t’émerveiller ! Puis, tu n’aurais qu’à finir ta soirée au balistaire après avoir bu un coup... ça serait d’autant plus amusant sur des bonhommes de neige en voyant trouble. Tu dirigeas donc d’un pas joyeux vers ton objectif. Celui-ci était assez facile à repérer grâce aux jets de vapeur –et à l’atmosphère tout de suite bien plus chaude. Tu t’arrêtas un instant pour admirer l’ensemble. Un homme s’amusait à faire fonctionner une machine qui faisait tomber de la neige. Tu tendis la main pour attraper un flocon qui ne fondit pas de suite à ton contact. C’était de la fausse neige ? Ton regard brilla, comment ça fonctionnait ? Tu t’approchas du stand où l’homme débitait une longue explication quand tu le vis.
Un fantôme.
Un fantôme qui semblait bien vivant, puisqu’un garçon lui faisait un câlin avant de s’éloigner un grand sourire aux lèvres. Tu te souvenais bien du jeune homme, tu l’avais appelé ami... Ami que tu pensais avoir perdu avec d’autres il y a déjà bien longtemps. Tu restas sans bouger à le regarder, oubliant ta joie enfantine et ta curiosité. Il se trouvait qu’à trois mètres. En quelques secondes tu pourrais te dresser devant lui pour exiger des explications, pour lui foutre un pain dans le nez ou pour l’étreindre. Tu ne savais pas encore ce que tu allais choisir et tu te contentas donc d’un :
Fauve Nalim.”
Tu l’avais dit une première fois d’une voix presque inaudible, avant de le gueuler bien plus fort, faisant se retourner quelques badauds et ingénieurs.
Quelques secondes sont nécessaires pour s'en remettre alors qu'il retiendrait de peu quelques larmes, finissant par saisir la main tendue pour se relever. De son second bras il vient s'épousseter, retirant la neige sur sa tenue d'hiver pour essayer de concentrer son esprit sur autre chose que la douleur, reprenant d'une petite voix.
-"C'est pas de votre faute... J'étais tout aussi absent que vous... Vous allez bien ?"
Bien sur, en bon enchanteur il détaille directement la jeune femme et son apparence des plus singulière. Il ne se veut pas intrusif mais difficile de se retenir face à une hybride aussi visible. A croire que les dragons pullulent en ce moment entre l'esprit de Lunarya, Frey et désormais elle. Peu à peu son ton devient plus assuré alors que la douleur commence enfin à redescendre.
-"Je ne peux pas vous en vouloir de toute façon, pas en une telle journée. Le quartier offre bien trop de choses à observer pour que cela n'arrive pas de temps à autres."
Tout en parlant son regard se rive sur sa droite puis sa gauche, détaillant les miracles technologiques qu'il évoquait l'instant précédent. Au milieu de cette cacophonie mécanique, personne ne semble vraiment avoir remarqué cet impact au milieu de la journée, détail passé dans le temps en une poignée de seconde. Seul l'inventeur s'occupant de la machine présente à quelques pas d'eux qui semble être une réplique d'araignée géante mécanique tentant de faire des petits bonds acrobatiques à un léger sourire amusé de voir cela. Puis une voix qu'Almassar reconnait, semblant s'adresser à la femme qui vient de le heurter. Arquant un sourcil il vient pivoter la tête, détaillant la forgeronne fleurie de la tête au pied, clairement pris par surprise. Puis, sans hésiter il lève légèrement la main pour la saluer, un sourire venant étirer ses traits.
-"Oh bonjour Sia ! Cela faisait un moment que je ne t'avais pas vue, comment tu v..."
Soudainement il s'interrompt, comprenant ce qu'il a noté plus tôt. Elle connait la dragonne venant de le heurter. Son regard passe de l'une à l'autre, de l'autre à l'une. Quelles étaient les probabilités qu'il se fasse ainsi tamponner par une proche de la forgeronne ? Et plus qu'une proche se dit-il, tandis qu'il détaille Sia, et surtout la larme qui perle du coin de son unique œil, brillant sous le givre des neiges. Sa bouche s'entrouvre légèrement, comme pour poser une nouvelle question, avant de simplement reculer d'un pas pour observer ce qu'il se passe et les laisser interagir comme elles le souhaitent. Il semble se trouver au milieu de retrouvailles émouvantes, et il n'a clairement pas envie de s'interposer entre les deux demoiselles, préférant simplement les laisser profiter de l'instant et revenir à lui quand elles le souhaitent. Et même si ce n'est pas le cas, au pire il pourra toujours continuer sa route et terminer de la remonter l'esprit tranquille. Maintenant que sa descendance à rejoint ses aïeux dans la tombe, il peut se concentrer uniquement sur sa passion.
« C'est vrai... Mais quand même, j'voulais pas vous blesser. »
La jeune demoiselle entend une voix. Sa voix. Dans son dos. Quelque part. Elle se fige un instant et ne réalise même pas que le pauvre enchanteur s'adresse à sa soeur. Elle n'ose pas se retourner, de peux que tout cela ne soit qu'un rêve une fois encore. Elle ne veut pas être déçue. Cependant, il n'y a aucune chance qu'elle confonde sa voix avec celle d'une autre. Elle pivote lentement pour finalement faire face à son ainée. Elle reste plantée là quelques secondes. Le temps que l'information remonte à son cerveau. C'est que la route est longue, comprenez. Puis elle efface rapidement la distance entre elle pour la prendre dans ses bras. Elle n'arrive pas a retenir ses larmes. Sio l'a cherché partout pendant des mois et maintenant elle ne voudra plus jamais la lâcher.
« Pitié dis-moi que tu es réelle ! » Elle renifle piteusement. À croire qu'elle ne fait que ça dernièrement: pleurer. Tragique. « J't'ai cherchée partout ! J'ai même rencontré ton forgeron nul ! Et j'me suis perdue ! Et après j'ai fait tomber un monsieur... J'ai trouvé personne pour couper mes cheveux ils deviennent si longs et j'm'ennuie sans toi... Je déteste les forges ! » Elle a dit tout ça en oubliant de respirer, réduisant sa pauvre soeur à l'état d'une peluche dans ses bras. Heureusement pour Sia, le dragonnet n'a pas beaucoup de force. Tout est dans sa taille impressionnante. Et ses grosses larmes de petite fille.
Encore une fois, Jaina allait très certainement passer le solstice seule, ou presque. Enfin, cela dépendait si elle allait tomber encore par mégarde sur quelqu’un, mais son état s’était bien amélioré et elle se sentait mieux. Dans tous les cas, son dévolu s’était jeté sur Forteresse en cette année. Elle aurait pu visiter la Capitale et festoyé avec sa sœur, ou bien même chercher à se rapprocher du Grand Port pour fêter avec son amie, mais pour faire changement – et aussi parce que je ne peux pas avoir deux personnages dans le même sujet – elle avait pris la route en direction des grandes montagnes.
Son voyage s’était fait à pied et à dos de monture évidemment alternant entre les deux pour laisser se reposer Elune sa frouska. À ses côtés, comme toujours, le grand et fier lugnipus l’accompagnait même s’il ne s’agissait pas de sa saison préférée. Bien plus à l’aise dans les températures chaudes, Jaina n’avait jamais regretté le talisman chauffant qu’elle avait ajouté à son collier. Dans sa fourrure de jet logeaient toujours au sommet de son crâne deux petits gloobys dont un bleu qui n’avait clairement pas la même résistance aux basses températures que sa voisine couverte d’une petite fourrure blanche.
Elle ne passait pas inaperçue entouré de ses familiers, mais contrairement à certainement personne, elle n’avait pas de domicile fixe où elle pouvait les laisser. Personne ne pouvait les surveiller et s’assurer qu’ils allaient bien alors il la suivait partout où elle allait. C’était la meilleure façon, selon elle, de créer des liens avec ses compagnons.
Enfin, toute vêtue de bleu et de blanc avec quelques accents dorés, Jaina avait préféré arborer des couleurs dont elle avait l’habitude de porter et pour une fois, elle n’avait pas choisi son armure de cuir troquant aussi sa cape usée par l’une de ses plus belles qui était doublée de fourrure pour se garder bien au chaud. Avec sa natte tressée sur le côté, on pourrait presque dire qu’elle n’avait pas changé, hormis qu’elle avait pris quelques centimètres et des formes supplémentaires, que son visage était différent et que sa chevelure était devenue complètement blanche malgré la présence d’une seule mèche dorée. Aaaah les potions qui permettait de changer d’apparence, un sale truc quand on ignorait de ce qu’il s’agissait.
Dans tous les cas, Jaina ne passait pas inaperçu aux yeux des autres attirant surtout les enfants qui étaient toujours impressionnés face à la taille du grand loup d’ébène. Il donnait parfois l’impression d’être dur et méchant, mais il n’était qu’une grosse bête aux grands cœurs et très obéissant. Il se penchait acceptant toutes les caresses que lui faisait et s’amusait à les surprendre en usant de sa voix rocailleuse pour en quémander plus. Jaina souriait avec bienveillance dans ce genre de situation. Elle appréciait plus que tout son compagnon.
« Bon, allons vers le banquet. J’ai une faim de loup!
- Même pas drôle, répondit aussitôt ce dernier. »
L’aventurière se mit à ricaner alors qu’elle laissa les odeurs guider ses pas. Après tout, si les meilleurs chefs d’Aryon s’étaient retrouvés ici elle devait en profiter. Seulement, elle ignorait si elle pourrait manger tout ce qu’elle voudrait. Les mixtures de Xylia l’avaient peut-être aidé, mais son estomac était toujours sensible. Enfin, elle verrait bien sur place!
D’ailleurs, à peine arriver que le loup sembla aussitôt remarquer la présence d’un être au bras rempli de victuailles.
« Lui aussi faim de loup! clama le lugnipus de sa voix rocailleuse sans aucune gêne tout en s'approchant à son tour du banquet.
- Oh, éloigne ton gros nez des plats! Je sais que tu t'en lèches les babines, mais c'est pas pour toi! D'ailleurs, surveille les autres pendant que je me sers, je ne voudrais pas que l'un de tes poils se trouvent dans le plat de quelqu'un d'autre!»
J’avais été stupide, il faudrait que je pense à m’excuser la prochaine fois que je croiserai la forgeronne. Elle s’était toujours montrée si avenante, que je ressentais la culpabilité de ne l’avoir qu’à peine saluée. Je fus soudainement attiré par des gémissements non loin. Quittant alors le mur auquel j’étais adossé, je m’approchai de lui, tandis qu’il peinait à sécher ses larmes. Une chaussette rouge de Noël à la main, il semblait égaré au milieu des passants. Pas assez bête pour être intimidé par un enfant, je m’accroupis pour me mettre à sa hauteur, déposant une main réconfortante sur son épaule. Il leva vers moi un regard bien trop bleu, alors qu’il finissait de sécher ses larmes.
« Tu es perdu ? Fis-je à son attention. »
Il me répondit d’un bref mouvement de la tête. Je saisis sa main qui était glacée. Légèrement inquiet que celui-ci n’attrape froid, je reculai de quelques pas.
« Je vais t’aider à retrouver ta famille. »
Un mince sourire se dessina sur mes lèvres tandis que le fis appel à mon pouvoir, celui-ci parcourant mes veines jusqu’au bout de mes doigts. Je lui fis signe de se cacher les yeux, la transformation n’étant pas des plus agréables à regarder. Au bout de quelques minutes d’une intolérable souffrance, je vins plonger ma truffe dans la chevelure de l’enfant. Avec un pelage aussi épais, il n’aurait pas à craindre du froid. Je m’allongeai sur le sol en lui faisant un signe du museau.
« Grimpe, parvins-je à articuler difficilement. »
Je vis alors ses yeux briller, et il sauta sur mon dos, s’accrochant à ma fourrure épaisse. Lorsqu’il fut bien installé, je me relevai pour repartir à travers la foule, humant l’air à la recherche d’une odeur similaire à celle de l’enfant. Mes oreilles se couchèrent sur mon crâne tandis que je sentais les regards peser sur moi. Peu importait ma forme, je détestais toujours autant être le centre d’attention.
Je reconnus plus loin la tignasse de Sia, et ma queue se mit subitement à remuer. En quelques foulées, je l’avais rejoint, me présentant à elle un peu honteux. J'avais besoin d'aide maintenant ignorant le fait qu'elle soit déjà accompagnée.
Toute cette débauche de nourriture en était presque indécente sachant que serait bientôt là la saison froide et son climat de plus en plus rude. Trouver de la nourriture en pleine montagne se faisait rare et compliqué et, parfois, il se demandait pourquoi il ne testait simplement pas la méthode d'hibernation de certaines animaux. Une grotte, un gros plaid, un peu de gras et de retour aux beaux jours ! Habituellement il préférait passer les périodes froides dans un climat plus clément comme dans la forêt proche du Village perché, mais les choses en avaient décidé autrement. Sa rencontre avec Almassar n'y était pas pour rien et il s'était mis en tête de lui ramener tout un tas de trucs qui pourrait - peut-être, il n'en était pas toujours sûr - lui être utiles. Il envisagea un instant la possibilité de lui ramener de la nourriture mais l'idée fut bien vite balayée par un ventre égoïste. Et puis, il n'était pas si mal loti que ça dans son auberge. Mais l'heure n'était pas aux affaires sérieuses et Frey continuait son petit bout de chemin en dévisageant les gens ici et là.
En cette soirée il avait laissé de côté ses traditionnels attributs de rôdeur tels que son arc et son épée courte et s'était contenté de sa tenue habituelle, en grande partie en cuir rembourré de fourrures, plutôt du type voyageur que tenue de ville et qui en avait vue de sacrées là-dehors. Voyager sans ses armes ou sa cape lui était une sorcellerie étrange mais la fête du Solstice semblait réchauffer les cœurs et il n'aurait pas à marcher bien longtemps pour retrouver le chaud d'une petit chambrée miteuse. Son regard fut attiré par une drôle d'enseigne, aux lettres peintes de couleurs vives rouges et vertes et qui indiquaient : Chiko cuistot, le meilleur restau. Un peu prétentieux si vous voulez son avis mais il se fit instinctivement attiré par la curiosité tandis qu'il examinant ce qu'il y avait sur les étalages. Du traditionnel vin chaud et des petits marrons sucrés et roulés dans la neige. Toutefois, il y avait là de singulière pâtisseries en forme de chaussettes et couvertes de sucre glace. Elles sont belles mes chaussettes de Noël, elles sont belles. Venez voir ce que j'ai dans le tiroir !
Il aurait bien tenté d'en récupérer une mais son attention fut rapidement détourné par autre chose. Il y avait là, déambulant dans la rue, un magnifique spécimen de frouska et une sorte de gros loup un peu étrange que Frey fut difficilement en capacité d'identifier. Celui-ci arborait deux gloobies sur la tête le rôdeur fronça les sourcils. Ces choses étaient baveuses et gluantes et il ne fallait pas se fier à leur apparence soit disant mignonne - pas du tout - car elles étaient une des pires espèces invasives, capables de s'adapter et de se décliner dans tous les environnements. Une expérience de mage fou, si vous voulez son avis.
Le frouska était vraiment une belle bête et il appartenait très visiblement à quelqu'un au vu de sa selle.Ça n'empêcha pas Frey de s'approcher un peu plus, adoptant une posture subtilement communicative dans sa gestuelle du corps, un quelque chose auquel les bêtes étaient bien plus réceptives que les humains, aveugles comme des culs de bouteilles. S'approchant sans gestes brusques ni envahir son espace vital, il présenta d'abord sa main paume ouverte à la bête avant de tenter de l'amadouer avec quelques feuilles de verdure qu'il avait récupérées en plus du reste. Il lui aurait bien donné du poisson, mais ces créatures-là ne mangeaient pas de viande.
Il n'avais pas vraiment idée que c'était un familier ni même qu'il pourrait peut être lui répondre. À vrai dire il s'en moquait un peu et Frey partagerait volontiers ses victuailles avec une bestiole. Bien plus difficilement avec un autre humain.
L’argentée avait donc commencé son avancée au travers des étals offrant mets et sucrerie en tout genre. Il y en avait pour tous les goûts allant du sucré au salé, mais restant souvent dans le thème du solstice. Il s’agissait souvent de repas plus convivial regroupant amis et familles autour d’une même table le partager. Malheureusement pour elle, depuis sont départ du temple à ses douze ans, elle n’avait pu revivre ce genre de repas passant pour la plupart du temps le passage à la saison froide seule. Pour une fois, Jaina était sortie de sa petite bulle de confort pour se rapprocher et observer, prenant le temps d’écouter ce que la plupart des gens avaient à lui dire; conseil, critique, description, il y avait de tout.
Un peu plus loin, le lugnipus, légèrement mécontent, avait donc eu pour mission de surveiller les autres. Il savait que les glooby n’iraient pas bien loin, mais pour ce qui était d’Elune, c’était une tout autre histoire. La dernière fois qu’ils étaient passés par ici, elle avait pris la fuite et Jaina et le reste de la bande avait passé un temps fou à la chercher partout dans les rues au point de penser de ne jamais la revoir. Et savez-vous où ils l’avaient retrouvé?! Pratiquement attablé à la table d’un individu qui lui donnait à manger. N’était-ce pas dangereux pour Jaina que de l’avoir laissé simplement avec lugnipus? Oui et non. Elle bâtissait la confiance qu’elle avait avec cette dernière et si elle attendait sagement, elle allait avoir une récompense! Jaina était bien doué pour le renforcement positif, mais qu’est-ce qu’il adviendrait si une personne venait à elle sans qu’elle ne bouge d’un centimètre?
Cobalt n’avait pas bougé d’un poil lorsqu’il avait vu l’homme se rapprocher. Quelque chose chez lui semblait le déranger. Il avait l’apparence d’un humain, mais pourtant l’odeur qu’il dégageait prouvait peut-être le contraire. Est-ce que son nez lui jouait des tours? Dans tous les cas, Jaina n’avait jamais dit qu’il ne pouvait prendre ce qu’on leur donnait n’est-ce pas?
Plutôt timide et curieuse, Elune approcha alors son museau de la main qui lui avait été tendue. Reniflant la verdure, la frouska jeta un bref coup d’œil vers le chef de la bande qui ne fit que hocher la tête silencieusement. Elle ne se fit pas prier et prit en bouche ce qu’on lui avait apporté. Les petits gloobys n’avaient rien manqué de l’échange et semblèrent regardé l’homme d’un air suppliant comme s’ils attendaient à leur tour qu’on leur donne quelque chose. C’est d’ailleurs à ce moment que Jaina revint avec une assiette remplie de victuaille.
« Elune! Toujours en train de manger à ce que je vois! dit-elle surtout sur le ton de la plaisanterie. Si ça continue, je vais devoir enlever la chaussette de Noël à ton nom, puisque tu auras déjà le ventre rond! »
Bien qu’elle ne lui avait donné aucune magie, la créature semblait surprise par l’arrivée de sa maîtresse et se dépêcha aussitôt d’avaler ce qu’elle mâchait.
« Merci, enfin, j’espère qu’ils ne vous ont pas trop embêté… »
Elle tenait de sa main droite, celle qui était couverte de bandage, l’assiette alors qu’elle se positionna pour caresser l’encolure de sa monture de sa main de chair, la sénestre.
« Nous pas bouger! Cobalt surveillé et Elune sage!
- Ah qu’est-ce que je ferais sans toi, han? Commença-t-elle en observant son loup comme une mère regarderait son enfant, puis elle porta ses yeux d’un bleu océan sur Frey de nouveau. Je vois que nous avons eu la même idée. Si vous avez des suggestions, je suis preneuse! Cela fait si longtemps que je n’ai pas eu droit à un tel repas que j’en ai oublié certaines saveurs. »
La demoiselle faisait de son mieux pour essayer de cacher sa maladresse qu’elle avait pour habitude d’avoir lorsqu’il fallait tenir une conversation. Ce n’était pas son point fort et elle était si habituée de voyager en compagnie de familiers qu’elle ne se sentait plus dans l’obligation de parler.
Finalement, elle se jette dans mes bras en pleurant. Je la serre doucement en laissant une certaine forme de soulagement m'envahir. Je viens de me disputer avec mon maître et de lui dire quelque chose d'horrible, je m'en veux terriblement pour cela. Mais la présence de Sio efface tout cela pendant un instant. Je retrouve ma petite sœur adorée après tout ce temps. Je l'écoute à peine alors qu'elle débite une quantité d'informations sans trop de lien, essayant de comprendre ce qu'elle dit. Même si je me sens un peu rouillée, je reprends mon rôle de grande sœur et viens doucement caresser la tête de ma grande perche adorée. C'est qu'elle a encore grandi et maintenant elle doit se baisser pour venir se blottir contre moi. Il est bien loin le petit dragon qui venait se cacher derrière moi ou se blottir contre moi pour le protéger.
Je souris et laisse une petite larme de joie perler sur ma joue. Je viens rapidement l'essuyer avant que le vent de la saison froide ne la fasse geler sur ma peau. Je décolle un peu ma sœur de moi et regarde cette grande pleurnicheuse dans les yeux en souriant. Je viens essuyer ses larmes et la rassurer.
« Je suis réelle. Ça me fait plaisir de te voir Sio... Tu ne peux pas savoir comme tu m'as manqué. »
Je me redresse et reprend mon attitude de grande sœur sûre d'elle. C'est un peu étrange que désormais je me sente petite à côté d'elle, mais il semble que le petit dragonnet n'a pas encore fini de mûrir.
« Je n'ai pas disparu tu sais. J'ai envoyé des courriers à la maison et j'ai même donné mon adresse si jamais tu passais par ici pour une de tes missions... »
J'ai envie de discuter avec elle, qu'elle me raconte ces histoires qu'elle débite à un flux pas vraiment compréhensible, cependant la politesse me rappelle la présence d'Almassar. Je me tourne vers lui en souriant, d'une geste, je lui présente alors la dragonne.
« Almassar, je suis contente de te croiser ici ! J'aurais pu parier que j'allais finir par t'apercevoir, mais je ne pensais pas te voir en compagnie de ma sœur. Sio, voici Almassar, un enchanteur itinérant avec qui je... fais des affaires, on va dire. Almassar, voici ma petite sœur, Sio. »
Je laisse les deux se présenter convenablement, souriant en étant à la fois contente de retrouver ma sœur pour le Solstice et amusée en imaginant ce que l'enchanteur peut penser en réalisant que l'hybride a mes côtés est de ma famille. Alors que je m'apprête à proposer de ne pas rester dans le passage et de plutôt trouver un endroit où discuter un peu, un renard géant me rejoint et vient attirer mon attention. Je cligne un peu de l'œil devant cette vision surréaliste d'un renard polaire géant transportant un enfant pleurnichant tenant une chaussette dans sa main.
J'hésite un instant entre fondre devant cet adorable animal qui semble réclamer mon aide et mon attention et m'intéresser au gamin. Je me baisse au niveau du renard et l'observe, son expression et le fait qu'il fuit ainsi mon regard m'étant étrangement familière. Je penche alors la tête sur le côté et me redresse pour récupérer le gamin encore accroché à son dos. Ce dernier ne semble pas vouloir se décrocher de sa peluche géante et vivante. J'avoue que j'aimerais être à sa place à profiter de son doux pelage... mais je dois faire vite avant que la dragonne m'accompagnant ne se jette sur le pauvre animal sans se soucier de s'il y a autre chose entre elle et l'objet de son affection. C'est qu'elle peut être brute parfois cette grande perche.
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