La Fête du 24

Libre

Toujours profondément endormie, la petite continuait de courir, danser et se faire des câlins avec les adorables rennes. Elle appréciait spécialement cacher son visage contre leur imposante fourrure pour le frotter activement. Tout semblait si réel pour l’enfant qui ne se rendait pas compte qu’elle nageait toujours en plein rêve alors que son corps se trouvait désormais dans un confortable lit dont elle prenait la couverture pour un renne friand de câlins. Elle divaguait dans son sommeil et parlait d’une toute petite voix endormie.
“Laisse moi grimper sur ton dos… je veux toucher les étoiles…”

Dans son rêve, elle grimpa sur le dos d’un renne qui s’envola lentement en direction des astres stellaires. Chloé ne s’en rendait pas compte, mais le champagne qu’elle avait ingéré devait réellement être un grand cru pour offrir un rêve qui l’émerveillait autant.
Approchant du firmament, elle tendit lentement la main pour effleurer les étoiles qui glissèrent contre ses doigts telle un ruisseau qui jusqu’alors n’avait jamais été dérangé. Elle en retira sa main, et les lumières célestes retrouvèrent leur calme. Posant sa tête contre celle du joyeux renne qui la portait, elle entreprit d’ouvrir son cadeau pour y découvrir une magnifique paire de moufles beiges sur lesquels des visages d’animaux du solstice d’hiver étaient représentés. Elle les enfila joyeusement avant de commencer à entamer une descente vers le sol.

Toutefois quelque chose clochait, le renne accélérait de plus en plus en plus alors qu’ils se rapprochaient dangereusement de l’imposante couche de neige qui couvrait le sol.
“P-pas si vite ! s’écria t-elle en sentant son coeur s’emballer de peur. On va s’écraser !”
Mais le renne n’en fit qu’à sa tête. Il plongea encore plus vite. Peu à peu, il commença à prendre feu en lâchant un cri de souffrance distordu alors que ses yeux disparaissaient pour ne laisser que deux orbites parfaitement vides. Les autres rennes avaient disparus et l’horizon commença à s’assombrir. La petite commença à crier de tout son être. Totalement effrayée par ce rêve qui s’était transformé en cauchemar. Elle percuta finalement le sol avec fracas ce qui la sortit de ses songes au même instant.

Elle se mit à hurler en se relevant dans ses draps. Se battant contre la couette qui la recouvrait. Elle étouffait, confuse, elle avait besoin d’espace. Besoin de voir la lumière. Besoin de respirer.
Après un combat de longue haleine, elle parvint à faire voler sa couette au pied de son lit avant de respirer de grandes bouffées d’air, trempée par la transpiration et tremblotante comme jamais. Elle commença à parcourir la salle du regard pour comprendre ce qu’il était en train de se passer et pu apercevoir monsieur Chess dans un lit ainsi que la gentille serveuse de tout à l’heure, assise proche du lit de ce dernier. Le garçon étant entrain de dormir, elle quitta son lit en pleurs pour courir vers la demoiselle et espérer trouver une figure rassurante. Malheureusement, un mal de crâne soudain la heurta et elle tomba pile aux pieds de cette dernière. C’était la première fois qu’elle expérimentait les contre coups de la boisson et le résultat était loin d’être plaisant. Ce fût la peur qui lui donna suffisamment de force pour se relever.

“Madame Psolie ! Madame Psolie ! appela-t-elle en panique la gentille serveuse. Les rennes de feu arrivent ! Ils veulent nous faire du mal ! Ils vont tout brûler sur leur passage ! Je les ai vus ! Il y avait les étoiles et la neige et euh… euh…”
S’embrouillant l’esprit plus qu’autre chose, elle se tut en se cachant contre la serveuse. Trop terrifiée pour parler et le mal de crâne n’arrangeant rien.

La Fête du 24

Libre

L’enfant se réfugia dès que possible dans les bras de la serveuse qui la garda contre elle. Entendre les battements de cœur de sa protectrice de fortune aida l’enfant à recouvrer peu à peu son calme. Encore totalement déboussolée mentalement, elle parvint par automatisme, comme un geste inconscient de survie, à faire sonner son cœur sur la même fréquence que celle de l’adulte. Lentement mais sûrement, Chloé retrouvait une respiration bien moins chaotique. Les images cauchemardesques des rennes infernaux sillonnaient toujours son esprit mais elle parvenait à se rassurer, se prouver qu’elle était en sûreté dans les bras de cette femme. Elle lui avait offert un délicieux breuvage quelques minutes plus tôt et voilà qu’elle lui confiait désormais un bastion sûr et implacable dans lequel la petite pu prendre tout le temps nécessaire à l’accalmie.

Ses tremblements finirent par s’estomper progressivement, mais l’enfant ne voulait pas quitter les bras de l’adulte. Gardant les yeux fermés un moment, elle profitait de ce qui se rapprochait d’un amour maternelle qu’elle manquait cruellement dans son quotidien. La gentille dame au nom amusant n’était pas sans lui rappeler Ivara qui avait su se faire apprécier chez la fillette en un temps record. Chloé se questionna un moment en silence, ne laissant que le bruit de son souffle faiblement agité. Le monde était définitivement bien merveilleux et les personnes qui le composaient étaient toutes réellement fantastiques. Alors pourquoi ne pouvait-elle pas vivre cela au sein de sa propre famille ? Qu’est ce qui clochait chez elle ?
Elle offrit à Psolie un sourire empreint de remerciement, le regard encore un peu vide. Cette dernière récupéra Chloé dans ses bras qui ne s’en offusqua guère. pouvant ainsi se sentir un peu plus en sûreté. Elle garda néanmoins un demi-oeil ouvert pour surveiller la demoiselle. De sorte à ce qu’elle ne prenne pas feu comme son ami le renne d’il y a peu.

Elle se sentit être déposée sur le lit avant que la clarté ne s’offre de nouveau à son champ de vision. Etant particulièrement myope sans ses lunettes, elle eut l’impression de faire un pas de plus en direction de la réalité. Sa tête douloureuse lui infligea un léger soubresaut qui se calma bien vite en sentant l’adulte veiller sur elle, lui offrant un baiser sur la tête. La petite qui se sentait encore un peu fébrile, explosa en sanglots en s’accrochant à la main de la serveuse lorsque cette dernière. Elle ne voulait pas que cette dernière parte. Bien que son dialecte fut encore confus, l’intention était là. Elle ne voulait pas quitter les bras de l’adulte.
Comme pour répondre à cette problématique, la demoiselle lui accrocha au poignet un foulard particulièrement soyeux, d’un rouge intense. La petite fixa ce dernier avec de grands yeux avant de reporter son attention sur la serveuse qui commençait à s’éloignait.

Reniflant légèrement, la fillette lui promit d’être courageuse et qu’elle veillerait sur son foulard le temps de son retour. Toutefois, elle ne pu s’empêcher de lui rappeler d’être extrêmement cautionneuse concernant les rennes infernaux. Qui savait quels plans infâmes ces engeances démoniaques pouvaient bien préparer. Les membres de la fête étaient peut-être même en danger ! Elle ajouta finalement une seconde demande lorsque Psolie fut sur le pas de la porte. Celui de revenir bien vite.

Puis ce fut le silence. Monsieur Chess était encore totalement assoupi et l’enfant sursautait au moindre bruit qui provenait de derrière la porte. Elle tira la couverture contre elle, ne laissant dépasser que ses yeux de cette dernière pour fixer avec intensité la seule entrée après s’être assurée qu’il ne se trouvait aucun renne infernal caché dans un coin sombre de la pièce.

Les courtes secondes parurent à l’enfant une véritable éternité et finalement, lorsque la porte commença à s’ouvrir, la petite attrapa son oreiller contre elle, prête à user de la force contre la créature du mal si cette dernière avait la folie d’entrer. Bien évidemment, ce comportement avait pour seul but de se rassurer personnellement car elle se serait vite cachée de nouveau si l’un de ces monstres était entré.

Par chance, ce fut mademoiselle Psolie qui passa la porte ce qui évita à l’enfant de jeter son oreiller pour le garder contre elle. Chloé inspecta rapidement le barda que transportait sa protectrice avant de la rejoindre péniblement et de s’emparer du verre translucide qu’elle lui tendit. La petite avala le contenu de ce dernier avec une avidité certaine et manqua même de s’étouffer. Elle commença à tousser en se tapant légèrement le torse pour faire passer l’eau qui la revigorait et l’aidait à revenir peu à peu vers le monde des vivants. Sans émettre le moindre questionnement, la petite avala avec la même ardeur le second verre d’eau que la serveuse lui tendit.

Quelques secondes après, Chloé qui hésitante avait peur de dessiner ce qu’elle avait vu, trouva le courage nécessaire en grimpant sur les genoux de l’adulte. Elle leva la tête pour la regarder un long moment avant de poser la mine de son crayon sur le papier. Son tracé était loin d’être magnifique, au contraire il était assez grossier et enfantin mais elle commença à dessiner la source de tous ses malheurs. Le renne infernal.
Elle lui ajouta néanmoins des piques sur le dos, des épées dans les sabots et le représenta même crachant du feu pour accentuer son côté terrifiant. Elle expliqua à Psolie ce qu’elle avait vu. Comment la fête avait laissé place à un carnage sans précédent. Comment le monstre l’avait entraîné vers le sol dans une course mortelle.

En parler et dessiner ses peurs eut un effet bénéfique sur la petite qui était de nouveau presque entièrement calme dans les bras de Psolie. Peu à peu, elle se rendait compte que beaucoup de choses qu’elle avait vécu avec les rennes clochaient. S’éveillant totalement, elle fixa sa protectrice avec de grands yeux. Elle voulu lui demander si elle aussi avait pu voir ces abominations mais c’est à ce moment précis que monsieur Chess se réveilla.
L’enfant tira le bras de sa nouvelle amie pour lui montrer du doigt le garçon. Lui aussi aurait besoin d’eau ! Peut-être avait-il été attaqué par les rennes lui aussi ? Voulant bien faire et montrer à Psolie qu’elle lui était reconnaissante, elle l’aida à offrir le breuvage salvateur à monsieur Chess. Récupérant son coussin pour le placer derrière le dos de ce dernier. L’aidant à se redresser contre le haut de son lit. Le pauvre n’avait vraiment pas l’air dans son assiette. Elle voulu faire comme les grands et prendre sa température en posant une main sur son front avant de se rendre compte que n’ayant jamais fait cela, elle était bien en peine de dire si ce dernier était réellement fiévreux ou non.
Aidant Psolie, elle continua de remplir des verres d’eau jusqu’à ce que le garçon demande grâce. Lui demandant si ce dernier commençait à se sentir mieux.

La Fête du 24

Libre

”Monsieur Chess ! Monsieur Chess ! s’écria l’enfant en lui tirant le bras dans tous les sens, oubliant ainsi son état. Vous aussi vous vous êtes fait attaquer par les rennes infernaux ?! Ils sont vicieux et particulièrement malfaisants, je pense qu’ils ont dû profiter de l’accalmie générale et de la pénombre pour se faufiler au sein de la fête et nous attaquer par surprise ! Heureusement, madame Psolie nous a sauvé la vie ! C’est une super serveuse héroïque ! Je l’ai déjà prévenu pour les rennes, mais elle n’en a pas vu un seul, ils doivent se cacher en attendant leur heure. Ou alors ils ont pris la fuite comme les lâches qu’ils sont ! Lorsqu’ils ont vu qu’ils ne pourraient rien nous faire car nous sommes bien trop résistants et bornés pour eux, ils ont dû repartir dans leur pays. Celui du Noël inversé. Un pays atroce où ils servent votre jumeau maléfique Ssehc ! Ensemble ils piègent les gens en leur offrant des cadeaux magnifiques qui sont en fait des pièges. Ce sont des portails qui mènent vers leur monde inversé. Un monde terrible où le feu brûle à perte de vue ! C’est pour cela que vous devez réellement faire attention comme jamais monsieur Chess !”

Elle se tut succinctement pour reprendre son souffle continuant de laisser libre cours à son imagination débordante.
“Ils ont réussi à me piéger là bas ! Et j’ai bien failli me faire dévorer ! Le renne voulait m’écraser sur le sol ! Heureusement, madame Psolie a réussi à me faire revenir ici. Dans le lit d’à côté. Puis elle m’a donné de l’eau. La même que je vous donne ! On a même fait des dessins après ça ! Elle est vraiment sympa !”
Ayant enfin laissé ses peurs derrière elle grâce aux dessins et câlins de la serveuse, elle se tourna vers cette dernière.
“Merci beaucoup madame Psolie ! s’exclama t-elle avec un grand sourire empreint d’une reconnaissance certaine. Vous… vous allez pas répéter à tout le monde que j’ai eu un tout petit peu peur, promis ? C’était juste une toute petite frayeur de rien du tout, d’abord. Et si jamais les gens apprenaient que j’ai eu peur, ils vont venir me traiter de froussarde. C’est que j’ai une image de vaillante exploratrice sans peur à faire respecter moi ! Ne le dites surtout pas à mon père s’il vous plait… je ferais ce que vous voulez en échange. Promis…”

Evidemment, la raison première pour laquelle elle ne voulait pas mettre son père devant la vérité n’avait strictement rien à voir avec le courage qu’elle voulait démontrer. Elle savait que sa punition qui allait déjà être sévère n’en serait que plus corsée si son paternel venait à apprendre qu’elle causait des soucis à monsieur Chess ainsi qu’aux différents serveurs. Ainsi, elle préférait garder ce petit interlude pour elle.
“Et puis, faut vraiment pas le dire, continua-t-elle en agitant légèrement les bras. Monsieur Chess aussi n’a pas envie que les gens sachent qu’il s’est effondré je pense !”

Elle frappa finalement dans sa main avec une grand sourire.
“Je sais ! s’écria-t-elle avec force. Pour sceller cette promesse, je propose que nous mangions tous un chocolat pétillant ! Premièrement parce qu’ils ont l’air fortement appétissants, mais aussi comme preuve que personne n’ira cafter ce qu’il s’est passé ! C’est à nous trois de débusquer les diaboliques rennes infernaux qui se cachent encore ici ! Je suis sûre qu’on pourra les attraper en y mettant du notre !”