La Fête du 24

Libre

Dans un coin de la pièce, la petite Chloé, vêtue d’une simple robe blanche, fixait distraitement les allées et venues de toutes les personnes hautes en couleurs qui participaient à la fête. Bien qu’elle trouvait cette dernière divertissante, une partie d’elle en voulait encore énormément à son père de l’avoir traîné ici. C’était bien la peine de l’envoyer à la forteresse pour la punir si c’était pour la rappeler quelques jours plus tard via les portails de téléportation pour assister à cette réunion mondaine. Son paternel souhaitait que ces deux filles soient présentes, il avait bien énoncé quelques raisons mais elles étaient entrées par une oreille pour ressortir par l’autre immédiatement. Sans doute une histoire de bonne impression, pensa-t-elle en louchant vers une table qui présentait divers plats d’hiver.

Elle pouvait y discerner de la confiture de châtaigne ainsi que quelques macarons de toutes les couleurs présentés à la perfection. Était-ce donc ça l’expression mettre les petits plats dans les grands ? En réalité peu lui importait, elle avait réussi à échapper à la surveillance de son père et de sa sœur pour une seule et unique mission qu’elle comptait bien remplir sans faute. Manger le plus possible de confiseries pour bien montrer son désaccord avec son père qui avait tout fait pour essayer de garder une alimentation saine chez la fillette.

Elle attrapa une grosse poignée de macarons qu’elle mangerait égoïstement en essayant de trouver de quoi se divertir jusqu’à la fin de la fête. A son grand regret, elle ne trouva pas de sucres d’orge qui auraient pu l'émerveiller comme jamais. Ou peut-être avaient-ils déjà tous été consommés ? Mais dans ce cas, il était de son devoir de partir à la recherche de ces confiseries sur les autres tables. Peut-être pourrait-elle même demander de l’aide à un serveur pour trouver son objet de convoitise ?

La voix d’un homme qui commença un discours la fit sortir de ses enfantillages. Elle leva la tête pour apercevoir un jeune homme au loin, particulièrement saillant. La salle qui venait d’être plongée dans le noir complet à l’exception du cristal magique qui illuminait le jeune homme à lunettes devait aussi avoir son petit effet.
Il s’exprima sur un jeu de tirage au sort avant d’en annoncer le grand gagnant quelques secondes plus tard, un certain monsieur d’Alton que la petite ne connaissait pas le moins du monde.

Toujours aussi peu mature, elle ronchonna néanmoins de ne pas avoir gagné, même elle ne connaissait rien du tirage au sort ni de ce que cela impliquait. Heureusement, elle fut rapidement éveillée de ses songes par une véritable tornade qui traversa la salle en bousculant quelqu’un. La pauvre femme qui semblait empressée au possible en jeta même ses chaussures pour prendre de la vitesse ce qui interpella imméditament l’enfant. Un sourire sur le visage, elle se décida à suivre cette dernière en mettant le plus de macarons dans sa bouche pour ne pas en gâcher. Elle pensait avoir trouvé quelque chose d’amusant qui pourrait la divertir durant cette longue soirée. Elle passa devant une table offrant divers sucres d’orge et l’enfant se stoppa quelques secondes hésitante. Les sucreries l’appelaient certes avec ferveur, mais elle était bien trop intriguée par le comportement soudain de cette femme pour l’ignorer. C’était là un appel à l’aventure !

Se faisant violence, elle ignora les bonbons pour poursuivre de nouveau la noble sans chaussure et finalement ralentir en voyant cette dernière s’arrêter en rattrapant un serveur avant de lui reprocher certaines choses dans un ton mêlant tristesse et colère.
L’enfant qui se rendait compte qu’il pouvait s’agir là d’une discussion bien plus personnelle qu’elle ne l’aurait pensé en premier lieu, le genre de discussion que l'on voulait peut-être garder privée, hésita un moment à faire marche arrière. Malheureusement, elle était bien trop curieuse pour se décider à repartir maintenant. Elle essaya de se faire relativement plus petite qu’elle ne l’était pour épier les deux personnes. La noble semblait sous-entendre qu’elle n’était pas humaine en temps normal ce qui suffisait à alimenter la curiosité de l’enfant qui en voulait désormais encore plus. Et puis elle avait abandonné les sucres d'orge, il fallait donc rentabiliser son choix.

La Fête du 24

Libre

La petite qui faisait preuve d’une certaine concentration à épier les deux inconnus ne remarqua pas l’homme qui venait de se baisser à sa hauteur prétextant détenir quelque chose lui appartenant. Chloé qui ne s’y attendait pas le moins du monde, sursauta de surprise en laissant échapper un inaudible cri de surprise en manquant de tomber à la renverse. Son cœur battant à tout rompre, elle essaya de comprendre ce qu’il était en train de se passer. Une main sur ce dernier et respirant rapidement elle décida de se pincer le bras pour s’aider à reprendre une certaine contenance. Elle aurait aimé se mettre à exploser d’un rire jovial en félicitant le nouveau venu pour lui avoir fait aussi peur mais elle ne put s’y résoudre. Elle baissa tout d’abord les yeux avec un petit regard morne. Elle ne devait pas faire honte à son père, il avait bien été clair sur ce point là. Elle avait certes réussi à lui fausser compagnie dans la foule festive pour manger tout plein de sucreries, mais jamais elle n’aurait eu le cran de vraiment se faire remarquer le sachant non-loin.

Elle tenta de se souvenir tant bien que mal de la réponse la plus appropriée à employer en récupérant ce que l’adulte lui avait tendu en baissant la tête en signe d’excuse.
“Je vous prie de bien vouloir excuser ma sottise messire, dit-elle d’une petite voix. Je ferais plus attention à mes affaires.”
Elle ne réalisa qu’une fois après avoir parlé qu’elle n’avait pourtant égaré aucun objet. Fronçant les sourcils, elle releva la tête pour fixer à tour de rôle l’homme et le paquet qu’il venait de lui tendre. Un homme fin et d’une élégance rare dont la voix était empreinte d’une certaine douceur qui n’était pas sans lui rappeler celle de sa meilleure amie tisseuse de verre. Elle resta bête un long moment avec de grands yeux à regarder cet homme raffiné avant de dérober l’intérêt de son regard à l’attention de ce qu’elle tenait désormais dans le creux de sa main.

Il s’agissait là d’une somptueuse boîte aux couleurs rappelant les fêtes d'hiver, remplies d’un bon nombre de sucreries en tout genre. Chloé qui resta encore béate quelques instants, n’arrivant pas à accepter l’idée qu’un inconnu venait de lui offrir des bonbons, dont les fameux sucres d’orge qu’elle avait tant cherché. Puis son cerveau se remit enfin en marche et ses joues s’empourprèrent rapidement. Elle plongea son regard dans celui du charmant homme et tenta de balbutier quelques mots qui à son grand regret furent totalement incompréhensibles.
Elle baissa de nouveau la tête couverte de honte. Elle avait été surprise et bien ridicule devant lui et maintenant voilà qu’elle perdait la totalité de ses moyens.

Fâchée contre elle-même, elle pensa tout d’abord à reporter la faute sur l’adulte. Elle voulut le traiter de vil coquin mais ne put s'y résoudre. Après tout, ce dernier lui avait fait un don inestimable et elle pouvait se rendre compte au ton de sa voix qu’il n’était pas venu dans le but de la nuire. Mais il était particulier. Elle ne savait mettre le doigt sur ce qui l’embêtait, mais elle avait un certain mal à soutenir son regard. Baissant la tête de nouveau avec un petit sourire idiot sur le visage, elle ouvrit la boite pour croquer dans un sucre d’orge et se redonner des forces. Elle remonta ses lunettes en même temps que sa tête pour sourire à l’individu.

“Merci beaucoup messire ! s’exclama t-elle en retrouvant peu à peu son ton habituel, oubliant d’y mettre les formes. Vous parlez drôlement bien, Père serait content si j’arrivais à faire le quart de ce que vous faites avec l’ordre des mots. Alors pour vous remercier, tenez !”
Elle fouilla dans le petit coffret festif pour y déceler le plus gros et plus beau sucre d’orge de la boîte avant de le tendre à son interlocuteur avec un petit sourire gêné.
“Je me sentirais mal de tout manger en solitaire, expliqua-t-elle essayant de trouver une raison réfléchie à son geste. Alors euh… euh…”
Elle détourna de nouveau le regard en se remémorant ce que lui avait demandé l’adulte. Elle était bien obligée de lui raconter la vérité, sans quoi ce dernier aurait très bien pu la mettre hors de la fête, ou partir à la recherche de son père. Et si ce second cas venait à se produire, elle se retrouverait dans une très fâcheuse posture. Elle savait déjà qu’elle se ferait taper sur les doigts pour s’être éloignée de son père au sein de la fête. Mais elle préférait remettre au plus tard possible le moment où elle se retrouverait punie encore plus. Elle se décida alors à lui raconter une demie-vérité.

“Eh bien… je suis venue avec mon père et ma grande sœur, commença-t-elle assurée avant que ne vint le mensonge, ce qui fit partir sa voix dans un désordre de tonalité. I-il a bien voulu que j’aille chercher un coin avec des friandises. O-ou peut-être de quoi me divertir. Il est quelque part au sein de la fête. N-ne vous en faites pas, il est parfaitement au courant.”
Elle marqua une longue pause, n’osant pas le regarder étant une bien piètre menteuse avant de reprendre.
“La fête est bien. Enfin, j’aime beaucoup les bonbons sur les tables mais je dois avouer que… je m’ennuie un petit peu.”
Elle eut envie de se pincer de nouveau. Quelle idiote ! Ce n’était pourtant pas des choses à dire, surtout vis-à-vis d’une fête organisée par la couronne.
“E-enfin, c’était une blague, essaya-t-elle de se rattraper lamentablement aux branches. Oui la fête est vraiment bien.”

[Elle soupira furtivement, agacée par sa propre bêtise qui la rendait un peu plus honteuse devant ce gentilhomme. Grattant le couvercle de la boîte pour dissimuler sa gêne, elle en sortit une jolie écharpe rouge parcourue de petites constellations blanches. L'assortiment de confiserie que lui avait offert l’adulte avait un petit compartiment contenant un petit vêtement festif aléatoire. Chloé qui était tombée sur une écharpe, l’enroula autour de son cou. Elle se sentait un peu plus courageuse avec cette écharpe qui faisait office d’armure et parvint à fixer de nouveau le garçon.]

“Veuillez m’excuser messire, ajouta-t-elle alors. Je ne me suis pas présentée. Je m’appelle Chloé ! Et vous ? Vous êtes venu seul ou pas ?”
Elle espérait secrètement que cela soit le cas, ainsi elle pourrait peut-être engager la conversation et trouver quelque chose à faire. S’il y avait bien quelque chose que l’enfant détestait par dessus tout, c’était de se retrouver à devoir attendre sans ne rien pouvoir faire.
Elle afficha un léger sourire en repensant à son frère qui disait qu’elle n’était qu’une pile magique d’énergie avant de se concentrer de nouveau sur l’adulte qui lui faisait perdre bon nombre de ses moyens.

Elle ne savait pas réellement s’il s’agissait de son cadeau, de son ton mélodieux ou encore son apparence ravissante ou même un peu des trois, mais elle avait du mal à garder son calme devant lui.

La Fête du 24

Libre

La petite se balança timidement d’avant en arrière. Les mains cachée derrière le dos, elle continua de regarder l’adulte qui s’était présenté sous le nom de Chess essayant de comprendre cet étrange sentiment qu’elle devait supporter depuis sa rencontre avec ce dernier. Ayant un certain mal à penser clairement, elle passa une main dans son écharpe pour l’arranger et tenter de faire disparaître un peu de la gêne qu’elle ressentait.
Il lui avait conseillé de parler un peu plus naturellement et ce, sans craindre la moindre remontrance de sa part. Chloé cligna des yeux quelques fois avant de réajuster ses lunettes pour essayer de se prouver qu’elle ne rêvait pas. Devenant un peu plus écarlate, elle afficha un grand sourire angélique, lâchant peu à peu sa posture bien droite qui lui faisait plus mal au dos qu’autre chose.

“Merci monsieur ! s’exclama-t-elle. Moi j’aime vraiment pas parler de façon compliquée. Après je me retrouve à perdre mes mots, et je perds peu à peu le fil de la conversation. Je préfère pouvoir être libre, autant dans ma façon de parler que de me vêtir ou de me comporter. Mais…”
Elle baissa légèrement la tête pour frotter un peu le sol de son pied.
“Je me rends bien compte que ça gêne beaucoup mon père que je me comporte ainsi, déjà qu’il m’en veut beaucoup pour quelques petites bêtises de rien du tout que j’ai faites comme par exemple faire semblant d’être somnambule pour piquer des biscuits dans les cuisines... Il aimerait que je sois aussi sage et parfaite que ma grande sœur mais c’est vraiment compliqué pour moi. Je pensais qu’il y aurait d’autres enfants pour jouer, mais les seuls que j’ai croisé restent avec leurs parents et m’ont regardé de haut lorsque je leur ai adressé la parole.”
Elle marqua une longue pause, continuant de fixer le gentilhomme. Elle eut envie de se remettre à parler à en avoir la gorge sèche, car il n’y avait bien que comme ça qu’elle savait s’exprimer. Mais d’un autre côté, elle n’avait pas envie de l’embêter avec ses problèmes qu’il jugerait probablement enfantin. Peut-être même aurait-il pitié d’elle ? Elle ne pouvait pas laisser cela arriver ! Elle décida donc de garder pour elle ce qu’elle pensait au sujet de se retrouver à incarner une personne qu’elle n’était absolument pas en essence.

Au sein de cette fête, la fillette se sentait perdue. Elle n’était clairement pas à sa place ici et ne comprenait pas comment les autres enfants parvenaient à ne pas craquer sous la monotonie. Elle avait besoin de courir, d’escalader, de partir explorer n’importe quel recoin !
Heureusement pour elle, il y avait cet homme qui lui faisait perdre ses mots et accélérait les battements de son cœur pour une raison qu’elle ignorait de par sa naïveté juvénile. Elle était à la fois affreusement gênée de se retrouver devant lui, se demandant si elle ne l’embêtait pas de par sa présence ou encore si elle était assez bien coiffée. Des questionnements qui étaient habituellement pour elle inconnus en temps normal. Troublée, elle remonta légèrement son écharpe pour masquer à moitié son visage empourpré, ne laissant dépasser que ses lunettes qui protégeaient ses yeux de jade.

Le coupable qui faisait perdre le fil de ses pensées à l’enfant se présenta sous le nom de Chess avant d’ajouter qu’il était effectivement venu seul, ce qui fit naître sur les lèvres de la petite noble un petit sourire idiot caché derrière l’écharpe. Elle allait donc pouvoir rester avec lui le temps de la fête. Elle essaya de se convaincre que c’était pour trouver une occupation et quelqu’un avec qui parler, mais elle ne put se mentir quant à ce que faisait ressentir ce garçon chez elle.
Elle souhaita répondre bien vite avec enthousiasme, toutefois une serveuse s’immisça dans la discussion pour proposer une boisson pétillante et autres joyeuses sucreries chocolatées.
La petite qui était une véritable gloutonne commença à hocher la tête bien vite avant de se stopper avec une netteté déconcertante en fronçant les sourcils. Monsieur Chess avait répondu que les chocolats n’avaient pas de raison d’être de mise et la petite qui pour une raison encore inconnue voulait se faire bien voir par ce dernier renchérit en essayant de reprendre un ton plus calme.

“Oui vous avez raison monsieur Chess. Il est évident que la limonade est un excellent choix pour aider la digestion, malheureusement, nous allons devoir nous passer de ces précieux chocolats qui pourtant avaient l’air bien appétissants. De plus, le plat principal ne saurait tarder.”
Elle hocha la tête avec un sourire satisfait comme pour se rassurer elle-même de son choix bien que les chocolats lui donnaient une certaine envie qu’elle ne pouvait satisfaire dans l’immédiat. Faisant preuve d’un certain brio dans la maîtrise de sa faim abyssale, elle détourna les yeux des chocolats pour récupérer la limonade avec un sourire.

“Merci madame, entonna-t-elle avant de baisser son écharpe pour boire activement la limonade, manquant de s’étouffer au passage. Elle est sacrément bonne. Et euh… pétillante !”
Elle soupira silencieusement en se félicitant sarcastiquement. Bravo Chloé ! pensa-t-elle en colère contre elle-même. Forcément que la limonade allait être pétillante !
Elle lança un regard à monsieur Chess pour vérifier qu’il ne se moquait pas d'elle, ce qui l’aurait bien gênée, avant de se retourner vers la gentille serveuse alors que le plat de résistance commençait à être apporté dans la salle. Son ventre qui semblait être un trou sans fond lui intima d’aller goûter ce fameux plat principal. Elle se tourna vers le garçon.

“Monsieur Chess ! s’exclama-t-elle. Allons manger ! Enfin, si vous voulez bien.”
Ses joues s’empourprèrent légèrement avant qu’elle ne se tourne vers la demoiselle qui avait été drôlement sympathique. L’enfant qui se voyait mal jeter quelqu’un en l’abandonnant lui afficha un sourire.
“Si vous avez faim vous devriez venir manger avec nous ! Suivez le guide !”
Elle commença à marcher joyeusement vers les couverts en vérifiant si les deux personnes la suivaient, ne voulant pas se retrouver seule de nouveau.
Elle fit un petit détour par l’imposante cheminée se réchauffer succinctement, remontant un peu ses chaussettes. Elle pensa alors à la tempête qui avait jeté ses chaussures pour rejoindre le serveur. Elle espérait qu’elle n’avait pas froid aux pieds à présent. Elle se tourna vers monsieur Chess et la serveuse.

“Il y avait une drôle de femme tout à l’heure, expliqua-t-elle. Elle a jeté ses chaussures quelque part dans la salle, il faudra bien qu’elle pense à les récupérer, sinon elle sera bien embêtée. Enfin, c’est pas super important ! Allons manger !”